Je suis une citoyenne touchée par les projets éoliens.
Avant qu’un tel projet s’installe chez nous, j’ai osé croire que la communauté pourrait entamer un processus de choix éclairé. J’ai trouvé quelques alliés et ensemble nous avons posé les jalons d’une telle opération réflexive dans la MRC de Nicolet-Yamaska.
Plus nous creusions et plus notre gros bons sens, notre éthique et notre devoir de protéger le bien commun nous menaient vers l’opposition au développement éolien tel que proposé par Hydro-Québec (dans son appel d’offres), le MEIE (dans son décret) et les promoteurs privés (par leur porte ouverte et présentation de projet). Non pas une opposition aveugle aux éoliennes en soi. Et certainement pas une opposition à la transition énergétique et surtout socioécologique qui est si urgente et nécessaire.
Dès le départ, certains ont trouvé plus pratique de nous étiqueter comme des opposants aux éoliennes. Puis, nous avons découvert l’expression « pas dans ma cour ». Ce « syndrome » consisterait en une opposition citoyenne de gens résidant à proximité d’un lieu ciblé par un nouveau projet ou une nouvelle réglementation par exemple. Leur désaccord serait intéressé, contrairement aux démarches des décideurs qui auraient une vision plus large de la situation et qui doivent prendre leurs décisions pour le bien de tous.
Comme si s’opposer à un projet précis ou à un certain modèle de développement qui nous touche faisait de nous des gens en conflit d’intérêts ou qui s’opposent à tout, des égoïstes centrés sur leur nombril ou des idéalistes non réalistes qui empêchent le progrès.
J’ai été choquée de voir combien d’élus, d’universitaires et même de groupes environnementaux utilisent encore ce terme, pourtant démonté par les experts en acceptabilité sociale. Ce concept réduit et dénigre l’opposition fondée sur un argumentaire solide et légitime dans la plupart des cas. Il fait violence aux citoyens de bonne foi qui souhaitent prendre part aux décisions dans une nation qui s’est choisie démocratique, mais qui doivent travailler extrêmement fort pour réussir à influencer un tant soit peu le cours des choses.
Voici donc une réponse que j’adresse à tous ceux qui croient encore en l’existence d’un syndrome « pas dans ma cour ».
Oui, c’est bien de ma cour qu’il s’agit. Mais je vous demande, y a-t-il quelqu’un de mieux placé que moi pour la défendre? En cette période de crises généralisées (environnementales, sociales, politiques, etc.), qui d’autre aurait l’énergie, sacrifierait son précieux temps libre et ses rares ressources financières pour protéger ma cour?
Quand on tente de réduire la portée de mon message parce que je défends ma cour, je me demande :
- Est-ce qu’on me considère vraiment en conflit d’intérêts si je souhaite protéger l’actif que constitue ma maison?
- Et ce « conflit d’intérêts » pèse-t-il plus lourd dans la balance que les gigantesques intérêts des multinationales impliqués dans ce projet éolien?
- Et que dire de ces municipalités qui donnent leur appui à ces développements, sans analyse approfondie ni consultation citoyenne digne de ce nom, en contrepartie de plusieurs millions?
Je me questionne…
Si ma cour abritait une biodiversité non négligeable? Si elle faisait partie d’un héritage paysager collectif? Si elle contribuait à ma santé, celle de mes voisins et celle de l’écosystème?
Et si protéger ma cour me permettait de m’informer, de m’ouvrir aux enjeux plus larges, de commencer à considérer le territoire du Québec en entier comme ma propre cour et de prendre la responsabilité de le protéger?
Et vous, qui habitez en ville, qui n’avez peut-être pas de cour… merci de tout de même considérer l’importance de la protection de MA cour. Car, quand vous sortirez de la ville pour profiter de la nature, c’est dans ma cour que je vous accueillerai à bras grand ouverts.
* Citoyenne de Saint-Léonard d’Aston.



