Doctorant, politiques publiques comparées, Université McMaster
Que faire ?
« En votant pour un parti ne représentant qu’une portion du pays et n’aspirant qu’à un rôle d’opposition, vous vous excluez du pouvoir. Par ce nationalisme d’ailleurs, et bien qu’elle représente en fait les valeurs dont vous êtes porteurs, vous priverez la gauche de l’appui dont elle a besoin, contribuant de fait à la réélection des conservateurs. Qui plus est, vous ne commettrez là qu’une erreur stratégique de plus, l’indépendance politique ne pouvant être promue efficacement qu’à l’échelle de ses requérants ; pire encore, vous ne pourrez que vous éloigner de ce but en participant à légitimer un système que vous aspirez à quitter. »
Ces arguments sont évidemment familiers : ce sont les plaidoyers qu’entendent en boucle les Québécois depuis plus de vingt ans et encore une fois, dans le cadre de la campagne en cours. Or c’est aussi, pratiquement mot pour mot, ce que l’establishment unioniste a servi aux Écossais le printemps dernier, dans les semaines ayant précédé cet extraordinaire pied de nez qu’aura été l’élection de 56 députés nationalistes (SNP) sur une possibilité de 59 lors des élections britanniques du 7 mai. Il se sera agi d’un véritable coup de tonnerre : bien qu’y participant depuis les années 1930, le SNP n’y avait auparavant jamais récolté plus d’une dizaine de sièges. À l’évidence, nationalistes et progressistes n’auront pas été dupes des logiques fallacieuses de ceux qui, il y a un an à peine lors du référendum, leur reprochaient de toute façon déjà d’agir à l’échelle écossaise.
Tous ces arguments ont d’ailleurs été démentis depuis, certains le soir même du scrutin, les autres au cours des cent premiers jours d’activité de la nouvelle députation écossaise. En transférant par exemple les 56 sièges remportés par le SNP aux travaillistes, ceux-ci n’en auraient obtenu au total que 288 à l’échelle britannique, bien moins que les conservateurs de David Cameron qui en avaient glané 330, mais un seul au-delà du mur d’Hadrien. Le message a été à ce point brutal que l’ex-premier ministre Alex Salmond s’est permis de s’en moquer en soulignant qu’il y a désormais autant de pandas géants au zoo d’Édimbourg qu’il y a de travaillistes et de conservateurs écossais à Westminster. Pour ce qui est de la division du vote « progressiste », il faudra repasser. D’autant plus que, beaucoup s’entendent pour le dire en Écosse, les travaillistes écossais l’ont bien cherché en se campant à la droite du SNP depuis des années.
Évidemment, ces dernières élections britanniques ont eu lieu dans un contexte particulier. Elles ont porté en partie sur les réformes constitutionnelles proposées par la « commission Smith » établie au lendemain du référendum, qui accorderaient à l’Écosse une autonomie relativement substantielle, mais demeurant bien à court de ce que les trois quarts des Écossais souhaitent. De la perspective des nationalistes, elles auront également servi à préparer le terrain en vue des élections écossaises de mai prochain, alors que le SNP accroîtra selon toute vraisemblance sa majorité à Holyrood. Malgré tout, ce résultat et le travail parlementaire effectué par le contingent écossais depuis sont potentiellement riches en enseignements, alors que le Québec s’apprête à emprunter la voie inverse et que beaucoup de souverainistes se demandent si cela est, ou non, une mauvaise nouvelle.
Plusieurs sondages consécutifs ont confirmé cette tendance, visiblement assez lourde : au Québec, le NPD bénéficierait de l’appui d’entre 40 % et 50 % des électeurs, contre seulement de 15 % à 25 % pour le Bloc québécois. Déjà largement majoritaire au Québec, le NPD peut ainsi espérer y remporter entre 55 et 70 sièges en octobre, ce qui lui permettrait probablement de former un gouvernement minoritaire. Cela pourrait-il même le faire accéder à la majorité ? À l’heure actuelle, en plus des 125 à 140 sièges que les projections lui accordent, une dizaine de comtés additionnels semblent « prenables » pour le NPD dans l’ouest du pays, de même qu’une dizaine en Ontario et au moins 5 dans les Maritimes. Or, avec de 150 à 165 députés, le NPD demeurerait à court du nombre magique : 170.
Conséquemment, une majorité néodémocrate apparaît improbable même en comptant sur une députation québécoise record et en présumant que les mouvements d’opinion favorisent le NPD partout au pays d’ici au jour J. Puisque près de la moitié des sièges néodémocrates risquent d’être situés au Québec au lendemain du 19 octobre, s’il advenait que le Bloc en dérobe à l’inverse une dizaine ou plus, l’avènement d’un gouvernement minoritaire du NPD serait possiblement mis en péril. Voici le choix devant lequel les Québécois, et les souverainistes en particulier, semblent donc placés : en votant massivement en faveur du NPD, ils favoriseront l’avènement d’un gouvernement néodémocrate minoritaire, mais aussi d’une opposition composée d’une députation québécoise minime, divisée et donc insignifiante. Or, s’ils retournent au Bloc en nombre suffisant, ils pourraient se retrouver face à un gouvernement conservateur, mais constitueront une part importante de l’opposition par l’entremise de deux partis aux positions à plusieurs égards relativement compatibles. Alors, que faire ?
La question du vote « stratégique »
Pour répondre à cette question, il faut bien voir qu’il existe en fait une troisième possibilité, qui devrait constituer le cœur d’une éventuelle stratégie nationaliste et progressiste : il n’est pas exclu, en effet, que l’élection de dix à quinze bloquistes et d’une cinquantaine de néodémocrates ou plus permette tout de même la formation d’un gouvernement minoritaire du NPD. Non seulement cela permettrait-il au Bloc de renaître, ce qui n’est pas négligeable dans un contexte où sa dissolution est une possibilité réelle, mais une telle députation lui accorderait un poids médiatique et par conséquent une influence politique raisonnables, peut-être même jusqu’à la balance du pouvoir. Le nouveau gouvernement « progressiste » n’aurait ainsi le plus souvent d’autre choix que de s’assurer de respecter les exigences du Québec afin d’obtenir le soutien parlementaire nécessaire à la mise en œuvre de son programme, ce qu’une partie importante des députés libéraux lui refuserait sans doute fréquemment.
Même en tenant compte de la division du vote à l’extérieur du Québec, un tel résultat demeure possible. Outre le fait qu’il s’agisse de l’éventualité la plus souhaitable, la raison principale pour laquelle cela devrait être l’objectif d’un vote stratégique consiste en ce qu’un tel objectif n’est incompatible ni avec la première possibilité susmentionnée, peut-être préférable d’un point de vue « progressiste », ni avec la seconde, probablement plus désirable pour une majorité de nationalistes. Une telle stratégie favoriserait quelque peu la deuxième, mais n’exclurait absolument pas la première. Comment cette stratégie sortirait-elle les souverainistes du dilemme auquel ils font face ? En fait, l’avance du NPD dans beaucoup d’endroits au Québec est telle que la réponse est simple : une telle stratégie permettrait de voter massivement Bloc à peu près partout – et en particulier là où il a de raisonnables chances – sauf dans les quelques comtés où la course NPD/PLC/PCC s’annonce serrée.
Concrètement, cela signifie que tous les souverainistes puissent continuer à appuyer le Bloc de façon tout à fait rationnelle, en particulier dans les comtés où une victoire n’est pas exclue : Avignon, Beauport-Charlevoix, Bécancour, Berthier, Chicoutimi, Gaspésie, Joliette, Laurentides, Laurier, Verchères, Richmond, Sherbrooke, Saint-Maurice, Pointe-de-l’Île, Montarville, Rimouski, St-Jean et Salaberry, par exemple. En revanche, nous reconnaîtrons que des victoires libérales et conservatrices ne serviraient les intérêts ni du mouvement souverainiste ni du Québec. Par conséquent, là où les néodémocrates font bonne figure, un vote concerté en faveur du NPD semble indiqué : on peut penser aux Alfred-Pellan, Bellechasse, Brome-Missisquoi, Dorval, Honoré-Mercier, Jonquière, Lac St-Jean, Lévis, Louis-St-Laurent, Montmagny, Pontiac, Ville-Marie et Vimy. Les souverainistes favoriseraient ainsi l’avènement de ce qui semble être, dans la mesure de ce qui apparaît possible, le dénouement le plus attrayant : l’élection de 10 à 15 bloquistes et de 50 à 60 néodémocrates.
Or, si on se fie aux sondages et à la situation prévalant à l’extérieur du Québec, cette possibilité apparaît être la moins probable des trois : pour que cela se produise, non seulement le vote bloquiste dans les circonscriptions mentionnées devra-t-il connaître un rebond important – ce qui est toujours possible advenant une bonne performance de Gilles Duceppe lors des débats à venir –, mais les néodémocrates devront qui plus est rapatrier une bonne partie des voix libérales ailleurs au Canada, ce qui n’est cependant pas à exclure en raison du nombre d’indécis et de la proportion d’électeurs libéraux identifiant le NPD comme deuxième choix. Qu’une majorité de souverainistes et un certain nombre de « progressistes » décident d’adopter la stratégie élaborée ici pourrait donc ne rien changer à l’affaire : cette année, la grande vague orange balayera probablement le Québec avant même Halloween.
Il demeure qu’un vote bloquiste plus robuste que prévu dans quelques régions clefs pourrait effectivement favoriser la seconde possibilité et priver les néodémocrates d’une minorité. Reste donc à expliquer en quoi la formation d’un gouvernement néodémocrate minoritaire composé d’un grand nombre de députés québécois n’est pas nécessairement la plus attrayante des éventualités. Pour ce faire, rien de mieux que de reprendre un à un les arguments fédéralistes classiques, qui n’ont d’ailleurs jamais été renouvelés. Autrement dit, il faut bien savoir expliquer, en tant que nationalistes, en quoi le passage d’une minorité néodémocrate au pouvoir, toute québécoise qu’elle soit, ne pourra en définitive que décevoir amèrement.
La question du « pouvoir »
En votant pour le Bloc depuis plus de vingt ans, les Québécois se sont-ils exclus de l’exercice du pouvoir ? C’est une question sérieuse, mais qui a quelques contreparties auxquelles ceux qui la posent n’ont jamais répondu : compte tenu des forces structurelles liées à l’économie canadienne, des dynamiques propres au fédéralisme, de leur relative périphérisation culturelle et du fonctionnement réel du parlementarisme britannique, les Québécois ont-ils déjà exercé un réel pouvoir décisionnel au niveau fédéral ? De façon plus immédiate, accéderaient-ils un à tel pouvoir s’ils composaient une portion significative d’un éventuel caucus néodémocrate ? À toutes ces questions, la réponse est la même, et ce pour différentes raisons : non. Y répondre par l’affirmative trahit une compréhension bien limitée de la signification du « pouvoir » et de la réalité de son exercice au Canada.
Les Écossais l’ont pour leur part compris : dans une démocratie multinationale comme le Royaume-Uni ou le Canada, où la majorité culturelle jouit d’un avantage démographique énorme, mieux vaut effectivement, presque toujours, se cantonner dans l’opposition et y défendre ses valeurs et ses intérêts que d’accéder au pouvoir pour être un témoin plus ou moins passif de leur dilution progressive au profit de la réélection du parti qu’on a contribué à y porter. Cela est d’autant plus vrai qu’en raison de ce décalage démographique, un vote pour un parti « national » ne garantit absolument rien : lors des élections de 1979, 1983, 1987, 1992 et 2010, les Écossais ont toujours appuyé les travaillistes, en vain, se retrouvant chaque fois aux prises avec des gouvernements conservateurs. C’est également ce qui s’est produit au Québec il y a quatre ans, et rien ne garantit que cela ne se reproduise le 19 octobre.
Les Écossais, y compris les générations X et Y, sont plus que jamais conscients du fait que leur participation aux gouvernements Blair et Brown ne leur aura finalement apporté rien de bon : mise à part la dévolution parlementaire de 1998-99, qui aura elle-même révélé la ruse des élites londoniennes consistant à transférer une pléiade de pouvoirs à l’Écosse sans lui octroyer les outils fiscaux nécessaires à leur plein exercice, la décennie travailliste aura préparé le terrain pour les conservateurs en accélérant la financiarisation de l’économie britannique et en normalisant la restriction budgétaire. Pire : après treize ans de gouvernance travailliste au Royaume-Uni, l’un des plus grands producteurs de la planète, partageant les réserves de la mer du Nord avec l’exemplaire Norvège, se retrouvait toujours en 2010 sans fonds souverain pétrolier, à l’image de l’Alberta. C’est encore le cas.
Mais la raison principale pour laquelle la participation au cabinet fédéral, tant pour les Écossais que pour les Québécois, n’est pas synonyme de l’exercice du pouvoir renvoie à l’immense concentration de ce pouvoir en régime parlementaire britannique. Il y a fort longtemps que ni le caucus en général ni le cabinet en particulier n’ont plus de réelle influence sur les décisions gouvernementales majeures. Comme l’a bien montré l’Acadien Donald J. Savoie, le pouvoir décisionnel au Canada n’appartient plus désormais qu’à une poignée de joueurs : essentiellement, quelques haut placés du Bureau du Conseil privé, le ministre des Finances, le président du Conseil du trésor et, dans une plus large mesure, le premier ministre. C’est pour cette raison qu’il est tout à fait naïf de penser que la participation de 50 Québécois à un caucus néodémocrate servirait le Québec de manière significative.
C’est pour cette même raison qu’il est également justifié et utile de s’intéresser à la personne de Thomas Mulcair et à son entourage. D’abord, il est désormais établi que le ministre des Finances d’un gouvernement néodémocrate ne serait pas Guy Caron, mais bien le nouveau venu Andrew Thomson, ex-ministre des Finances de la Saskatchewan. Il fallait entendre M. Mulcair se « péter les bretelles » pour s’en convaincre : « Andrew Thomson a présenté plus de budgets équilibrés que Joe Oliver : c’est aussi simple que ça ». Pour ce qui est du Conseil du trésor, il serait surprenant que sa présidence soit confiée au critique actuel, Mathieu Ravignat, associé de trop près au mouvement syndical et n’ayant aucune formation économique ; le poste irait presque certainement au Britanno-Colombien Nathan Cullen, actuel critique aux finances.
Les néodémocrates québécois influents, les Turmel, Boivin, Boulerice, Caron, Laverdière, Marotte, Saganash, Lagacé Dowson et compagnie, seraient donc, au mieux, affectés à des portefeuilles en grande partie soumis au bon vouloir des Thomson, Cullen et Mulcair. Ce qui nous amène au vif du sujet : plus on en apprend sur ce dernier, moins on se fait d’illusions. Voilà un homme qui, jusqu’au milieu des années 2000, s’est battu bec et ongles contre toute volonté d’affirmation linguistique, constitutionnelle et économique du Québec. Les néodémocrates québécois eux-mêmes en ont un peu honte, visiblement : la section québécoise du site web du NPD, par exemple, offre une biographie de Mulcair dans laquelle on relate son engagement politique québécois sans jamais que les mots « Alliance Québec », « référendum » et « Parti libéral du Québec » n’apparaissent. Alors rafraîchissons-nous la mémoire.
De 1983 à 1985, Mulcair dirige effectivement les « affaires juridiques » d’Alliance Québec, alors présidée par Me Eric Maldoff, qui deviendra par la suite proche collaborateur de Jean Chrétien. C’est sous la direction de Mulcair et avec le soutien financier d’Alliance Québec que l’affichage unilingue français sera juridiquement invalidé, décision confirmée par la Cour suprême du Canada en 1988 (Ford c. Québec). En 1994, Mulcair deviendra député du PLQ et laissera alors libre cours à son antisyndicalisme primaire en reprochant sournoisement au PQ ses liens avec le monde syndical, qui dénature à son avis la démocratie québécoise. On ne sera donc guère surpris de le voir ensuite s’opposer farouchement à la volonté de tout ce que le Québec comptait alors de mouvements progressistes, lors du référendum de 1995. Il aurait toutefois pu s’abstenir ensuite de colporter durant des années de ridicules accusations à l’endroit du camp du Oui, mais passons…
Ce qui devrait être plus difficile à avaler est son association enthousiaste au virage conservateur balayant le PLQ à partir de 1998, sous l’impulsion de son allié de longue date Jean Charest, puis de Monique Jérôme-Forget. Dès 2000, les réformes néolibérales à venir avaient été clairement annoncées, et M. Mulcair a continué de porter fièrement les couleurs de ce parti. Voici pourquoi, admirateur de Margaret Thatcher, Mulcair abhorrait « l’interventionnisme » du gouvernement Landry :
[…] parce qu’on a un gouvernement interventionniste dans le marché privé, on est les gens les plus taxés en Amérique du Nord. […] On a trop de programmes, puis trop de fonctionnaires, puis trop de bureaucrates, puis trop de taxes. […] On se croirait en Union soviétique circa 1950. C’est ça, le gouvernement du Parti québécois. […] Pour nous, le Parti libéral du Québec, c’est le marché libre qui est le maître d’œuvre de l’économie.
Soit dit en passant, une chose est passée inaperçue dans cette « affaire Thatcher » : M. Mulcair ne s’embarrassait alors même pas de la différence entre Angleterre et Royaume-Uni. Cela n’augure rien de bon.
Or, Mulcair n’a-t-il pas effectivement quitté le PLQ en 2007, en raison de son opposition aux positions environnementales du parti ? En fait, il l’aura quitté en raison du remaniement ministériel de 2006, mais là n’est pas le point. Le point est le suivant : entretemps, de 2003 à 2006, M. Mulcair n’a eu aucun problème avec le Plan de modernisation 2004-2007, les coupes massives dans le secteur public, la multiplication des PPP et de la sous-traitance privée, les modifications au Code du travail, la grève étudiante de 2005, la réforme des sociétés d’État, la disparition des lieux de concertation socioéconomique, etc. S’il en a eu, il ne l’a jamais fait savoir ; ni alors ni depuis. Si seuls les fous ne changent pas d’idée, voici où le bât blesse : M. Mulcair ne semble pas avoir cheminé intellectuellement, puisqu’il a de nouveau fièrement appuyé l’austérité libérale il y a à peine 500 jours, lors des élections provinciales.
À cela, on nous répond invariablement qu’en fait, cette austérité n’avait pas été annoncée par Philippe Couillard et ne constituait donc pas un enjeu de la dernière campagne. Un instant ! D’abord, la candidature d’économistes néolibéraux de la trempe des Leitao et Coiteux a-t-elle inquiété à peu près tout le monde sauf M. Mulcair ? Il semble que oui, puisque deuxièmement, l’approche du PLQ avait bel et bien été révélée, en toutes lettres. Dans son cadre financier électoral, on pouvait lire :
Un gouvernement du Parti libéral du Québec fera du retour à l’équilibre budgétaire une priorité. […] Nous appliquerons une gestion très rigoureuse des dépenses gouvernementales. Des compressions de 1,3 milliard sur 2 ans seront réalisées en début de mandat à la suite d’une révision exhaustive des programmes gouvernementaux. […] Toute nouvelle initiative de dépense non prévue devra nécessairement être financée par des économies dans les dépenses de programmes. Nous imposerons ainsi ce que l’on appelle un « cran d’arrêt » aux dépenses publiques. […] La réalisation de surplus budgétaires est prévue dès 2015-2016. Les surplus budgétaires seront alloués à 50 % aux réductions d’impôt et à 50 % à la réduction du poids de la dette.
Que le citoyen lambda n’ait pas lu les engagements ou le cadre financier du PLQ est compréhensible. Mais qu’un chef de parti comme M. Mulcair prétende ne pas l’avoir fait est révélateur : ou bien cette approche lui a plu sans qu’il puisse maintenant l’avouer, ou bien il aura voté les yeux fermés, tel un irresponsable.
La vérité est que Tom Mulcair est incomparablement moins « progressiste » que son propre parti prétend l’être. Or, ce sera lui qui en tiendra les rênes advenant une victoire, en particulier s’il s’agit d’un gouvernement minoritaire. Dans ce cas, la concentration du pouvoir s’accroît d’autant plus, car l’enjeu pour le parti gouvernemental est d’élargir sa base afin d’accéder à la majorité. Pour ce faire, il doit se recentrer et faire montre d’une gestion budgétaire relativement conservatrice. Cela requiert évidemment du PM qu’il tienne son cabinet bien en laisse, afin de renier certains des éléments les plus ambitieux du programme. En favorisant l’élection d’un gouvernement néodémocrate minoritaire, les Québécois n’accéderont pas au pouvoir et n’y porteront pas la gauche : ils y assoiront en particulier un homme que l’on peut qualifier au mieux de libéral de centre droit.
Pour toutes ces raisons, l’élection d’un gouvernement minoritaire du NPD et d’une opposition à peu près dénuée de Québécois serait peut-être une plus mauvaise nouvelle que celle d’un gouvernement conservateur minoritaire et d’une opposition québécoise influente, partagée entre NPD et Bloc. Il n’y a qu’à regarder du côté de Westminster : les Écossais n’y ont jamais eu autant d’influence que depuis mai dernier, grâce au travail du SNP et à la collaboration ponctuelle entre SNP et travaillistes. Au cours des 100 premiers jours ayant suivi l’élection, la pression exercée par les Écossais a fait reculer le gouvernement Cameron à plusieurs reprises : le référendum prévu sur l’adhésion du Royaume-Uni à l’Union européenne n’aura finalement pas lieu le jour même des prochaines élections écossaises, ce qui aurait été scandaleux ; le « Human Rights Act » ne sera pas aboli pour être remplacé par une charte des « droits britanniques » ; la chasse au renard, relique aristocratique, ne sera pas légalisée de nouveau ; et les députés écossais pourront continuer de voter pour ou contre des projets de loi affectant principalement l’Angleterre, mais indirectement l’Écosse.
Fort bien, mais le Bloc, lui, a-t-il jamais été responsable de quelconques gains pour le Québec ? Voilà une question posée à l’occasion de chaque élection fédérale. Or, tous les Québécois munis d’une mémoire politique de plus d’une semaine se souviendront : enquêtes dévoilant le scandale des commandites, plus de trois ans avant que Sheila Fraser n’en confirme l’existence ; loi sur le crime organisé ; défense acharnée de la position québécoise face à l’éventualité d’une intervention en Irak ; loi sur le financement des partis politiques fédéraux ; reconnaissance de la nation québécoise ; reconnaissance partielle du déséquilibre fiscal, transfert de 700 millions $ au Québec et réduction de 2 % sur la TPS par les conservateurs entre 2006 et 2008, opportunité historique détournée par Jean Charest au profit d’intérêts électoralistes minables ; respect du Code civil au sein de la Loi sur le Programme de protection des salariés ; etc. C’est sans compter la pléiade de motions et de projets de loi déposés par le Bloc, défaits en raison de l’opposition des partis fédéraux, y compris du NPD, sur des questions comme le pouvoir fédéral de dépenser ou les congés parentaux, par exemple.
La question de la « gauche »
La signification réelle du « pouvoir » et les craintes légitimes liées à une réélection éventuelle des conservateurs soulèvent par ailleurs l’argument de la division du vote « progressiste ». Mis à part le fait que le pouvoir décisionnel au sein d’un gouvernement néodémocrate minoritaire serait forcément concentré entre les mains d’un homme qui s’est toujours révélé beaucoup moins progressiste qu’il ne s’en vante aujourd’hui, mentionnons d’abord que quiconque lira le programme du Bloc constatera qu’il campe clairement à la gauche du NPD, sur à peu près n’importe quel enjeu. Les raisons pour lesquelles ce dernier semble être perçu comme une alternative progressiste au Bloc reposent donc forcément sur une mauvaise compréhension de la façon dont le pouvoir s’exerce au Canada, ou sur un simple rejet de l’option indépendantiste.
Il faut de plus le réitérer : si le NPD est actuellement à gauche de la droite conservatrice, il n’aura d’autre choix, d’autant plus s’il forme un gouvernement minoritaire, que de se repositionner à droite de la gauche. Le système canadien favorise le centre du spectre politique, tout comme le fédéralisme favorise les partis ayant une base électorale assez concentrée géographiquement pour convertir un vote minoritaire en une majorité de sièges, comme c’est le cas du PCC, ou les partis déplaisant le moins possible à un large éventail d’intérêts régionaux, comme cela a longtemps été le cas du PLC. Or, le NPD est à cheval entre ces deux réalités : ses appuis massifs au Québec ne suffiront presque certainement pas à lui obtenir une majorité, et possiblement même pas à lui garantir une victoire. Cela pousse donc le NPD à courtiser le Québec durant la campagne électorale, mais l’inciterait inévitablement à se recentrer et à favoriser les intérêts d’autres régions une fois au pouvoir.
Les signes d’un tel recentrage sont déjà visibles. L’une des pièces maîtresses du programme néodémocrate, l’établissement d’un système national de garderies subventionnées, ne vise évidemment pas les électeurs québécois. Cela constituerait un progrès pour le Canada, mais le Québec devrait continuer à se battre contre le gouvernement provincial actuel, soutenu par M. Mulcair et ayant entamé une privatisation en douce du programme québécois. Autre position clef du NPD : le rétablissement d’un salaire minimum de 15 $ l’heure dans les entreprises à charte fédérale. Cela semble bien progressiste, mais les études sérieuses et objectives disponibles montrent que cela ne toucherait qu’entre 25 000 et 50 000 travailleurs canadiens ; au mieux, donc, entre 5000 et 10 000 Québécois. Pour l’avènement d’une société plus juste, au Québec comme ailleurs, il faudra repasser.
Deux promesses bénéficieraient toutefois directement au Québec : l’indexation annuelle à 6 % de la croissance des transferts fédéraux en santé, puis le rétablissement du crédit d’impôt fédéral accordé au Fondaction CSN et au Fonds de solidarité FTQ. Le retour de ce crédit d’impôt, dont l’abolition d’ici 2017 a été décriée par toute l’industrie québécoise, permettrait aux fonds d’amortir une partie du choc lié au vieillissement de la population et donc aux sorties de capitaux croissantes à venir, en plus d’éviter un retour à des stratégies d’investissement plus conservatrices. En ce sens, l’appui officieux des centrales syndicales au NPD est compréhensible. Ceci dit, l’abolition graduelle de ce crédit aura au moins forcé le gouvernement québécois à prendre ses responsabilités en matière de développement économique. Dans son dernier budget, le gouvernement Couillard a donc, en réaction, haussé à 20 % le crédit d’impôt provincial accordé au Fondaction et aboli le plafond d’émission d’actions des deux fonds, en plus de les forcer à accroître leurs investissements en équité dans les PME québécoises.
Ce qu’il faudrait en retenir est donc d’abord que le Québec pourrait s’occuper lui-même de son développement s’il en avait tous les moyens. Cela s’applique évidemment à l’indexation des transferts en santé : d’abord, il ne s’agirait pas d’un gain pour le Québec, mais d’un retour de ce dont le fédéral a unilatéralement décidé de le priver. Plus important encore, cette mesure n’apporterait qu’une solution temporaire aux problèmes structurels que sont le coût des médicaments et le perpétuel déséquilibre fiscal canadien. Il y a maintenant plus de dix ans, la commission Séguin recommandait le transfert complet de la TPS au Québec. Voilà le type de réforme requis, d’une perspective fédéraliste : une réorganisation fiscale majeure, basée à la fois sur la reconnaissance de l’autonomie provinciale et sur la prise en compte de la nature des responsabilités budgétaires québécoises. Ce n’est pas ce que le NPD propose, et ce qu’il propose pourrait très bien être renversé, unilatéralement, par un futur gouvernement.
Par ailleurs, le NPD s’engage à retrancher jusqu’à 2 % au taux d’imposition fédéral des PME, espérant ainsi relancer l’investissement privé. En cela, l’approche des néodémocrates ne se distingue pas tellement de celle de leurs adversaires : c’est la course vers le bas. Or, voici la question qui tue : comment mettre en place le système national de garderies subventionnées, rétablir le crédit d’impôt pour les fonds de travailleurs, réindexer les transferts fédéraux en santé au taux annuel de 6 % et réduire les impôts de l’immense majorité des entreprises canadiennes à coût nul ? La réponse : augmenter en contrepartie le fardeau fiscal des grandes entreprises. Si le NPD obtient une minorité de sièges, il ne reste qu’à lui souhaiter bonne chance, sourire sceptique en coin. Mais même advenant une majorité, cette hausse serait légère et graduelle, puis le taux d’imposition demeurerait à terme inférieur à la moyenne atteinte depuis 2006 : 17,5 %. Une telle hausse serait très insuffisante pour couvrir le coût du programme néodémocrate. Alors, quelle promesse sera brisée ?
S’il joue déjà les timides, on imagine bien que le NPD n’entend pas non plus se mettre à dos la grappe industrielle pétrolière, dont le centre névralgique se situe dans les régions du pays où le NPD devra accroître son bassin d’électeurs. La question est donc sur toutes les lèvres : le NPD et son chef appuient-ils Énergie Est ? Établissons d’abord une chose : il est de plus en plus évident que ce pipeline, peu importe la couleur du gouvernement en place à Ottawa, ne passera pas par le Québec si les Québécois refusent qu’il y passe. Le « pouvoir d’agir » et la « souveraineté » du Québec, cela ne relève pas que des instances représentatives ; la mobilisation populaire pourrait bien faire toute la différence. Ainsi, lorsqu’on nous dit qu’il ne vaut pas la peine de contribuer à réélire un parti dont on sait qu’il appuie ce projet simplement parce qu’on ne sait plus très bien ce que le NPD soutient, il n’est pas interdit de répondre qu’il ne vaut non plus la peine d’élire un parti qui souffle le chaud et le froid alors que nous sommes en mesure d’agir par nous-mêmes.
Ceci dit, les positions du chef néodémocrate sont intéressantes, puisqu’elles révèlent comment M. Mulcair est prêt à dire une chose et son contraire en fonction du contexte et de l’auditoire. Officiellement, ce dernier laisse entendre qu’en l’état actuel de la réglementation environnementale, il est impossible d’établir le niveau d’acceptabilité d’Énergie Est. Pourtant, les experts sont formels : la réglementation environnementale la plus ambitieuse ne changerait rien au fait que l’augmentation de la capacité de transport vise précisément à soutenir la croissance de l’extraction et donc de la consommation pétrolière, qu’il faut pourtant réduire au plus vite. L’opposition à ce projet ne devrait donc en aucun cas être relative ; elle devrait être absolue, d’autant plus qu’il est évident que les retombées économiques de ce projet, pour le Québec, seraient, au mieux, temporaires et négligeables, au pire, négatives et permanentes.
Aujourd’hui, T. Mulcair adopte un discours prudent parce que les circonstances et les Québécois l’y poussent. Mais hier, le chef du NPD ne se gênait pas pour courtiser la bourgeoisie canadienne et lui faire miroiter une croissance plus rapide et à plus long terme de l’industrie pétrolière. Devant le Canadian Club, à Toronto :
Contrairement aux attentes de plusieurs, le NPD a donné son appui aux propositions visant à augmenter la capacité de l’oléoduc ouest-est. C’est une initiative de l’industrie qui a l’avantage de générer des retombées dans toutes les régions du pays : de nouveaux marchés pour les producteurs de l’Ouest, des emplois à valeur ajoutée qui sont bien payés, et de l’énergie moins chère dans l’Est. C’est le genre de solutions pleines de bons sens que nous voulons : des solutions gagnantes pour le milieu des affaires, qui créent de l’emploi tout en renforçant la sécurité énergétique de notre pays.
Puis devant l’Economic Club, à Ottawa :
Les ressources naturelles du Canada sont une véritable bénédiction, et notre secteur énergétique est le moteur de l’économie canadienne. Le NPD veut miser sur ces avantages uniques. Pour créer des emplois de qualité pour la classe moyenne. Pour tirer parti du plein potentiel de nos richesses naturelles. Et pour accroître les retombées du développement pour tous les Canadiens. Ce développement est crucial pour notre économie et pour notre pays. […] Plus tôt cette année, le PDG de TransCanada Russ Girling a été d’une candeur rafraîchissante en soulignant comment les préoccupations sociales et environnementales font maintenant partie des réalités du monde des affaires. […] Le NPD, ainsi que l’industrie, réclament une meilleure capacité de transport par pipeline de l’ouest à l’est. Tout le monde y gagne. De meilleurs prix pour les producteurs avec une hausse des redevances pour les provinces. Plus d’emplois dans le raffinage et la transformation du pétrole pour nos travailleurs. Et une meilleure sécurité énergétique pour l’ensemble des Canadiens.
Ces discours, pour le chef d’un parti fédéral cherchant à élargir ses appuis, sont dans l’ordre des choses. Pour les semaines à venir, nous n’entendrons plus, au Québec du moins, un Mulcair si enthousiaste à l’idée de pérenniser la filière des sables bitumineux. Mais une fois l’élection passée, ce sera une autre paire de manches. Un « progressiste » autoproclamé applaudissant un homme comme Russ Girling pour ses préoccupations écologiques et sociales, est-ce vraiment ce qui manquait au Québec depuis 1993 ?
Pour conclure : la question « nationale »
La pertinence d’une représentation souverainiste au parlement fédéral pourrait faire l’objet d’un article complet. Néanmoins, les arguments fréquemment utilisés afin de la nier peuvent être rejetés en deux temps, trois mouvements. D’abord, s’il est vrai que l’indépendance doit être promue à l’échelle québécoise, cela n’exclut en rien l’élection de souverainistes au niveau fédéral, d’autant plus que le fait de n’y envoyer que des fédéralistes, à l’inverse, nuit certainement à sa promotion au Québec comme ailleurs. En 2018 et, advenant une victoire, au cours d’un premier mandat post-PLQ, le mouvement souverainiste serait-il mieux placé si ses vis-à-vis fédéraux partageaient son objectif, ou pas ? Poser la question, c’est y répondre. Qu’un éventuel caucus du NPD compterait un certain nombre de souverainistes est par ailleurs un secret de polichinelle. Alors il faudrait bien leur demander : et vous, considérez-vous donner un coup de pouce au mouvement en vous engageant au sein d’un parti qui, le moment venu et à plusieurs occasions en chemin, ne pourra qu’utiliser tous les leviers du pouvoir pour lui nuire ?
Pour ce qui est de l’argument de la « contradiction » que représente la participation de souverainistes au parlementarisme fédéral, c’est à se demander comment des êtres dotés de raison peuvent ne pas s’apercevoir de son abyssale stupidité. L’une des variantes les plus communes de cet argument va comme suit : « envoyer des représentants souverainistes à Ottawa justifie le fédéralisme aux yeux des Québécois ». Outre le fait qu’un tel lien de cause à effet n’ait jamais été démontré, faudrait-il présumer que de n’envoyer à Ottawa que des fédéralistes n’a pas le même effet ? Cela serait évidemment ridicule, mais ce n’est même pas l’aspect le plus bête de l’argument. Un raisonnement qui omet le fait que les politiques budgétaires, économiques, commerciales, diplomatiques, sociales et culturelles adoptées au niveau fédéral affectent les capacités présentes et futures du Québec à opérer la transition vers l’indépendance, lui, frôle carrément la déficience intellectuelle.
D’autres diront que le NPD est sensible aux revendications québécoises, en voulant pour preuves la « déclaration de Sherbrooke » et le projet de loi C-315. La première promet une approche asymétrique du fédéralisme. Or, on a promis cela aux Québécois à d’innombrables reprises, et le NPD y contrevient déjà en promettant l’abolition du Sénat indépendamment de la volonté de l’Assemblée nationale. Pour ce qui est de C-315, qui tient toujours lieu, au NPD, de position officielle, prétendre que cela reviendrait à appliquer la loi 101 aux entreprises à charte fédérale est mensonger. D’abord, le principe crucial évoqué au paragraphe 46 de la loi 1011 est tout simplement absent de C-315. Cela implique qu’en réalité, alors que la loi 101 protège tous les francophones, le NPD protégerait surtout les francophones bilingues. Nuance importante. Mais de plus, C-315 prévoit tout bonnement que « le gouverneur en conseil peut, par règlement, exempter une entreprise fédérale ». Voilà qui est commode.
En définitive toutefois, il faudrait bien rappeler à tous que, si le Bloc est évidemment un parti souverainiste, son rôle concret à l’échelle fédérale en fait d’abord et avant tout un parti nationaliste, qui contrairement à tous les partis fédéraux est en mesure de prioriser en permanence les intérêts du Québec, puis de défendre à Ottawa les consensus parlementaires et populaires québécois. Au sein d’une fédération dysfonctionnelle où, contrairement à ce qui se fait à peu près partout ailleurs, les provinces ne jouissent d’aucune représentation formelle au niveau central, voilà la réelle utilité du Bloc : porter à Ottawa la voix du Québec et de lui seul, et ce nonobstant l’allégeance du parti au pouvoir à Québec. C’est également le cas du SNP désormais, auquel les Écossais ont accordé le mandat de promouvoir et de protéger les intérêts de l’Écosse au sein d’un système qui, constatent-ils, est structuré de manière à favoriser constamment, indépendamment de l’idéologie du parti au pouvoir, à la fois une minorité de ploutocrates et une majorité culturelle jouissant d’un avantage démographique énorme. Je ne doute pas que ce constat puisse s’appliquer ici, et vous ?
1 «Il est interdit à un employeur d’exiger pour l’accès à un emploi ou à un poste la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une langue autre que la langue officielle, à moins que l’accomplissement de la tâche ne nécessite une telle connaissance. […] Il incombe à l’employeur de démontrer à la Commission ou à l’arbitre que l’accomplissement de la tâche nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une langue autre que le français.»