Le Québec est actuellement secoué par un débat animé sur le projet de Charte des valeurs québécoises. Mal parti avant même que ce projet n’ait été déposé à l’Assemblée nationale – on se souvient de la sortie toute en subtilité du philosophe commissaire Charles Taylor pour qui ce projet serait digne des politiques de Poutine en Russie ; rien de moins ! – , ce débat semble encore malheureusement mal engagé. Les positions des uns, opposants à ce projet, et des autres, partisans de celui-ci, m’apparaissent toutes deux, à leur façon, reposer sur des bases fragiles, lesquelles ne favorisent assurément pas un débat sain et par ailleurs parfaitement légitime pour toute société démocratique.
Du côté des opposants, parmi lesquels on retrouve un très grand nombre de tenants du multiculturalisme canadien et, paradoxalement, plusieurs conservateurs religieux[1], on trouve un discours qui néglige de voir que cette proposition de charte s’inscrit dans le parcours historique singulier du peuple québécois. On semble incapables de saisir cette initiative dans la perspective du rapport singulier que les Québécois entretiennent avec la foi en général, et avec la religion catholique en particulier, depuis la Révolution tranquille. C’est un peu comme si, aux yeux de ces critiques, les sociétés québécoise et canadienne étant à quelques nuances près identiques, il serait donc naturel, et si simple, d’appliquer ici le modèle de rapport au fait religieux qui existe là-bas – un modèle qui fait vraisemblablement consensus parmi les Canadiens, puisqu’il ne suscite en effet que très peu de débats. Pourquoi tant de chicanes et de divisions inutiles ? Or, négliger cet aspect du rapport singulier des Québécois avec la religion rend très difficile de bien saisir le véritable sens de cette proposition de Charte des valeurs québécoise.
Mais de l’autre côté, chez une bonne partie de ceux qui soutiennent ce projet de charte, ou du moins qui partagent son esprit – puisque même si on en approuve l’esprit, on peut néanmoins avoir quelques réserves vis-à-vis certaines de ses dispositions –, on remarque une position argumentative aux assises conceptuelles fragiles. Le discours de nombreux partisans témoigne de l’absence de distinction claire entre deux modèles de séparation de l’Église et de l’État, distinction pourtant essentielle pour saisir avec toute la profondeur nécessaire le principe de laïcité dont s’inspire cette charte. En fait, de nombreux partisans de cette charte semblent continuer de mal assumer leur « républicanisme », modèle général de régime et de société auquel précisément se rattache ce principe de laïcité. On semble difficilement capable de justifier en quoi ce principe se distingue du modèle de séparation de l’Église et de l’État qui existe dans la majorité des pays anglo-saxons, à savoir le « sécularisme » libéral. Or, sans une telle distinction, il est bien difficile de bien apprécier toute la pertinence de ce projet de Charte, mais aussi de bien défendre celui-ci face à ceux qui le critiquent.
Ainsi, s’imposent selon moi quelques clarifications conceptuelles afin de pouvoir apprécier avec toute sa justesse ce projet de Charte des valeurs québécoises, laquelle s’inscrit en effet parfaitement dans l’histoire du rapport des Québécois avec la religion et apparaît également conforme à des valeurs bien ancrées dans l’imaginaire collectif des Québécois, lesquelles pointent bien en direction d’un certain républicanisme.
La Révolution tranquille et la place de la religion dans l’espace public
Le rapport que les Québécois entretiennent avec la religion en général, aussi bien avec la foi catholique majoritaire qu’avec toutes les autres religions minoritaires, dont celles des nouveaux arrivants, est le produit de leur histoire. Ce rapport doit beaucoup à la manière dont ils se sont affranchis de l’influence de l’Église au cours de la Révolution tranquille. Le processus de déconfessionnalisation accéléré auquel on a assisté dans les années 1960-1970 a laissé d’importantes traces dans l’imaginaire collectif des Québécois. Ces derniers ont aujourd’hui un rapport à la religion, notamment quant à sa place dans l’espace public, qui tend vers le principe républicain de « laïcité ». Même si ce principe universel n’a jamais jusqu’ici fait l’objet d’une adoption officielle au Québec, que ce soit sous la forme d’une loi de l’Assemblée nationale ou d’une politique, et qu’il est encore mal assumé par les Québécois eux-mêmes, ce dernier n’en demeure pas moins enraciné dans l’imaginaire collectif québécois. Si bien que dans leur rapport avec la religion, les Québécois se distinguent des Canadiens par une approche plus républicaine.
Au cours des années 1960-1970, la société québécoise a été entraînée sur le chemin d’une déconfessionnalisation rapide et globale de ses institutions. Cette période a en effet été marquée par un effacement important de la religion dans l’espace public et une perte importante de l’influence de cette institution qui jouissait jusque-là, et ce, depuis au moins la révolte des Patriotes, d’un pouvoir considérable sur la société, soit l’Église catholique. En vérité, peu de peuples en Occident, ou ailleurs dans le monde ont connu dans leur histoire une rupture aussi abrupte avec la religion – à l’exception peut-être des peuples qui ont vécu des révolutions politiques, notamment communistes, comme en Russie après octobre 1917 ou à Cuba après 1959. Pour donner une idée de l’ampleur de ce processus, il suffit de rappeler quelques faits. Par exemple, en 1961, à Montréal, le taux de fréquentation des Églises se situait à 61 %, alors qu’il tombe à 30 % en 1971, et seulement à 15 % chez les jeunes. L’Église catholique elle-même perd des effectifs importants à cette époque : de quelque 2000 prêtres ordonnés au Québec en 1947, on tombe à 80 en 1970. En 1961, on compte environ 45 000 religieuses et 8 000 prêtres au Québec. Vingt ans plus tard, on n’en compte plus que 28 000 et 4000. À la même époque, les appellations de nombreuses organisations, notamment syndicales, se laïcisent et la référence au catholicisme tend à être abandonnée. Ainsi, la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) devient la Confédération des syndicats nationaux (CSN) en 1960 ; la Corporation des instituteurs catholiques se transforme en Centrale des enseignants du Québec (CEQ) en 1967. Au début des années 1970, l’Union catholique des cultivateurs (UCC) devient l’Union des producteurs agricoles (UPA). Enfin, l’Église va également perdre le contrôle qu’elle exerçait jusque-là sur des domaines clefs de la société par la suite du développement de l’État au Québec. Le domaine de la santé en est un exemple, alors que le Gouvernement du Québec met sur pied en 1969 la Régie de l’assurance maladie du Québec et crée l’année suivante le ministère des Affaires sociales en fusionnant les ministères de la Famille et du Bien-être avec celui de la Santé. L’Église perd également son influence dans le domaine de l’éducation, alors qu’est créé en 1964 le ministère de l’Éducation du Québec et que, trois ans plus tard, les cégeps viennent remplacer le cours classique.
La religion a longtemps été le ciment de l’identité canadienne-française. Les Canadiens français ont en effet longtemps entretenu l’idée qu’ils étaient portés par une mission civilisatrice, soit celle de défendre et de propager la foi catholique en Amérique du Nord, une idée évidemment savamment nourrie par l’Église catholique à l’époque. En fait, l’élément de la foi catholique a longtemps été le principal élément identitaire des Canadiens français, et ce avant même la langue française ; une chose peut-être difficile à imaginer pour nous contemporains, tant la langue est aujourd’hui au cœur de l’identité québécoise. Or, au cours de cette métamorphose qui a mené les Canadiens français du Québec à se faire Québécois durant les années 1960, cet élément identitaire religieux a presque complètement été abandonné. Même si les Québécois continuent en grand nombre de nos jours de se déclarer catholiques, la pratique de cette religion est en réalité de plus en plus discrète, de plus en plus réservée au domaine privé. La religion n’a pas disparu au Québec, puisqu’elle reste bien présente dans la vie de nombreux citoyens et occupe une place capitale dans notre patrimoine culturel et historique – sa présence est par exemple indéniable dans l’héritage architectural religieux au Québec, et elle occupe toujours une place importante dans notre imaginaire collectif, lequel est encore fortement imprégné des valeurs judéo-chrétiennes. Toutefois, la religion catholique ne constitue plus un élément identitaire du Québec.
Ainsi, d’une société marquée par l’omniprésence ou l’omnipuissance de l’Église catholique et du fait religieux dans tous les aspects de la vie sociale – d’une « priest ridden society », comme le disaient à l’époque les observateurs canadiens –, le Québec a-t-il rapidement évolué dans les années 1960 vers l’une des sociétés les plus sécularisées en Occident, sinon au monde. Il suffit de voyager aux États-Unis, où les discours des politiciens se terminent presque toujours par cette formule devenue classique « God bless America », où certains prédicateurs religieux occupent une place importante dans l’espace médiatique et où les églises continuent d’accueillir en très grands nombres les croyants, pour mesurer à quel point la religion a quasiment disparu de l’espace public au Québec. De même, en Europe, y compris dans des pays aux traditions séculières pourtant bien ancrées dans les moeurs comme en France, où on continue de souligner quotidiennement au téléjournal le nom des saints du jour (le 14 août, la Saint-Évrard, le 13 septembre, la Saint-Aimé, le 14 mai, la Saint-Matthias, etc.) et où à côté du Lundi de Pâques et de Noël, l’Ascension, la Pentecôte, l’Assomption et la Toussaint sont également reconnues comme des jours fériés, pour voir combien la religion occupe une place effacée au Québec[2].
Or, cette rupture avec l’Église, cette mise à l’écart de la religion de l’espace public continue d’être perçue dans l’imaginaire collectif québécois comme l’un des principaux acquis de la Révolution tranquille. En effet, ce processus a été au cœur de la dynamique générale d’émancipation collective sur laquelle débouchèrent ces années de profonds bouleversements sociaux. Une majorité de Québécois, y compris bon nombre de ceux chez qui la foi, catholique ou autre, occupe une place importante dans leur vie, ne voudraient pas d’un retour à l’univers religieux et social qui prévalait au Québec avant les années 1960. Si la foi a cessé d’être un élément central de l’identité des Québécois, ceux-ci continuent de se distinguer des Canadiens et des États-Uniens dans leur rapport à la religion, puisqu’en cette matière, leur pratique s’inspire davantage de la laïcité républicaine que du sécularisme libéral.
Laïcité républicaine et sécularisme libéral
La laïcité républicaine et le sécularisme libéral sont les deux principaux modèles d’aménagement du religieux par rapport au politique à la suite du processus général de déconfessionnalisation qui a touché toutes les sociétés occidentales à partir de la Renaissance. Ils représentent encore de nos jours les deux principaux modèles d’aménagement de la foi dans l’espace public. En Antiquité et au Moyen-âge, les sociétés occidentales étaient encore entièrement pénétrées du religieux, dans la mesure où la foi et les croyances – souvent accompagnées de mythes – influençaient toutes les sphères de la vie. Les monarques tiraient leur légitimité de la « grâce de Dieu[3] », l’enseignement public était entièrement conditionné par l’apprentissage de la foi, la production culturelle tenait bien souvent à des impératifs religieux, etc. Si bien qu’il n’existait à cette époque aucune séparation claire entre les domaines relevant du politique ou de l’État, et celui relevant de la religion ou de l’Église. Le religieux débordait sur le politique et le politique recoupait la pratique religieuse[4]. L’un des grands bouleversements qui vont marquer l’époque moderne en Occident a été cette séparation de l’Église et de l’État.
Or, même s’ils servent aujourd’hui à désigner des modèles universels, au sens où l’on peut trouver des exemples de ces modèles un peu partout sur la planète, la laïcité républicaine et le sécularisme libéral ont été forgés dans des expériences historiques et sociales particulières. Le modèle républicain de laïcité est d’abord apparu en France au moment de la Révolution. Dès 1792, les révolutionnaires français vont adopter une politique de séparation radicale entre l’Église et l’État. Écarté au temps de la Restauration après la chute de Napoléon, ce modèle va à nouveau être imposé dans ce pays au moment de l’adoption en 1905 de la Loi de séparation des Églises et de l’État. Il sera finalement adopté comme politique officielle par la République française, qui l’inscrira dans la constitution de 1958 (la Ve République)[5]. De son côté, le sécularisme libéral a surtout été forgé par l’expérience des pays anglo-saxons, tels les États-Unis et le Canada, et dans une moindre mesure la Grande-Bretagne[6]. Même si, fidèle à la tradition du droit coutumier (« common law ») qui prévaut dans ces pays, ce modèle n’a jamais fait l’objet d’une codification dans une loi ou une politique officielle, l’influence de ce dernier demeure bien tangible dans les jurisprudences et les pratiques sociales de ces pays.
Issus respectivement de la France et des pays anglo-saxons, on retrouve cependant la trace de ces deux modèles dans de nombreux autres pays aujourd’hui. Tandis que le principe de la laïcité est bien implanté en Turquie et dans une moindre mesure au Portugal, le sécularisme libéral fait sentir son influence en Allemagne et dans les pays scandinaves. En fait, ces deux modèles universels comprennent plusieurs variantes et se manifestent différemment en fonction des contextes dans lesquels ils ont évolué. Effectivement, l’idéal de laïcité n’est pas le même d’un pays à l’autre. De même, la pratique séculière libérale prend différentes couleurs en fonction des pays. Généralement toutefois, ces modèles reposent sur des idées maîtresses ou des logiques qui, sans être complètement incompatibles, demeurent très difficilement conciliables, notamment sur la question de la place à accorder à la religion dans l’espace public. C’est d’ailleurs sous ce dernier aspect que les divergences entre les deux modèles apparaissent les plus visibles et précisément là que le Québec diffère le plus clairement du Canada ou des États-Unis par exemple.
D’un côté, le modèle républicain de laïcité stipule une séparation stricte entre le domaine de la religion et celui du politique. Concrètement, le domaine public étant celui sur lequel l’État revendique son emprise – en tant que détenteur du pouvoir « temporel » – et le domaine privé étant davantage celui sur lequel l’influence de l’Église peut se faire sentir – cette institution agissant à titre de guide dans le domaine « spirituel » –, le principe de la laïcité appelle donc à une mise à l’écart de la religion de l’espace public. Les questions religieuses relèvent strictement du domaine privé ; en contrepartie, le pouvoir public ne peut s’immiscer dans les affaires touchant la foi. Autrement dit, suivant ce principe, la religion n’a pas sa place dans la sphère publique ; des motifs religieux ou liés à une certaine pratique religieuse ne peuvent être invoqués dans les affaires où s’appliquent des règles publiques. Il revient donc à l’État, garant du maintien de l’ordre dans la société, de s’assurer du maintien de cette séparation, au besoin, par le biais de lois ou de politiques officielles.
Même si ce modèle a pu se nourrir au cours de son développement d’un certain anticléricalisme, voir d’un certain sentiment antireligieux, notamment au moment de sa première affirmation dans le contexte révolutionnaire de 1789 en France, le modèle de la laïcité n’est pas en soit contre l’Église ou la religion. La foi peut très bien continuer de s’exprimer et de s’épanouir dans une société organisée suivant ce modèle. La religion continue par exemple d’occuper une place importante dans la vie des Turques, et même de nombreux Français. Seulement, ce modèle repose sur une séparation nette entre les domaines qui reviennent à l’État et à l’Église.
De l’autre côté, le sécularisme libéral repose sur la logique de la neutralité de l’État par rapport à la religion. L’État et les institutions publiques doivent demeurer neutres par rapport à la religion. Cela veut dire que l’État ne doit pas manifester de préférence en matière religieuse – il ne peut par exemple proclamer une religion d’État – et doit se garder d’intervenir en cette matière, en laissant les institutions religieuses exercer leurs pleins pouvoirs dans le domaine de la foi et de la pratique religieuse[7]. Ce principe de neutralité peut se décliner de différentes manières. Dans le cas de pays aux religions multiples, cette neutralité peut prendre la forme d’une relation équitable de l’État à l’égard de toutes les religions. On peut alors voir l’État apporter une certaine forme de soutien à toutes les principales religions, en accordant par exemple à chacune d’elles des exemptions fiscales. Ailleurs, ce principe de neutralité va conduire l’État à n’en soutenir aucune, laissant les religions mener leurs affaires de manière complètement autonome. Dans les deux cas, le principe de neutralité de l’État en matière religieuse prévaut.
Ainsi, la principale différence entre les deux modèles tient-elle à la place de la religion dans l’espace public : si l’un interdit entièrement cette pratique, le second n’y est pas foncièrement opposé tant que celle-ci se fait dans respect du principe de neutralité de l’État. En définitive, la séparation des deux institutions est plus strictement observée dans le modèle républicain de laïcité que dans le modèle libéral de sécularisme.
C’est d’ailleurs précisément pour assouplir le modèle de laïcité, jugé trop rigide, que les commissaires Gérard Bouchard et Charles Taylor ont développé le concept de laïcité dite « ouverte »[8], dans le rapport qu’ils ont fait paraître en 2008 au terme de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles – un principe qui figurait d’ailleurs déjà dans le rapport Proulx de 1999 sur la déconfessionnalisation des écoles publiques au Québec[9]. Le concept de laïcité ouverte peut donc être perçu comme une tentative de permettre l’expression de la religion dans l’espace public ou autrement dit, une manière de rapprocher le modèle républicain du sécularisme libéral.
Avec le sécularisme libéral, il est donc possible d’aménager une certaine place dans l’espace public pour l’expression de la religion, tant que cela se fait dans le respect du principe de neutralité de l’État. Avec le modèle républicain de laïcité, cela est impossible, puisque celui-ci repose sur la séparation complète de la foi de l’espace public, celle-ci relevant entièrement du domaine privé. Cet écart de principe a éclaté au grand jour lors de la crise des accommodements raisonnables qui a secoué le Québec entre 2006 et 2008. Ce que nous avons observé alors fut l’affrontement de la pratique québécoise d’inspiration laïque et la pratique séculière libérale canadienne.
Accommodements raisonnables et accommodements religieux
L’accommodement raisonnable est une pratique d’inspiration libérale qui justifie, sous certaines conditions, la dérogation à une règle universelle, tels une loi ou un règlement, pour une personne, en raison de particularités qui la distinguent du reste de la population. L’expression vient du premier jugement de la Cour suprême du Canada qui inaugura cette pratique en 1985 dans un cas portant sur une demande d’exemption de travailler le dimanche de la part d’une employée, sous prétexte que sa religion le lui interdisait (Affaire Commission ontarienne des droits de la personne/ Theresa O’Malley contre Simpsons-Sears). Dans le jugement qui a été rendu, cette pratique est définie comme suit :
L’obligation dans le cas de la discrimination par suite d’un effet préjudiciable, fondée sur la religion ou la croyance, consiste à prendre des mesures raisonnables pour s’entendre avec le plaignant, à moins que cela ne cause une contrainte excessive : en d’autres mots, il s’agit de prendre les mesures qui peuvent être raisonnables pour s’entendre sans que cela n’entrave indûment l’exploitation de l’entreprise de l’employeur et ne lui impose des frais excessifs.
Autrement dit, l’accommodement raisonnable autorise une personne à ne pas se soumettre à une règle, pourtant applicable à tous, sur la base du fait que d’obliger cette dernière à s’y conformer constituerait une forme de discrimination à son égard. Aussi, depuis ce jugement de 1985 qui a pris valeur de jurisprudence au Canada et au Québec, les organisations publiques ou privées sont-elles dans l’obligation d’« accommoder » toute personne qui, pour des motifs liés à une particularité qui lui est propre, en ferait la demande, tant que les effets d’un tel accommodement sur le bon fonctionnement de cette organisation apparaissent « raisonnables ». L’accommodement raisonnable est donc toujours par définition une mesure exceptionnelle fondée sur la règle du cas par cas.
Les raisons qui peuvent justifier les exceptions sont nombreuses et de nature diverse. Elles peuvent notamment tenir à un handicap. L’interdiction d’autoriser l’accès à un restaurant pour les animaux de compagnie pourrait constituer une forme de discrimination indirecte pour les personnes malvoyantes qui doivent impérativement se déplacer avec un chien-guide. Aussi, juge-t-on convenable d’accommoder ces personnes en les autorisant à être accompagnées de leur chien-guide au restaurant. D’autres mesures d’accommodement peuvent découler de la condition médicale d’une personne. Le règlement qui oblige par exemple tout électeur à se présenter à visage découvert lorsque vient le temps de voter pourrait constituer une forme de discrimination à l’égard de certains grands brûlés, au visage en partie ou totalement couvert de pansements. Dans ce cas, on estime juste de laisser ces blessés voter à visage couvert.
Or, les principaux cas d’accommodements raisonnables qui ont fait les manchettes ces dernières années, et contre lesquels une majorité de Québécois se sont montrés très opposés portent sur les accommodements fondés sur des pratiques religieuses. On peut alors parler dans ce cas d’« accommodements religieux ». L’un des premiers cas ayant suscité la controverse, et peut-être l’un des plus symboliques, est celui qui opposa en 2002 une commission scolaire de Montréal à un élève de religion sikhe (Multani contre Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys). Rappelons qu’un élève de confession sikhe de LaSalle avait cette année-là porté plainte contre sa commission scolaire qui lui interdisait de porter en classe son kirpan, poignard symbolique que doivent porter tous les hommes pratiquants sikhs. La direction de cette commission scolaire n’avait pas jugé que l’argument religieux invoqué par l’élève pour continuer à porter sur lui en classe son poignard justifiait une exemption au règlement interdisant le port d’arme à l’école. Devant le refus de la commission scolaire[10], la famille de cet élève avait intenté une poursuite. La Cour supérieure du Québec trancha en faveur de la commission scolaire, mais ce jugement fut infirmé en appel par la Cour suprême du Canada qui donna raison à la famille du plaignant sur la base du principe de la liberté de religion inscrit dans la Charte canadienne des droits et liberté. L’école n’eut donc d’autre choix que d’autoriser ce dernier à réintégrer ses classes avec à sa ceinture son kirpan. Depuis cette affaire, de nombreux cas d’accommodement religieux ont fait l’actualité. Citons celui, en 2007, impliquant la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) et des Juifs orthodoxes de sexe masculin qui refusèrent d’être évalués par des femmes lors de tests de conduite ou encore celui, la même année, de l’obligation faite à l’École de technologie supérieure (ÉTS) de Montréal de mettre à disposition de ses étudiants de profession musulmane un local pour la pratique de leurs prières quotidiennes à la suite d’une plainte déposée à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). Des 65 cas d’accommodement raisonnable répertoriés dans le rapport de final de la commission Bouchard-Taylor de 2008, sur la période allant de décembre 1985 à avril 2008, 64 portaient effectivement sur des motifs religieux. Si bien qu’en vérité on peut dire que la crise des accommodements raisonnables a plutôt été celle des accommodements religieux.
L’accommodement raisonnable (religieux ou autre) revêt un caractère obligatoire lorsqu’il découle d’un jugement des tribunaux forçant une organisation, soit un employeur ou une société d’État, à accommoder certaines personnes soumises à ses règlements, après qu’une demande ait été formulée en ce sens et que les mesures pour l’accommoder aient été jugées « raisonnables » par les tribunaux. Le caractère obligatoire de cette pratique résulte en fait d’une interprétation très libérale du droit à la non-discrimination inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec[11]. Cette interprétation repose sur le droit à la liberté religieuse, l’un des droits fondamentaux garantis par ces chartes. Toute règle qui aurait pour effet indirect d’empêcher quelqu’un de pratiquer sa religion pourrait être considérée comme une mesure discriminatoire. Dans ce cas, comme lors du premier incident survenu au Canada en 1986, une organisation est dans l’obligation d’assouplir ses règlements pour accommoder cette personne et ne pas l’empêcher de pratiquer sa religion. On ne parle pas ici de discrimination directe, telle une loi qui interdirait par exemple l’accès à l’université aux personnes aux yeux bleus – laquelle serait d’emblée déclarée illégale puisque contraire aux droits de la personne –, mais d’un effet discriminatoire indirect.
La vive opposition exprimée par les Québécois à l’égard des accommodements religieux trouve essentiellement son origine dans le rapport que ces derniers entretiennent avec la religion depuis la Révolution tranquille. Pour les Québécois, cette pratique est vue comme une sorte de retour du religieux dans l’espace public.
Non au retour de la religion dans l’espace public
Depuis que les Québécois se sont affranchis de l’influence de l’Église catholique au moment de la Révolution tranquille, la pratique de la religion relève d’un choix individuel. Nul n’est obligé de pratiquer telle ou telle religion ni même d’adhérer à une religion tout court. Dans le sens fort du terme, les Québécois souscrivent au principe de la liberté religieuse, en ce que sa pratique relève d’un choix strictement personnel. C’est-à-dire que l’adhésion à une religion relève d’une logique similaire à celle par laquelle une personne est amenée à choisir de porter tel ou tel types de vêtement, d’écouter telle musique ou de pratiquer telle activité physique, ou de n’en pratiquer aucune – même si bien sûr, la portée et la signification profonde d’une décision touchant la foi ne se comparent pas avec celle touchant un style de vie. L’idée de libre-choix est au cœur de la pratique de la religion au Québec.
En fait, les Québécois considèrent comme l’un des grands acquis de la Révolution tranquille que d’avoir réussi à se libérer de la relation quasi « essentialiste » qu’entretenaient les Canadiens français avec la religion. Pour ces derniers, la religion catholique ne relevait pas d’un choix individuel – comme s’ils étaient libres de ne pas être catholiques –, mais constituait un trait identitaire fondamental, faisait en quelque sorte partie de leur ADN. Être Canadien français, c’était être catholique. La Révolution tranquille est venue briser ce lien essentialiste avec la religion catholique. Aussi, peut-on aujourd’hui être Québécois sans nécessairement être de foi catholique. On peut être Québécois et pratiquer l’islam, croire en Bouddha ou ne pas croire en dieu, car on ne naît ni catholique, ni musulman, ni bouddhiste. On peut certes naître dans une famille catholique, musulmane ou bouddhiste et avoir été élevé selon les rites de l’une ou l’autre de ces religions, mais une fois devenu adulte, le fait de continuer à pratiquer celle-ci relève d’un choix strictement personnel. Que ce choix soit motivé par le désir de perpétuer une certaine tradition, le respect de ses parents et sa communauté immédiate ou une adhésion profonde aux valeurs professées par la religion choisie, il demeure un choix libre et individuel.
La forte opposition des Québécois envers les accommodements religieux tient précisément à cette idée de libre choix en matière religieuse. Lorsque la pratique religieuse d’une personne vient se heurter à une règle universelle, par ailleurs légale et raisonnable, une majorité de Québécois estiment qu’il n’y a pas lieu d’assouplir cette règle pour accommoder cette dernière. Reconnaître que la religion relève d’un choix individuel signifie qu’une personne pratiquante aurait pu faire le choix de ne pas pratiquer sa religion. Elle pourrait donc aménager sa pratique pour se conformer à cette règle, choisir de pratiquer une religion plus compatible avec cette dernière, ou opter de n’en pratiquer aucune. Une décision n’est libre que si elle implique toujours et fondamentalement la possibilité de décider autrement. La pratique de la religion ne saurait revêtir un caractère obligatoire ou nécessaire. Si une personne décide de pratiquer une religion et qu’elle accepte de respecter ses rites, il lui revient à elle seule d’« accommoder » sa pratique si celle-ci entre en conflit avec des règles universelles applicables à tous, et non l’inverse. Il n’y a aucune forme de discrimination – directe ou indirecte – exercée sur une personne pratiquante, lorsqu’une organisation refuse d’accommoder celle-ci sur la base du fait que sa pratique religieuse est le fruit d’un choix libre de sa part. Une différence fondamentale distingue l’accommodement religieux, qui repose sur un motif tenant d’un choix individuel, de l’accommodement fondé sur un handicap ou une condition médicale par exemple. À la différence de la personne qui choisit d’adhérer à une religion, la personne handicapée ou celle souffrant d’une condition médicale particulière n’a pas choisi cette condition particulière qui l’amène à demander un accommodement – la personne handicapée ne l’est pas par choix, pas plus que la personne qui est malade. La pratique religieuse ne tient pas d’une nécessité contre laquelle on ne peut rien, autrement dit, d’une sorte de lien « essentialiste », mais bien toujours d’un choix individuel.
De manière générale, la pratique de l’accommodement religieux est perçue par les Québécois comme une sorte de tentative en vue d’aménager une forme de retour de la religion dans l’espace public. Ce qui constitue une remise en cause de cet important acquis de la Révolution tranquille. Autrement dit, c’est comme si nous assistions aujourd’hui à un retour du religieux par la petite porte. Les Québécois se sont collectivement débarrassés de la religion dans l’espace public il y a moins d’un demi-siècle, la voilà de retour aujourd’hui à la suite de décisions prises par des juges sur la base d’une interprétation très libérale des chartes de droits. C’est peut-être là un effet parfaitement involontaire des décisions prises par ces derniers, mais celui-ci est bien réel dans l’imaginaire populaire québécois. En fait, cette opposition met en lumière un choc entre deux conceptions opposées de la société, l’une libérale, sur laquelle se fonde la pratique des accommodements religieux, et l’autre, de tendance républicaine, qui transparaît dans la réaction des Québécois face à cette pratique.
Cette opposition à l’égard des accommodements religieux de la part des Québécois ne trouve pas son origine dans leur « insécurité » ou leur « fragilité » comme peuple francophone minoritaire sur le continent nord-américain anglophone, comme le soutiennent les défenseurs de l’interculturalisme. Celle-ci tient plutôt, plus fondamentalement, à une opposition de principe, qui tient au fait que la pratique d’accommodement religieux est contraire à la manière dont les Québécois ont aujourd’hui de concevoir la place de la religion dans l’espace public et qui renvoie à une certaine conception républicaine de la société.
Cette opposition ne saurait non plus s’expliquer, comme ont pu le soutenir de nombreux défenseurs du multiculturalisme canadien, notamment au moment de la crise des accommodements raisonnables, par la plus grande fermeture des Québécois à l’égard de la diversité ethnoculturelle. Comme si cette opposition représentait une preuve (une autre !) du repli identitaire des Québécois et de leur incapacité à s’ouvrir aux autres cultures en raison du « nationalisme tribal » qui traverse encore leur société… En vérité, les Québécois ne sont en général pas moins tolérants à la diversité ni moins accueillants à l’égard des autres cultures que le sont les Canadiens ou les Étatsuniens par exemple. Porté par une tradition d’accueil qui remonte à plus de quatre siècles, le Québec demeure l’une des sociétés les plus accueillantes au monde pour les nouveaux arrivants qui choisissent encore en grand nombre d’y venir s’installer tous les ans – nous continuons d’accueillir annuellement près de 50 000 immigrants pour une population d’un peu plus de 8 millions de personnes ; ce qui place le Québec parmi les sociétés avec le plus haut taux d’immigration au monde, devant même les États-Unis, la France ou le Royaume-Uni. Si bien sûr le Québec est secoué à l’occasion par des événements déplorables inspirés parfois par la xénophobie, on trouve malheureusement également de tels événements au Canada et ailleurs en Occident. En cette matière, le Québec n’est ni meilleur ni pire que le Canada. Les Québécois ne sont ni moins accueillants ni plus accueillants que les Canadiens, même s’ils souscrivent à une conception différente de la société et adhèrent en général à un modèle d’intégration qui se distingue du multiculturalisme. D’ailleurs, si les Québécois se montrent effectivement très réticents à accepter les accommodements religieux, il semblerait qu’ils soient en revanche même plus ouverts que les Canadiens ou les Étatsuniens sur d’autres questions touchant la diversité. Sur la question du mariage entre conjoints de même sexe, sur le rapport à la filiation et l’attribution des noms de famille pour les enfants, voire sur la sexualité, l’usage des drogues ou le droit au suicide assisté, les Québécois démontrent en général une ouverture plus grande que les Canadiens et assurément plus grande que leurs voisins du Sud, où domine encore un conservatisme social.
Derrière ce refus des Québécois des accommodements, on peut également dégager une protestation contre ce qui est largement perçu par eux comme une forme de dépossession collective de leur pouvoir de décider par eux-mêmes des règles régissant la vie en société. Rappelons que la pratique des accommodements religieux trouve son origine dans une pratique juridique touchant le domaine du droit du travail et que son caractère obligatoire découle des décisions de juges, sur la base d’une interprétation très libérale des chartes de droits. Or, les Québécois acceptent difficilement que lorsqu’il s’agit de fixer les règles de la vie en société, les décisions de juges aient plus de poids que la volonté du peuple. En ces domaines, ils estiment plutôt qu’il leur revient de décider. Cette attitude qui accorde à la volonté populaire préséance sur les décisions de juges non élus représente une attitude éminemment républicaine. En revanche, de leur côté, les Canadiens semblent plus facilement accepter qu’en ces domaines les décisions des juges puissent être déterminantes. Cela tient à une conception de la société au sein de laquelle la question des droits individuels et de leur garantie par des Chartes de droits revêt une importance centrale par rapport à celle chez qui se fait sentir l’esprit républicain. S’opposent ici deux conceptions du pouvoir reposant sur deux conceptions de la société.
Conclusion
En somme, on doit saluer la présente initiative visant à établir au Québec des règles claires concernant la place de la religion dans l’espace public, suivant le principe de la laïcité. Cependant, il aurait été à mes yeux préférable de s’en tenir au projet initial de charte de la laïcité, plutôt que le projet actuel de charte des valeurs. Il est exceptionnel dans une société de tradition démocratique qu’un État entreprenne d’ériger des valeurs en loi. En revanche, il est beaucoup plus courant de donner un fondement légal à un principe politique. La France possède par exemple une loi sur la laïcité depuis 1958 ; le Canada, une loi sur le multiculturalisme depuis 1982 ; l’Allemagne, une loi pour le droit à l’environnement depuis 1994, etc. Il ne s’agit pas ici de prétendre que l’État du Québec devrait être neutre sur le plan des valeurs. Au contraire, cet État étant l’incarnation institutionnelle du peuple québécois, il est donc tout à fait naturel qu’il puisse prétendre reposer sur certaines valeurs qui sont propres à notre peuple, mais aussi qu’il porte en lui les traces de notre identité nationale. Un État neutre sur le plan des valeurs ou de l’identité est impossible.
On comprend la volonté derrière cette initiative d’y aller avec une proposition plus globale, au sein de laquelle peuvent donc entrer des mesures qui auraient difficilement pu trouver leur place dans une proposition qui se serait limitée au principe de la laïcité. Cette préoccupation est fort légitime. Mais pourquoi alors ne pas y être allé d’une proposition pour que le peuple québécois se donne sa propre constitution ? Si on voulait donner plus d’envergure à cette initiative et donner une portée symbolique forte à certaines valeurs fondamentales propres au Québec, c’est, je pense, vers une telle voie qu’il aurait fallu aller. Sans une véritable constitution républicaine québécoise, rédigée pour le peuple et par le peuple, on voit mal comment nos « valeurs » pourraient fondamentalement être protégées dans le présent ordre constitutionnel canadien, lequel est précisément érigé sur la négation de la première des valeurs québécoises, qui est celle d’une nation qui se sait libre et capable d’assumer son destin et son développement.
[1] C’est peut-être l’un des plus grands paradoxes auquel conduit le multiculturalisme canadien. Ainsi, avons-nous pu voir par le passé ces mêmes multiculturalistes, défendre par exemple en Ontario le projet de création de tribunaux fondés sur la charia, et ce, au nom des sacro-saints droits individuels.
[2] Par ailleurs, de nombreux commentateurs déplorent toutefois que cette perte du religieux se soit malheureusement accompagnée par une perte du spirituel ou plus largement d’une perte de sens, qu’aucun grand discours ne semble avoir réussi jusqu’ici à remplacer.
[3] Cette pratique perdure dans le système monarchique britannique où, comme les pièces de monnaies canadiennes le rappellent, la Reine Elisabeth II est considérée « Dei Gratia Regina » – soit « reine par la grâce de Dieu ».
[4] On peut également souligner qu’à la même époque, les domaines culturels et religieux ne s’affichaient pas encore comme des domaines autonomes.
[5] Fort de sa détermination française et de la faible influence dont jouit ce modèle dans les pays anglo-saxons, le terme « laïcité » n’existe tout simplement pas dans la langue anglaise, où il est habituellement traduit par « French secularism ».
[6] Le cas des la Grande-Bretagne est particulier puisque la monarque britannique, Élizabeth II, est à la fois chef de l’État et chef de l’Église anglicane, Église officielle de ce pays. Ce qui est contraire au principe de séparation de l’Église et de l’État. Toutefois, en ces deux domaines, son rôle est essentiellement symbolique, en ce qu’elle n’intervient jamais ni dans les affaires politiques ni dans les affaires de la foi. Aussi, en pratique, c’est bien le principe du sécularisme libéral qui dicte le rapport entre le religieux et le politique dans ce pays.
[7] Cette neutralité de l’État en matière religieuse n’empêche pas le législateur libéral de pouvoir évoquer Dieu comme source première de ses lois, comme c’est le cas par exemple au Canada, dont le préambule de la Charte canadienne des droits et libertés se lit comme suit : « Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit ».
[8] Gérard Bouchard et Charles Taylor, « Fonder l’avenir. Le temps de la conciliation », Rapport final de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, 2008, p. 140 à 153. Dans son ouvrage de 2012, L’Interculturalisme. Un point de vue québécois, Gérard Bouchard préfère plutôt parler de laïcité « inclusive ».
[9] « Laïcité et religions. Perspectives nouvelles pour l’école québécoise », Gouvernement du Québec. Ministère de l’Éducation, 1999 : http ://www.mels.gouv.qc.ca/REFORME/religion/Integ-fr.pdf
[10] Dans les faits, des solutions de rechange avaient été proposées à l’élève par la direction de son école, telle que celle de porter son kirpan dans un étui ficelé ou de porter un petit kirpan symbolique, comme le font plusieurs sikhs par exemple. Mais ces solutions ont toutes été rejetées par le plaignant.
[11] L’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés énonce que :
« (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. »
L’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec stipule quant à lui que :
« 10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.
Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit. »