Le chantier de la résistance

Ce n’est pas mourir, c’est fuir qui est la mort
– Anatole France

Face à l’état d’angoisse qui agite chacun de nos réveils depuis ce lundi noir du 7 avril 2014, il est difficile de ne pas prêter oreille aux chants des sirènes de la retraite. Où est donc passée cette fierté jadis retrouvée et gorgée de promesses ? Qu’est devenu ce mouvement de liberté politique qui enflamma les cœurs pendant plus de quatre décennies ? Ces défaites électorales en cascade auront-elles réussi à en percer irrémédiablement la carapace ? Les blessures sont-elles à ce point mortelles qu’il serait temps de baisser pavillon ?

1/ La passion du pays comme antidote au poison de l’échec

Avant que d’entamer le procès des auteurs de cette défaite catastrophe ou même d’improviser des scénarios insoutenables, rappelons-nous le proverbe de Victor Hugo : « Qui voit de haut voit loin, qui voit de loin voit juste ». Prenons le temps de jeter un regard lucide sur la situation. Nous y verrons sans doute que ce qui s’est produit était annoncé depuis un certain temps.

Au lendemain de sa victoire du 30 octobre 1995, bien que vainqueur, le camp du Non ne s’est pas dissous, bien au contraire. Il est résolument passé à une gigantesque contre-attaque qui ne laissera rien au hasard. Tout le contraire du camp souverainiste qui décida honteusement de faire relâche pour dix ans, puis finalement pour plus de vingt ans. Lors des quatre dernières élections, le PQ s’est systématiquement mis en position défensive, reportant de façon récurrente à plus tard toute initiative sur le fond même de son projet politique. Cinq élections référendaires mettant face à face, d’un côté un camp du Non déterminé, et de l’autre, un parti politique se limitant à débattre d’affaires courantes.

Durant cette période, la stratégie du camp fédéraliste se sera sans relâche déployée à travers le cartel des médias et des réseaux d’influences. Elle se sera particulièrement acharnée à contaminer les réseaux de la petite bourgeoisie d’affaires (plus de 250 « entreprises avec employées ») en raison du nouveau pouvoir qu’elle s’est octroyé dans l’univers politique. Active au sein de tous les cercles locaux, cette nouvelle classe d’affaires possède en effet ses propres magazines, ses clubs sociaux, ses réseaux de communication. Elle occupe par ailleurs, élément non négligeable, l’échelon le plus élevé de l’estime populaire et de la notoriété publique dans les sondages, probablement en raison du fait qu’elle est associée à la création de la richesse. En soutien aux grandes entreprises parasitaires du génie-conseil, cette nouvelle classe d’affaires affiche un positionnement farouche et de plus en plus ostensible en faveur des valeurs et du programme du PLQ. Pas étonnant qu’elle soit parvenue à faire de ce dernier, la plus formidable machine électorale depuis l’ère Duplessis. Elle aura incontestablement joué un rôle de premier plan dans les résultats électoraux d’avril dernier. La première ministre Pauline Marois l’aura cruellement appris à ses dépens le 19 mars lors de la conférence d’Hillary Clinton ; elle fut honteusement huée par de très « respectables » membres de la Chambre de commerce de Montréal. Absolument déshonorant.

Par ailleurs, en fidélisant, et la métropole et la capitale du Québec, le camp du NON contrôle aujourd’hui l’essentiel des sources d’influence économique et médiatique. Cette idée d’un statut de « Cité-État » pour l’Île de Montréal, apparue comme ça, « innocemment », à mi-campagne électorale est en gestation depuis longtemps. Lourde de portée politique, elle pourrait, à terme, faire basculer le Québec dans un univers qui n’aurait plus rien à voir avec celui d’une communauté nationale de langue française. Nous y reviendrons.

En dépit de cette très fâcheuse conjoncture, les souverainistes doivent repousser loin, très loin, la tentation de la fuite. Combien de fois, au cours de plus de quatre siècles, n’avons-nous pas chassé les ombres de la défaite ? Combien de fois l’espoir ne s’est-il pas ranimé au feu de la première aurore sur ce sol que notre cœur n’a jamais cessé d’habiter ? Au sortir d’un échec comme celui que nous vivons, seules la voie de la résilience, puis celle de la résistance doivent trouver place dans les esprits. Au lendemain du matage du mouvement patriote, c’est une telle action de résistance qui permit au Québec du XIXe siècle de ne pas sombrer dans l’abandon de lui-même.

Forme de combat du refus, l’action de résistance possède ses propres forces, elle se déploie non pas selon une logique électorale, mais sociétale, en conjonction avec tous les acteurs et les réseaux qui ont pour idéal, la patrie, la liberté et la dignité. Pour s’assurer d’une cohésion et d’une force de frappe significative, un tel mouvement de résistance devrait idéalement pouvoir compter sur un organe de communication grand public. Une idée sur laquelle il faudra revenir.

2/ Une action de résistance pour contrer le programme de normalisation du Québec

Pour s’avérer efficace, cette action de résistance doit pouvoir se décliner en fonction d’enjeux bien spécifiques. Il faut d’abord procéder au rapprochement des forces progressistes davantage qu’au recrutement d’un nouveau « libérateur de peuple » ou un rapiéçage improvisé d’une machine électorale. Le défi : contrer à la pièce, le dernier pan du programme du camp fédéraliste, soit le rétablissement de l’hégémonie canadienne sur le Québec et le retour définitif de ce dernier dans la normalité de l’enclave provinciale.

La bataille sera féroce. Il faut s’attendre à ce que du côté gouvernemental, on persiste dans l’approche du dénigrement et du mépris, la tactique s’étant avérée rentable jusqu’à maintenant (« Il faut apprendre à les haïr » [Charest] et à les « détester » [Couillard], en passant par les « Va ch… Christ de folle »). Ne nous laissons pas berner par le discours poli et euphorique des premiers jours, le fiel est à venir, il dort sous la braise. Au sein de l’état-major du PLQ/PLC, on est assurément convaincu que l’éviction manu militari du Bloc québécois du Parlement fédéral en mai 2011 et cette « méchante débarque » électorale du 7 avril, annoncent l’étape de la reddition définitive et sans condition du Québec. Tout sera mis en œuvre pour qu’aux yeux de l’opinion publique, le « parti péquiste » (expression méprisable jadis imaginée par Trudeau) ne soit dorénavant plus crédité du « droit naturel » de représenter ce qu’est le Québec d’aujourd’hui, ni celui de l’avenir. Alors même qu’il constitue l’opposition officielle, le PQ devra jouer dur, très dur pour ne pas basculer dans la marginalité. Attendons-nous également à ce que la machine médiatique s’évertue à faire de la CAQ la véritable opposition légitime. D’où la nécessité de créer un front de résistance plus élargie que la simple approche de partis.

Ces actions de résistance devront prioritairement être orientées sur autant d’axes particuliers du plan Couillard.

Lutter contre l’agnosie historique et culturelle

Près de vingt années de pouvoir n’auront pas suffi au Parti québécois pour qu’il se saisisse d’une réalité fondamentale : la mémoire est le premier ciment d’appartenance des individus à la nation. L’identité est un produit historique, c’est-à-dire une réalité reposant sur le socle d’un legs de souvenirs et de valeurs construites au fil du temps et généreusement partagées avec les communautés qui ont bien voulu s’y associer. La proposition tardive pour procurer aux jeunes Québécois une meilleure connaissance de l’histoire selon la trame nationale risque d’être rapidement mise sur la voie d’évitement par le gouvernement libéral. La Fédération des cégeps plaide déjà pour son abandon au collégial, appuyée par l’équipe éditoriale du Soleil et le lobby des « didacticiens » de l’Université Laval. Un gros dossier en perspective pour la Coalition pour l’enseignement de l’histoire et les réseaux professionnels de l’enseignement. Il faudra remonter au créneau pour éviter que tout ne s’effondre à nouveau. Vaste chantier aussi pour les groupes et associations qui ont à cœur la mise en valeur du patrimoine historique du Québec.

Éradiquer la maladie chronique de l’insécurité personnelle

Au cours des dernières campagnes électorales, c’est la question du médecin de famille qui aura été au coeur de l’avenir national québécois. Elle s’inscrit dans un contexte de psychose collective absolument unique au monde qui fait que nos politiciens n’abordent plus les électeurs comme des citoyens, mais comme une vaste collectivité de patients. Curieuse destinée pour un peuple qui, jadis, défonça toutes les frontières de l’impossible pour aller héroïquement planter son drapeau sur plus des deux tiers du territoire nord-américain. Il y a plus de douze ans, Léonce Naud (« Mon pays c’est un hôpital », Le Soleil, 11 février 2012) faisait une description satirique du Québec tel que décrit dans « l’extraordinaire et persistante morbidité des bulletins de nouvelles de Radio-Canada » : « Un vaste hôpital où tout le monde est malade ou le deviendra sous peu ». Dans un tel contexte, comment espérer cultiver collectivement une ambition d’aventure et d’avenir ?

Sans vouloir minimiser les immenses problèmes qui confrontent notre système de santé, il faut convenir qu’une telle fixation sur l’insécurité personnelle a des effets délétères sur nos projets collectifs. Et la campagne du PLQ aura largement capitalisé sur ce phénomène avec la construction d’une partie importante de sa publicité électorale sur les miracles anticipés de son « trio de médecins ».

Il faudra toute une corvée en psychologie sociale pour redresser une telle situation et les résultats relèvent somme toute de l’impondérable. Un bon défi pour nos écrivains, auteurs de téléséries, historiens, journalistes et réseaux d’influence de l’opinion.

Faire dérailler le dessein de sortir Montréal du Québec

S’il est un projet qui risque, à terme, de porter atteinte de façon significative à l’intégrité de l’État québécois, bien au-delà des initiatives anticipées de privatisations, c’est celui de la réforme des grandes municipalités sur laquelle s’est commis Philippe Couillard à mi-temps de campagne. Personne, pas même le Parti québécois, ne semble avoir réellement tenté de décoder la portée politique du dossier.

Il faut savoir qu’à Ottawa, depuis le début des années 1980, on rêve de pouvoir un jour transiger directement avec les municipalités du Québec, histoire de porter un coup durable à leur statut constitutionnalisé d’« administration déléguée » de l’État québécois. On voudrait en faire un « troisième ordre de gouvernement », à mi-chemin entre le parlement canadien et l’Assemblée nationale. Dans le clan fédéraliste, anglophone notamment, on ne se cache plus ses intentions à ce chapitre. Montréal « Cité-État », tel est le tout nouvel emballage pour « marqueter » le projet. En dessous de cette idée, il y a Peter Trent, président de l’Association des municipalités de banlieue de l’île de Montréal et maire de Westmount. Dans le cadre d’une conférence de presse tenue le 19 mars dernier en compagnie de Denis Coderre, notre partitionniste de Westmount énonce solennellement que la répartition des pouvoirs entre Québec et ses municipalités est « un anachronisme qui doit être corrigé ». Nous sommes, dit-il, « gelés dans le temps avec une constitution datant de 1867 […] On veut dorénavant avoir la possibilité de négocier avec le gouvernement du Canada ».

Officiellement, ce qui est revendiqué pour Montréal, c’est plus d’autonomie budgétaire et l’octroi d’un pouvoir de percevoir de nouvelles sources de revenus. Mais à terme, le programme du clan fédéraliste pur et dur ne vise rien de moins qu’un amendement constitutionnel visant un détroussement de pouvoirs de l’Assemblée nationale du Québec en faveur d’un nouveau pouvoir municipal métropolitain. Certains ambitionnent probablement pouvoir un jour échapper à certaines contraintes d’ordre linguistique entre autres et qui sait, se préparer un avenir autre que québécois.

Une bataille qui s’annonce déjà difficile considérant que la mode est depuis un certain temps à la régionalisation comme vertu politique universelle chez nos élus municipaux et au sein de nos cercles universitaires. Rarement les véritables enjeux constitutionnels d’un tel projet de décentralisation sont analysés dans le contexte très particulier de la provincialisation du Québec.

Faire échec au plan de bilinguisation mur à mur

Autre menace sous le nouveau ciel pourpre du Québec : l’élargissement du bilinguisme institutionnel, doublé d’une indifférence quant à l’avenir du français langue nationale. Ce n’est pas sans raison qu’au lendemain du 7 avril, des voix s’élevaient déjà en faveur d’un maintien minimal des acquis à ce chapitre, sachant qu’il est dorénavant impensable de colmater à court terme les brèches qu’on a fait subir à la Loi 101. Il faut lire à cet effet, le pathétique appel de Boucar Diouf : « Le scénario de la Rivière-Rouge se joue déjà sur les battures de Montréal » (« Population minimale viable ? » La Presse du 12 avril 2014). Même cri du cœur de la part de Pauline Marois, à l’occasion de la très brève rencontre de passation des pouvoirs du 16 avril. Dans ce dossier, il n’y a pas de fumée sans feu. C’est que le chef libéral a énoncé des intentions bien arrêtées au chapitre du bilinguisme individuel ; « pouvoir parler anglais dès la fin du primaire » et « sur le plancher de l’usine ». Mêmes appréhensions en ce qui a trait au bilinguisme institutionnel (relations de l’État avec ses citoyens). Tout un programme d’actions de résistance pour le Mouvement Québec français, les syndicats de l’enseignement et autres organisations engagées dans le combat linguistique.

3/ Que faire alors que le temps nous est vraiment compté ?

L’article 1 du programme du Parti québécois

Le décompte des voix n’était pas encore achevé le soir du 7 avril que d’aucuns remettaient déjà en question la pertinence stratégique de conserver la souveraineté comme option fondamentale du Parti québécois. « Tournez le dos à un danger pour tenter de fuir, et vous le multipliez par deux », disait Winston Churchill. Pas besoin d’être un fin stratège pour affirmer qu’un tel changement annoncerait fort probablement l’éclatement définitif du Parti.

Au-delà d’un parti politique, il y a un mouvement à reconstruire. Cette reconstruction peut d’abord se réaliser autour de ces actions de résistance organisée visant à faire échec au plan Couillard. On peut déjà rassembler autour de ces actions à déployer, plusieurs groupes sociaux qui ont encore le cœur résolument québécois : la FTQ, en voie de reconstruction, la CSN, la CSQ, le SFPQ et la FAE, la Fédération étudiante collégiale du Québec, tous des alliés de la première heure d’un Québec qui se tient toujours résolument debout. Associés aux membres des partis indépendantistes et du Mouvement national des Québécoises et des Québécois (MNQ), une telle coalition de forces réunit en partant un assez grand contingent de citoyens.

Revenir à l’esprit et aux façons de faire d’un « parti de masse »

L’indépendance du Québec n’est pas une « business », elle est un immense projet collectif qui appelle à une profonde révolution citoyenne. « Il ne peut y avoir révolution que là où il y conscience », disait Jaurès. Une œuvre de cette envergure ne peut être portée par un parti dit « de cadres » comme l’est devenu graduellement le Parti québécois deuxième génération. Seul un « parti de masse » traditionnel peut relever un tel défi. Une organisation rassemblant un très grand nombre d’adhérents pouvant, le cas échéant faut-il l’espérer, se transformer en un vaste réseau de militants permanents et fidèles pour assurer une œuvre d’éducation politique.

Plus que jamais, on le sait, les messages électoraux reposent sur des clips de trente secondes. Comment espérer convaincre d’une réalité aussi complexe que l’indépendance politique si on ne peut s’appuyer sur un programme de sensibilisation politique et des réseaux de militants ? Un tel retour aux sources, préconisé notamment par Jean Garon, signifie en même temps redonner le parti aux membres, revenir aux conventions locales, mettre à la porte les « peddleurs » en communication ou en scénographie qui gravitent sans cesse autour des états-majors pour vendre leurs services, alors qu’ils sont souvent davantage spécialisés dans le marketing du Big Mac que dans la spécificité des enjeux politiques.

Se positionner en permanence en fonction d’une élection référendaire

Refuser de sortir l’épée du fourreau pour « débattre de l’avenir du Québec » au cours d’une élection référendaire formellement déclenchée par l’adversaire relève du suicide. C’est ce qui s’est produit au cours de la dernière campagne. Étonnant tout de même qu’après 18 mois, un gouvernement sortant se soit retrouvé aussi démuni et à court d’arguments pour faire la promotion de son projet fondamental. Où étaient les rapports des comités d’experts chargés de documenter le dossier économique sous gestion fédérale : parts du Québec en investissements fédéraux dans des actifs économiquement structurants, parts des PME du Québec dans la sous-traitance des agences et ministères fédéraux, part réelle du Québec dans la dette fédérale eu égard aux actifs fédéraux au Québec. Avait-on au moins pensé à procéder à ces analyses ? C’est maintenant à un mouvement de résistance, privé des ressources gouvernementales, que revient maintenant l’obligation de réaliser ce complexe et incontournable exercice.

Aborder de front la peur que suscite la liberté

René Lévesque a maintes et maintes fois déploré et dénoncé le réflexe de la « petite sécurité » et de « paralysie des retardataires qui ne voient pas le monde en mouvement ». Il le craignait par-dessus tout. Et voilà à nouveau le projet de souveraineté envoyée dans les câbles en partie parce qu’une portion significative des électeurs ne se sentent toujours pas assez forts psychologiquement pour affronter le défi de la liberté avec tout ce qu’elle induit en termes d’obligations et de responsabilités. C’est cette « peur de la liberté » que Gilles Vigneault tente encore une fois de détrousser dans le cadre de son actuelle tournée « Vivre debout ». Oui, la liberté appelle la responsabilité et l’effort, mais peut-il y avoir prospérité réelle sans liberté ?

En politique, la pire attitude pour alimenter de façon chronique une telle peur de la liberté, c’est probablement de se camper perpétuellement dans un discours axé sur la défensive. La campagne 2014 en aura été la plus triste illustration.

Associer indépendance et prospérité

Inlassablement, élection après élection, le clan fédéraliste appuie l’essentiel de son discours éteignoir sur l’idée qu’un Québec libre ne sauvait devenir autre chose qu’un Québec pauvre. Tous les ingrédients sont ajoutés à la sauce : perte de la péréquation, boycottage des produits, fermeture des marchés externes, perte des pensions, etc. Étonnamment, à elle seule, cette menace de perdre l’aumône de la péréquation aura suffi à mettre le PQ sur la défensive tout au long de la campagne. Par insuffisance de pédagogie politique sans doute, la riposte s’est avérée nulle et sans effet. Combien d’électeurs, encore en 2014, sont aptes à décoder ce qu’est finalement « l’argent du fédéral » ? Combien de fois l’a-t-on expliqué ?

Dans quel musée sont remisées les grandes affiches du RIN qui, il y a déjà plus de cinquante ans, scandaient avec assurance et fierté : « L’indépendance c’est la prospérité » ? Il faut les sortir au plus vite, les réimprimer et les répandre. C’est ce type de slogan et le discours optimiste qui doit s’ensuivre qui, seuls, pourront ramener la confiance et l’intérêt d’une jeunesse devenue sourde au sempiternel discours sur la « survivance » d’une « société distincte ». Ce qui intéresse cette jeunesse c’est de pouvoir s’assumer avec force sur le territoire québécois et sur les marchés extérieurs.

Rester fidèle à ses rêves

Trop longtemps obsédé par une histoire de plomberie référendaire, on n’a vraiment pas vu dériver le navire. La stratégie obsessionnellement rassurante a plutôt suscité la méfiance et la suspicion des citoyens. C’est le plus important constat qu’il faut faire au sortir de cette élection. Dans son prémonitoire discours de 1971 au Congrès national du PQ, Pierre Bourgault, anticipant probablement l’erreur, nous mettait déjà en garde contre une telle approche.

Mes chers amis ! […] Jusqu’à maintenant, nous avons voulu nous donner une image sécurisante parfois au détriment d’une image de liberté. Il faut bien comprendre que la sécurité n’est pas la liberté… La respectabilité, c’est d’être fidèle à ses rêves du début et non une image de respectabilité qu’on revoie parfois au détriment de la liberté que nous devons incarner.

Alors que les cendres de la défaite sont encore chaudes, qu’y aurait-il à conclure de plus ? Un fort vent contraire s’acharne sur le Québec. Il vise à évacuer chez le citoyen tout sens critique et tout réflexe politique quant à son devenir. Il nous faut d’urgence re-tricoter ce qui a été détricoté depuis trop d’années sur le plan de l’attachement affectif à la nation, sur le plan de la fierté et des aspirations à la liberté collective. Cela ne peut se faire en un soir. Les artistes sont l’âme de notre peuple, les jeunes en sont l’avenir. Ils doivent être les premiers à se sentir interpellés, comme tous ceux et celles qui ont pour mission de transmettre la culture à nos enfants. Les organisations étudiantes doivent redevenir le fer de lance des idées politiques, elles doivent trouver les façons de mettre en échec les tentatives de conditionnement de l’opinion publique. Il faut redéployer l’action, réinvestir les réseaux politiques, informels et officiels, et à nouveau la rue s’il le faut. Il faut décaper la surcouche de vernis de respectabilité que s’est donné le mouvement souverainiste depuis trop longtemps, évacuer notre pudeur extrême à dénoncer publiquement les spoliateurs et les imposteurs de démocratie. Voilà le chantier de résistance auquel nous sommes conviés.

Récemment publié