En canot sur les chemins du Roi – Note critique

Jean Raspail
En canot sur les chemins du Roi, Albin Michel, 2005, 337 pages

J’ai toujours pensé qu’il fallait être un peu fou pour s’exiler en Nouvelle-France. D’abord, les futurs colons devaient subir la pénible traversée de l’océan Atlantique. Une fois arrivés, le climat rude et la nature sauvage ne tardaient pas à se liguer contre eux. Ne savaient-ils pas que plusieurs des compagnons de Cartier et de Champlain étaient morts de froid ? Les plus avisés se contentaient d’un lopin de terre qu’ils aménageaient à même une forêt aussi dense que la jungle. Comme si ces fatalités n’étaient pas suffisantes en elles-mêmes, les colons devaient aussi se défendre des attaques des Iroquois, alliés des Anglais.

Je ne saurais dire laquelle de ces malédictions était la pire. Mais, s’il fallait être un peu fou pour s’exiler et devenir paysan, il fallait l’être encore plus pour entreprendre l’exploration d’un aussi vaste territoire, que ce soit pour propager la parole de Dieu, découvrir la route vers la Chine ou pénétrer les contrées riches en fourrures. Combien de missionnaires, de voyageurs, d’engagés, de trappeurs et de coureurs des bois, se mouvant dans des conditions abominables ont disparu sans laisser de traces ? Ces derniers ne pouvaient tricher. Au moindre relâchement, à la moindre négligence, c’était la mort. Il faut en effet être un peu fou pour que le courage croisse avec les périls. Il reste que plusieurs sont revenus sains et saufs. Connaissant les dangers, il leur fallait être un peu fous pour repartir tout comme il fallait que les novices le soient pour les suivre. Il faut dire qu’ils n’ont pas eu à tracer de routes. Ils n’avaient qu’à batailler ferme avec l’indomptable courant des ruisseaux et des rivières. Encore leur fallait-il trouver le bon chemin dans ce labyrinthe hydrographique. Ce qu’ils ont fait, grâce aux Amérindiens qui ont été d’admirables guides et de loyaux complices. Sans contredit, nos ancêtres étaient un peu fous, un peu violents, durs à la tâche. Par contre, c’est justement ce type d’hommes qui érigent les empires et non les timorés. C’est donc grâce à eux si la couronne du roi de France a pu rayonner aux quatre coins de l’Amérique du Nord.

Fort heureusement, ce type d’homme n’est pas complètement disparu, comme le prouve l’histoire de ces quatre jeunes scouts français qui ont entrepris, en 1949, de suivre les traces, 276 ans plus tard, du père Jacques Marquette et de l’explorateur Louis Jolliet. Ce sont ces derniers, accompagnés de cinq équipiers, qui ont découvert la route menant au fleuve Mississippi par le nord. L’un de ces jeunes Français, Jean Raspail, n’était pas encore un écrivain à l’époque. Il l’est devenu. Il a écrit un livre à propos de cette épopée. Il l’a intitulé fort élégamment En canot sur les chemins du Roi.

Bien qu’il aurait pu légitimement le faire, Raspail n’était pas du genre à se plaindre ni à se vanter. Le propos de son livre consiste moins à raconter ses performances et ses misères qu’à raconter celles des hommes qui l’ont précédé. De sa plume précise et élégante, leurs noms dévalent comme un torrent : Cartier, Champlain, Louis XIV, Frontenac, Colbert, Jean Talon, La Salle, Brébeuf, Jogues, Washington, Pontiac, Madeleine de Verchères, Radisson, des Groseillers, Annaotaha, d’Iberville, Des Ormeaux, La Vérendrye, sans oublier les deux héros de ce livre : Marquette et Jolliet. Il y a des compagnons de voyage plus ennuyants…

En canot sur les chemins du Roi n’est qu’une infime partie d’une œuvre remarquable. Raspail a en effet écrit nombre d’ouvrages inspirés de ses multiples voyages autour du monde. Il a aussi écrit des romans, dont celui publié en 1973 et intitulé Le camp des saints qui raconte l’arrivée soudaine au sud de la France de dizaines de rafiots transportant des centaines de milliers de réfugiés venant d’Asie. De son aveu même, Raspail ne pourrait plus écrire ce roman aujourd’hui. S’il le faisait, il serait la cible de nombreuses poursuites judiciaires1.

Depuis sa publication, Jean Raspail est un écrivain maudit. Il ne savait pas, à l’époque, qu’il allait être interdit de parler d’immigration massive autrement que pour en illustrer les merveilles. Or, il s’adonne que j’ai lu ce roman. Il est superbement bien écrit et son récit est aussi passionnant que bouleversant. Dans son roman, Raspail ne condamne ni ne juge. Même si, par une ironie monstrueuse, il a discerné l’avenir, il ne se prend pas pour un devin. Ce n’est qu’un modeste écrivain. Et il ne fait que ce que tout bon écrivain sait faire : raconter des histoires. Cette histoire est somme toute banale. Mais ce qui était banal en 1973 ne l’est plus aujourd’hui. Ils sont plusieurs à avoir dénoncé – trente ans plus tard ! – le racisme qui se cacherait derrière le roman. Selon eux, la culture française, et plus largement, la culture occidentale, seraient abominables. Elles engendreraient des racistes à la pelle. Ces calomniateurs croient dur comme fer qu’ils forment l’avant-garde du progrès, alors qu’ils ne sont qu’un symptôme d’une insondable régression intellectuelle et politique dans laquelle nous nous enfonçons un peu plus chaque jour. Il est étrange de constater que plusieurs des écrivains et des intellectuels dont j’apprécie la plume et le labeur sont souvent accusés de « racisme ». De deux choses l’une : ou bien je suis un raciste qui s’ignore, ou bien l’accusation est nettement exagérée. Mais je m’égare. Je ne possède manifestement pas le sens de l’orientation de mes ancêtres coureurs des bois.

Je disais donc que c’est Jean Raspail qui a publié en 2005 le récit de son voyage en Amérique dans un livre intitulé En canot sur les chemins d’eau du Roi. Pour l’écrire, il a retrouvé les notes qu’il avait prises en 1949 :

Il s’agit de mon journal de bord rédigé chaque soir au bivouac. Une écriture malhabile, heurtée, contrariée. Vingt-cinq coups d’aviron à la minute et huit à dix heures par jour tétanisaient les doigts de ma main droite, celle qui fournissait le plus gros effort sans possibilité d’être relevée (p. 13).

Ces quatre jeunes gens ont vécu une expérience unique et seul un écrivain de la trempe de Raspail pouvait en tirer un récit aussi passionnant. Il manie la plume comme il manie l’aviron : avec doigté et aplomb. C’est ainsi que nous nous promenons sans cesse du 17e au 21e siècle sans même que nous nous en apercevions. Pour prendre un exemple parmi d’autres, Raspail décrit l’arrivée de sa brigade à une fourche par laquelle la rivière Outaouais se dirige au nord, vers la baie d’Hudson, et la rivière Matawa qui, elle, file à vive allure en direction de l’ouest, vers les Grands Lacs. Avant lui, combien d’engagés, d’explorateurs et de missionnaires étaient passés par là ? Des milliers, assurément, et parmi eux, nul autre que Champlain en 1615. Raspail, à ce propos, écrit que « De bons compagnons nous avaient quittés là, qui avaient choisi l’autre bras de la fourche. Ils nous étaient devenus familiers, ils nous avaient escortés d’un siècle à l’autre. » Du nombre, il faut aussi ajouter :

Sœur Claire, sœur Cécile, sœur Gertrude, sœur Félicité, en 1843. Elles avaient vingt-cinq, trente ans. Le vicaire apostolique de la baie d’Hudson était allé frapper à la porte des Sœurs grises de Montréal, en quête de mains « maternelles » pour son immense diocèse glacé. Elles ont dû, comme les autres, souffrir des jours et des jours, des centaines de miles, en canots, pour ne trouver, à l’arrivée, qu’une méchante cabane rudimentaire (p. 153).

Combien d’autres sont aussi passés par la fameuse rivière des Français, maintenant appelée, comme il se doit, French River ? Aujourd’hui, cette rivière n’est plus illustre parce qu’elle constitue le passage obligé entre le lac Nipissing et le lac Huron, mais parce qu’elle « est devenue le must du rafting de masse ». Par conséquent, « [l]a rivière, au cœur de l’été, est tout aussi saturée qu’un aéroport en période de vacances. » Et le rafting « introduit la foule là où elle n’aurait jamais dû pénétrer. Le monstre festif n’est plus à l’échelle de la rivière. Il l’écrase de toute sa masse surdimensionnée. » Et Raspail d’ajouter : « Autrefois les morts la sanctifiaient. La rivière ne prélève plus son tribut. Elle a perdu son caractère sacré… » (p. 185). Je le répète, cette aptitude qui consiste à chevaucher les régions et les siècles est tout simplement remarquable.

Il faut savoir qu’au début, Raspail ne voulait pas tant suivre les traces de Jolliet et de Marquette que de se rendre, en canot, à la baie d’Hudson. Il fit toutefois une rencontre déterminante qui changea ses plans.

Au début de l’année 1949, par l’entremise de l’ambassade canadienne, il avait fait la connaissance de l’abbé Albert Tessier à Paris. « Costaud, de petite taille, un grand air d’autorité, [il] incarnait la puissance, à l’époque, du clergé catholique canadien-français » (p. 20). Tessier lui avait raconté l’histoire de la Nouvelle-France et, à un moment donné, le chat sortit du sac : « La baie d’Hudson, ce serait du beau sport, mais là, c’est l’histoire qui vous attend ! » (p. 23). « Savez-vous, de poursuivre l’abbé, combien de forts les Français ont construits sur les chemins d’eau ? On en a répertorié plus de cent. » (p. 24). Et Tessier d’enfoncer le clou, ce qui a vraisemblablement fini par persuader Raspail : « Avec vos canots, vous le verrez, vous l’éprouverez, vous ne quitterez pas la France du roi. Aussi loin qu’on se le rappelle, ce sont toujours les hommes de France qui sont arrivés les premiers. Ils sont les seigneurs de ces eaux. Vous naviguerez dans un flot de souvenirs » (p. 26). Il semble que la verve du prêtre ait touché l’écrivain droit au cœur. Avant qu’il ait eu le temps de le regretter, le voilà parti à l’aventure : 

Du 25 mai au 10 décembre de l’année 1949, pendant deux cents jours, j’ai avironné 2 837 miles, soit 4 565 kilomètres, de Trois-Rivières à La Nouvelle-Orléans par les grands chemins d’eau du roi, le Saint-Laurent, l’Outaouais, la rivière des Français, le lac Huron, le lac Michigan, le Wisconsin et le Mississippi, ce qui était à peu près dans le temps. En 1730, par exemple, il fallait presque un an et demi au marquis de Beauharnais, gouverneur résidant à Québec, pour expédier un courrier au capitaine de Pradel, commandant du fort Rosalie, sur le bas Mississippi, et en recevoir une réponse (p. 11).

Dès le départ, à Trois-Rivières, devant les dignitaires, les majorettes et la fanfare, Raspail et ses compagnons ont pu prendre rapidement la mesure du défi qui les attendait. Il faut dire que le fleuve Saint-Laurent ne se laisse pas apprivoiser facilement. « Les jours se ressemblaient : le fleuve ne cessait de se montrer hostile. Une monotonie hargneuse. Vagues courtes et serrées, pluies fréquentes » (p. 38). Il a alors compris que le fleuve Saint-Laurent est l’empereur de l’Amérique du Nord et qu’il se comporte en conséquence. Après seulement quelques mètres à se battre contre les vagues, le vent, le courant et le froid, ils ont réussi à rejoindre, au prix d’un effort surhumain, une des bouées indiquant le chenal :

Affalés dans nos canots, après avoir abondamment écopé, nous avons pu enfin souffler. Nous étions exténués, la tête vide, les bras tremblants. Nous n’aurions pas tenu cinq minutes de plus, et qui sait, sans cette bouée, jusqu’où le vent et le courant nous auraient emportés à contresens de notre histoire. Sur le quai, la foule s’était dispersée. Je me demandais ce qu’elle pensait des maudits Français. Et le vieux Moïse [le fabricant de canot] ? Et l’abbé Tessier ? Le ciel s’était chargé de nuages noirs et bas… (p. 29-30).

« Maudits Français » ! L’expression était connue en 1949. Se sentant obligé d’en expliquer la signification, Raspail avait, avant même d’avoir mis le canot à l’eau, écrit ceci :

[C’est une] expression familière sur les rives du Saint-Laurent, point du tout inamicale, seulement une façon de rappeler, sur le mode mi-plaisant, mi-sérieux, que la France, après le traité de Paris, en rapatriant, sans trop de regrets, ses élites et tout ce qui composait le fondement de ces « arpents de neiges » », les avaient laissés seuls face aux Anglais, avec, pour toute armature sociale, morale et administrative, leurs simples curés de paroisse, leurs bonnes sœurs, et leurs écoles catholiques, ce qui allait d’ailleurs les sauver (p. 27-28).

Ça prenait bien un « maudit Français » pour avoir compris l’essentiel de l’histoire des Canadiens et des Canadiens français. C’est une de ces vérités historiques qui déplaisent, les « simples curés de paroisse », les « bonnes sœurs » et les « écoles catholiques » étant inlassablement associés à une grande noirceur déshonorante. C’est comme si l’auteur savait d’instinct que les plus humbles de nos bons curés et de nos bonnes sœurs ont été plus utiles à notre survie que ne le sera jamais tout un régiment formé d’intellectuels à l’esprit encombré mais au cœur vide. Oui, ça prenait un « maudit Français » pour raconter une histoire qui n’intéresse plus personne, au premier chef, les descendants de ces « maudits Français ».

L’autre grande qualité de ce récit est ce mélange constant de la petite et de la grande histoire. C’est ainsi qu’il nous rappelle l’importance stratégique qu’avait l’île Mackinac :

Michilimackinac (en abrégé local : Mackinac) se traduit Grande Tortue en langue algonquine. De la taille de Port-Cros, ou de Bréhat, mais ronde et plus ramassée, haute sur l’eau, elle a la forme d’une carapace de tortue. Au temps des guerres franco-anglaises, puis des guerres anglo-américaines, celle de l’Indépendance et celle de 1812, on l’appelait le Gibraltar des Grands Lacs. Qui tenait Mackinac verrouillait le lac Michigan et pouvait interdire toute communication maritime entre le Huron et le Michigan. Les Français tenaient Mackinac et il en fut ainsi jusqu’en 1763 (p. 211-212).

Parfois, notre petite histoire, grâce à Raspail, se mêle à la grande :

Il ne restait aux Iroquois qu’à rassembler leurs convois de l’Outaouais, des dizaines de canots, des centaines de guerriers, à dévaler la rivière en anéantissant Ville-Marie au passage et à faire irruption sur le Saint-Laurent. Seul obstacle à la déferlante : le goulet du Long-Sault, encaissé, quelque chose comme les Thermopyles, Camerone, El Alamo. C’est là que Dollard des Ormeaux, à la tête de seize volontaires auxquels s’étaient joints Annaotaha et ses trente derniers guerriers, a décidé de prendre position (p. 90).

Bien que pagayant comme pas un, Raspail ne quitte jamais la terre ferme. Son histoire en est une enracinée et à hauteur d’homme. Il ne conte pas l’histoire de la Nouvelle-France du haut de ses connaissances livresques. Grâce à une plume inspirée, nous éprouvons la fatigue et les souffrances de sa brigade ; nous arrivons à entrevoir la beauté de la nature dont nous ressentons aussi la violence ; nous devinons leur crainte lorsque nos amis entendent, au loin, le grondement d’une chute ou d’un rapide. Ainsi, on peut aisément s’imaginer les jubilations et les tourments qui ont été ceux de Jolliet, de Marquette, de leurs équipiers et de tous les autres. Voilà comment on transforme un récit intéressant en une histoire fabuleuse. Il faut lire son récit racontant leur empoignade avec le rapide des Chats, situé plusieurs kilomètres à l’ouest d’Ottawa. C’est un classique du genre. « On ne l’aborde pas n’importe comment, écrit d’abord, Raspail, et encore moins facilement. En vue des Chats, dans les canots, les engagés se signaient et récitaient une prière, qui pour être courte, car le temps pressait, n’en était que plus ardente » (p. 118-119). Il poursuit :

Alors que l’affaire semblait gagnée, au deuxième dos de chat, le pépin. Un tourbillon inattendu, creusé en spirale, comme un entonnoir, a fait virer le canot de bord sur bord et l’a jeté dans un contre-courant vicieux qui le propulsait droit sous la cascade, une chaudière bouillante, hérissée d’écume, des tonnes d’eau qui tombaient en rideau du sommet. Il s’en fallait d’une quinzaine de mètres, ensuite, ensuite… Pas le temps d’y penser (p. 120).

« L’expérience, ajoute l’auteur, n’y jouait pas le moindre rôle. La mort frappait au hasard. On retrouvait rarement les corps, entraînés loin en aval. On dressait des croix de bois, au nom du souvenir, faites de troncs de pin grossièrement équarris, à la hâte » (p. 121). Raspail et ses amis ont cherché ces croix qui ont jadis été plantées. Son récit d’aventure se transforme alors en exercice spirituel :

Nous en avons trouvé deux, Philippe et moi, au début de la montée, en allant reconnaître le sentier, puis deux encore au sommet du petit col à flanc de rocher qui surplombait la cascade avant de redescendre de l’autre côté. Nous les avons trouvées parce que nous les avons cherchées. Pèlerins aussi, nous étions. Il nous semblait inconcevable de ne pas en saluer au moins une parmi toutes celles qui avaient sacralisé ces lieux. La forêt les avait enfouies. Nous avons fouillé au bâton dès qu’un espace plat laissait supposer qu’autrefois il y avait là une petite clairière, comme un reposoir de procession. Nous les avons découvertes couchées sous la mousse et presque enterrées dans l’humus, leur bois pourri, spongieux, brisé en morceaux, mais toujours croix (p. 121-122).

Parlant de portage, Raspail et ses compagnons ont retrouvé un ancien reposoir qui permettait aux voyageurs d’y déposer leur canot afin de reprendre leur souffle : « Les reposoirs formaient un bien commun à tous, amis et ennemis, tels des puits dans le désert. Nous n’en avons pas rencontré d’autres. Celui-là était le dernier et nous étions les derniers à l’utiliser. Nous fermions la longue marche des brigades » (p. 123).

Il y avait cependant un autre défi aussi monstrueux que ne pouvaient l’être la descente des rapides et le portage. Raspail, comme tous les autres, a commis l’erreur de le sous-estimer, ce qui le rendait d’autant plus malfaisant. Les présentations faites, on a l’impression que l’auteur écrit au nom de tous ceux qui en ont souffert :

Nous avons planté le camp – les voyageurs disaient l’encampement – un peu plus loin, au sein d’une idyllique petite clairière peuplée d’écureuils qui filèrent se réfugier sur les hautes branches. D’autres habitants du lieu, moins charmants, se précipitèrent au contraire à notre rencontre. Il s’agissait d’énormes maringouins, non plus l’avant-garde, mais un fort détachement assoiffé de sang. On ne lutte pas contre les maringouins. S’administrer des claques sur les parties nues du corps qu’ils attaquent ne sert à rien. Ils sont trop nombreux. Dès qu’on ouvre la bouche, ils s’y engouffrent en commando de guerre, piquant la langue et le palais, causant d’intolérables démangeaisons que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi. Il n’existait que deux modes de défense, s’enduire de graisse animale sans oublier les lèvres, les oreilles et les narines, ou allumer le plus vite possible un feu qui produise beaucoup de fumée. Nous avons choisi la seconde solution (p. 97-98).

Plus on lit le livre, plus on en vient à penser que ce voyage n’était qu’un prétexte. En se prenant comme témoin principal, en nous racontant ce qu’il a vécu, ce qu’il a vu, ce qu’il en a pensé en 1949 et ce qu’il en a pensé en 2005, Raspail voulait nous raconter la fabuleuse histoire de l’Amérique française. À l’évidence, il y a des manières moins pénibles et hasardeuses que de suivre les pas des Amérindiens et des explorateurs. Il est en effet plus simple de se lancer à l’assaut des archives enterrées dans les bibliothèques que de se râper les genoux au fond d’un canot, que de s’écorcher les mains en tenant les avirons, que d’être dévoré vivant par les maringouins. Raspail et ses compagnons sont les derniers Français à avoir pu observer leur ancien empire. Ils sont les derniers témoins d’un monde aujourd’hui englouti. Raspail en était fort conscient : « Nous étions quelque chose comme des explorateurs posthumes, des découvreurs d’un monde disparu venus l’espace d’un court moment réveiller de très anciens souvenirs et aussitôt les emportant avec eux dans le sillage de leurs canots » (p. 48).

Ce n’est cependant pas seulement l’Amérique française qui renaît sous nos yeux, c’est aussi celle de l’époque où Raspail a entrepris son voyage, soit celle de l’après-guerre. Par exemple, on est étonné de l’omniprésence des religieux lors de la première partie du voyage. Dit autrement, Raspail ressuscite le vieux Canada français. Mobilisés par l’abbé Tessier, nombre de prêtres, de frères, de sœurs l’accompagneront tout au long de la rivière des Outaouais, jusqu’à Ottawa. Une fois arrivée dans la capitale, un nouveau monde s’ouvre à lui : « Aucun représentant de l’épiscopat, cette fois – en changeant de rive on avait changé d’obédience, le roi George VI au lieu de Pie XII, et le bras long de l’abbé Tessier ne s’étendait pas jusqu’aux anglicans » (p. 106). Encore plus loin, nos quatre voyageurs reçoivent une visite pour le moins inattendue. Près de Green Bay, au Wisconsin, six sœurs et un prêtre en bicyclettes fendent l’air en leur direction, tels des spectres surgis du fond des âges :

Les six religieuses étaient Bretonnes, envoyées là il y a des lustres par leur maison mère de Redon et ne souhaitant plus y retourner. Le prêtre était canadien-français. Il s’appelait le père La Treille, curé de la paroisse catholique, très fier des baffles de son clocher et de sa collection de disques de sonneries de cloches (p. 257). 

C’était comme si quelques descendants des coureurs des bois oubliés en forêt depuis des siècles rappliquaient !

Si le phénomène religieux est si présent dans cet ouvrage, ce n’est pas seulement parce que les missionnaires ont eu un rôle essentiel dans l’exploration de l’Amérique du Nord et dans la fondation de l’empire français ; ce n’est pas parce que ce voyage a pu se réaliser grâce à l’intervention de l’abbé Tessier ; ce n’est pas parce que la religion était encore très présente au Canada français en 1949 ; ce n’est pas non plus parce que Raspail et ses amis étaient plus ou moins croyants. Non, la religion est présente dans cet ouvrage parce que ce voyage avait aussi une valeur spirituelle, voire initiatique, pour ces quatre jeunes hommes. Confrontés à la peur, à la fatigue, aux tourments, mais aussi, ne l’oublions pas, témoins de la splendeur et du fragile équilibre de la nature, du profond silence des forêts, ce voyage était aussi intérieur. C’est d’ailleurs ce que souligne l’auteur à maintes reprises, dont un certain soir, après une longue et épuisante journée, à quelques kilomètres en amont d’Ottawa :

Que font les scouts autour d’un feu ? Ils chantent, puis avant de se coucher ils prient en chantant. Cela n’a pas été notre pratique quotidienne. Sans doute, à vingt-trois ans, commençais-je à y croire un peu moins, et le plus souvent nous nous écroulions, épuisés, sitôt la dernière bouchée avalée, anéantis par le sommeil. Il y fallait une certaine ambiance rare, la plénitude, l’isolement, l’élan religieux jubilatoire qui se dégage d’un environnement naturel et vrai, comme si le monde venait d’être créé, le sentiment presque monastique de s’échapper de l’univers réel et d’être mis en la présence de Dieu. Un faisceau de conditions qui ne convergent qu’exceptionnellement. Ce soir-là, elles étaient réunies, et le chant montait dans le silence de la clairière (p. 99).

Pour ne pas se perdre, nos voyageurs pouvaient compter sur des cartes géographiques. Mais tout au long de son ouvrage, Raspail fait mention d’une « bible » à laquelle il a pu se fier. Une fois arrivés à l’île Thessalon, « nous nous sommes définitivement séparés des engagés et des voyageurs, et de tant d’autres compagnons qui nous avaient précédés sur ce chemin. Notre route, désormais, c’était plein sud-ouest, puis sud, vers le lac Michigan et le Mississippi » (p. 205). Il a alors rangé au fond de sa cantine Les engagés du Grand Portage, de Léo-Paul Desrosiers, sa « bible ». Mais ce n’est pas la seule chose dont Raspail a dû se séparer. « En quittant la rivière des Français, écrit-il, nous nous sommes également séparés du plus ancien des nos compagnons, le doyen de tous les voyageurs, Champlain, qui, pour sa part, en août 1615, avait mis cap au sud-est en direction de la Huronie, au fond de la baie Georgienne » (p. 185-186). Puis, « À Canahouga fut édifiée la première église catholique des Grands Lacs, où le père Caron célébra la messe en présence de Champlain et de milliers d’Indiens. Il avait cinq ans d’avance sur les puritains du Mayflower » (p. 186).

À l’île de Thessalon en direction de Mackinac, c’est alors que Marquette et Jolliet entrent en scène. La foi et la générosité du cœur du premier s’appuyaient sur les connaissances hydrographiques et la vigueur du second. Les deux étaient des voyageurs expérimentés et ils parlaient plusieurs langues amérindiennes. Raspail a donc pu se laisser guider grâce à sa deuxième « bible » tout aussi fiable que la première : les écrits du bon père conservés dans les Relations des jésuites, dont il cite les premières lignes :

Ce fut donc le 17e jour de mai 1673, que nous partîmes de la mission de Saint-Ignace, où j’estois pour l’heure ; la joye que nous avions d’estre choisis pour cette expédition animoit nos courages et nous rendoit agréables les peines que nous avions à ramer depuis le matin jusqu’au soir (p. 221).

Comme pour les inscrire eux aussi dans l’histoire, Jean Raspail a l’élégance de nommer les compagnons de voyage de Marquette :

Ils étaient sept, dans deux canots légers, le chef de l’expédition, Louis Jolliet, Jacques Largillier dit le Castor, Jean Thiberge, Pierre Moreau dit la Taupine, gouvernail du second canot, Jean Flattier, et le Chirurgien, ainsi nommé parce que, après avoir combattu à mort un grizzli, il s’était lui-même recousu ses blessures. Tous coureurs des bois expérimentés, le muscle dur, la parole brève, la patience mûre, coiffés de la tuque rouge et vêtus de peau d’élan (p. 221-222).

Après des semaines et des kilomètres de labeur acharné, Raspail se retrouve enfin sur le fleuve Mississippi. Mais ce fleuve, comme son frère, le Saint-Laurent, est capricieux, aves ses forts courants et ses crues intempestives. Les forêts touffues qui entouraient les Grands Lacs ont graduellement disparu au profit de la plaine de l’Ouest. Les Amérindiens ne connaissaient ni la source ni l’embouchure de la « Grande rivière ». Ils prédisaient même les pires cruautés à ceux qui tenteraient de les découvrir. Lisons Raspail à ce sujet :

C’est ainsi que les Français furent d’abord induits en erreur en entendant pour la première fois les Indiens faire allusion au fleuve et leur prédire tous les malheurs s’ils s’obstinaient à en percer le secret, c’est-à-dire savoir où il conduisait. Cela ne dura pas. Marquette, Jolliet, Cavelier de La Salle, déjà, étaient modernes. On a vu qu’ils n’hésitèrent pas, qu’ils passèrent outre et reconnurent le Mississippi pour ce qu’il deviendrait, pour ce qu’il est, un formidable moyen de communication, d’une force et d’une ampleur jamais vues, et une source inépuisable de richesse et de fertilité pour toutes ces immensités qu’il traversait (p. 297-298).

Je me permettrai une autre digression. Jean Raspail s’ajoute à la longue liste d’écrivains et d’historiens qui commettent un forfait qui m’horripile : minimiser, voire ignorer l’œuvre de l’explorateur incomparable qu’a été Louis Jolliet. Je rappelle que Jolliet est un enfant de la Nouvelle-France, né à Québec autour de 1645. Il n’est ni Français ni Américains. Donc, les premiers le boudent tandis que les seconds l’ignorent, tout comme nous d’ailleurs, sa postérité, ce qui ajoute l’insulte à l’injure. À ce sujet, Lionel Groulx tente d’expliquer ce qui pouvait bien pousser de jeunes hommes, tel Jolliet, à apprendre l’art de l’aviron avant même de savoir marcher :

Tout l’été, une partie de l’automne, défilent, dans les rues de la petite capitale, des ambassades indiennes, des missionnaires en robe glorieusement délabrée, des « canoteurs » fameux, qui ont avironné sur les plus occidentaux des Grands Lacs. Tous ces hommes, les derniers surtout, incarnent aux yeux de la jeunesse, un idéal ensorceleur, idéal de force audacieuse, presque surhumaine2.

Et le chanoine de conclure : « Avec Champlain, Talon, La Vérendrye, Jolliet reste l’un des plus grands constructeurs de l’empire français d’Amérique3. »

Revenant de son voyage sur le fleuve Mississippi, durant lequel il a parcouru plus de 5 000 kilomètres, Jolliet avait de grandes ambitions. Malgré sa spectaculaire réussite, il a été freiné par les manigances politiques quelque peu sournoises de Frontenac, celui-là même qui lui avait donné le mandat de trouver la route conduisant au grand fleuve. Devant les succès de Jolliet, un « vulgaire canadien », l’establishment français, dirions-nous aujourd’hui, a refusé de reconnaître ses succès à leur juste valeur :

Frontenac flaira le danger, écrivit aussitôt à Colbert que Jolliet, de mèche avec les Jésuites et l’intendant Duchesneau, tentait de ruiner les efforts de La Salle sur les Lacs. Il ajoutait que l’importance des explorations du Canadien avait été fort exagérée, et réclamait pour La Salle, dont il vantait les voyages, ce qu’il croyait que l’on dût refuser à Jolliet4.

Il a non seulement découvert la route menant, par le nord, au Mississippi, mais il a aussi été jusqu’à la baie d’Hudson en passant par le Lac-Saint-Jean, ainsi qu’au Labrador où il a fait la traite avec les Esquimaux. Son audace et son courage étaient tels que Louis XIV finira par reconnaître ses mérites en lui concédant en 1680 l’île d’Anticosti. Cette reconnaissance ne répare pas les injustices commisses envers cet homme exceptionnel qui est mort comme il aura vécu, soit en disparaissant autour de l’an 1700 au large des îles Mingan. Il n’y a aucune statue et aucune rue à Montréal portant le nom de Louis Jolliet. La rue Jolliette et la station de métro du même nom, dont l’orthographe est différente, n’ont pas été baptisées en l’honneur de cet explorateur de premier ordre qu’a été le découvreur du Mississippi, mais plutôt en l’honneur de Bathélemy Joliette, le fondateur de la ville de… Joliette !

Cela dit, il reste que pour nous, Canadiens, Canadiens français, puis Québécois, la Conquête de 1760 et le traité de Paris de 1763 ont eu de tragiques conséquences. Entre autres, l’ardeur impétueuse qui a permis l’édification d’un immense empire a disparu. On ne sert pas la gloire de son roi comme on sert celle d’un roi étranger. Raspail, une fois rendu aux États-Unis, ressent ce deuil quand il écrit que « sur le terrain, rien ne subsistait. Le temps des Français n’a rien laissé, une sorte d’Atlantide qui se serait enfoncée dans l’humus américain. Avions-nous compté si peu ? C’était une impression extrêmement frustrante, pour des Français engagés sur les chemins du roi » (p. 270).

Mais ce que nous savons moins est que cette défaite et ce traité ont aussi eu des effets dramatiques pour les Français qui étaient restés dans les forts situés à l’est du Mississippi et, surtout, je dirais, pour leurs alliés amérindiens. À ce sujet, l’auteur fait ce bouleversant récit : « 1765, c’est l’année où les derniers détachements des compagnies franches de la Marine ont évacué la région, comme le traité de Paris l’imposait ». Mais certains ont résisté :

Puis est arrivé George Washington, commandant des milices de Virginie et de l’Ohio au nom du roi George III, avec ordre de rendre la vie difficile aux colons français les plus déterminés, surtout s’ils s’entouraient de sauvages, ce qui n’était plus tolérable (p. 291).

Et Raspail de conclure cette épisode de l’histoire de la présence française en ce coin d’Amérique : « C’est ainsi que George Washington a commencé sa carrière, en s’attaquant aux Français… » (p. 292). C’est ce même Washington qui vaincra l’armée anglaise quelques années plus tard grâce au soutien de l’armée française. Voilà une douloureuse ironie dont seule l’histoire a le secret…

Si Raspail est sensible au sort des Français, il l’est aussi à celui des Amérindiens. Prétextant une course de canots que lui et ses compagnons ont gagnée face à des Amérindiens, pourtant, en principe, supérieurs en cette matière, il en profite pour décrire leur triste destin :

Je savais pourquoi nous avions gagné, parce que nous étions pétants de santé, entraînés comme des machines bien rôdées, Peaux-Rouges à plein temps, en quelque sorte, tandis que ces manœuvres de chantier, coupés de leur vie d’autrefois et jetés dans un monde étrangers, n’étaient plus, en cette circonstance, que des Indiens d’occasion. Un siècle et demi plus tôt, ils n’auraient fait de nous qu’une bouchée. Pas de quoi pavoiser… (p. 195).

Toujours aux États-Unis, l’auteur analyse les conséquences des vagues d’immigrations successives qui ont peuplé le mid-west américain :

[Les immigrants venant principalement du nord-est de l’Europe] s’étaient tous retrouvés là dans les dernières décennies du XIXe siècle, submergeant les W.A.S.P. de Nouvelle-Angleterre qui s’étaient avancés jusqu’ici après s’être partagé les dépouilles des Français qui les avaient eux-mêmes précédés et dont ils n’avaient rien hérité, ni la langue, ni l’histoire, ni les façons, ni l’élégant détachement des biens matériels et encore moins leur inclination fraternelle à l’égard des populations indiennes (p. ٢١٥).

Je rappelle que le voyage décrit dans En canot sur les chemins du Roi a été fait en 1949. Tout au long de leur descente du Mississippi, nos « maudits Français » ont dû s’adapter, pour le meilleur et pour le pire, à la réalité américaine. Comme au Québec et au Canada, à leur arrivée dans un village ou une ville des États-Unis, nombre de dignitaires et de curieux les attendaient pour les saluer, quand ce n’était pas pour les inviter à des banquets préparés en leur honneur. Or, écrira Raspail, qu’elle ne fut pas leur surprise de s’apercevoir qu’à Helena (Arkansas), à Greenville (Tennessee), « lors des cérémonies organisées pour nous recevoir en grande pompe, les étiques troupes scoutes noires défilaient en queue de cortège, comme en surnombre, et cela nous a laissé une forte impression de malaise » (p. 325). Comme quoi, si les Amérindiens regrettent l’arrivée des Européens sur leur territoire, les Noirs regrettent, eux, d’y avoir été amenés…

L’intérêt du livre de Jean Raspail réside moins dans l’histoire proprement dite que dans la conviction que l’histoire, justement, est faite par des hommes en chair et en os. En définitive, pour peu que nous aimions l’histoire et les hommes qui la font, nous devons reconnaître que ces derniers ne font que suivre les sentiers qui ont été balisés par ceux qui les ont précédés. Les missionnaires, les engagés, les voyageurs, les trappeurs, les coureurs des bois et leurs alliés amérindiens ont donc bien leur travail : Raspail et ses amis ont atteint sains et saufs La Nouvelle-Orléans. Cette conviction de l’auteur jure avec notre époque qui s’est donnée corps et âme au recommencement perpétuel. Sachant cela, En canot sur les chemins d’eau du Roi est un ouvrage révolutionnaire.

Peut-être que le récit de Raspail comporte ici et là quelques erreurs ; peut-être qu’il exagère certains aspects, comme il en sous-estime peut-être d’autres ; peut-être que sa mémoire lui a joué des tours. Peu importe. D’abord, parce que c’est un bonheur de lire ce récit époustouflant autant qu’émouvant. Ensuite, parce qu’il nous raconte une partie de notre propre histoire ; une histoire fabuleuse faite de courage, de loyauté, d’abnégation, de vigueur, de détermination ; bref, une histoire de fous ! Et cette histoire est d’autant plus extraordinaire que, comme le souligne Lionel Groulx, se référant au voyage de Marquette et de Jolliet : « cette nouvelle portion d’empire, la France venait de la conquérir comme les autres, sans débourser un sou, ni tirer un coup de feu5. » Il est affligeant de penser que cet empire ait disparu précisément par ce qui avait fait sa gloire.

Grâce à une plume rompue aux voyages, portée par un vocabulaire riche, des sentiments nobles et une fougue solennelle, tout en nous faisant partager leurs misères, mais aussi leur grandeur et leur dignité, Jean Raspail a su pénétrer l’esprit de ces Français un peu fous qui ont débarqué en terre d’Amérique. Il nous permet de redécouvrir un monde que nous, leurs descendants, avons oublié. Ne serait-ce que pour ces raisons, nous devons lui en être éternellement reconnaissant.

 

 

 


1 Jean Raspail a proposé en 2011 une réédition de son roman. J’invite les amoureux de la langue française à le lire. Plus encore, j’invite aussi les amoureux de la liberté d’expression à lire la préface intitulée ironiquement Big Other. Ils comprendraient alors que cette liberté n’est plus aujourd’hui que théorique. En annexe, à la fin de l’ouvrage, il est indiqué que si ce livre était publié aujourd’hui, « il serait susceptible de poursuites judiciaires pour un minimum de 87 motifs ». On s’attend à mieux de la France, patrie de Voltaire et de combien d’autres esprits remarquables.

2 Lionel Groulx, Notre grande aventure, BQ, [1958] 1990, p. 227-228.

3 Ibid., p. 253.

4 Alain Grandbois, Né à Québec, BQ, [1948] 2004, p. 186.

5 Lionel Groulx, op., cit., p. 253.