* François-Olivier Dorais est historien et professeur à Université du Québec à Chicoutimi, Jean-François Laniel est sociologue et professeur à Université Laval.
Qui eut cru, il y a à peine quelques mois de cela, que l’Ontario français se trouverait propulsé au cœur de l’actualité politique et médiatique québécoise, que les coupes du gouvernement ontarien dans les institutions de l’Ontario français et la mobilisation de la communauté franco-ontarienne seraient suivies et commentées jour après jour, semaine après semaine, par La Presse comme par le Journal de Montréal, par le Parti libéral du Québec comme par Québec solidaire ? Que le premier ministre François Legault, à l’aube du premier mandat autonomiste caquiste à la tête de l’État québécois, semoncerait son vis-à-vis ontarien en lui rappelant que les Franco-Ontariens ne constituent pas une minorité ethnique et linguistique parmi les autres au Canada, à l’instar de la diaspora chinoise à qui le premier ministre Doug Ford les comparait, mais bien les membres de l’un des « peuples fondateurs » du pays ? Que l’Assemblée nationale du Québec, dans une rare unanimité dont elle a le secret, déciderait de hisser le drapeau vert et blanc de l’Ontario français à l’une de ses tours, et que cette motion à la mémoire longue, dénonçant une « nouvelle atteinte aux droits d’une communauté francophone en situation minoritaire au Canada1 », serait présentée par le parti politique dont le chef charismatique parlait naguère des « dead ducks » hors Québec ? Qui eut cru, bref, il y a à peine quelques mois de cela, que les ressorts du Canada français demeuraient si tendus ?
Peu de temps avant le « jeudi noir de l’Ontario français », c’est pourtant un tout autre spectacle que l’on diffusait aux heures de grande écoute sur les ondes radio-canadiennes. Sur le plateau de l’émission Tout le monde en parle, cette « grande messe québécoise » du dimanche soir, Jean Chrétien et Denise Bombardier ne discutaient pas de « la survie de la langue française [qui] demeure toujours fragile2 » au Canada, mais plutôt, respectivement, de la vigueur éblouissante et de la disparition terminale des francophones hors Québec. Pour le premier, la vitalité (avérée) des francophones hors Québec témoignait de la grandeur du Canada, de son hospitalité, car de sa vertu diversitaire ; pour la seconde, l’assimilation (avérée) des francophones hors Québec témoignait de l’impossibilité du Canada, de son inhospitalité, car de son hégémonie canadienne-anglaise. Dans un cas comme dans l’autre, la réalité des francophones hors Québec évoquait alors autre chose qu’elle-même : sa lecture (partielle) servait à meubler les argumentaires fédéraliste et souverainiste comme il est coutume de les entendre depuis la Révolution tranquille et la refondation du Canada (1982). En cela, pareil débat entre augustes acteurs de la scène politique québécoise et canadienne des dernières décennies aurait pu rester lettre morte en sombrant dans une touchante, quoique nostalgique, indifférence. Après tout, l’un comme l’autre venaient ressasser leurs souvenirs à l’occasion de la parution de leurs mémoires.
Il n’en fut pourtant rien. Les comptes Facebook et Twitter de Tout le monde en parle furent inondés de répliques outrées de francophones hors Québec, essentiellement adressées à Denise Bombardier, il va sans dire, puisqu’on s’offusque davantage d’être pris pour mort que resplendissant de santé, mais sans pour autant que le diagnostic jovialiste de Jean Chrétien ne soit repris, puisque les francophones hors Québec sont fiers d’une vigilance linguistique tenue pour fondée. Plus fondamentalement peut-être, ce sont les animateurs de l’émission radio-canadienne qui furent pris à partie : pourquoi ne répondirent-ils pas aux propos diffamants de Denise Bombardier ? Pourquoi Dany Turcotte ne fit-il pas part de sa longue fréquentation des communautés francophones hors Québec à la barre de La petite séduction ? Pourquoi, bref, les Québécois semblaient-ils faire seulement mine de s’intéresser aux francophones hors Québec, en discutant bruyamment quoique trop discrètement de leur sort dans le cadre d’une « grande messe » en vérité suivie par tout le Canada français ? La suite de cette histoire, celle qu’inaugura la « crise de l’Ontario français », peut être vue comme une réponse heureuse à ces malaisantes questions : le Québec se veut authentiquement solidaire des francophones hors Québec. Fort bien. Mais alors comment ? Au nom de quoi ? À quelles fins ? Voilà qui paraît plus embêtant…
Pour être bien comprise, cette trame narrative aux deux moments distincts doit être interprétée à l’aune du nouveau cycle politique qu’elle annonce et du temps long dans laquelle elle s’inscrit. Quatre questions méritent d’être posées afin d’huiler le ressort canadien-français tendu, mais rouillé3 : 1) Que représentent les Québécois pour les francophones hors Québec (et inversement) ? 2) Au nom de quoi agiraient-ils aujourd’hui de concert ? 3) Que peuvent-ils les uns pour les autres ? 4) Selon quel contexte, avec quels défis ? C’est à ces questions que le présent texte offrira des éléments de réflexion en vue d’une repolitisation du Canada français.
Que représentent les Québécois pour les francophones hors Québec (et inversement) ? Quoi
C’est peut-être d’abord par l’épaisseur de l’histoire que peuvent s’apprécier les liens entre francophones au Canada, plus particulièrement celle du Canada français. Entre 1840 et 1960, le projet national canadien-français a cherché à édifier, en terre d’Amérique, une civilisation catholique et française. Le sens de cette « référence » nationale est d’abord à entendre comme une communauté de langue, de culture, d’histoire et de foi instituée surtout par l’Église, comme « État d’une communauté sans État4 ». Les penseurs nationalistes du Canada français, tels Louis-Adolphe Pâquet, Rameau de Saint-Père, Henri Bourassa et Lionel Groulx, ont problématisé cette entité sous le signe d’un « organisme », rehaussé d’une mission providentielle à l’échelle nord-américaine. Dans cette configuration qui transcendait les frontières politiques, le Québec aspirait déjà à l’autonomie de son État sans pour autant renoncer à la vision continentale du fait français. Tel était d’ailleurs le sens de la mystique de l’« État français » chez Groulx, qu’il proposait moins comme une finalité politique que comme un idéal mobilisateur à l’échelle du Canada français, en référence à une interprétation dualiste du pacte confédératif5. Cet idéal aspirait surtout à une « plénitude de la vie française » où le « château fort » québécois devait tenir lieu de foyer national, ce qui lui commandait une responsabilité particulière à l’égard de ses « avant-postes » dans les autres provinces. Ainsi pouvait-on entendre parler de « civilisation canadienne-française » ou encore de « nation française d’Amérique » pour désigner cette nationalité aux multiples rameaux plus ou moins autonomes.
Cette idée du Canada français, fondée sur la consubstantialité des liens entre francophones à l’intérieur et à l’extérieur du Québec, ne fut pas la fabulation de quelques clercs éclairés. Elle avait un réel ancrage et de nombreux relais populaires. Suivant sa mise en forme idéologique, le Canada français a bel et bien existé comme espace vécu, à travers son réseau continental de paroisses, d’écoles, de couvents, d’hôpitaux, d’églises, de caisses populaires, de collèges classiques, d’universités, d’associations patriotiques locales et de sociétés nationales gardiennes de son unité, comme l’Ordre de Jacques-Cartier ou le Conseil de la vie française en Amérique. Son histoire effective s’est aussi traduite dans de nombreux exemples de solidarité instituée entre francophones, notamment lors des grandes crises scolaires de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Ainsi en est-il de la crise du Règlement 17 qui, loin d’avoir été simplement perçue comme un problème franco-ontarien, a pris la dimension d’une crise nationale, en suscitant l’appui de plusieurs membres de la hiérarchie ecclésiastique et des milieux nationalistes du Québec, de l’Acadie, de l’Ouest français et des « petits Canadas » de la Nouvelle-Angleterre.
Les turbulentes années 1960 ont engendré, on le sait, une remise en cause profonde de ce Canada français historique, conséquence tout à la fois de la montée du nationalisme québécois, du déclin de l’Église comme structure d’encadrement social et de la poussée corollaire des États-providence provinciaux. À l’instar des Québécois, les francophones hors Québec ont tenté, au cours des dernières décennies, de reproduire à leur échelle provinciale respective la culture civilisationnelle du Canada français, non sans certaines limites et avec l’impression amère d’avoir été abandonnés par leurs confrères québécois. L’une des premières conséquences de cet éloignement fut d’ailleurs que les groupes minoritaires francophones se sont tournés vers le gouvernement fédéral et son régime linguistique pour défendre leurs intérêts et leurs droits.
Sans sous-estimer la profondeur ni la portée de ces mutations structurelles et identitaires eu égard à la divergence croissante des intérêts politiques entre francophones du Québec et hors Québec, il ne faudrait pas confondre la tendance qu’elles expriment et son effectuation. Car malgré plusieurs décennies d’éloignement effectif, un horizon commun a bel et bien persisté entre francophones au Canada, horizon dont l’élan de solidarité manifesté par le Québec l’automne dernier n’est que la pointe immergée.
Un premier signe de cet horizon commun peut se lire dans la permanence d’une intention nationale, c’est-à-dire la volonté des francophones de participer au continent nord-américain comme une société à part entière et non comme un simple élément de sa diversité ethnique. Ce principe modèle encore l’action et le rapport au monde des Québécois et des francophones en situation minoritaire. Il en va autant de l’affirmation autonomiste du Québec, souverainiste comme fédéraliste6, que de l’enjeu de la binationalité chez les francophones hors Québec, qui se montrent encore attachés aux institutions de la dualité (par exemple, Radio-Canada) et aux pratiques autonomistes (en atteste la revendication, désormais unanime, pour une université intégralement française en Ontario). Ces attitudes prennent souche dans le même terreau de l’autonomie sociétale canadienne-française, qui a toujours aspiré à faire du français une langue de culture et de société. Elle permet aussi de comprendre les réticences, longtemps partagées, des francophonies québécoise et canadienne devant la représentation multiculturaliste et postnationale du Canada contemporain. Retrouver ce terrain mémoriel commun est autant une condition qu’un défi pour le rapprochement des francophones au Canada sachant que, sous prétexte d’ouverture et d’inclusion, le Québec autant que la francophonie canadienne ont construit leur référent identitaire post-1960 en bonne partie contre le Canada français traditionnel, jusqu’à perdre de vue la substance du fondement historique et communautaire commun qui les a engendrés. Unis dans une même tentation de la table rase, ces derniers ne pourraient-ils pas s’unir à nouveau en réinvestissant une trame mémorielle commune ?
Un deuxième signe de cet horizon partagé entre francophones au Canada tient à leur fragilité existentielle, à leur expérience commune de la précarité culturelle, politique et économique. Qu’ils soient au Québec ou ailleurs au Canada, les francophones sont confrontés à l’expérience de la minorisation et au fait de devoir rendre constamment raison de leur existence face à eux-mêmes et aux autres. Confinés à cet état fragile, ils se projettent dans des projets similaires d’autonomie et d’autoréférentialité qui s’avèrent rarement achevés et reconnus. S’ils ont acquis une autonomie supérieure et plus de droits et d’institutions dans le cadre de la fédération, force est de constater que les Québécois n’ont ni accédé à l’indépendance ni réintégré la Constitution canadienne alors que les francophones hors Québec n’ont pas réussi à inverser la courbe de l’assimilation. Cette condition sociopolitique partagée engage une variété d’enjeux communs qui concernent autant la transmission de la langue et de la culture que la force d’attraction de l’anglais et de la culture anglo-américaine, la généralisation de l’anglais dans les publications scientifiques, l’accès à des plateformes numériques francophones, l’aménagement linguistique en milieu urbain, la sauvegarde de la presse d’information locale et régionale, l’accueil et l’intégration des nouveaux arrivants, le dialogue avec la « question nationale » autochtone, les reculs démographiques, l’effritement du poids politique francophone, la dévitalisation des régions et l’exode des jeunes vers les grands centres, etc.
Un troisième signe des horizons partagés entre francophones du Canada repose sur la dynamique associative et institutionnelle qui les unit depuis plusieurs décennies. En sus de l’État québécois et de ses divers secrétariats attitrés depuis les années 1960 aux affaires francophones, cette dynamique a historiquement pris forme dans un réseau d’associations pancanadiennes comme le Service du Canada français d’outre-frontière, les Fédérations des sociétés Saint-Jean-Baptiste, la Fédération des francophones hors Québec (qui a longtemps eu un bureau à Québec), le Secrétariat permanent des peuples francophones et, plus récemment, le Centre de la francophonie des Amériques, fondé en 2008. Cette dynamique associative transfrontalière se double d’autres liens empiriques tissés par le tourisme, les liens de parenté, et la mobilité démographique, dont il est à noter que la migration québécoise francophone hors Québec est considérablement plus élevée – à raison de 182 %7 – que l’immigration francophone internationale. Ces liens dessinent un champ relationnel pour le moins important et complexe que les divergences des intérêts politiques, au demeurant bien réelles, ont trop souvent tendance à masquer.
Au nom de quoi agiraient-ils de concert ? Pourquoi
Partant du principe que le Québec et les francophonies minoritaires sont engagés sur des voies politiques divergentes depuis cinquante ans, mais qu’ils s’abreuvent à une même histoire, à un même univers culturel et à une même intention politique, au nom de quoi peuvent-ils et doivent-ils agir de concert aujourd’hui ?
La nécessaire réactualisation d’un projet franco-canadien à caractère national tient primordialement à la lucidité d’un constat sur l’essoufflement du projet souverainiste. Cet essoufflement est moins le produit des erreurs stratégiques du souverainisme officiel ou des errements de son leadership que l’expression de tendances sociologique et historique plus profondes qui ne sont pas près de s’inverser. La crise du souverainisme n’élude pas pour autant la question des solidarités fondamentales qui doivent présider à l’agir politique. À défaut de se traduire par l’indépendance de son État, le nationalisme québécois ne pourrait-il pas voir dans la défense du fait français à l’échelle du pays un nouveau moyen d’affirmation politique porteur ? Une telle option converge avec l’expression, ce nous semble, d’un nationalisme autonomiste de « troisième voie » au Québec qui souhaite renouer avec ses fondements historiques, communautaires et culturels. Le nouveau climat politique marqué par l’arrivée au pouvoir de la CAQ ouvre une fenêtre d’opportunité pour la redécouverte d’une culture nationale francophone pancanadienne enracinée dans un temps long. Soulignons que cette sensibilité renouvelée du Québec pour la francophonie ne présuppose aucune adhésion au fédéralisme politique pas plus qu’une renonciation au souverainisme ; il s’agit plutôt ici de renouer avec un questionnement national canadien-français pour assurer la pérennité de la langue et de la culture françaises.
Dans cette nouvelle conjoncture, le Québec et les francophones hors Québec, indépendamment de leurs aspirations différentes, mais aussi parce qu’ils sont appelés à évoluer dans un même cadre politique, ont tout intérêt à parler d’une voix unifiée, en usant du cadre normatif canadien à leurs fins. On ne saurait nier ce que la refondation symbolique du Canada multiculturaliste et chartiste a déréalisé puis désarticulé en dissociant la langue de ses horizons culturel et historique. De même, on ne saurait sous-estimer combien cette désarticulation a profité des divisions et des conflits qu’elles ont induits entre le Québec et les francophones à l’extérieur de ses frontières8. Cette prise de conscience est indispensable à la possibilité pour les francophones de déployer une stratégie d’action collective informée et efficace face à l’État et au système judiciaire canadiens, autrement dit à la possibilité d’une reconquête démocratique de leur sort par l’autonomisation de leurs propres institutions sociales, culturelles et politiques.
Il est en revanche une autre moitié à cette histoire qui, indiquions-nous, n’a pas totalement eu raison de l’intention nationale des francophones au Canada. Pour imparfait qu’il soit, le régime linguistique canadien de bilinguisme n’a-t-il pas implicitement reconnu l’héritage de la dualité nationale, historiquement porté par le Canada français historique ? N’a-t-il pas su répondre aux multiples contestations juridiques et politiques en pavant un chemin pour l’expression de certains droits collectifs, que ce soit par la reconnaissance de la légitimité de la loi 101 au Québec ou encore en permettant aux communautés francophones hors Québec de créer et gérer leurs propres conseils scolaires dans l’arrêt Mahé (1990) ? L’union des francophones du Canada, sous le signe d’un projet collectif et national vivifié, ne peut que raffermir la légitimité d’une exigence d’asymétrie dont on peut espérer qu’elle trouvera une traduction concrète dans une modernisation de la loi sur les langues officielles, que l’on nous annonce pour bientôt. La reconduction d’une dualité nationale effective suppose toutefois, en amont, l’unité retrouvée de sa composante française.
La fragmentation politique, l’isolement et la dispersion démographique n’offriront jamais d’horizon porteur pour la francophonie canadienne. Bien entendu, il ne s’agit pas d’abolir les identités régionales et provinciales de la francophonie, qui ont offert un cadre de référence identitaire et de mobilisation pour des générations de francophones, ni sa réalité continentale, remise au goût du jour récemment sous le signe d’une « francophonie des Amériques ». Seulement, de telles propositions suggèrent aux francophones minoritaires tantôt d’accréditer leur rupture avec le Québec, tantôt de faire de la langue française leur seul dénominateur commun. Autrement dit, elles maintiennent dans un angle mort la possibilité pour celles-ci de se représenter comme un Sujet historique particulier, une communauté nationale de destin, porteuse d’un projet. C’est en favorisant un réarrimage avec la société québécoise que les francophones hors Québec pourront réarticuler une ambition nationale substantielle avec des ressorts politique, institutionnel, culturel et identitaire conséquents.
À maints égards, le Québec pourrait bénéficier d’un resserrement de ses liens avec les communautés francophones du Canada. Il a d’abord tout intérêt à le faire dans une optique de diffusion et de valorisation de sa propre culture. Les quelque 2,7 millions de francophones et francophiles des autres provinces sont autant de consommateurs potentiels de culture francophone et de relais pour son rayonnement. Si tant est que le Québec aspire à se projeter dans les diverses cultures mondiales, ne faudrait-il pas d’abord qu’il soit, comme le faisait remarquer Joseph Yvon Thériault, à même de « rayonner au sein des populations qui lui sont le plus près culturellement9 » ? En outre n’est-ce pas aussi en tant que les francophones du Canada sont, en partie, le prolongement de l’identité historique et culturelle du Québec qu’ils sont de précieux alliés, à même de soutenir ses projets et de les rendre audibles au Canada anglais, là où ils vivent et prospèrent ? Enfin, la possibilité de fortifier un horizon partagé entre francophones ne pourrait-elle pas devenir, indirectement, le fer de lance d’une réconciliation du Québec avec la trame mémorielle du Canada français, avec une partie de lui-même, autrement dit ?
Que peuvent-ils les uns pour les autres ? Comment
Reprenons de manière systématique et prospective ce que nous avons noté jusqu’à présent comme liens et raisons fortes partagés entre Québécois et francophones hors Québec. Trois formules politiques transfrontalières trouvées dans notre tradition politique peuvent être esquissées en guise d’orientation générale.
La première formule peut être dite la « formule Bourassa », celle du dualisme national, du nom de son premier théoricien et praticien, Henri Bourassa. Pour ce dernier, le Canada est composé d’au moins deux peuples fondateurs, les Canadiens anglais et Canadiens français. Quoique l’on dise de l’écart avéré à cet idéal dans la pratique et dans les lois, l’histoire canadienne ne peut se comprendre sans mettre en son centre les conflits et compromis entre les deux communautés francophone et anglophone.
Les effets concrets sont tangibles, nous l’écrivions, de la création des timbres-poste bilingues (1927), aux billets de banque bilingues (1936), à Radio-Canada (1936), à l’Office national du film (1939), au Conseil des Arts (1957), et bien sûr aux politiques linguistiques des provinces canadiennes et le bilinguisme officiel de l’État canadien. Sur fond de dualité nationale se dessine dès lors un terrain d’action commun aux francophones au Canada, celui de leur conception partagée de la place du fait français au sein du Canada, qu’il s’agit d’accroître et de faire respecter au nom de l’autonomie et de l’épanouissement des communautés constitutives de la fédération plurinationale canadienne. Pour que cette voie et cet argument politiques se fassent entendre, il est préférable que les francophones parlent d’une même voix, c’est-à-dire avec un front uni. Ajoutons qu’il serait dans leur intérêt de tendre la main aux peuples autochtones, et d’en appeler ainsi à la pleine réalisation d’une certaine idée plurinationale du Canada, qui n’est pas infondée à défaut d’être pleinement reconnue.
Cette formule dualiste ou tripartite du Canada rappelle en outre que celui-ci n’est pas un État nation unitaire homogène. Il n’est pas seulement composé d’individus se reconnaissant dans l’identité canadienne et son État, aussi diverses soient leurs origines. Au-delà du multiculturalisme, le Canada est composé de communautés nationales autonomistes, que l’État canadien n’a ni le mandat ni les moyens d’organiser à sa guise. Entre les individus et l’État canadien se trouvent en fait les institutions intermédiaires qui organisent la vie de ces communautés nationales. Il peut certes s’agir de l’État québécois au Québec, mais plus encore de toutes les associations et institutions de la société civile. Elles quadrillent la vie sociale, s’en font le relais, traduisent ses projets, impliquent ses membres. Tournées vers les individus plutôt que l’État, elles ne dépendent pas d’abord des frontières étatiques, mais des populations qu’elles desservent.
Dans notre histoire collective, nous le notions également, c’est l’Église catholique, avec ses diverses œuvres et congrégations, qui fut l’institution intermédiaire par excellence de la nation canadienne-française. Mais plus près de nous, ce sont les États généraux du Canada français qui rassemblèrent en 1967 des centaines de délégués associatifs de l’ensemble de la francophonie canadienne pour discuter de son avenir commun, en se prononçant sur des dizaines de motions soumises au vote des délégués – ce que l’on oublie trop souvent à force de réduire les États généraux du Canada français à une seule motion sur l’autodétermination du Québec (en tant que mère-patrie du Canada français, d’ailleurs).
Aujourd’hui encore, la francophonie canadienne se distingue par ce que l’on peut nommer, cette fois, la « formule Angers », celle de la solidarité infraétatique ou intercommunautaire, du nom de l’un des éminents intellectuels du coopératisme et du corporatisme social, François-Albert Angers, par ailleurs co-initiateur des États généraux du Canada français. Le Québec, dans son amour des « sommets » et des « états généraux », communie encore à cet idéal d’un État à l’écoute des composantes vives et réelles de sa population ; la francophonie hors Québec ne fait pas exception, avec ses diverses associations provinciales telles l’Assemblée de la francophonie ontarienne et la Société nationale des Acadiens. On peut souhaiter que ces institutions de la société civile soient davantage fédérées et concertées, d’une part, appuyées et écoutées des États provinciaux et de l’État fédéral, d’autre part. On pourrait y entrevoir un fédéralisme interne au Canada français, à paliers et à engagements variés. Le rapprochement de ces institutions avec l’État québécois, avec ses ministères aux intérêts semblables, serait aussi à favoriser.
En effet, l’État québécois a un rôle particulier à jouer dans la vie de la francophonie canadienne (sans pour autant prétendre se substituer à elle). Les appels en ce sens sont nombreux dans notre histoire, nous l’observions. C’est déjà ce qu’intimait Honoré Mercier en 1873 lors de la première crise scolaire :
Nous avons, nous, députés catholiques de Québec, dans les Provinces Maritimes, des frères en religion et en nationalité qui ont su conserver, à travers les tempêtes de toutes sortes, soulevées par la persécution, le précieux héritage transmis par leurs ancêtres. Leur cause est la nôtre, leur prière est la nôtre ; et dans ce moment ce ne sont pas seulement les cent mille catholiques du Nouveau-Brunswick qui supplient la majorité de cette Chambre ; mais c’est un million et demi de Canadiens, qui professent la même religion et qui ont leurs représentants dans cette Chambre. C’est surtout la population de Québec qui unit sa voix à celle de la minorité du Nouveau-Brunswick.
C’est encore ce qu’appelait de ses vœux André Laurendeau dans la foulée des travaux de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (1969), en rappelant la pertinence d’une « volonté d’intervention du gouvernement du Québec dans le but de venir en aide aux minorités », et ce, comme « État national des Franco-Canadiens », puisque « le gouvernement fédéral a toujours refusé d’agir comme État binational10 ». C’est encore ce que prescrivait la deuxième Politique du Québec en matière de francophonie canadienne en 2006 :
Seul État francophone en Amérique du Nord, le Québec considère qu’il a une responsabilité particulière à l’égard des francophones de partout au Canada […] [L]a Politique est le premier jalon d’une nouvelle ère pour la francophonie canadienne et elle amorce pour nous une période de solidarité et de coopération sans précédent avec les francophones de toutes les régions du Canada.
Cette dernière politique a été pilotée par le constitutionnaliste et ancien ministre libéral Benoît Pelletier. Elle s’inscrit dans une vision du Canada correspondant à maints égards à la tradition des formules Bourassa (dualité nationale) et Angers (politique adaptée aux communautés concrètes, avec un souci d’asymétrie). Cette « formule Pelletier », celle de l’appui politique transfrontalier, invite l’État québécois à rencontrer sur une base régulière les ministres et premiers ministres des autres États provinciaux canadiens (conférences interministérielles, conseil de la fédération, etc.), et d’y discuter, notamment, de la place qui est faite aux francophones hors Québec.
Plus encore, des ententes interprovinciales peuvent être signées (et l’ont été) à l’initiative du Québec afin d’appuyer des projets francophones hors Québec, sans crainte d’ingérence dans les champs de compétence provinciaux. Cet appui politique profiterait à croître et à se préciser au cours des prochaines années. En outre, l’État québécois peut approcher fièrement ses homologues provinciaux : le traitement réservé à la minorité nationale anglophone au Québec est en tous points admirable depuis la Confédération de 1867. Dès lors, en ce qu’il montre l’exemple en matière de respect et d’épanouissement des peuples fondateurs du Canada, le Québec peut s’en faire le porte-voix décomplexé.
Ces formules politiques ne sont en outre pas propres aux Québécois et aux francophones hors Québec – il importe de le souligner si l’on souhaite inscrire la francophonie canadienne dans un registre politique qui lui soit véritablement adapté et comparable. En effet, contrairement à ce que l’on peut penser, la condition nationale transfrontalière n’est pas rare. Elle est même typique des « petites nations » d’Europe centrale et orientale comme la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Roumanie dont les frontières politiques, maintes et maintes fois modifiées au gré des guerres et partitions, ne coïncident pas avec leurs frontières culturelles, si bien qu’une population « diasporique » ou « sœur » en habite aujourd’hui les pourtours frontaliers.
Comme en francophonie canadienne, les liens entre ces communautés situées de part et d’autre du territoire étatique national ont fluctué au fil des décennies, tantôt plus proches, tantôt plus éloignées, selon le contexte politique, sans pour autant qu’ils ne disparaissent totalement. En outre, l’intégration de ces pays et populations à l’Union européenne a ouvert un espace d’action pacifique et réglementé qui s’est traduit par des politiques de toute sorte en faveur des « minorités nationales sœurs11 ». Si la francophonie canadienne devra trouver sa propre voie de solidarité transfrontalière, car le Québec n’a pas vocation à se substituer aux deniers canadiens, voilà néanmoins des cas semblables, sis dans un cadre fédéral démocratique, où son regard pourra se tourner en quête d’inspiration supplémentaire.
Selon quel contexte, avec quels défis ?
Certains écueils devront être évités afin que soit couronné de succès le renouvellement des liens entre Québécois et francophones hors Québec autour de projets politiques porteurs. Au premier chef, les cinquante dernières années qui nous séparent du Canada français historique ne sauraient être oubliées. Depuis les célèbres États généraux du Canada français, les différentes communautés francophones du Canada ont solidifié leurs assises sur leurs territoires provinciaux respectifs. Elles y ont bâti de grandes institutions et de fortes identités en tout ou en partie enchâssées dans le droit. Cette provincialisation entendue comme (re)institutionnalisation des communautés francophones est désormais acquise ; elle est une donnée. Mais au risque de nous répéter, si ces communautés se sont (re)construites dans un mouvement de consolidation provincial plus que de déploiement pannational, leurs relations transfrontalières n’ont jamais cessé d’exister, malgré les heurts occasionnés par ce mouvement de revendications centrifuges.
Au plus fort de la fragmentation et de l’éloignement des communautés francophones, quelque part entre 1980 et 2000 dans le tumulte des débats constitutionnels, la conscience de participer d’une commune expérience politique et historique habitait toujours les esprits ; il suffit de parcourir les pages de L’Action nationale pour s’en convaincre. Nombreux furent alors ceux et celles à tenter, de part et d’autre, de chercher des voies de rapprochement et de coopération12. Différentes formules furent proposées afin d’atteindre, dans la tourmente, un consensus viable minimal. C’est nul autre que le Parti québécois qui, en 1996, en concertation avec la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, a rédigé la première politique québécoise en matière de francophonie canadienne autour de l’horizon large de la « francophonie des Amériques », sorte de palier continental de la Francophonie internationale, proposant de mettre sur un même pied dépolitisé et dénationalisé autant de déclinaisons possibles du rapport à la francité. Ainsi le français comme trait linguistique en Amérique pouvait minimalement rassembler au-delà des projets politiques et des identités provinciales en apparence concurrentes.
Seulement, depuis quelques mois maintenant, à l’occasion d’un cycle politique postréférendaire marqué par la montée au pouvoir d’un nationalisme autonomiste assumé au Québec, un horizon d’action politique centripète se dessine entre communautés francophones au Canada, qui paraît aspirer à plus que le minimum récréotouristique de la Francophonie des Amériques. Et pour cause. Car si chaque communauté francophone provinciale a tenté d’utiliser, depuis les années 1960, tous les moyens mis à sa disposition pour réaliser la plénitude de son autonomie, et si ces moyens ne sont naturellement pas les mêmes au Québec, dans les territoires ontariens et acadiens, et encore dans l’Ouest canadien, c’est néanmoins ce même objectif national et politique qui était et demeure partagé, à défaut d’être visé et atteint de concert – ce qui est désormais de nouveau sur la table.
Six leçons politiques nous semblent pouvoir être retenues des valses-hésitations des cinquante dernières années. Elles nous semblent devoir être prises en compte dans l’élaboration d’une solidarité nationale et politique renouvelée entre communautés francophones au Canada. Nous les présentons ici sous forme d’avertissement. Trois s’adressent au Québec : 1) attention au paternalisme : les francophones hors Québec ne demandent pas à être sauvés. Ils se sont bâti des institutions et des identités fortes dont ils sont fiers ; 2) attention à l’instrumentalisation : les francophones hors Québec ne veulent pas servir de chair à canon aux fédéralistes jovialistes ou aux souverainistes déclinistes. Ils ont un projet, et estiment eux aussi leur autonomie ; 3) attention à l’impérialisme : les francophones hors Québec ne sont pas des Québécois sous un autre nom. Ils habitent leurs terres depuis la Nouvelle-France et le Canada français, et comptent bien y rester. Trois autres avertissements s’adressent aux francophones hors Québec : 1) attention à l’insécurité linguistique : n’ayez pas honte du français que vous parlez et prenez garde de ne pas confondre la facilité que vous avez à parler anglais avec une affinité culturelle et politique plus grande avec le Canada anglais ; 2) attention à la victimisation : les Québécois ne vous méprisent pas et sont aussi heureux de savoir que vous existez que curieux de vous entendre. Ne confondez pas la dynamique centre-périphérie (métropole-régions) avec une dynamique Québec/hors Québec : les différentes régions du Québec déplorent elles aussi que Montréal prenne toute la place à Radio-Canada ; 3) attention au sens unique : il est normal de demander au « grand frère13 » québécois de vous aider. Mais demandez-vous également ce que vous pouvez faire pour le Québec, en tenant compte de ses défis propres : la solidarité véritable est à ce prix.
Plus largement, il va sans dire que ce renouvellement politique suppose, en amont, que les francophones hors Québec accueillent favorablement ce retour du Québec dans leur giron et que les Québécois décident de s’intéresser franchement et sincèrement aux francophones hors Québec. De la même manière que le Québec doit prendre conscience de la profondeur des liens qui l’unissent au fait français en Amérique du Nord et de la responsabilité qu’il porte à son égard, les francophones en situation minoritaire doivent reconnaître le statut distinct du Québec au sein du Canada et la légitimité de ses aspirations à la souveraineté politique et culturelle. Rappelons une évidence, elle n’en demeure pas moins essentielle : le Québec reste le seul espace politique en Amérique du Nord où la communauté francophone se vit sur un mode majoritaire, en assumant son statut national particulier. C’est dire qu’en faisant sienne son expérience historique, la francophonie minoritaire est susceptible de retrouver le fil d’une expérience plus poussée de la complétude sociétale, d’une culture davantage déployée, car plus nombreuse et plus autonome. Cette quête ne nous apparaît point futile dans un contexte où les francophones hors Québec sont, plus que jamais, intégrés à l’espace politique, juridique, financier et national du Canada et ainsi enjoints à réévaluer leur identité à l’aune du multiculturalisme.
C’est donc aussi à la faveur d’une saine prise de distance d’avec le Canada postmoderne et postnational que pourrait se dessiner un projet commun aux Québécois et aux francophones hors Québec. De semblable manière, les Québécois sont invités à faire leur l’expérience historique des francophones hors Québec, celle de leur minorisation plus poussée. Ils sont susceptibles d’y redécouvrir l’énergie et la volonté politique de vivre en français. Pareil militantisme du quotidien, dirions-nous, a quelque chose d’une donnée hors Québec ; il est enseigné et pratiqué dans les écoles, les familles, les institutions. Il habite en cela non seulement ses institutions, mais plus encore ses citoyens et ses élites, sensibilisés et responsabilisés aux enjeux collectifs francophones ; ne pensons qu’à l’héroïsme « naturel » de la députée Amanda Simard, socialisée de longue date à la « résistance » dans l’Est ontarien, éminemment consciente de la fragilité du fait français en Amérique, et de ce qu’il exige comme engagement individuel et collectif.
Cette fois, c’est à la faveur d’une saine prise de distance d’avec le confort institutionnel et l’attentisme référendaire que pourrait se dessiner un projet commun aux Québécois et aux francophones hors Québec. La majorité relative du Québec en Amérique du Nord est aussi instructive que l’est la minorité relative des francophones hors Québec ; ce sont les deux faces d’une commune expérience nationale, celle de la « nation française d’Amérique » ou de la « civilisation canadienne-française ».
Conclusion
Une mise en garde à tous en guise de conclusion. Attention aux éteignoirs. Que l’on se le tienne pour dit, le Canada français traditionnel ne saurait ni n’a vocation à « revenir ». Il est même absurde d’avoir à l’écrire, tant il s’agit d’une évidence. Toute Tradition réifiée se renie ; c’est plutôt sa capacité à s’infléchir et à s’adapter devant les réalités contemporaines qui fait sa grandeur. On ne sait d’ailleurs pas ce que voudrait dire pareil « retour au Canada français14 ». Le retour de l’Église-nation ? Le retour à la terre ? Le rejet des institutions et des identités provinciales consolidées depuis les années 1960 ? La répudiation des efforts, projets et ambitions politiques ? Disons-le franchement, voilà qui est impensable. Et de fait, personne ne le propose, sinon ceux qui s’en servent pour épouvantail. Comme si l’isolement provincial des francophones ou leur fusion avec le Canada les rapprocherait d’une souveraineté ou d’une fédération alors pensée comme arrachement à soi… Comme s’il ne fallait pas de raisons fortes pour fonder un pays ou en aimer un, comme si la honte ou l’abnégation suffisaient pour motivations, comme si la terre brûlée ou la bonne-entente suffisaient pour stratégies…
Sauf qu’à renier son passé comme ses solidarités en pensant se libérer, les Québécois et francophones hors Québec seront surtout parfaitement libres d’adopter les utopies venues de pays n’ayant pas peur de leurs rêves. Ils auront tout le loisir de se faire plus multiculturalistes et postnationaux que les Canadiens anglais, plus individualistes et capitalistes que les Américains, plus républicains et laïques que les Français, et ainsi de suite, chaque fois au nom d’une liberté importée plutôt que trouvée en soi. Ce qui est en revanche proposée et en cours, c’est une repolitisation de l’espace (post)canadien-français autour d’une conception aussi substantielle qu’originale du destin francophone en Amérique du Nord.
Ce projet est à découvrir de concert, dans une discussion à reprendre au plus vite. Que l’on se permette d’espérer une chose pour elle. Que le Québec et les francophones hors Québec se souviennent qu’ils n’ont pas besoin d’utopies de substitution. Qu’à vrai dire, ils incarnent quelque chose d’une utopie à eux seuls. Situés en marge de l’Empire le plus puissant que l’humanité ait connu, ils montrent qu’un autre monde est possible, au quotidien. Un monde aux ressorts propres et aux débouchés universels, un monde plus solidaire, en français. Voilà peut-être ce rêve et cet engouement que nous avons vu se manifester massivement et spontanément au cours des dernières semaines, dans toutes les communautés francophones au Canada. Faire nation française en Amérique du Nord : quelle folie !, quel grand projet et quelle belle contribution à la diversité du monde.
1 Extrait de la motion de l’Assemblée nationale du Québec en appui aux Franco-Ontariens. La Presse canadienne, « Le drapeau franco-ontarien flotte sur le parlement de Québec », Radio-Canada, 30 novembre 2018, consulté le 3 février 2019 : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1139129/le-drapeau-des-Franco-Ontariens-flotte-sur-le-parlement-de-quebec
2 Ibid.
3 On ne compte plus les propositions québécoises bien intentionnées, mais incongrues aux oreilles des intéressés, notamment celle d’ouvrir le campus d’une université québécoise à Toronto.
4 Jean-Philippe Warren, « L’invention du Canada français : le rôle de l’Église catholique » dans Martin Pâquet et Stéphane Savard (dir.), Balises et références. Acadies, francophonies, Québec, Presses de l’Université Laval, p. 38.
5 Voir notamment Michel Bock, Quand la nation débordait les frontières. Les minorités françaises dans la pensée de Lionel Groulx, Montréal, Éditions Hurtubise HMH.
6 À ce compte, est-il besoin de rappeler que la Révolution tranquille québécoise, dont on a vu surgir des déclinaisons similaires au sein des diverses communautés francophones du pays, ne s’est pas d’abord effectuée contre les francophones hors Québec, mais plutôt dans un désir d’achèvement historique et de complétude sociale partagée ?
7 Statistiques Canada, Recensement, 2006 ; Enquête sociale sur les ménages, 2011.
8 L’exemple le plus évident étant la logique des droits symétriques des minorités linguistiques canadiennes voulant que tout droit octroyé aux francophones hors Québec soit susceptible d’être automatiquement octroyé aux anglophones du Québec et donc, potentiellement nuisible à la Charte de la langue française.
9 Joseph Yvon Thériault, Faire société : société civile et espaces francophones, Sudbury, Prise de parole, 2007, p. 267.
10 André Laurendeau cité dans Fernand Harvey, « Le Québec et le Canada français : histoire d’une déchirure », Simon Langlois (dir.), Identité et cultures nationales. L’Amérique française en mutation, Québec, PUL, 1995, p. 55-56.
11 À titre d’exemple, dans les régions où une population d’origine allemande est nombreuse et possède souvent des racines historiques (notamment en Russie, en Pologne et en Roumanie), l’Allemagne finance la construction de centres culturels d’éducation à la langue et à la culture allemandes, la télévision, la radio, les journaux et les revues allemandes, des infrastructures (par exemple des systèmes d’aqueducs), des centres de santé (par exemple pour les personnes âgées) et de l’équipement médical, tout en encourageant financièrement les petites entreprises et les fermes privées. Voir notamment Karl Cordell et Stephan Wolff, « Germany as a Kin-State: The Development and Implementation of Norm-Consistent External Minority Policy towards Central and Eastern Europe », Nationalities Papers, vol. 35, no 2, 2007, p. 304-305.
12 Nous nous permettons de renvoyer à : Jean-François Laniel, « De l’Amérique française à la Francophonie d’Amérique : la transformation des horizons nationalitaires en francophonie canadienne », Jean-François Laniel et Joseph Yvon Thériault (dirs.), Retour sur les États généraux du Canada français. Continuités et ruptures d’un projet national, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2016, p. 297-343.
13 Jean Johnson, « Le Québec, notre grand frère, nous abandonne », Le Devoir, 30 janvier 2015.
14 Gérard Bouchard, « Revenir au Canada français ? », La Presse, 30 novembre 2018 ; Yvan Lamonde, « Canadien français, un terme qui peut cacher une méprise », Le Devoir, 3 décembre 2018.