Le démantèlement de la nation (chronique 9)

La période couverte s’étend du 24 août au 21 décembre 2015 (4 mois)1.

Avec l’aide de la société civile, qui a fait entendre son mécontentement au gouvernement Couillard et manifesté son appui aux employés des secteurs public et parapublic, les syndicats ont réussi à arracher des conventions collectives qui évitent l’appauvrissement de leurs membres. Dans le contexte actuel, il s’agit d’une vraie victoire.

Mais cette victoire syndicale n’est pas un réel recul pour le gouvernement Couillard. Celui-ci a voulu acheter la paix sociale, qu’il sentait de plus en plus menacée. Il a payé pour l’obtenir un prix qui lui a semblé d’autant plus raisonnable que la situation financière du Québec, quoi qu’il en dise, est loin d’être catastrophique. Le gouvernement libéral a fait le pari que maintenant que les syndicats ont évité le pire, ils se tiendront tranquille.

Espérons que la paix sociale, le gouvernement du PLQ ne l’aura pas. Il serait tragique que nous baissions les bras devant le viol de notre territoire et le démembrement de notre État. Le Québec est en train de régresser à toute vitesse.

La période couverte s’étend du 24 août au 21 décembre 2015 (4 mois)1.

Avec l’aide de la société civile, qui a fait entendre son mécontentement au gouvernement Couillard et manifesté son appui aux employés des secteurs public et parapublic, les syndicats ont réussi à arracher des conventions collectives qui évitent l’appauvrissement de leurs membres. Dans le contexte actuel, il s’agit d’une vraie victoire.

Mais cette victoire syndicale n’est pas un réel recul pour le gouvernement Couillard. Celui-ci a voulu acheter la paix sociale, qu’il sentait de plus en plus menacée. Il a payé pour l’obtenir un prix qui lui a semblé d’autant plus raisonnable que la situation financière du Québec, quoi qu’il en dise, est loin d’être catastrophique. Le gouvernement libéral a fait le pari que maintenant que les syndicats ont évité le pire, ils se tiendront tranquille.

Espérons que la paix sociale, le gouvernement du PLQ ne l’aura pas. Il serait tragique que nous baissions les bras devant le viol de notre territoire et le démembrement de notre État. Le Québec est en train de régresser à toute vitesse.

Cela nous a pris collectivement un siècle, en gros tout le XXe, pour construire l’État québécois. Celui-ci a pris progressivement la suite de l’Église catholique comme principal outil collectif de structuration de notre identité, de notre culture, de notre territoire. Bâtissant à son tour sur ce que l’Église avait construit, l’État québécois, notre demi-État, est devenu à partir des années 1960 le principal et quasi notre seul levier de notre développement. Pour cela, il a fallu qu’il rapatrie autant que possible, dans un contexte presque constamment adverse, les compétences grugées depuis la Deuxième Guerre mondiale par Ottawa. Il a fallu qu’il s’approprie ses propres missions en santé, en services sociaux, en éducation, compétences qui relèvent de notre État, mais que celui-ci avait sous-traitées aux Églises et aux congrégations religieuses, d’une part, et de l’autre, à quelques promoteurs privés à but très lucratif.

Il est arrivé à plusieurs reprises au cours des derniers 50 ans que nos gouvernements ne soient pas aussi déterminés qu’ils eussent dû l’être pour défendre les compétences de l’État québécois. Mais depuis 2003, et plus encore depuis 2014, nous avons des gouvernements qui travaillent sciemment contre lui. Nous devons donc défendre notre État contre notre propre gouvernement, en plus de devoir le défendre contre Ottawa, contre des vautours privés et, désormais, contre la volonté décentralisatrice du maire Coderre, trop heureux de déjà s’imaginer en baron. N’oublions jamais que c’est une minorité d’électeurs, dont peu de francophones, qui a élu ceux qui actuellement nous dépouillent de notre seul outil collectif de promotion nationale. Il est tout à fait légitime de vouloir contrer leur action.

1– Une logique d’occupation par le gouvernement fédéral et les entreprises à charte fédérale

Disposer du sous-sol québécois à sa guise. La compagnie Ressources Strateco va poursuivre le gouvernement du Québec. Pourquoi ? Parce que le BAPE refuse l’idée de développer la filière uranifère. Les Cris aussi s’y opposent vigoureusement. Le gouvernement du Québec n’a pas encore annoncé comment il donnerait suite au rapport du BAPE. Or, Ottawa a donné son autorisation sans s’occuper de consulter le Québec. La compagnie a investi 140 millions et maintenant, elle veut continuer. La poursuite vise à contraindre le ministre Hertel à céder (4 novembre).

Disposer du territoire québécois à sa guise. Énergie Est n’attendra pas. Même pas la révision du processus des projets d’oléoducs promise par le gouvernement Trudeau. TransCanada a décidé que rien n’entraverait son projet sur le territoire du Québec (19 novembre). Rappelons qu’au total, le projet créera en tout et partout 33 emplois directs au Québec lors de la phase d’exploitation. TransCanada a commencé à acheter les terrains où l’oléoduc passera (18 décembre).

Mépriser les lois et les tribunaux du Québec. Air Canada envisage de demander à la Cour suprême d’annuler la décision de la Cour d’appel du Québec qui l’oblige à maintenir ses activités d’entretien au Canada, notamment à Montréal. Elle fait valoir que le gouvernement du Québec n’a pas autorité sur elle puisque l’aviation est une compétence fédérale (5 novembre).

Deux poids, deux mesures. Après avoir annoncé qu’il suspendait l’entente avec la Davie pour un minuscule projet de ravitailleur finalement concédé à la dernière minute par le gouvernement Harper (21 novembre), le gouvernement Trudeau a décidé magnanimement de la maintenir, parce qu’elle coûterait trop cher à résilier. L’équité, la juste répartition des contrats fédéraux, des raisons pour maintenir le contrat ? On a vu au contraire la rapidité avec laquelle le nouveau gouvernement a cherché à donner satisfaction à la compagnie Seaspan de Vancouver, qui veut tout pour elle (1er décembre).

Deux poids, deux mesures. On savait déjà qu’Ottawa aidait le secteur de l’automobile en Ontario bien davantage que celui de la forêt au Québec. Mais voilà que le nouveau gouvernement Trudeau n’a pas l’intention d’aider non plus l’aéronautique québécoise : le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, député d’une circonscription québécoise, préfère la tranquillité des Torontois à l’emploi des Québécois : Les C-Series ne seront pas autorisés à atterrir à l’aéroport Billy-Bishop (4 novembre). Du coup, Porter Airlines pourrait annuler la commande placée chez Bombardier. Par ailleurs, le fédéral n’a pas dit oui à une aide à Bombardier pour complémenter celle accordée par le gouvernement du Québec (14 novembre).

Donner le change et créer illusion. SI et seulement SI des données québécoises subsistent du défunt registre fédéral, et SI et seulement si les tribunaux permettent le transfert d’information (le Québec devra-t-il encore une fois saisir les tribunaux ?), alors le gouvernement Trudeau n’aurait pas l’intention « de mettre inutilement des bâtons dans les roues du Québec » et pourrait éventuellement remettre au gouvernement québécois les données périmées qu’il contient (5 décembre). Que de magnanimité ici encore !

2– Le Canada, un pays multinational qui refuse de se reconnaître comme tel et prend les moyens pour ne plus l’être

« Ouvrir la Constitution ? Trudeau ne voit aucune raison » (18 décembre).

Chipoter pour tenir des débats en français pendant la campagne électorale fédérale. Rappelez-vous comme il fut difficile de faire respecter le bilinguisme pendant la campagne (voir entre autres 16 septembre, à propos du débat Monk).

Laisser mourir les Canadiens français hors Québec. La Cour fédérale juge que le Commissaire aux langues officielles n’a pas le pouvoir d’enquêter pour savoir si Radio-Canada respecte ses obligations linguistiques. Les compressions budgétaires imposées au diffuseur public ont entraîné des coupes sombres dans les programmations locales en français en dehors du Québec, conduit à la quasi-fermeture de la station de radio de Windsor dans le sud-ouest de l’Ontario, et provoqué 18 enquêtes de la part de Graham Fraser. Mais la Cour a donné raison à Radio-Canada qui prétend ne pas être soumise à la Loi sur les langues officielles (13 novembre).

Laisser mourir les Canadiens français hors Québec. Les promesses de protéger le bilinguisme législatif faites aux populations de l’Ouest dans les années 1870 n’ont pas à être respectées, donc l’Alberta peut rester unilingue anglophone, a décrété la Cour suprême dans la cause Caron. De plus, le gouvernement Trudeau a bien l’intention de respecter les compétences de cette province, ce qui semble fermer la porte à une aide d’Ottawa pour traduire les lois de l’Alberta. À noter la dissidence de trois juges, dont deux du Québec, qui ont fait valoir que ce n’est pas parce qu’une injustice est séculaire qu’elle n’en est plus une (21 novembre).

Laisser mourir les Canadiens français hors Québec. Les Francophones des Territoires du Nord-Ouest n’obtiendront ni l’agrandissement ni la pleine gestion de leurs écoles, la Cour suprême en a décidé ainsi (30 octobre).

Laisser la portion congrue au français même dans les ministères dirigés par des francophones. Il y a 30 ministres dans le gouvernement Trudeau, dont cinq sont de langue maternelle française. Stéphane Dion a fait savoir aux employés de son ministère qu’il préfèrerait qu’on s’adresse à lui en français « pour mieux équilibrer le ratio de produits rédigés dans les deux langues officielles ». Mais rien de contraignant bien sûr, et comme une bonne majorité des fonctionnaires sont unilingues anglophones, le ministère ne s’attend pas à de gros changements (11 novembre). Du coup, deux autres ministres ont fait la même requête que Dion : ils émettent le désir de recevoir leurs mémos en français « autant que possible ». Une troisième ministre est unilingue francophone, mais elle s’est engagée à y remédier dans les six mois. Marc Garneau, lui, n’a pas jugé bon de faire semblant que le français peut être une langue utilisée dans son ministère (13 novembre).

« Peu de Québécois dans la garde rapprochée de Justin Trudeau », titre Le Devoir du 10 décembre. En fait, un seul, et il est là essentiellement pour gérer la sensibilité québécoise, c’est-à-dire pour conseiller le premier ministre quant à la manière de faire avaler les décisions fédérales aux Québécois.

Heureusement, il semble y avoir un changement de cap pour les Autochtones. On ne peut que se réjouir du changement d’attitude affiché par le nouveau gouvernement envers les Premières Nations. Cependant, on doit constater la tendance durable et de fond, observable notamment tout au long des travaux de la commission Vérité et Réconciliation, à vouloir transformer les Premières Nations en communautés culturelles comme les autres plutôt que de les reconnaître comme des nations en dépit de leur appellation officielle (http://www.trc.ca/websites/trcinstitution/index.php?p=15).

3– Le Canada, un État fédéral qui s’en va plus résolument que jamais vers un État unitaire

Agriculture. En principe l’agriculture est une compétence partagée. En réalité, tant avec l’Union européenne que dans le cadre du partenariat transpacifique le fédéral a négocié seul la baisse des protections liées à la gestion de l’offre. Le nouveau gouvernement Trudeau a déjà annoncé qu’il ne se sent pas lié par les compensations promises par le précédent gouvernement Harper (19 novembre). Et le nouveau ministre fédéral de l’Agriculture, Lawrence MacAulay a annulé sa participation annoncée au récent congrès de l’UPA (2 décembre). Les agriculteurs québécois sont inquiets.

Aide médicale à mourir. Même si l’unanimité (rare) des membres de l’Assemblée nationale est forte autour de la loi québécoise sur l’aide médicale à mourir et même s’il semble acquis qu’elle est incontestable du point de vue constitutionnel car toute entière située dans les champs de compétence des provinces, le gouvernement fédéral de Justin Trudeau a d’abord promis de poursuivre les médecins québécois s’ils appliquaient la loi à partir du 10 décembre (27 novembre). La Cour d’appel a finalement levé les obstacles qui empêchaient le Québec d’appliquer sa loi comme prévu (23 décembre) ; il reste que la Cour d’appel a déclaré que l’aide à mourir est un domaine de compétence concurrente, et non un domaine de compétence exclusive des provinces comme le prétend Québec. Ottawa vient de voir reconnues ses prétentions à s’immiscer jusque dans les soins de santé. Il est presque certain qu’en 2016, Ottawa se donnera le droit d’encadrer la pratique québécoise. À suivre… On voit bien à quel point le fédéralisme, dans ce pays, dépend de la bonne volonté d’Ottawa de laisser les provinces exercer leurs champs de compétence. À vrai dire, puisqu’on est dans un domaine de compétence provinciale, Ottawa n’a rien à y faire, même pas donner sa bénédiction !

Sénat. La constitution imaginée par Trudeau père rend impossible en pratique toute réforme du Sénat. Le gouvernement Harper, en ne comblant pas les vacances, avait selon toute apparence souhaité laisser mourir l’institution de sa belle mort. Les commentateurs doutent que les nouveaux sénateurs nommés par le gouvernement de Trudeau fils seront réellement indépendants. Ce qu’on peut constater surtout, c’est que le projet Trudeau ne prévoit aucun mécanisme pour que les provinces, par la voix de leur gouvernement ou de leur population, aient le pouvoir de décider réellement qui les représentera. Le fédéral n’entend d’aucune façon se départir de ce pouvoir, alors qu’il pourrait facilement s’engager à nommer les personnes recommandées par les provinces (4 et 11 décembre). Et évidemment, le ministre Jean-Marc Fournier dit amen (4 décembre).

Des fiers-à-bras. Il est assez intéressant de constater quels ministères fédéraux sont allés à des Québécois. On ne s’étonnera pas qu’une Québécoise soit au Revenu puisque c’est un ministère sans envergure. Mais voici la suite. Le ministère du multiculturalisme n’existe plus : il est englobé dans celui du Patrimoine canadien. Patrimoine canadien est le ministère fédéral de la Culture, une compétence exclusive des provinces. Mélanie Joly est titulaire d’un ministère illégitime et elle aura entre autres pour mission d’enfoncer le multiculturalisme au Québec. Le ministère du Développement social n’est plus accordé avec l’Emploi, mais plutôt avec la Famille et les Enfants, deux compétences exclusives des provinces : Jean-Yves Duclos envahira encore davantage nos compétences en ces domaines. Marc Garneau est ministre des Transports : si nous en avons contre le passage chez nous du pétrole sale par train ou par pipeline, nous pourrons nous en prendre à un Québécois. Les Affaires étrangères vont à Stéphane Dion, qui discréditera tous les efforts que pourraient faire les indépendantistes pour s’assurer des bienveillances étrangères en cas d’aboutissement de notre projet (5 novembre). En cela, Trudeau poursuit la politique de Harper, qui a tout fait pour que l’ancienne gouverneure générale Michaëlle Jean devienne Secrétaire générale de la Francophonie. Les relations internationales du Québec sont de plus en plus compromises.

4– Le regard sur le Québec du gouvernement libéral de Philippe Couillard et son action

Les Québécois : « une communauté nationale canadienne ». C’est du moins ainsi que nous décrit le ministre Jean-Marc Fournier dans son discours soulignant les 20 ans du référendum de 1995. Nous devrions selon lui travailler à « la réappropriation de notre appartenance canadienne » (5 novembre).

Les Québécois : habités par les « démons » de l’intolérance envers les immigrants, c’est notre propre premier ministre qui le dit ! (16 novembre) Heureusement que nous avons encore la capacité de réagir contre un Québec bashing d’une telle ignominie ! Philippe Couillard éprouve pour nous un mépris dont nous devrions être encore plus conscients et plus furieux.

Les Québécois : un héritage à liquider. Québec veut vendre l’immeuble où l’architecte Ernest Cormier avait son atelier (24 octobre 2015). Le Village des Tanneries sera détruit (14 septembre). Par contre, le gouvernement libéral n’a pas refusé d’emblée de verser plus de 250 millions $ pour aider l’université McGill à transformer l’hôpital Royal Victoria aux fins de permettre l’accroissement de l’offre d’enseignement de cette université, actuellement freiné par le manque de locaux (25 septembre).

« Pas de stratégie pour le français à l’école » : le ministre Blais enterre la promesse libérale d’améliorer la maîtrise du français par les écoliers québécois (16 décembre).

Une politique délibérée de minorisation des Québécois francophones. Dans l’affaire des réfugiés syriens, dont un nombre correspondant à beaucoup plus que la proportion de Québécois dans la population canadienne va venir s’établir chez nous, la ministre Kathleen Weil s’est montrée ouverte à la demande des commissions scolaires anglophones de scolariser les enfants en anglais ; elle a été contrainte de reculer sur ce point, mais accueille favorablement l’offre des commissions scolaires anglophones d’offrir aux personnes de 16 ans et plus de la formation professionnelle en anglais (26 novembre). Le maire Coderre, à son niveau, a mentionné qu’il allait demander une dérogation à la loi 101 pour que les enfants des réfugiés puissent fréquenter les écoles anglaises (à l’émission Bazzo, le 19 novembre). Sur les 7300 réfugiés syriens que le Québec accueillera, 6195 seront installés dans la grande région de Montréal, soit 85 % ! (Radio-Canada, 25 novembre, http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2015/11/25/003-plan-quebec-accueil-refugies-syriens-villes.shtml) Ailleurs au Québec, il y a aussi des motifs d’inquiétude. Par exemple, les professeurs de la Commission scolaire de la Capitale soulignent le fait qu’il n’y a pas suffisamment de classes de francisation pour les enfants et les ados qui ne connaissent pas notre langue et ne font pas partie des réfugiés syriens (11 décembre).

Une politique délibérée de minorisation des Québécois francophones. Par ailleurs, le premier ministre Couillard a déjà indiqué que le nombre d’immigrants reçu chaque année au Québec sera revu à la hausse (3 décembre). Et pourtant, toutes les études montrent que leur intégration est difficile ; une étude récente de Gilles Grenier et Brahim Bourdarbat de l’Université d’Ottawa conclut que « l’impact économique de l’immigration est probablement assez faible » (28 novembre). Une autre étude met en lumière que : « Majorité et minorités visibles sont aux antipodes au Québec » concernant leur appartenance première au Québec ou au Canada. C’est une situation unique, rien qui ressemble à ce qu’on constate dans les autres provinces et qui témoigne bien de la faible appartenance au Québec des immigrants et des communautés culturelles (1er décembre).

Le Québec, un territoire sans défenseur. Autorisation des relevés sismiques de TransCanada dans le Saint-Laurent tout près d’une zone naturelle reconnue par Québec et avant même le début de l’évaluation environnementale du projet Énergie Est. Comme le rappelle l’article du Devoir, c’est plus d’un million de barils de pétrole par jour qui transitera par le Québec d’ici 5 ans, soit plus du tiers du pétrole sale de l’Alberta (3 novembre) ; absolument sans aucune retombée positive pour le Québec (6 novembre). TransCanada fait d’ailleurs absolument ce qu’elle veut : elle a refusé de participer aux audiences de la Communauté métropolitaine de Montréal (3 novembre), elle a refusé de suivre la procédure normale selon la loi québécoise, qui prévoit que même les projets de moindre ampleur doivent faire l’objet d’une étude d’impact, et elle va désormais elle-même, avec l’accord tacite du gouvernement libéral à Québec, faire de l’œil aux municipalités (4 et 10 novembre). Le gouvernement Couillard refuse d’utiliser l’État pour mettre TransCanada à la raison. Il ne lui a imposé d’ailleurs que l’amende minimale pour avoir procédé sans autorisation aux levées sismiques (21 septembre). Et, comme une cerise sur le sundae, il semble en plus que nos municipalités recevront moins de revenus fonciers de l’oléoduc Énergie Est que les villes des autres provinces (19 septembre).

Le Québec, un territoire sans défenseurs. Le pétrole de l’Ouest coule déjà vers Montréal, et ce dans le vieil oléoduc 9B de 1975, désormais inversé. Cet oléoduc passe dans des secteurs densément peuplés et traverse les cours d’eau qui alimentent la métropole en eau potable. Le pétrole sera convoyé aussi par bateau dans une partie très complexe du fleuve (1er décembre). Et le gouvernement Couillard ne réagit pas.

Le Québec, un territoire sans défenseurs. Il y a eu un déraillement de train à Montréal à la fin d’octobre. Mais malgré cela, il n’y aura pas de BAPE pour étudier le transport du pétrole albertain par train jusqu’au Nouveau-Brunswick (30 octobre).

5– L’« effet libéral » dans l’économie québécoise

a) Du surplace

Une économie presque stagnante : après plusieurs mois de recul du PIB consécutifs ou non (28 août), il n’y aura eu au total que 1,3 % de croissance réelle de l’économie québécoise en 2015 selon la Banque Royale, contre 2,1 % en Ontario (28 août, 23 octobre et 9 décembre).

Stagnation du marché de l’emploi. De manière naturelle, sans que les pouvoirs publics aient trop à s’en occuper, le Québec génère la création d’environ 50 000 emplois par année, avons-nous appris au moment de la campagne électorale de 2014. Or, depuis le début de l’année 2015, le Québec a créé seulement 40 400 emplois. Le taux de chômage, à 7,5 %, est le plus élevé du Canada, sauf dans les Maritimes (6 décembre). L’effet libéral, concrètement, serait donc 0 emploi créé et près de 10 000 perdus !

Stagnation de l’accès à la propriété résidentielle au Québec, contre une légère hausse ailleurs au Canada (30 octobre).

b) Une incompétence générale

Secteur manufacturier en difficulté. Léger repli au Québec en octobre, tandis que « l’Ontario a continué à prendre du mieux ». Le gouvernement reconnaît que les entreprises québécoises n’ont pas profité autant que prévu de la chute du dollar canadien pour exporter davantage (3 novembre). Fermeture surprise de la cartonnerie de Jonquière, du laminoir d’Arvida et de plusieurs entreprises américaines qui ont bénéficié de subventions québécoises (21 septembre).

Secteur agroalimentaire déçu. Il n’y a pas de place dans la stratégie libérale de développement économique pour l’agriculture et le secteur agroalimentaire. Voilà pourtant une industrie présente dans toutes les régions et qui emploie 200 000 travailleurs, directement ou indirectement (2 décembre).

Industrie forestière en crise. 59 000 emplois directs seraient menacés. Cette info est toutefois produite par le Conseil de l’industrie forestière du Québec. Si elle est à prendre avec esprit critique, il reste que le secteur forestier a perdu 20 000 emplois depuis l’arrivée au pouvoir des libéraux, en 2003 (26 novembre).

Gros projets évanouis. « Report » de Mine Arnaud sur la Côte-Nord, projet d’usine d’engrais à Bécancour « retardé » : 1000 à 1500 emplois pendant la construction et 250 par la suite ne se concrétiseront pas (15 décembre) ; abandon clair et net du projet d’usine FerroAtlantica à Port-Cartier : 345 emplois directs ne verront pas le jour (17 décembre).

Exportations en baisse. Malgré un dollar canadien à 74 ¢ américains (9 décembre), les exportations québécoises ont connu leur troisième baisse en octobre, la troisième en quatre mois (17 décembre).

Absence de vision écologique, donc économique. Ici, je ne peux faire mieux que de citer de larges extraits de la « Lettre au Devoir » de Luc Le Blanc (11 décembre). Après avoir noté que le premier ministre Couillard, à Paris, essaie de tirer un bénéfice politique en annonçant qu’il ne tient pas à l’exploitation pétrolière sur Anticosti tout en autorisant des essais de fracturation hydraulique, monsieur Le Blanc écrit : « Le ministre Poëti se comporte en ministre des Transports motorisés individuels, le ministre Arcan affirme sans rire que nous allons accélérer l’extraction pétrolière et gazière tout en sortant le Québec des énergies fossiles et le ministre Heurtel ne sait plus quoi inventer pour soustraire le ministère de l’Environnement à ses responsabilités ». Et il conclut en montrant que les libéraux causent écologie, mais pratiquent activement une politique d’encouragement de l’industrie du pétrole, du gaz et des oléoducs. D’ailleurs, la perle des perles à ce propos est venue du ministre Arcand, qui a dit pour rassurer l’industrie des hydrocarbures : « Les déclarations du premier ministre ont été faites dans un contexte [celui de la COP21]. Moi je dis à tout le monde : jugez [plutôt] nos actions depuis que nous sommes là ! » (10 décembre)

Refus de tenter une intervention pour contrer la déquébécisation de Bell Canada, ou, au moins, pour la dénoncer. Depuis que Bell Canada a acheté le réseau québécois Astral il y a deux ans, le pouvoir décisionnel a été considérablement déplacé de Montréal à Toronto. Il ne reste presque plus de cadres francophones dans l’entreprise (11 septembre). Avec la disparition ou le départ de plusieurs sièges sociaux du Québec, c’est aussi l’accès des Québécois à des postes de cadres qui est compromis ; quant à ceux qui sont cadres, leur possibilité de travailler en français devient quasi nulle.

c) Les secteurs épargnés

Aide aux C-Series plutôt qu’à la société mère Bombardier. Le ministre Daoust a décidé de son propre chef que le gouvernement québécois aiderait les C-Series à hauteur de 1,3 milliard. Et c’est seulement maintenant qu’il espère bien qu’Ottawa y contribuera également (3 novembre). Or, le fédéral n’a pas du tout l’air pressé (4 novembre). La Caisse de dépôt, elle, y est allée d’un investissement de 2 milliards $ pour prendre le contrôle de 30 % de la division du matériel roulant. Avec tout ça, au grand dam des trois partis d’opposition pour une fois réunis, Bombardier a décidé de délocaliser une partie de ses activités dans des pays à faibles coûts de main-d’œuvre (26 novembre).

Aide à Pétrolia, dont les dirigeants sont des proches du PLQ. Investissement Québec, par sa filiale Ressources Québec, vient d’acquérir pour 8 millions d’actions de Pétrolia, ce qui porte ses intérêts dans la compagnie à 16,3 % (7 novembre). D’ailleurs, quoi qu’en dise le premier ministre Couillard à Paris, l’exploration continue bel et bien à Anticosti (7 décembre).

Aide aux minières. Même si le taux de redevances minières obtenues par le Québec est beaucoup plus bas que la moyenne canadienne, le gouvernement Couillard a fermé la porte à toute renégociation (8 décembre). Et c’est sans compter les 22 milliards de fonds publics promis sur 20 ans pour aider les minières à s’enrichir dans le Nord, et le 1,2 milliards d’autres fonds publics qu’il faudra dépenser pour ramasser les saletés qu’elles ont laissées ces dernières années (2 et 3 décembre). Récemment, Québec a avancé 50 millions à la minière Agnico Eagle (27 octobre). La Coalition Québec meilleure mine a d’ailleurs réclamé cet automne la tenue d’une enquête publique pour ce qu’elle considère le gaspillage des fonds publics par le gouvernement Couillard dans plusieurs projets miniers sans avenir ni acceptabilité sociale (28 octobre).

La Caisse de dépôt dans les énergies fossiles. Alors que 500 gros investisseurs mondiaux, dont l’actif atteint 3400 milliards de dollars et parmi lesquels on trouve des noms comme la famille Rockefeller et le fonds souverain de Norvège, sont engagés dans une campagne de désinvestissement des énergies fossiles (3 décembre), la Caisse de dépôt, dont le président a été nommé par les libéraux de Jean Charest, continue de placer l’argent des Québec dans un secteur où elle accumule des pertes évaluées à 6 milliards selon les calculs de Sébastien Collard et Karel Mayrand, calculs établis à partir de l’indicateur boursier conçu par Morgan Stanley Capital International (14 novembre). De telles pertes exposent notre épargne retraite (25 septembre).

6– L’éventrement de l’État québécois

Il s’agit d’un processus en quatre volets.

a) Briser le sentiment d’appartenance des Québécois à leur État

Tourner vers Ottawa les forces de la société civile et une partie de l’opposition politique. Quand le gouvernement du Québec pratique l’austérité de manière aussi impitoyable et cruelle qu’il le fait actuellement, c’est aussi, sciemment, pour briser le lien qui unit les Québécois à leur État. Ainsi, le milieu communautaire n’en peut plus ; il n’a pas d’autre choix que de se tourner vers Ottawa pour obtenir l’argent que lui mesurent les Libéraux au pouvoir à Québec (3 novembre) ; et tant pis, si, ce faisant, cela consacre une nouvelle fois les empiétements du fédéral dans nos juridictions. Si l’on peut, à la limite, non pas accepter, mais comprendre que ceux qui voient tous les jours la misère de si près soient davantage préoccupés de trouver de l’argent pour la soulager que de défendre les compétences du Québec, on doit avoir beaucoup moins d’indulgence pour les partis politiques, comme Québec solidaire, et certains avocats pourtant bien intentionnés, comme maître Jean-Pierre Ménard, qui demandent au pouvoir tutélaire fédéral d’intervenir pour mettre le gouvernement du Québec à la raison (28 septembre ; La Presse, 10 novembre) En appeler au pouvoir de désaveu ou à la charité du Dominion plutôt qu’à la mobilisation de la société civile et à l’union des partis d’opposition, qu’en pensez-vous ? Ce que j’en pense, moi, c’est que c’est vraiment se faire involontairement, ou même volontairement, complices du PLQ.

Empêcher la fierté du service public. Le ministre Coiteux méprise les fonctionnaires, le ministre Barrette congédie les gestionnaires de la santé qui critiquent la réforme (٧ décembre). Cela n’aide en rien les jeunes à rêver de servir leur État (٧ décembre).

Saboter la confiance dans la justice. Comment croire que les libéraux veulent faire la lumière sur la corruption dans leur parti quand les enquêtes de l’UPAC restent sans suite (26 novembre) ; et quand on apprend que Renaud Lachance, nommé par l’ancien premier ministre Charest à la commission Charbonneau, a tout fait pour amoindrir la portée du rapport de celle-ci sur le financement occulte des partis politiques, quasi exclusivement en fait celui du PLQ (plusieurs dates à la mi-décembre).

Accorder le statut de métropole à Montréal (et de capitale à Québec). C’est-à-dire faire en sorte que pour de grands pans de gouvernance et de services de proximité, Québec se retirerait du lien direct avec la très grande majorité des citoyens du Québec ! Au début de l’année 2015, la Conférence régionale des élus a suggéré que Montréal obtienne une autonomie complète en matière d’habitation, qu’elle puisse influencer la grille de sélection des immigrants, qu’elle puisse avoir davantage d’outils pour stimuler l’activité économique sur son territoire et que les budgets de santé et services sociaux tiennent compte de sa spécificité (28 septembre). Le Québec est déjà systématiquement empêtré par l’action d’Ottawa sur son territoire, qui nous empêche d’agir d’une manière cohérente et en fonction d’abord et avant tout de nos intérêts. Allons-nous susciter deux concurrents supplémentaires ? Allons-nous réduire encore les outils dont dispose l’État du Québec pour structurer d’une manière minimalement cohérente notre territoire, notre économie, notre population ? Allons-nous laisser le champ libre aux deux plus grandes villes du Québec pour que leur interlocuteur principal devienne le gouvernement fédéral ? Il y a certainement d’autres moyens d’obtenir une meilleure gouvernance municipale.

b) Renoncer à agir dans nos champs de compétence

Diminuer le pouvoir règlementaire de l’État : le gouvernement Couillard accepte déjà d’alléger les règles en matière de contrats publics et de réduire le pouvoir du Québec d’exiger des retombées économiques locales en échange des contrats publics (15 décembre).

Abolir Emploi-Québec (sauf le nom) ? Le projet de loi 70 fait peser l’incertitude sur Emploi-Québec. Les centres locaux d’emplois, déjà partiellement démantelés, risqueraient de disparaître ainsi que des points de services dans les régions. Québec a-t-il l’intention de renoncer à sa compétence constitutionnelle sur l’emploi, le marché du travail et la main-d’œuvre ? (12 novembre).

Diminuer la capacité de recherche des ministères québécois. Si la bibliothèque du ministère de la Santé a failli être démantelée et a été récupérée finalement par l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec, celle d’Emploi-Québec, elle, est bel et bien fermée désormais ; 17 centres de documentation des ministères ont fermé leurs portes ces dernières années (14 novembre).

Mettre la hache dans les services de garde. Le réseau des CPE, cette innovation sociale proprement québécoise, semble en voie d’être détruit ; on s’en prend ainsi, pour des raisons idéologiques, au plus bel héritage laissé par Pauline Marois, cette femme politique qui a aidé les femmes. La hache passe aussi dans les garderies subventionnées (28 novembre). Le modèle privilégié est celui des garderies privées, celui pourtant que toutes les études considèrent comme le plus insatisfaisant du point de vue du développement des enfants (14 septembre et 15 décembre).

Mettre la hache dans l’école publique. 100 millions de réinvestissement sur deux ans contre un milliard de compressions depuis cinq ans (27 novembre). Ce faisant, c’est le soutien et l’aide aux élèves en difficulté qui a écopé le plus.

Mettre la hache dans les services d’alphabétisation. Les coupes dans les commissions scolaires vont se répercuter sur l’éducation des adultes, les programmes de francisation et l’apprentissage de la lecture (5 septembre).

Mettre la hache dans la francisation des milieux de travail. Comme le remarque Jacques Létourneau, président de la CSN, « On observe un recul du français dans les milieux de travail depuis une dizaine ou une quinzaine d’années. On retrouve de plus en plus dans les entreprises des affichages de postes bilingues et des manuels de formation et d’entretien d’équipement qui sont souvent en anglais. Les syndicats doivent livrer des batailles pour s’assurer que le français comme langue de travail est appliqué dans les entreprises et, manifestement, ceux-ci disposent de moins de moyens pour y arriver » (5 septembre)

Mettre la hache dans le soutien à la Charte de la langue française : ١,٦ million $ de compressions pour l’application de la charte (5 septembre).

Mettre la hache dans les conservatoires. Finalement, la solution de la ministre Hélène David pour sauver les conservatoires a été de leur dire d’aller chercher du financement privé. Or, selon Guillaume Laplante-Anfossi, cette solution ne fonctionne pas très bien pour les institutions artistiques et en attendant, les conservatoires ne sont pas sauvés du tout, ils continuent simplement d’essayer de survivre (19 décembre).

Mettre la hache dans l’aide sociale. Le gouvernement Couillard, par le projet de loi 70, va pénaliser les nouveaux assistés sociaux aptes au travail sans leur donner le soutien nécessaire pour qu’ils trouvent un emploi et s’y maintiennent (11, 12 et 13 novembre). La faim tenaille de plus en plus de Québécois : entre 2008 et 2015, 28 % d’augmentation dans le nombre de demandes d’aide reçues par les banques alimentaires québécoises (18 novembre).

Mettre la hache dans les services sociaux. 10 000 femmes refusées faute de place dans des maisons d’hébergement de moins en moins soutenues par l’État québécois (28 novembre).

Mettre la hache dans la santé publique (18, 20 et 21 novembre, 5 décembre).

Mettre la hache dans la santé. Les enfants ayant des problèmes de santé mentale, et leurs familles, ne savent plus où se tourner : coupes dans les ressources hospitalières, coupe dans les centres jeunesse, coupes dans les organismes communautaires (7 décembre). Coupes dans les services psychosociaux pour les enfants malades de l’hôpital Sainte-Justine (9 décembre). Ce ne sont que quelques exemples parmi les plus récents. La protectrice du citoyen a tiré la sonnette d’alarme : « le panier de services en santé s’effrite » depuis l’élection du gouvernement Couillard (18 septembre).

Refuser d’investir dans les transports collectifs. Et pourtant, le Fonds vert voit ses coffres se remplir, grâce à l’argent que rapporte le marché des crédits de carbone. Concrètement, on s’attend même à une diminution de l’achalandage dans les transports publics, faute d’une offre de qualité (٣١ août). Mais le gouvernement n’intervient pas. Et d’ailleurs les entreprises le prient instamment de s’en garder. Selon Françoise Bertrand, PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec, le gouvernement est mal placé pour savoir à quels projets donner priorité ; qu’il se contente de s’en remettre aux entreprises : « [celles-ci] sont à même de décider ce qui est le mieux en matière de réductions des GES et elles le feront toujours au meilleur coût » (18 décembre). Il semble bien que le premier ministre Couillard ne profitera pas de l’argent vert pour donner au Québec une personnalité environnementale fière et affirmée.

Amoindrir les relations du Québec avec la France. À cause des compressions budgétaires qui affectent son fonctionnement, la SODEC a dû renoncer à présenter la semaine du cinéma québécois à Paris. Comme l’écrit Christian Rioux, correspondant du Devoir à Paris : à la disparition de Cinéma du Québec, il faut ajouter « depuis un an : disparition de l’Association Québec-France, réduction du nombre d’étudiants français au Québec, vente de la maison Kent qui abritait le consulat français à Québec » (3 septembre).

Réduire la présence du Québec à l’étranger. Le quart des postes du Québec à l’étranger sont abolis, soit 50 sur 208. La diplomatie québécoise se réduit comme peau de chagrin. Le Québec a fermé depuis 2014 trois de ses bureaux à l’étranger, fermé des antennes, et diminué le personnel dans les délégations qui restent (14 septembre).

c) Céder les responsabilités de l’État québécois au secteur privé

Privatiser la santé. Un processus en accélération. Légalisation des frais accessoires par la loi ٢٠, dans une liste ouverte. Diminution du panier de services assumés par le régime public (26 novembre). Projet d’établir une super-clinique privée dans les locaux de l’Hôtel-Dieu rénovés et équipés par les fonds publics. Dégradation des conditions de travail et précarisation du personnel, ce qui pousse celui-ci à partir pour les ressources privées ; bref, c’est à un véritable « démantèlement » du système public qu’on assiste (voir Cahier santé du Devoir des 28-29 novembre).

Privatiser les services sociaux. Notamment aux aînés : la proportion de résidences privées par rapport aux centres d’hébergement publics ne cesse de s’accroître (28-29 novembre).

Privatiser d’autres missions sociales de l’État. Le gouvernement Couillard songe à faire comme la Grande-Bretagne, les États-Unis, l’Ontario et la Saskatchewan (belle inspiration anglo-saxonne, n’est-ce pas ?) : il pourrait émettre des « obligations à impact social ». Le principe est de confier une partie de certaines des responsabilités de l’État québécois à des entrepreneurs privés en échange de la garantie d’un profit si certaines cibles sont atteintes (17 novembre). Une autre solution est de financer des entreprises privées, mais sans but lucratif, comme la Fondation du docteur Julien par exemple (18 décembre). On peut juger que cette solution est un moindre mal, il reste qu’entre l’action d’Ottawa, celle des promoteurs privés à but lucratif et celles des organismes privés sans but lucratif, c’est toute la capacité de l’État québécois à donner cohérence à sa mission d’aide sociale qui est atteinte au cœur. Ce sont les secteurs les moins séduisants, ceux qui sont moins susceptibles d’attirer la compassion des donateurs, qui resteront à la charge de l’État, et connaîtront les pires dégradations. Il ne s’agit pas d’une prédiction, mais d’un simple rappel de ce qui s’est passé avant que l’État se sente responsable des services sociaux.

Privatiser certaines missions économiques de l’État. Le gouvernement se retire de la promotion touristique du Québec à l’étranger. Un nouvel organisme privé, l’Alliance de l’industrie touristique du Québec, prendra la relève (28 octobre). Québec envisage aussi de laisser la Commission canadienne du tourisme, un organisme fédéral, vendre les charmes de « la belle province » ! (21 septembre)

d) Céder les responsabilités de l’État québécois à Ottawa

Céder la perception de l’impôt du Québec au fédéral ? Le ballon d’essai fourni par le rapport de la commission Robillard plane toujours comme une réelle menace (1er septembre).

Refuser de réclamer des points d’impôts. Une partie des problèmes financiers de l’État québécois proviennent de la réduction des transferts fédéraux. S’il faut se réjouir qu’Ottawa, sous les conservateurs, se soit retiré au moins un peu des champs de compétence du Québec, il faut s’indigner que les gouvernements libéraux québécois n’aient pas réclamé l’obtention de points d’impôts pour augmenter la capacité de notre État à remplir ses missions telles que définies dans la Constitution. Dans les prochaines années, le choc sera terrible, en santé notamment (8 septembre). Le gouvernement libéral de Trudeau, qui ne s’émeut pas de faire des déficits, sera en mesure de dicter ses conditions aux provinces, dont le Québec : plus que jamais, le fédéral pourra intervenir dans nos champs de compétence. Par ailleurs, les changements apportés aux transferts fédéraux ont systématiquement depuis 20 ans été moins favorables au Québec qu’aux autres provinces selon une étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke (28 octobre). Raison de plus pour exiger des points d’impôts !

Renoncer en partie à la compétence du Québec en développement régional. Les compressions imposées par le gouvernement Couillard laissent le champ libre à l’action d’Ottawa. Comme l’écrit Marc-Urbain Proulx, spécialiste incontesté dans ce domaine, « depuis 2014 en réalité, le véritable ministre des régions du Québec s’avère celui de Développement économique Canada. (…) Si le réflexe traditionnel des acteurs locaux et régionaux consiste à se tourner vers le Québec pour exprimer leurs problèmes, leurs besoins, voire leurs doléances, la question régionale devrait désormais être adressée au gouvernement fédéral » (24 août)

Renoncer en partie à la compétence du Québec sur les municipalités. Certainement que les rapports entre Québec et les municipalités peuvent être révisés. Mais accepter, comme le rapport Perrault le recommande au ministre Moreau déjà convaincu, que les municipalités aient moins de comptes à rendre à l’État québécois, c’est tout simplement céder la place à Ottawa qui ne cherche qu’à transiger directement avec celles-ci et qui, lui, exigera des comptes (25 octobre). Couper 300 millions de dollars par année de financement du Québec aux municipalités pendant la durée du nouveau pacte fiscal, c’est non seulement conduire celles-ci à des affrontements certains avec leurs employés, mais c’est aussi jeter les villes dans les bras d’Ottawa (21 novembre).

Renoncer en partie à la compétence du Québec dans les affaires sociales et la sécurité publique. Le ministre Geoffrey Kelley tient à se dispenser d’enquêter sur la violence policière subie par les femmes autochtones ; il s’en remet complètement à la prochaine commission d’enquête fédérale sur les femmes disparues ou assassinées (8 décembre). Pourtant, les femmes autochtones qui n’habitent pas dans les réserves échappent à la juridiction fédérale et sont des citoyennes qui ont droit à la protection de leur gouvernement provincial au même titre que les autres habitants du Québec. Ce sont maintenant les Premières Nations du Québec qui exigent une telle enquête québécoise, en rappelant au ministre québécois que le Québec est unique au Canada dans ses relations avec les Autochtones comme sur la plupart des autres dossiers (15 décembre).

Renoncer en partie à la compétence du Québec en environnement. Dans l’histoire du rejet des eaux usées de Montréal, on n’a pas assez vu que le gouvernement Couillard a laissé s’installer la légitimité complète d’Ottawa. Québec avait donné son accord il y a longtemps pour un tel déversement, dont tous les experts ont confirmé qu’il était d’autant moins dangereux qu’il avait été planifié (7 novembre). Mais voilà qu’Ottawa a voulu faire de la politique et que le gouvernement Couillard l’a laissé faire. Certes, le déversement des eaux usées de Montréal s’est fait cette fois-ci selon un encadrement fédéral minimal. La vraie victoire d’Ottawa, c’est que désormais la Ville devra passer par le gouvernement fédéral pour agir (10 novembre).

Renoncer en partie à la compétence du Québec en environnement. Contrairement à l’engagement pris cet été par le ministre Heurtel, ce n’est pas le BAPE, mais plutôt le fédéral, par son Agence canadienne d’évaluation environnementale, qui évaluera les risques du projet d’agrandissement du port de Québec. Comment ne pas voir que le fédéral est juge et partie ? On sait que cet agrandissement pourrait ouvrir toute grande la porte à transformer ce port en poste de transit pour le pétrole de l’Ouest. Et défigurer par là même un des plus beaux paysages du Québec (2 septembre).

Renoncer en partie à la compétence du Québec en environnement. Le BAPE estime qu’il faudrait que Québec impose un examen environnemental avant d’autoriser le projet minier d’Ariane Phosphate, situé au nord de la ville de Saguenay. Mais là encore, le gouvernement Couillard se déresponsabilise complètement, il se contente d’être entendu aux audiences menées par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. D’ailleurs, Ariane Phosphate a bien mentionné que le projet de port est de compétence fédérale, et donc que le Québec n’a pas affaire à s’en mêler (25 octobre).

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Puissions-nous en 2016 trouver le courage de dire un NON clair et efficace au démantèlement de la nation ! 

 


1 À moins d’indication contraire, toutes les dates font référence à l’édition du jour du journal Le Devoir (format papier).

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