L’inacceptable acquisition des terrains de Rabaska par le Port de Québec

Transports Canada a rendu sa décision, le Port de Québec pourra acquérir les 272 hectares du défunt projet de terminal méthanier. Un espace vaste et certes de fort potentiel en matière d’exploitation industrielle, mais très limité sur le plan de l’activité portuaire, en raison de contraintes géophysiques majeures et difficilement surmontables en vertu des lois environnementales. Une zone portuaire sans véritable potentiel sur le plan des infrastructures de quais et disqualifiée pour cette raison dans Schéma d’aménagement et de développement de Lévis en 2015.

Quelles utilisations seront consacrées à ces espaces ? Interrogé à maintes reprises à ce sujet, Mario Girard, le PDG du Port demeure imperturbablement muet. En démocratie, un tel silence est difficilement acceptable de la part d’une société publique, particulièrement pour la population environnante, prise « en otage de Rabaska » durant près d’une décennie (Gilbert Lavoie, Le Soleil, 6/10/13). Qui va croire qu’on puisse acquérir un espace de 15 à 20 millions $ sans un seul plan d’utilisation ?

Pour le GIRAM, une telle transaction va à l’encontre des intérêts du Québec et des intérêts des citoyens de Lévis, de Beaumont, et même de l’Île-d’Orléans, notamment en raison des aspects suivants :

1- Atteinte à l’intégrité territoriale du Québec

Un principe depuis toujours défendu par les gouvernements du Québec : une fois acquis par le port, ce terrain devient fédéral ; aucun règlement municipal n’y sera plus applicable, ni aucune loi ou réglementation du Québec. Les problèmes vécus par les citoyens de Limoilou avec les poussières émanant du port en sont une éloquente démonstration. Citons aussi, à titre d’exemple, les vains efforts de la Ville de Lévis pour encadrer les activités d’un petit aéroport de Pintendre, tous bloqués sous prétexte de juridiction fédérale.

De plus, une appropriation de l’espace par une société fédérale n’est pas non plus sans effets négatifs sur le plan des retombées économiques. Contrairement au parc industrialo-portuaire de Bécancour et tout parc industriel municipal, les revenus tirés du domaine foncier échapperont à la municipalité.

2- Effets déstructurants sur le tissu social de ce milieu habité

En vertu de l’entente d’option d’achat conclue en 2017 avec Rabaska, le Port de Québec entend acquérir l’ensemble territorial, y compris les résidences1. Il pourra, à terme, en disposer pour ses besoins, entrainant ainsi une inévitable déstructuration sociale de l’est du territoire de Lévis, et ce, jusqu’au secteur ouest de Beaumont. Sans présence humaine, tout type d’activité industrielle lourde devient dès lors possible, avec toute la gamme des impacts négatifs locaux et extraterritoriaux sur le plan environnemental, comme c’est le cas des aménagements de cette nature à la baie de Beauport, à Contrecœur et Bécancour.

3- Implantation potentielle de complexe pétrolier ou gazier dans le secteur

N’en déplaise au conseil municipal de Lévis, le Port de Québec pourra, cinq ans après la signature du contrat d’achat, aménager un site d’accueil pour le transit pétrolier lourd, jonction entre un pipeline et un point d’ancrage sur le Saint-Laurent. Le Québec n’aura aucun recours à moins de refuser l’accès à la grève dont il est propriétaire. Le Port pourra tout autant y installer une activité industrielle pétrochimique, sans permission de la ville. « Il ne faut pas prévoir de port pétrolier sur ces espaces avant 5 ans. Mais, au-delà de cette période, on ne peut anticiper qu’il n’y en aura pas » (Mario Girard, PDG du Port, Le Soleil, 13 avril 2017).

4- Impacts majeurs sur un paysage exceptionnel

Cette enclave industrialo-portuaire qu’on veut créer aura des effets majeurs sur ce milieu mis en valeur, dès 1672, dans la seigneurie de Vincennes. Elle se situera en bordure d’une route touristique très fréquentée de la Côte-du-Sud et qui plus est, juste en face de l’île d’Orléans, un site du patrimoine national, fondateur du pays.

5- Un gâchis à venir pour l’environnement fluvial

Ce secteur, mis à part la verrue de la jetée d’Hydro-Québec, a conservé une intégrité de ses falaises et de ses rivages. En plus, on dénombre de multiples variétés de plantes rares et vulnérables dans cet espace intertidal. Peut-on imaginer ce qu’il restera de ces éléments naturels, gardiens de la biodiversité, après le passage des bulldozers et le remblaiement dans le fleuve jusqu’au chenal navigable, soit de 500 à 600 mètres de la rive ?

Dans l’attente d’une réaction, du gouvernement du Québec et de la Ville de Lévis

La Ville de Lévis est placée devant un choix déchirant : ou bien elle ne fait rien et lègue un héritage à haut risque à ses futures générations de citoyens, ou bien elle révise d’urgence la position d’appui inconditionnel qu’elle a accordée au promoteur.

Pour le GIRAM, cet actif foncier de plus de 272 hectares a, depuis les deux dernières décennies, acquis une trop haute valeur pour être exploité à des fins de transit d’hydrocarbures ou d’entreposage de vrac solide et liquide ou de conteneurs. Nous croyons qu’à défaut d’un retour à l’agriculture, la Ville de Lévis demeure la seule autorité capable d’assurer une gestion responsable et avantageuse d’un actif foncier aussi prometteur sur le plan des retombées socio-économiques. La superficie des terrains Rabaska, faut-il le souligner, est plus grande que la superficie actuelle des installations du Port de Québec et plus de 6 fois celle du Parc technologique du Québec métropolitain.

Ces espaces représentent aujourd’hui et pour l’avenir, une valeur inestimable pour une municipalité en croissance comme Lévis, d’autant plus qu’ils donnent sur un panorama d’exception. L’attractivité de Lévis (abondance des espaces verts, équipements de loisirs, proximité d’institutions de formation) fait de ce site un lieu de prédilection pour l’économie du futur (fabrication de pointe, intelligence artificielle, centres de recherches universitaires, privés et gouvernementaux). De plus, le gouvernement a récemment autorisé dans ce secteur la zone d’innovation Lévis-Est, est-ce vraiment compatible avec un site d’entreposage de vrac liquide et solide ou d’une cour de quincaillerie ?

Recommandations du GIRAM

Gouvernement du Québec : se rappeler les obligations qui ont été celles de tous les gouvernements du Québec à ce jour, soit de veiller à l’intégrité de notre territoire ; se rappeler que la gestion des parcs industriels est une prérogative spécifique des municipalités en vertu des lois qui ont trait à l’aménagement et l’urbanisme. En conséquence, revoir d’urgence tout appui à ce projet et éviter toute amputation de territoire pouvant échapper aux lois du Québec et à la réglementation municipale.

Municipalité de Lévis : le temps d’évaluer toute mesure permettant un examen d’options alternatives, tenter de repousser l’échéance de l’acquisition de ces espaces par le Port de Québec, y compris au moyen d’un éventuel recours à une déclaration de « réserve pour fins publiques ». u


* Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu.

Transports Canada a rendu sa décision, le Port de Québec pourra acquérir les 272 hectares du défunt projet de terminal méthanier. Un espace vaste et certes de fort potentiel en matière d’exploitation industrielle, mais très limité sur le plan de l’activité portuaire, en raison de contraintes géophysiques majeures et difficilement surmontables en vertu des lois environnementales. Une zone portuaire sans véritable potentiel sur le plan des infrastructures de quais et disqualifiée pour cette raison dans Schéma d’aménagement et de développement de Lévis en 2015.

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