Membres du Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste et les enjeux énergétiques au Québec.
Soixante-quinze années d’avancées en matière d’intégration de sources d’énergie renouvelables sur son territoire ont fait du Québec l’une des juridictions les mieux dotées au monde pour réaliser une transition énergétique exemplaire. Mais avec le gaz naturel proclamé substitut officiel du pétrole dans les transports lourds et Hydro-Québec promu courtier à rabais prêt à concéder les meilleurs actifs d’électricité renouvelable québécoise aux juridictions voisines, la Politique énergétique 2030 du Québec se présente comme un scénario du pire pour l’avenir. Des scénarios énergétiques insoutenables, dont témoigne entre autres la fausse bonne idée d’une transition énergétique par le gaz naturel fossile, feraient du Québec un contre-exemple international de ce qu’exige une gestion politique planifiée, moderne et responsable de lutte aux changements climatiques.
Le retard est manifeste dans le travail de modélisation stratégique, prérequis indispensable à l’identification prudente des scénarios d’investissements énergétiques les plus structurants pour une économie moderne, robuste et dynamique à l’horizon 2050. L’effort de décarbonisation que la Politique énergétique du Québec 2030 prétendait « enclencher » a cruellement besoin d’un cadre décisionnel intégré d’investissements garantissant à tous les citoyens, tant du côté de l’offre que de la demande, des stratégies responsables en matière d’environnement, d’économie et d’équité sociale.
Dans la foulée de l’Accord de Paris sur le climat, Québec dévoilait le 7 avril 2016 sa Politique énergétique 2016-2030 (PEQ20301). Misant sur l’« innovation » afin de se positionner comme « leader mondial de la production en énergie verte », le gouvernement exposait alors les grandes lignes de son processus de « décarbonisation » visant à diminuer le niveau de ses émissions de GES en 2030 de 37,5 % par rapport à 1990 comme première étape en vue d’une réduction de 80 à 95 % à l’horizon 2050.
D’ici 30 ans, le Québec doit réduire ses émissions de GES d’un volume annuel récurrent 6 fois plus important que tout ce qu’il a réussi à concrétiser jusqu’ici depuis 19902. Le projet collectif est colossal. À l’évidence, le Québec accuse un important retard dans la mise en œuvre d’un redéploiement soutenable de ses approvisionnements énergétiques, un projet de société que la PEQ2030 qualifie de « nouveau pacte énergétique » capable « d’enclencher une réelle décarbonisation de l’économie québécoise ».
Comment la Politique énergétique du Québec permettra-t-elle d’atteindre à court, moyen et long terme, les « ambitieux et exigeants » objectifs de décarbonisation affichés par Québec en décembre 2015 lors de la COP21 à Paris ? En matière d’approvisionnements en énergie fossile du Québec, les objectifs de réduction de GES de la PEQ2030 relèvent en tout état de cause d’orientations stratégiques pour le moins contradictoires et témoignent d’un plan de mise en œuvre à l’avenant.
Au regard d’une stratégie responsable de la décarbonisation du Québec, cet article s’intéresse plus particulièrement aux incohérences du cadre décisionnel des approvisionnements en gaz naturel au Québec et notamment au fait que la PEQ2030 encourage la croissance de ses approvisionnements gaziers à l’horizon 2030. Mais avant d’aborder plus spécifiquement ce sujet, il est nécessaire de prendre la mesure des volumes réels d’approvisionnements énergétiques fournis par les principales filières qui alimentent la demande en énergie du marché intérieur du Québec et d’examiner les orientations proposées par la PEQ2030 en termes des contributions attendues de chacune des grandes filières énergétiques conventionnelles du Québec à l’égard de la décarbonisation du Québec à l’horizon 2030.
Décarboniser les approvisionnements énergétiques du Québec
Dans la PEQ2030 (p. 13), le bilan annuel des besoins énergétiques des consommateurs du Québec en 2030 par rapport à 2016 est illustré pour chacune des deux années par une succession de portions colorées, chacune correspondant à la contribution attendue des différentes sources d’énergie, l’ensemble formant pour 2016 et 2030 une longueur identique, sans aucune indication des quantités partielles fournies par chaque filière ou encore du volume annuel des approvisionnements énergétiques du Québec anticipé en 2016 ou en 20303.
Dans le cas du gaz naturel (GN), le schéma permet d’observer que sa part relative dans le bilan d’approvisionnements 2030 resterait inchangée par rapport à celle de 2016, mais puisque la PEQ2030 ne donne aucune quantification du volume physique d’approvisionnements en GN ou de la consommation énergétique des divers secteurs au Québec à l’horizon 2030, comment savoir si en 2030 la réduction de la part du pétrole indiquée sur le schéma n’aurait pas été remplacée par une croissance de la consommation du gaz naturel dans un secteur de consommation actuellement alimenté en 2016 par le pétrole ?
De fait, afin de « soutenir l’objectif de Gaz Métro d’augmenter de 15 % la flotte de véhicules lourds propulsés au gaz naturel liquéfié (GNL) ou au Gaz naturel comprimé (GNC) d’ici à 2030 », on peut lire (PEQ2030, p. 38) que Québec donnera au distributeur Énergir (anciennement Gaz Métro) le mandat de construire un vaste chantier de développement d’un réseau d’approvisionnement en gaz naturel en élargissant l’offre du réseau de distribution actuel (les stations multicarburants et le programme Écocamionnage entre autres), en plus d’octroyer à la filière du gaz naturel le statut d’« énergie de transition » (p. 54)4.
La désignation du gaz naturel à titre d’« énergie de transition » est invoquée typiquement par des juridictions dont l’électricité est principalement produite par des centrales thermiques au charbon et au mazout lourd5, ce qui n’est absolument pas le cas du Québec. Prétendre, ainsi que la PEQ2030 en témoigne, que la substitution de carburants fossiles consommés par le secteur du transport par du gaz naturel au Québec (un carburant commercial d’origine essentiellement fossile) ferait du gaz naturel une « énergie de transition » nuit à la crédibilité du Québec en matière de lutte aux changements climatiques.
Du côté des carburants fossiles autres que le gaz naturel, la PEQ2030 propose de « réduire de 40 % la quantité de produits pétroliers consommés » à l’horizon 2030, ce qui représenterait une réduction de 7,3 milliards de litres par année (Gl/an) sur les 18,2 Gl consommés au Québec en 2016 (transport, chauffage, industrie). Notons que le secteur des transports, avec 12 Gl consommés à l’utilisation finale en 2016, représente à lui seul 78 %6 des approvisionnements en produits pétroliers énergétiques du Québec et est responsable de 34 MT (soit 44 %) de l’ensemble des émissions de GES 2016 du Québec7.
Surplus d’électricité renouvelable : remarquables oubliés de la substitution
Pour mieux comprendre l’envergure qu’aurait une politique de substitution des carburants fossiles par de l’électricité renouvelable du Québec, imaginons que les 12 Gl de carburants fossiles consommés à l’usage final par le secteur du transport des biens et des personnes au Québec en 2016 se trouvent remplacés à 100 % par de l’électricité de source renouvelable en 2050.
Les technologies de conversion de l’électricité pour le transport étant beaucoup plus efficaces que le moteur à combustion8, on peut ainsi calculer que 35 TWh d’électricité renouvelable suffiraient en 2050 pour remplacer définitivement, et de façon récurrente, 12 Gl/an de carburants fossiles importés9. Le volume annuel net d’électricité du Québec qu’Hydro-Québec Production a vendu en 2018 sur les marchés voisins à travers des enchères quotidiennes sur le marché spot nord-américain s’est établi à… 36,1 TWh pour des ventes nettes de 1 575 M$ en 201810. Pour fins de comparaison économique des sources d’approvisionnements, il est important de souligner également que les 12 GL d’essence (et autres carburants fossiles importés) consommés pour le transport ont représenté dans le budget des ménages des dépenses directes de 6,5 milliards $ en 2016.
À l’horizon 2030, comme la PEQ2030 vise à réduire de 7,3 Gl/an (–40 % vs 2013) l’ensemble des approvisionnements annuels en produits pétroliers énergétiques importés de tous les secteurs d’activité, si on transposait cet objectif multisectoriel au seul secteur transport, il s’agirait de réduire de quelque 60 % (7,3/12) la consommation finale de carburants fossiles du secteur transport de sorte que 21,3 TWh d’électricité renouvelable du Québec suffiraient pour intégrer définitivement cet objectif dans l’infrastructure énergétique décarbonée de l’économie du Québec dès 203011.
La moyenne des exportations spot réalisées par le parquet d’HQ entre 2013 et 2018 a dépassé les 30TWh/an. Elle a été de 34,4 TWh en 2017. En plus de ces exportations réalisées sur le court terme, il est nécessaire de rappeler que pendant l’été 2017, Hydro-Québec a déposé à de grands distributeurs du Massachusetts, de New York et de l’Ontario trois (3) propositions commerciales de long terme totalisant quelque 25 TWh de livraisons annuelles additionnelles de capacité hydraulique ferme du Québec, disponibles dès 2019, et acheminées en continu pendant 20 ans12. Il s’agit d’un blitz d’exportations d’une portée et d’une ampleur encore jamais vues jusqu’ici au Québec, alors même que les tenants et aboutissants de cette opération commerciale pour le marché intérieur du Québec n’ont jamais été présentés même sommairement aux citoyens du Québec à ce jour par la Société d’État ou le gouvernement du Québec. Dans l’intérêt de tous les citoyens et abonnés d’Hydro-Québec, un débat public portant sur les conséquences opérationnelles, tarifaires et financières au Québec de ce surbooking précipité d’électricité québécoise au bénéfice des marchés voisins s’impose pourtant d’évidence.
Comment une Société d’État comme Hydro-Québec peut-elle justifier une telle stratégie de vente en prétendant œuvrer à la rédemption de la Nouvelle-Angleterre alors qu’elle cède précipitamment – et à long terme de surcroît – son meilleur capital opérationnel aux intérêts commerciaux exclusifs des grands distributeurs privés d’électricité des marchés voisins ? La réalité d’importants surplus récurrents d’électricité renouvelable au Québec devrait être plutôt considérée, tant sur les plans financier, tarifaire qu’environnemental, comme le levier opérationnel par excellence d’un plan de réduction massive des achats annuels récurrents, ruineux et insoutenables, de carburants fossiles importés pour les besoins de transport au Québec.
Nouveau mix énergétique : Un terrain de jeu à remettre à plat
En 2019, la mise en œuvre de la PEQ2030 soulève également de nombreuses préoccupations quant au déploiement d’un plan d’action structuré capable d’activer les contributions sur tous les fronts de l’approvisionnement en énergie de l’économie du Québec. La restructuration en profondeur de l’économie québécoise dans la direction d’une décarbonisation de ses approvisionnements énergétiques mérite certainement une évaluation plus sérieuse que celle que la PEQ2030 donne à voir de cet enjeu stratégique fondamental.
Il y a certes lieu de s’interroger sur le statut privilégié que la PEQ2030 accorde actuellement aux approvisionnements gaziers d’origine fossile alors même que le cadre d’autorisation des projets énergétiques du Québec ne peut plus s’affranchir d’une prise en compte conséquente et responsable des impacts climatiques de l’extraction et du transit de ses approvisionnements actuels et futurs en hydrocarbures fossiles.
Dans cette perspective, les organismes publics créés par Ottawa et Québec pour intégrer la comptabilité environnementale dans le cadre décisionnel des projets économiques ne jouent malheureusement au mieux qu’un rôle cosmétique dans la reconnaissance de la réalité économique des enjeux climatiques, laissant aux promoteurs plusieurs degrés de liberté juridique pour échapper à toute reddition de compte rigoureusement efficace et équitable pour garantir l’intérêt public.
La chaîne d’approvisionnement en gaz naturel fossile mérite un examen exhaustif de ses impacts environnementaux du puits d’extraction à son usage final en passant par son transit à travers l’infrastructure continentale et interprovinciale de gazoducs. Puisqu’au Québec comme ailleurs, la portée globale de la lutte aux changements climatiques exige désormais une prise en compte conséquente de l’ensemble des émissions de GES des filières, le cas du gaz naturel démontre actuellement les faux-fuyants inexplicables du cadre d’autorisation actuel des projets de production et d’infrastructures énergétiques à cet égard13.
Il importe de préciser que la production du gaz naturel renouvelable issu des procédés de biométhanisation des résidus organiques représente actuellement une part négligeable du marché du gaz naturel de sorte que l’essentiel des impacts environnementaux et notamment climatiques de l’ensemble de la filière du gaz naturel est directement le fait de l’exploitation industrielle du gaz naturel fossile14.
Le cas de l’usine de gaz naturel liquéfié (GNL) que le promoteur GNL Québec S.E.C. projette de construire à Grande-Anse au Québec mérite un examen particulièrement attentif en raison du cadre industriel et commercial essentiellement spéculatif auquel il est intimement lié.
Énergie Saguenay (GNL) : le calcul tronqué du bilan d’émissions annuelles
Énergie Saguenay15 (Projet Gazoduq de Gazoduq inc.) projette de liquéfier du gaz naturel provenant des réservoirs géologiques de l’ouest du continent pour l’exporter sur les marchés internationaux au départ d’un quai de chargement maritime sur le Saguenay. Le projet vise à produire 75 000 m3 de GNL par jour, ce qui représente des approvisionnements industriels en gaz naturel de 16,4 Gm3 par année, soit 2,5 fois la consommation totale de gaz naturel du Québec en 2016.
Comment juger de la pertinence à moyen et long terme d’approvisionnements en gaz naturel fossile si une partie significative des émissions de GES de cette filière non renouvelable reste systématiquement exclue d’un cadre d’examen conséquent concernant ce type d’investissements énergétiques ?
Le projet Énergie Saguenay est l’illustration même de la nécessité d’inclure dans le processus décisionnel le bilan d’émissions de GES lié au cycle de vie complet d’une filière énergétique, de l’amont à l’aval. Le bilan de GES réel de ce type de projets en 2019 reste entièrement à faire.
Le projet Énergie Saguenay est un projet industriel qui vise à occuper sur d’autres continents des parts de marché que d’autres fournisseurs de carburants fossiles plus coûteux occupent déjà. Il s’agit d’un projet commercial à caractère éminemment spéculatif16. Ce projet industriel d’exportation de GNL s’inscrit dans une culture financière extractiviste qui, malgré les preuves scientifiquement avérées des dérèglements climatiques dont elle est la cause, enlise l’économie mondiale dans une dépendance toxique envers les hydrocarbures fossiles et définit les conditions d’une exploitation massive des gisements fossiles sur tous les continents. Devenu le premier indicateur de l’impact climatique toxique des filières énergétiques, le bilan d’émissions de GES de toute technologie de conversion qui se trouve dans la chaîne de mise en marché des filières énergétiques doit être évalué en tenant compte de ses intrants et de ses extrants. Seule une analyse détaillée du bilan global d’émissions du projet Énergie Saguenay, du puits d’extraction à l’utilisation finale du gaz naturel par sa clientèle peut faire foi du bénéfice climatique d’un tel projet par rapport à ses concurrents énergétiques.
Une usine de GNL, qu’elle se projette au Québec ou n’importe où ailleurs au Canada, reste inséparable d’un raccordement au réseau gazier continental nécessaire pour l’approvisionner en matière première.
L’exploitation d’une usine de GNL implique donc plusieurs étapes de manipulations spécifiques entre les gisements sources d’où provient le gaz naturel en amont et sa destination ultime en tant que carburant fossile exporté destiné à la consommation de clients outre-mer en aval : fracturation de la roche-mère, nettoyage, injection et transit sur le réseau gazier nord-américain, prétraitement du gaz à l’usine, liquéfaction, stockage, transbordement sur navires méthaniers, transit océanique jusqu’à des points de débarquement côtiers de réseaux gaziers nationaux d’Europe ou d’Asie où le GNL est regazéifié avant d’être injecté dans un nouveau réseau continental de gazoducs qui l’achemineront vers ses clients ultimes. Dans ce marché globalisé du gaz fossile, le cycle complet de la filière GNL se traduit par des émissions additionnelles de méthane (transport, évaporation et autres) qui pèsent encore davantage sur un bilan d’émissions de GES déjà problématique pour la partie du cycle de vie qui concerne l’acheminement du gaz naturel à l’usine à partir des réservoirs géologiques sources d’où il provient.
Côté aval, projet Gazoduq affirme complaisamment que l’exportation de son produit permettra de réduire de 28 MT par année les émissions de GES sur d’autres continents, mais en l’absence de quelque information crédible du promoteur sur les sources d’énergie que son projet vise à remplacer ultimement outre-mer, son affirmation exige d’être corroborée par un examen public indépendant rigoureux et crédible, qui reste entièrement à faire. On peut se réjouir à cet effet que la pression citoyenne invite clairement le gouvernement du Québec à inclure l’aval du projet Gazoduq (voir note 15) dans le plan de travail du BAPE qui enquêtera sur les nombreux enjeux de ce projet17.
Et même si l’extraction du gaz naturel ne fait pas partie de la comptabilité des émissions de GES spécifiques au territoire du Québec, l’amont de la filière gazière demeure irréversiblement lié à la logique commerciale et industrielle d’approvisionnements en carburants fossiles de sorte que les exigences désormais planétaires d’une riposte internationale aux changements climatiques imposent à toutes les juridictions d’en tenir compte dans le cadre d’un examen public rigoureux qui devrait juger de leur acceptabilité environnementale pour fonder la décision de les autoriser ou non.
Dans le modèle commercial du projet Énergie Saguenay, le Québec (parmi d’autres chemins possibles dans le nord-est du continent) ne saurait donc se résumer à un simple corridor à sécuriser par un promoteur dans une juridiction à séduire.
Que le gouvernement du Québec ait accepté de réserver un bloc de 550 MW de capacité de production hydroélectrique pour alimenter une usine de liquéfaction du gaz naturel importé – près de 5 TWh par année d’électricité, soit l’équivalent des besoins d’une nouvelle aluminerie – soulève également de vraies questions sur les critères de décision du plan d’allocation des meilleures ressources énergétiques renouvelables du Québec en matière de lutte contre les changements climatiques et de volonté politique de transition énergétique18. Ainsi, de quelle façon 5 TWh par an d’électricité renouvelable pourraient-ils être utilisés pour réduire de manière récurrente notre propre dépendance aux combustibles fossiles, plutôt que de les allouer au maintien du paradigme fossile ?
Les émissions fugitives du gaz naturel : l’angle mort du cadre décisionnel stratégique
Parmi les zones d’ombre de la stratégie gazière de la PEQ2030, mentionnons les émissions fugitives de méthane provenant de l’extraction, de la séparation, du transport, du stockage et de la distribution du gaz naturel qui ont vraisemblablement été tout simplement évacuées du cadre de décision. Or, depuis plusieurs années, l’utilisation du gaz naturel fossile comme stratégie de transition énergétique interpelle la communauté scientifique internationale autour du bilan environnemental réel des émissions de GES de l’industrie. L’industrie gazière, dans sa stratégie de substitution aux autres formes d’énergies fossiles, invoque les plus faibles émissions de CO2 associées à la combustion du gaz naturel au moment de la consommation finale (environ 28 % de moins par rapport à l’essence) pour repositionner son produit à court et moyen termes. Mais la réalité globale des changements climatiques exige désormais de tenir compte du cycle complet des approvisionnements gaziers, du puits d’extraction à la combustion finale, pour être en mesure de juger en toute rigueur si cette source d’énergie primaire est plus performante que ses concurrents énergétiques.
Dans un contexte de priorisation des efforts de transition énergétique, le secteur du transport, examiné sous l’angle de la performance énergétique d’un véhicule routier de catégorie déterminée par kilomètre parcouru, impose de rappeler que les impacts climatiques structurels sont liés aux choix des technologies de motorisation. Il faut reconnaitre que 75 % de la valeur énergétique des carburants fossiles consommés par le moteur à explosion (technologie qui domine massivement tout le secteur du transport routier en 2019) est irréversiblement dissipée en chaleur dans l’environnement (voir aussi la note 8). En rejetant dans l’atmosphère terrestre 3 molécules de CO2 sur 4 en trop par rapport à l’énergie réellement nécessaire pour déplacer marchandises et personnes, le moteur à combustion est simultanément le premier vecteur du réchauffement climatique et l’instrument d’un gaspillage énergétique institutionnalisé par l’écosystème commercial et financier de la grande industrie fossile, du puits d’extraction jusqu’à la combustion des carburants fossiles. L’efficacité de conversion de l’énergie primaire en travail utile constitue bel et bien un discriminant technico-économique primordial en matière de réduction des émissions de GES. Les technologies de conversion imposent la cadence de production des approvisionnements énergétiques dont elles s’alimentent en même temps qu’elles forgent nos habitudes de consommation d’énergie.
L’épuisement des gisements fossiles est donc le résultat direct du piètre rendement de conversion (en énergie mécanique utile) des hydrocarbures consommés par le moteur à combustion que ce soit pour les besoins du transport routier (25 %), ou pour la production d’électricité (35 %)19. Ces observations valent autant pour le mazout que pour le gaz naturel. Même si les émissions de CO2 du gaz naturel, liquéfié ou non, sont inférieures de 28 % à celles des carburants fossiles plus lourds20, l’inefficacité énergétique et la toxicité climatique du moteur à combustion font en sorte que tous les carburants fossiles sans exception continueront de s’y trouver irrémédiablement et irréversiblement gaspillés à hauteur de 75 % de leur valeur énergétique. La substitution massive des carburants fossiles par l’électricité de source renouvelable (y inclus pour la production d’hydrogène le cas échéant) apparaît ainsi comme la seule alternative énergétique du secteur du transport, au Québec comme partout ailleurs dans le monde.
Une politique moderne de réduction massive des carburants fossiles actuellement consommés en transport au Québec ne peut plus faire l’économie d’un cadre d’analyse technico-économique rigoureux et transparent des impacts environnementaux et climatiques des options énergétiques de motorisation en présence. La priorisation des scénarios de substitution énergétique les plus efficaces et équitables passe par une prise en compte conséquente du cycle de vie complet des scénarios de substitution à privilégier21.
Les exemples de substitutions technologiques à réaliser en raison de l’inefficacité énergétique de technologies de conversion abondent dans tous les secteurs liés à la production et à la consommation d’énergie : bâtiment, industrie, transport. Tous ces secteurs de consommation d’énergie contribuent aux émissions de GES et tous les citoyens doivent avoir accès à une documentation de qualité sur les potentiels technico-économiques prioritaires et les politiques de réduction de leur empreinte environnementale actuelle dans tous ces secteurs.
Concernant l’ensemble des émissions de GES de toute la chaîne d’approvisionnements en carburants fossiles, la littérature scientifique documente de plus en plus utilement les impacts de différents gaz sur le réchauffement climatique en se basant sur un indicateur appelé Potentiel de réchauffement global (PRG). Le PRG permet de distinguer l’impact climatique du CH4 dans l’atmosphère comparativement au CO2 sur un horizon de temps donné22. Ces travaux montrent qu’un bilan d’émissions de GES qui se limiterait à l’usage final par les consommateurs ultimes des carburants omettrait une portion non négligeable des impacts climatiques directement causés par l’activité amont de l’industrie fossile. Il se trouve que sur un horizon de 30 ans, le méthane qui se dégage des opérations d’extraction et de transport est un gaz à effet de serre provoquant un PRG 86 fois supérieur à celui du CO2, une hausse de 25 % par rapport à la prévision 2013 du GIEC23,24. Ainsi, le fait de ne pas tenir compte des émissions fugitives de toute l’infrastructure d’approvisionnement25 en gaz naturel peut transformer des promesses de réduction de GES basées strictement sur la combustion finale sur un territoire donné du gaz naturel en un bilan d’émissions sérieusement contre-productif au plan de la lutte planétaire contre les émissions de GES26. Un taux de fuite d’à peine 0,8 % suffirait à rendre, en moins de 20 ans, le gaz naturel aussi nuisible que le charbon ou le pétrole27. Or, des taux de fuites situés dans la fourchette de 2,3 à 7,7 % ont été mesurés déjà en 2012, au Colorado28. Aux États-Unis, les taux de fuite sont estimés supérieurs à 5 %29. Notons que l’Environmental Protection Agency des États-Unis établit à quelque 2,8 % le plafond du taux de fuite au-delà duquel les bénéfices de réduction des émissions de CO2 du gaz naturel (à l’étape de sa combustion au moment de l’usage final) sont considérés comme étant annulés puisqu’ils dépassent alors les émissions associées aux autres hydrocarbures liquides.
Sans surprise, le guide des meilleures pratiques de l’industrie gazière n’offre guère de renseignements éclairants à cet égard et il est évidemment impossible de garantir l’étanchéité de la chaîne d’approvisionnement de tout l’amont gazier fossile, du puits jusqu’à sa consommation finale. La PEQ2030 se borne cependant à comparer les indices d’émission de GES de différentes sources d’énergie consommées lors de l’utilisation finale, sans aucune mention, même qualitative, du bilan d’émissions de tout l’amont de l’infrastructure d’approvisionnements spécifique à chacune des différentes filières considérées. Alors que les indications de taux de fuite alarmants se précisent, notamment avec la plus vaste étude conduite aux États-Unis sur ce sujet30, est-ce que le gouvernement du Québec et Énergir seront bientôt en mesure de fournir aux citoyens du Québec des chiffres crédibles sur les taux de fuite de la chaîne d’approvisionnement du gaz naturel fossile acheminé au Québec d’ici 2050 ?
De plus, l’utilisation du gaz naturel comme énergie de transition apparaît comme un choix douteux à terme au regard de la grande volatilité du prix de ce combustible, sensible aux aléas géopolitiques des marchés internationaux31. Alors que de meilleures options de substitution s’offrent au Québec32 et que le coût des nouvelles énergies renouvelables (éolienne et solaire notamment) décroît de manière continue depuis plusieurs années, comment et en quoi une dépendance accrue du Québec envers le gaz naturel fossile peut-elle constituer une orientation économique, commerciale et financière responsable dans une politique énergétique prudente en 2019 ?
Des modélisations récentes réalisées pour le cas des États-Unis indiquent de surcroît que des scénarios basés sur une plus forte substitution vers le gaz naturel entraîneraient une diminution de l’utilisation des autres combustibles fossiles plus émetteurs de GES et/ou plus polluants, mais freineraient du même coup la pénétration des énergies renouvelables dans les réseaux énergétiques33. Si de tels scénarios de substitution devaient avoir pour effet de retarder au Québec la mise en œuvre d’une véritable transition énergétique en permettant que des risques avérés viennent amplifier davantage les impacts nuisibles des carburants fossiles sur le climat et la biodiversité, cela voudrait-il dire que la PEQ2030 aurait choisi d’avantager le gaz naturel liquéfié, notamment pour le secteur du transport lourd et l’industrie minière, en balayant sous le tapis des solutions énergétiques plus structurantes pour l’économie du Québec en 2030 ? Sur quels scénarios de transition et sur quels critères de mérite le gouvernement du Québec s’est-il appuyé pour asseoir sa stratégie de déploiement de nouveaux approvisionnements gaziers ? A-t-il effectué les modélisations rigoureuses qui sont nécessaires à une prise de décision éclairée à ce sujet ? Où peut-on consulter les études indépendantes qui supporteraient les orientations de la PEQ2030 en faveur de cette filière fossile par rapport à ses concurrents énergétiques ? Peut-on fournir des preuves documentées qu’il s’agirait du scénario le plus robuste en termes d’investissements publics prudents pour l’avenir ?
Le Québec dispose de tous les atouts pour proposer des scénarios durables de substitution énergétique vers son système électrique. Comment expliquer alors qu’il empoisonne son économie future en continuant d’investir dans une filière gazière fossile insoutenable ?
Sources d’énergie et électricité au Québec : nécessité d’un cadre décisionnel moderne
La question revient donc à savoir comment la filière du gaz naturel, liquéfié ou non, faciliterait l’atteinte d’un nouveau mix énergétique en adéquation – en premier lieu – avec ses objectifs de réduction de GES du Québec. En quoi le gaz naturel serait-il plus avantageux en termes d’investissements structurants de décarbonisation de l’économie du Québec qu’un scénario d’allocation de ressources qui s’intéresserait à la mise en valeur des gisements d’efficacité énergétique et des nouvelles sources d’énergie renouvelable disponibles sur le territoire ?
Aucune projection de l’efficacité économique relative de scénarios crédibles de transition énergétique n’est disponible à ce jour au Québec. Comment expliquer alors que dans la PEQ2030, le gaz naturel soit la seule source d’approvisionnement énergétique dont la part relative dans le total des besoins énergétiques annuels demeure intouchée entre 2016 et 2030 ? Et puisqu’aucune décroissance de la part du gaz naturel fossile dans les approvisionnements énergétiques du Québec n’est perceptible à l’horizon 2030, il est permis de questionner le sérieux, la rigueur et la cohérence même des plans de décarbonisation qui sont censés permettre au Québec de redéployer son économie d’ici 2050.
Si l’économie mondiale doit se résoudre dès maintenant à laisser dans le sous-sol la moitié des réserves mondiales d’hydrocarbures pour espérer limiter les effets climatiques destructeurs à une hausse de 2 °C de la température de la planète d’ici 210034, à quelle direction énergétique responsable le Québec souscrit-il réellement lorsqu’il s’engage à subventionner l’expansion des infrastructures énergétiques gazières sur son territoire ? Quelles conséquences aura donc ce déploiement à forte pénétration d’une dépendance planifiée du gaz naturel dans les secteurs industriel et du transport lourd pour l’économie québécoise à long terme ? Les industries du Québec – tout comme celles des éventuels pays importateurs – ne risquent-elles pas d’être entraînées dans une dynamique économique, commerciale et financière menant à une impasse à l’échéance de 2030 ? Dans les mesures avancées pour atteindre son objectif de réduction de GES à l’horizon 2030, la PEQ2030 semble en effet avoir tout bonnement évacué tout ce qui pourrait justifier de réduire radicalement la part du gaz naturel fossile dans son bilan énergétique à peine 20 ans plus tard ! Puisque des mesures de deuxième reconversion s’imposeront bien avant 2050, pourquoi ne pas les engager dès maintenant ? Comment l’approche actuelle peut-elle permettre au Québec de résorber les émissions massives de GES provenant de ces secteurs tout en maintenant une compétitivité optimale de son économie à court, moyen et long terme ? La PEQ2030 ne fournit aucune réponse concrète à ces questions qui sont pourtant fondamentales pour un redéploiement structurant de l’économie du Québec à l’heure où une planification écologique des investissements énergétiques s’impose à l’écosystème financier tant à l’échelle locale que globale.
Une stratégie de transport soutenable s’appuyant sur une plus grande part de livraison de fret vers un réseau de transport électrifié (ferroviaire et/ou routier) a-t-elle été étudiée ? Un scénario structurant de conversion des procédés industriels s’appuyant sur des incitatifs de substitution qui maximisent les atouts spécifiques du système électrique du Québec a-t-il été équitablement examiné ? Alors que le prix des technologies vertes ne cesse de décroître pour tous les secteurs tant du côté de l’offre que de la demande, parier sur le gaz naturel ne paraît pas procéder d’une analyse prudente, rigoureuse et robuste des enjeux énergétiques en 2019. Devant l’objectif colossal de réduction de GES à atteindre en 2050, comment expliquer que le Québec engage autant d’efforts et de ressources financières publiques pour développer une infrastructure gazière fossile à laquelle il faudrait déjà trouver un substitut capable de contribuer à la décarbonisation accélérée de l’économie dès 2030 ? Ce sont là quelques-unes des questions fondamentales qui demeurent sans réponses gouvernementales crédibles malgré les mémoires, les demandes et les recommandations répétées qu’ont déposées des milliers de citoyens et citoyennes au cours des nombreuses consultations publiques sur l’énergie qui ont eu lieu au Québec depuis plus de 10 ans.
Conclusion : Une politique énergétique 2030 désarticulée
Voilà donc où nous en sommes en ce printemps 2019 au Québec : d’une part, le gaz naturel est proclamé substitut officiel du pétrole dans les transports lourds ; d’autre part, Hydro-Québec se fait courtier à rabais prêt à concéder, à long terme, les meilleurs actifs d’électricité renouvelable québécoise à ses voisins et même à la spéculation sur les marchés gaziers internationaux. Difficile de concevoir un plan de substitution des carburants fossiles moins audacieux à tous égards pour l’économie du Québec que ce scénario du pire en matière de transition énergétique du Québec à l’heure de la riposte aux changements climatiques. Le Québec avait su montrer au siècle dernier plus d’audace et d’ambition dans sa vision de déploiement de l’électricité renouvelable comme substitut du mazout pour son marché intérieur.
Force est de constater que la transition énergétique du Québec reste pour le moment une vue de l’esprit. Les grandes filières énergétiques continuent d’être planifiées en cercles fermés par leurs promoteurs partout sur le territoire sans que les interactions et impacts des unes et des autres soient correctement évalués et hiérarchisés au sein d’un cadre décisionnel intégré d’investissements garantissant à tous les citoyens, tant du côté de l’offre que de la demande, l’effort de décarbonisation que la PEQ2030 prétend « enclencher ».
Devant l’accumulation de questions légitimes qui restent toujours sans réponses, on est forcés de conclure que le Québec a pris un énorme retard dans le travail de modélisation stratégique qu’il lui incombe de produire. Ce travail est le prérequis indispensable à l’identification prudente des scénarios d’investissements énergétiques les plus structurants aux fins de réduire ses émissions de GES et de déterminer le scénario capable de créer les conditions d’une économie moderne, robuste et dynamique à l’horizon 2050. Pour démontrer concrètement la prudence et la rigueur de ses politiques énergétiques de lutte aux changements climatiques d’ici 2030, le Québec doit sans délai se donner les moyens de réduire massivement sa dépendance ruineuse à tous les carburants fossiles sur son territoire en redéployant notamment ses meilleurs actifs de production électrique renouvelable vers l’amorce de sa transition énergétique intérieure.
Le Québec fait partie des juridictions les mieux dotées au monde pour réaliser une transition énergétique exemplaire. S’il devait décider aujourd’hui de s’enfermer dans des scénarios énergétiques insoutenables dont témoigne entre autres la fausse bonne idée d’une transition énergétique par le gaz naturel fossile qu’affiche sa PEQ2030, le Québec risque de devenir un contre-exemple international de ce qu’exige une gestion politique planifiée, moderne et responsable de lutte aux changements climatiques35.
1 Gouvernement du Québec. Politique énergétique 2030 – L’énergie des Québécois, source de croissance. ISBN 978-2-550-75053-6, 2016. https://mern.gouv.qc.ca/energie/politique-energetique ; [consulté le 11 avril 2019]
2 Les émissions annuelles de GES du Québec en 2016 (77 MT) ont été d’à peine 10 MT inférieures à celles de l’année de référence, 1990. Lorsqu’on extrapole à l’horizon 2030, les contributions associées aux programmes actuels de réduction de GES découlant de la PEQ2030, le Québec atteindrait à peine la moitié de la cible de réduction de 54,4 MT (soit 37,5 % de moins que les 87 MT de GES comptabilisées pour l’année 1990) établie dans la PEQ2030. Selon l’évolution des émissions de GES observées sur la période 2010-2016, le Québec se dirige actuellement vers un volume d’émissions annuelles de 58 MT à l’horizon 2050 alors que l’objectif annuel visé est de 17 MT [Source : Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal (2018). État de l’énergie au Québec 2019, 68 p. http://energie.hec.ca/eeq/, figure 42, p.50 [consulté le 11 avril 2019].
3 Dans la PEQ2030 rendue publique en 2016, aux pages 16 à 20, les plus récentes données disponibles pour quantifier les approvisionnements consommés par chacune des filières énergétiques au Québec semblent bien avoir été celles de 2013 (voir p. 16-20). À la page 13, la PEQ2030 illustre pourtant « Les progrès à accomplir » entre 2016 et 2030 en montrant l’évolution du pourcentage de la consommation énergétique annuelle totale fournie par les filières énergétiques pour chacune de ces deux années sans quantifier la consommation énergétique totale annuelle du Québec qui permettrait de donner du sens à une telle comparaison dans une perspective affirmée de réduction d’émissions de GES.
4 Le 21 mars 2019, le premier budget du gouvernement Legault confirme qu’il prévoit réserver 410 M$ au cours des cinq prochaines années afin d’« accompagner les entreprises dans leur transition énergétique », dont « 45 millions pour la “conversion” des entreprises industrielles de la Côte-Nord au gaz naturel liquéfié ». Shields, A. (2019). « Québec promet d’accélérer les réductions de GES », Le Devoir, 22 mars 2019. https://www.ledevoir.com/politique/quebec/550441/quebec-promet-d-accelerer-les-reductions-de-ges [consulté le 11 avril 2019].
De plus, le budget prévoit 47,6 millions de dollars pour étendre le réseau de distribution de gaz naturel jusqu’à Montmagny sur la côte sud du Saint-Laurent. L’hypothèse d’un plan d’expansion du gaz naturel au Québec s’en trouve confirmée.
5 Levi, M. (2013). Climate consequences of natural gas as a bridge fuel. Climate change, 118, 609–623.
6 Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal (2018). État de l’énergie au Québec 2019, 68 p. http : //energie.hec.ca/eeq/ ; [consulté le 11 avril 2019]. Ce document publié en décembre de chaque année depuis 2013 contient les données les plus documentées et les plus utiles à ce jour au Québec pour rendre compte des contradictions opérationnelles de la politique énergétique du Québec.
7 Incidemment, 34 MT en 2016 représente plus de la moitié du volume de réduction des émissions de GES que le Québec doit actuellement engager pour atteindre sa cible de 17 MT/année à l’horizon 2050 [77 MT (émissions de GES en 2016) -17 MT (visées en 2050) = 60 MT]. À noter que ces 34 MT d’émissions de GES du secteur du transport en 2016 au Québec dépassent de 6 MT le niveau correspondant des émissions de GES de l’année de référence 1990.
8 Les données 2016 correspondant à l’usage final des produits pétroliers (importés à 100 %) du secteur transport montrent que 75 % de la valeur énergétique des carburants fossiles consommés pour le transport des biens et des personnes sont tout simplement perdus et ne produisent aucun travail utile.
9 L’équivalent énergétique de 3 Gl de carburant fossile (25 % des 12 Gl consommés en 2016, voir note 8) correspond à 35 TWh d’électricité.
10 Ces 36,1 TWh représentent des ventes nettes de 1 575 M$ par HQProduction en 2018 (soit environ 4,4 ¢/kWh) pour un bénéfice net du Producteur de 2,06 ¢/kWh (Source : Rapport annuel Hydro-Québec 2018, février 2019). Puisque l’énergie utile fournie par un litre d’essence consommé pour les besoins de transport correspond à environ 3 kWh d’électricité, le prix de vente moyen annuel des exportations d’électricité d’HQ appliqué au domaine du transport signifie qu’un trajet qui consommerait 1 litre d’essence dans un véhicule équipé d’un moteur à explosion serait franchi par un véhicule électrique avec seulement 13,2 ¢ d’électricité exportée (voir aussi la note 8).
11 À ce titre, l’avènement récent du premier camion de classe 8 entièrement électrique conçu et fabriqué au Québec est un exemple d’innovation qui devrait démontrer une fois de plus le caractère infiniment plus cohérent de la transition par l’électricité renouvelable plutôt que par le gaz naturel dans le domaine du transport.
Saint-Arnaud, P., « Lion lance le premier camion entièrement électrique », Le Devoir, 12 mars 2019. https://www.ledevoir.com/economie/549654/transport-lion-lance-le-premier-camion-entierement-electrique.
12 Pour plus d’information sur ce thème :
Saulnier, B. et Saucier, C. « Réflexions sur les enjeux politiques du secteur de l’électricité dans la campagne électorale 2018 au Québec », Août 2018
http://www.collectif-scientifique-gaz-de-schiste.com/accueil/index.php/contributions-des-membres/regards-et-analyses
Saulnier, B., Sauvé, L., Brullemans, M. et coll., « Une stratégie globale de transition énergétique s’impose », Le Devoir, 21 décembre 2019.
https://www.ledevoir.com/opinion/idees/544065/une-strategie-globale-de-transition-energetique-s-impose
13 Dans un communiqué gouvernemental du 26 mars 2019, on peut incidemment lire une information trompeuse présentée comme un « fait saillant » du gaz naturel renouvelable (GNR) au Québec : « l’injection en réseau de 1 % de GNR évite l’émission de près de 11 000 t de GES et de 5 % de GNR de quelque 570 000 t de GES ». Cabinet du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles (2019). « Québec encadre la quantité minimale de gaz naturel renouvelable et met en place un comité de suivi ». https://www.newswire.ca/fr/news-releases/quebec-encadre-la-quantite-minimale-de-gaz-naturel-renouvelable-et-met-en-place-un-comite-de-suivi-872154071.html ; http://www.fil-information.gouv.qc.ca
14 Bien que le méthane qu’on tire des procédés de biométhanisation soit identique au méthane fossile extrait des réservoirs géologiques, c’est le gaz naturel d’origine fossile qui domine le marché continental et international du gaz. La biométhanisation est un procédé de production de biogaz en cycle court qui utilise des ressources biodégradables locales et régionales susceptibles de répondre à des besoins énergétiques de proximité. Contrairement au méthane provenant de la biométhanisation qui alimente sa clientèle via une infrastructure de distribution locale ou régionale, le gaz naturel fossile requiert des infrastructures de transport d’envergure interprovinciale, continentale et internationale. C’est bien le cas de l’usine de gaz naturel liquéfié (GNL) que le promoteur GNL Québec S.E.C. projette de construire à Grande-Anse au Québec afin de livrer à des clients internationaux du GNL au départ d’un quai sur le Saguenay. L’usine de GNL (Énergie Saguenay, environ 75 000 m3 de GNL par jour) est inséparable de la construction par le promoteur d’un gazoduc dédié qui devra traverser 750 km du territoire québécois pour alimenter l’usine en gaz naturel fossile provenant des bassins de production de gaz de l’ouest du continent. Shields, A., « Le gouvernement dit non à une évaluation globale du projet de GNL Québec », Le Devoir, 15 janvier 2019. https://www.ledevoir.com/societe/environnement/545510/les-projets-de-gnl-quebec-etudies-a-la-piece
15 Énergie Saguenay est inscrit dans le Registre des évaluations environnementales du Québec sous le nom « Projet Gazoduq », au numéro de dossier 3211-10-025 : http://www.ree.environnement.gouv.qc.ca/projet.asp?no_dossier=3211-10-025. Au chapitre des enjeux du projet, voir notamment le rapport du MELCC : « Les observations sur les enjeux que l’étude d’impact devrait aborder. Projet Gazoduq par Gazoduq inc. », Consultation publique réalisée par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, 7 février 2019, 272 p.
16 Le commerce intercontinental des hydrocarbures est sujet aux aléas des bras de fer géopolitiques qui se jouent entre les grands producteurs gaziers mondiaux avides de prendre de nouvelles parts de marchés gaziers en Europe et en Asie pour remplacer d’autres approvisionnements énergétiques de type fossile (gaz, pétrole, charbon). Pour le secteur gazier notamment, les nombreux changements à l’infrastructure continentale du réseau de transport gazier européen depuis plusieurs années sont le résultat de tensions géopolitiques croissantes. Dubuc, P., « Les enjeux géopolitiques du gazoduc Énergie Saguenay », L’Aut’Journal, 21 février 2019 http://lautjournal.info/20190221/les-enjeux-geopolitiques-du-gazoduc-energie-saguenay
17 Shields, A., « Énergie Saguenay : Québec promet d’évaluer les impacts du transport maritime », Le Devoir, 19 février 2019 https://www.ledevoir.com/societe/environnement/548220/energie-saguenay-quebec-promet-d-evaluer-les-impacts-du-transport-maritime
18 « L’usine de liquéfaction serait alimentée par Hydro-Québec, pour diminuer son empreinte écologique. Le gouvernement du Québec a déjà accepté de réserver un bloc de 550 mégawatts à cette fin, soit autant d’énergie que pour une nouvelle aluminerie ». Baril, H., « Gaz naturel : projet d’investissement de 14 milliards au Québec », La Presse, 15 novembre 2018 https : //www.lapresse.ca/affaires/economie/energie-et-ressources/2018/15/01-5204353-gaz-naturel-projet-dinvestissement-de-14-milliards-au-quebec.php.
N.B. « Jusqu’à 10 % du gaz entrant dans une usine de GNL est consommé pour prétraiter et refroidir le gaz jusqu’à sa température de liquéfaction (-163 °C). » Dans un tel cas, Énergie Saguenay consommerait 1,64 Gm3/an de gaz naturel additionnel, haussant de 25 % la consommation de GN du Québec (en 2016) et de 5 % (3 MT) les émissions de GES « énergie » du Québec. Total, « DIESTA : un tube optimisé pour aéroréfrigérants à haute efficacité ». https://www.ep.total.com/fr/domaines/gaz-naturel-liquefie/diesta-un-tube-optimise-pour-aerorefrigerants-haute-efficacite.
19 Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal (2018). État de l’énergie au Québec 2019, 68 p. http : //energie.hec.ca/eeq/; [consulté le 11 avril 2019]. Ce document publié en décembre de chaque année depuis 2013 contient les données les plus documentées et les plus utiles à ce jour au Québec pour rendre compte des contradictions opérationnelles de la politique énergétique du Québec.
20 L’explication de cette réduction se trouve dans la composition chimique même d’une molécule de mazout qui contient plus d’atomes de carbone par atome d’hydrogène que la molécule de méthane, CH4.
21 Cloutier, J.-S., « La voiture électrique, pas si écologique », Radio-Canada https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1137184/voiture-electrique-pollution-empreinte-environnement-batterie-production-fabrication ; 22 novembre 2018.
22 Même si les autorités préfèrent considérer le Potentiel de réchauffement global (PRG) sous un horizon de 100 ans, l’accélération et la gravité des impacts du réchauffement planétaire observées depuis 50 ans appelle aujourd’hui à rendre compte à plus court terme des résultats de politiques de réduction de la consommation d’hydrocarbures. Les effets concrets de ces politiques devront être validés rigoureusement bien avant 2050 par des données probantes documentées en continu de sorte que le PRG devra se recentrer sur un horizon prévisionnel de 10 ou 20 ans.
Vaidyanathan, G., « How Bad of a Greenhouse Gas is Methane? », Scientific American, 22 dec. 2015.
https : //www.scientificamerican.com/article/how-bad-of-a-greenhouse-gas-is-methane/; [consulté le 11 avril 2019]
McDonald, J., « How Potent is Methane? », Fastcheck.org, 24 sept. 2018,
https://www.factcheck.org/2018/09/how-potent-is-methane/
23 Chavaillaz, Y et Langlois, P. (2017). « Le gaz naturel, énergie de transition ? Briefing scientifique ». https://centrere.uqam.ca/2017/gaz-naturel-energie-de-transition-conference-publique-5-septembre-2017/ ; [consulté le 10 avril 2019].
24 Etminan, M., Myhre, G., Highwood, E. J. et K. P. Shine (2016). « Radiative forcing of carbon dioxide, methane, and nitrous oxide: A significant revision of the methane radiative forcing ». Geophysical Research Letters, 43 (24), 12,614 – 12,623.
25 Brandt, A. R. et al. (2014). Methane Leaks from North American Natural Gas Systems. Energy and Environment, 343, 733–735.
26 Alvarez, R.A. et al. (2012). « Greater focus needed on methane leakage from natural gas infrastructure ». Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNAS), 109 (17), 6435–6440.
27 Reid, R. (2018). « Le gaz naturel : un carburant de transition ? » L’Aut’ journal, 9 avril 2018. http://lautjournal.info/20180409/le-gaz-naturel-un-carburant-de-transition ; [consulté le 10 avril 2019]
28 Tollefson, J. (2012). « Air sampling reveals high emissions from gas field » Nature.com, 7 février 2012. https : //www.nature.com/news/air-sampling-reveals-high-emissions-from-gas-field-1.9982 ; [consulté le 10 avril 2019]
29 Dessus, B. (2016). « L’Ademe complice de l’omerta sur le méthane, puissant gaz à effet de serre ? » https://blogs.mediapart.fr/benjamin-dessus/blog/290416/l-ademe-complice-de-l-omerta-sur-le-methane-puissant-gaz-effet-de-serre#_ftn3 ; [consulté le 10 avril 2019].
30 Environmental Defence Fund (2018). « Major studies reveal 60 percent more methane emissions ». https://www.edf.org/climate/methane-studies ; [consulté le 22 janvier 2019].
31 Énergie et Ressources naturelles Québec (2013). « Consommation de gaz naturel ». https://mern.gouv.qc.ca/energie/statistiques/statistiques-consommation-gaz.jsp ; [consulté le 10 avril 2019]
32 Forcione, A., et al. (2016). Bilan de l’intégration de l’éolien au système électrique québécois à la fin 2015. IREQ+2019+0059. http://www.hydroquebec.com/publications/fr/docs/loi-sur-acces/c-5448-document.pdf ; http://www.collectif-scientifique-gaz-de-schiste.com/accueil/images/pdf/texteschoisis/Rapport%20bilan_HQ_2016.pdf; [consulté le 11 avril 2019]
33 Shearer, C. et al. (2014). « The effect of natural gas supply on US renewable energy and CO2 emissions » Environmental Research Letters, 9 (9), 094008.
34 McGlade, C. et Ekins, P. (2015). « The geographical distribution of fossil fuels unused when limiting global warming to 2 °C », Nature, 517, 187–190.
35 Une version courte de ce texte a été publiée sous le titre « Le non-sens d’utiliser le gaz naturel comme énergie de transition au Québec », Le Devoir, 14 février 2019, section Idées, p. A 7.
https://www.ledevoir.com/opinion/idees/547804/le-non-sens-d-utiliser-le-gaz-naturel-comme-energie-de-transition-au-quebec