Jean Lamarre. Le mouvement étudiant québécois des années 1960 et ses relations avec le mouvement international

Jean Lamarre
Le mouvement étudiant québécois des années 1960 et ses relations avec le mouvement international, Québec, Septentrion, 2017, 175 pages

Jean Lamarre1, professeur titulaire au département d’histoire du Collège militaire royal du Canada, renouvelle sa collaboration avec la maison d’édition spécialisée en histoire, Septentrion, pour la parution d’un ouvrage s’intéressant aux relations bilatérales que l’Union générale des étudiants du Québec (UGEQ) a pu établir avec d’autres formations étudiantes nationales pendant sa courte existence de 1964 à 1969. Plus précisément, l’auteur se questionne sur les liens que l’Union a pu établir avec les mouvements étudiants canadien, américain et français et quelle influence ces liens ont pu avoir sur les discours et les pratiques du mouvement étudiant québécois. Si de nombreuses autres études ont déjà tenté de découvrir les traits communs des différents mouvements étudiants nationaux des années 1960, l’originalité de M. Lamarre est d’analyser, au moyen d’archives, les appuis, soutiens et collaborations et les condamnations, rejets et tensions entre les diverses organisations. Il cherche à démontrer que l’UGEQ a agi à la fois comme émetteur et comme récepteur d’idées.

Jean Lamarre
Le mouvement étudiant québécois des années 1960 et ses relations avec le mouvement international, Québec, Septentrion, 2017, 175 pages

Jean Lamarre1, professeur titulaire au département d’histoire du Collège militaire royal du Canada, renouvelle sa collaboration avec la maison d’édition spécialisée en histoire, Septentrion, pour la parution d’un ouvrage s’intéressant aux relations bilatérales que l’Union générale des étudiants du Québec (UGEQ) a pu établir avec d’autres formations étudiantes nationales pendant sa courte existence de 1964 à 1969. Plus précisément, l’auteur se questionne sur les liens que l’Union a pu établir avec les mouvements étudiants canadien, américain et français et quelle influence ces liens ont pu avoir sur les discours et les pratiques du mouvement étudiant québécois. Si de nombreuses autres études ont déjà tenté de découvrir les traits communs des différents mouvements étudiants nationaux des années 1960, l’originalité de M. Lamarre est d’analyser, au moyen d’archives, les appuis, soutiens et collaborations et les condamnations, rejets et tensions entre les diverses organisations. Il cherche à démontrer que l’UGEQ a agi à la fois comme émetteur et comme récepteur d’idées.

Dans le premier chapitre, l’auteur présente l’UGEQ, née de la scission au sein du mouvement étudiant pancanadien entre les francophones et les anglophones, comme une organisation à la fois indépendantiste, socialiste, utopiste et missionnaire qui a tenté d’utiliser l’actualité internationale pour mobiliser les étudiants québécois sur la question de l’indépendance politique du Québec. En dénonçant le colonialisme, la ségrégation et l’impérialisme ailleurs, les dirigeants de l’UGEQ cherchaient à conscientiser les étudiants québécois à leur propre réalité d’exploités et de discriminés. Malheureusement pour eux, les événements internationaux ont peu suscité l’intérêt des étudiants2.

Malgré les efforts de réformes entrepris en 1963, les désaccords entre les associations étudiantes francophones et anglophones au sein du mouvement étudiant canadien sont trop importants et le divorce est alors consommé en 1964. Cette division et la création de l’UGEQ embarrassent l’Union canadienne des étudiants (UCE) qui risque alors de voir sa crédibilité et sa légitimité ébranlées aux yeux des autres organisations nationales. Les relations entre le mouvement étudiant québécois et le mouvement étudiant canadien sont alors tendues, mais les dirigeants des deux organisations maintiennent tout de même des contacts courtois. Toutefois, à partir de 1965, les deux organisations se rapprochent. M. Lamarre soutient, dans ce second chapitre, la thèse de Douglas Nesbitt (2009) comme quoi le radicalisme du mouvement étudiant québécois a influencé le mouvement canadien et serait à l’origine de son renouveau au milieu des années 1960. L’Union canadienne des étudiants a alors délaissé son approche corporatiste et conservatrice afin d’opter pour un syndicalisme étudiant calqué sur celui de l’UGEQ.

Le troisième chapitre aborde les relations courtoises, mais teintées de méfiance mutuelle, entre les mouvements étudiants québécois et américain. Ces relations, particulièrement avec la National Student Association (NSA), représentant la branche la plus conservatrice du mouvement étudiant américain, mais également la plus représentative de l’ensemble des étudiants, ont débuté sur de bien mauvaises bases, car la création de l’UGEQ a perturbé le mouvement étudiant canadien qui était un allié de l’association américaine. En outre, la NSA jugeait le mouvement québécois beaucoup trop à gauche pour elle et le sentiment antiaméricain était trop vif chez les dirigeants de l’UGEQ pour permettre un rapprochement. Toutefois, l’UGEQ a tenté d’utiliser certains thèmes de la contestation étudiante américaine, tels que la question de la discrimination raciale et la guerre au Vietnam, pour faire avancer son propre programme politique.

Enfin, les relations avec le mouvement français sont abordées dans le dernier chapitre de l’ouvrage. Par l’adoption de la Charte de Grenoble, en 1946, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) est devenue le modèle à suivre à titre de leader du mouvement étudiant progressiste. Dès sa création en 1964, l’UGEQ a voulu tisser des liens avec le mouvement français, tant pour des raisons stratégiques que d’affinités lointaines : « Mais pour l’UNEF, paternaliste, complaisante et tournée sur elle-même, l’UGEQ n’est pas une priorité et le soutien tant désiré ne lui est pas accordé » (p. 166).

Séparé de cette façon, l’ouvrage ne semble pas avoir été pensé pour se lire d’un couvert à l’autre. À chaque chapitre, on refait la courte histoire de l’Union. Le lecteur a le sentiment de lire des articles mis un à la suite de l’autre. Et dans les faits, c’est cela… Pour faire ce livre, M. Lamarre a repris, sans grand travail de réécriture, des articles qu’il avait déjà publiés dans des revues scientifiques (Lamarre, 2008 ; 2012 ; 2013). Notons toutefois qu’il a la transparence de nous en avertir dans ses remerciements en début d’ouvrage et qu’il a ajouté le chapitre sur la relation avec le mouvement canadien, ainsi qu’une introduction générale et une conclusion.

Camille Thériault-Marois
Étudiante à la maîtrise en sociologie, Université Laval

1 À ne pas confondre avec l’auteur de l’ouvrage Le devenir de la nation québécoise selon Maurice Séguin, Guy Frégault et Michel Brunet (1944-1969) publié en 1993 également chez Septentrion.

2 Jean-Philippe Warren (2016), professeur titulaire à l’Université de Concordia, partage le même constat dans son article sur la mise en perspective des expériences québécoise et française autour des mouvements étudiants des années 68 en soulignant que ce sont les manifestations ayant une forte dimension nationaliste, telles que l’Opération McGill français, l’Opération Murray-Hill et l’opposition à la Loi 63, qui furent les plus considérables et les plus radicales.

 

 

Bibliographie

NESBITT, Douglas J., 2009, « The “Radical Trip» of the Canadian Union of Students, 1963-1969 », mémoire de maîtrise (Canadian Studies and Indigenous Studies), Peterborough, Trent University.

LAMARRE, Jean, 2008, « Au service des étudiants et de la nation : l’internationalisation de l’Union générale des étudiants du Québec, 1964-1969 », Bulletin d’histoire politique, 16, 2 : 53-73.

2012, « Les relations entre le mouvement étudiant français et québécois au cours des années 1960 : non-ingérence et indifférence », Globe : revue internationale d’études québécoises, 15, 1-2 : 287-316.

2013, « Le mouvement étudiant américain et la contestation aux États-Unis dans les années 1960 : incompatibilité et inspiration pour le mouvement étudiant québécois », Histoire sociale/Social History, 46 : 131-156.

WARREN, Jean-Philippe, 2016, « Les années 68 au Québec. Mise en perspective des expériences québécoise et française autour des mouvements étudiants », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 1, 129 : 61-74.

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