Geneviève Dorval-Douville et Jean-François Gingras. Rêver le territoire

Geneviève Dorval-Rouville et Jean-François Gingras
Rêver le territoire. Vers une vision partagée de son potentiel, Les éditions Somme toute, 2018, 156 pages

Ce livre s’inscrit dans une série d’essais réalisés par des auteurs associés aux Orphelins politiques, un mouvement citoyen visant à proposer des solutions pragmatiques et innovantes pour faire avancer le Québec. Cette série cherche quant à elle à redonner aux Québécois la fierté et le goût de bâtir collectivement le Québec.

Rêver le territoire est un essai portant sur le territoire qui contribue sans aucun doute à l’atteinte de cet objectif. Les auteurs n’hésitent pas à parler de « nos racines », « d’identité », de « nos origines » et d’histoire, principalement pour expliquer l’impact du territoire sur la construction de l’identité québécoise. S’ils présentent une version quelque peu idyllique de la conception autochtone du territoire, cela ne les empêche pas de décrire honnêtement la Nouvelle-France, notamment en rappelant que « le régime seigneurial ne dépendait pas de l’expulsion des Autochtones des terres ». Plus pertinent encore, ils ajoutent ensuite « Malheureusement, la Conquête a entraîné la cession de la majorité de ce vaste territoire au bon vouloir des autorités britanniques ». Puis, après un rappel au sujet de l’importance de l’empreinte française en Amérique du Nord, ils concluent par ces mots : « Notre peuple a vraiment bâti l’Amérique. Soyons-en fiers. » Bref, le premier chapitre intitulé « Apprivoiser » est pertinent et réussi.

Le chapitre suivant, intitulé « Dynamiser », l’est aussi dans une moindre mesure. Il expose une série d’exemples de villages ou de régions qui ont pris leur développement en main, que ce soit Saint-Camille avec son Centre communautaire Le P’tit Bonheur et ses terrains offerts à des jeunes familles, ou le Saguenay et ses synergies autour de l’aluminium. Seul bémol, particulièrement dans ce chapitre, la qualité des argumentations est variable. Souvent, les propos sont précis et très bien documentés. C’est le cas par exemple au sujet de l’évolution des principaux facteurs d’attraction, passés des faibles coûts de main-d’œuvre à la qualification de celle-ci et aux infrastructures de transport. Parfois, l’argumentation est moins précise. Ainsi, lorsqu’il est mentionné que « Les PME représentent en tout 92% des emplois au Québec », il s’agit d’une inexactitude. Les PME représentent plutôt 92% des emplois québécois dans le secteur privé. Les auteurs auraient eu avantage à consulter des documents émanant d’instituts de statistiques plutôt que des articles de La Presse+.

Le troisième chapitre a pour titre « Connecter » et concerne Internet ainsi que les transports. Sans surprise, les auteurs plaident pour un développement ferroviaire en régions, de manière à la fois ambitieuse et pragmatique, notamment lorsqu’ils affirment « Visons le meilleur rapport qualité-prix (…) allons chercher les fonds au fédéral, au privé s’il le faut, et fonçons ! ». Le même pragmatisme intelligent marque leur position favorable aux aéroports en régions, alors qu’il aurait été facile de s’y opposer sous le faux prétexte qu’ils ne profitent qu’au 1 %.

Ces derniers éléments et le régionalisme qui traverse l’essai démontrent que leur progressisme réaliste et enraciné les éloigne de la gauche radicale et les rapproche de l’Aut’gauche de Roméo Bouchard, ce qui confirme autant sa pertinence que son originalité.

Guillaume Rousseau
Professeur de droit, Université de Sherbrooke<a  

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