Depuis plus de 50 ans, le peuple sahraoui attend sa libération. Comme les Écossais, les Catalans, les Canaques ou les Québécois, les 500 000 habitants du Sahara occidental doivent composer avec une situation de colonisés qui brime leur liberté, leurs droits et leur culture.
Le Sahara occidental est un territoire de 226 000 kilomètres carrés. Sur la carte, il forme une vaste étendue au nord-ouest de l’Afrique. Sa côte longe l’océan Atlantique. La capitale est la principale ville, El Aioun (parfois orthographiée Alayoune). Au XIXe siècle, l’Espagne avait conquis ce territoire qui fut alors connu comme le Sahara espagnol. Les Espagnols y exploitaient la pêche, des mines de phosphate et y avaient installé quelques comptoirs commerciaux.
Mais en 1975, le dictateur espagnol Francisco Franco, au pouvoir depuis presque 40 ans, décédait et sous la gouverne de son successeur, le roi Juan Carlos, l’Espagne accédait graduellement à une certaine forme de démocratie. Comme résultat, les Espagnols abandonnaient leur colonie du Sahara. Ce grand territoire attirait aussitôt la convoitise de ses voisins, principalement du Maroc. Ce dernier envoie des troupes et occupe « de facto » la majeure partie du pays depuis 1977.
Malgré l’occupation marocaine, les habitants locaux, indépendantistes sahraouis, proclament l’indépendance qui est aussitôt reconnue par l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Le Sahara occidental devient membre de l’OUA, mais le Maroc quitte l’organisation en signe de protestation.
C’est un parti indépendantiste, le Front populaire pour la libération de Saguia El-Hamra et du Rio del Oro, mieux connu sous le nom de Front Polisario, qui mène le combat pour l’indépendance. Le front est organisé sous la forme d’un gouvernement, avec un premier ministre, des ministres, des ambassadeurs à l’étranger et une représentation internationale. Il possède également une armée qui défend le territoire.
Les Sarhaouis ont un allié de taille : l’Algérie. Les Algériens et les Marocains sont depuis longtemps à couteaux tirés et cet antagonisme incite l’Algérie à appuyer les revendications des indépendantistes. L’Algérie a aussi accueilli les réfugiés sahraouis qui quittent leur territoire national pour éviter l’oppression marocaine. On compte des milliers de réfugiés en provenance du Sahara occidental, quelque 155 000 selon la Commission européenne sur les réfugiés et 90 000 selon le Haut Commissariat sur les réfugiés des Nations unies. Beaucoup d’entre eux se retrouvent au camp de Tindouf, en territoire algérien, 50 km à l’est de la frontière.
C’est en 1988 que le conflit entre le Maroc et les indépendantistes est porté devant les Nations unies. Devant les difficultés pour le régler, l’organisme international crée une mission pour organiser un référendum sur le territoire. C’est la MINURSO, soit la Mission des Nations unies pour un référendum au Sahara occidental. Comme son nom l’indique, le mandat de ce groupe est d’organiser une consultation exécutoire sur l’avenir du pays.
Depuis près de 30 ans, la MINURSO a été incapable de trouver un terrain d’entente entre le Front Polisario et le Maroc. D’échec en échec, le mandat de la mission a été constamment renouvelé à tous les deux ou trois ans sans qu’un résultat tangible ne soit mis de l’avant. En janvier 2018, le Maroc est redevenu membre de l’OUA, mais il s’est fait imposer une condition par les autres pays africains : l’obligation de négocier de bonne foi dans le dossier du Sahara occidental. Acceptera-t-il de respecter cette condition ?
La dernière rencontre organisée par l’émissaire des Nations unies, l’allemand Horst Kohler, s’est déroulée les 5 et 6 décembre 2018 à Genève, en Suisse. Y participaient, outre des représentants du Maroc et du Front Polisario, des émissaires des deux pays voisins, l’Algérie et la Mauritanie. La rencontre a été un échec. Le seul engagement pris a été de se retrouver de nouveau quelque part au début de l’année 2019. Le Maroc se dit prêt à accorder une certaine autonomie à la région, mais refuse d’aller plus loin et considère le Sahara comme une extension de son territoire national.
Pour justifier son attitude, le Maroc invoque principalement le fait qu’il a signé un accord tripartite le 14 novembre 1975 avec la Mauritanie et l’Espagne, accord qui lui aurait octroyé la compétence sur le territoire de l’ex-colonie espagnole. Cet accord faisait suite à une manifestation, appelée Marche verte, au cours de laquelle 100 000 Marocains avaient envahi le Sahara occidental le 6 novembre 1975 pour se l’approprier « de facto ».
Toutefois, le 16 octobre précédent, la Cour internationale de justice de La Haye, qui siège aux Pays-Bas, avait établi que même si le Maroc avait des liens avec le territoire sahraoui, il « n’y avait jamais exercé, ni avant ni pendant l’occupation espagnole, une activité étatique effective et exclusive ». Cet avis consultatif déboute dans les faits les droits du Maroc à l’occupation et à l’organisation du territoire. Ceci explique également pourquoi les Nations unies ont statué que l’avenir de ce territoire devait faire l’objet d’un référendum.
Chaque événement qui se produit ramène le conflit sur le tapis. Ainsi, le Maroc a organisé au début de novembre 2018, en collaboration avec la France, un forum d’affaires à Alayoune afin d’inciter les entreprises françaises à investir au Sahara occidental. « On est là pour faire des affaires, pas de la politique », a commenté le président de la Chambre de commerce et d’industrie franco-marocaine, Philippe Klein.
Plus récemment, en décembre 2018, la Fédération arabe de football, qui organise un tournoi mettant aux prises les divers pays arabes, a publié une carte du monde présentant les territoires qu’elle dessert. Le Maroc y est montré sans le Sahara occidental. La Fédération, présidée par le Saoudien Turki al Sheikh, a finalement dû retraiter. Elle a remplacé la carte par une photographie dans son document, après que la publication ait provoqué l’indignation dans les médias marocains.
Le Maroc a d’ailleurs voulu marquer son territoire de façon explicite, en construisant un « mur » pour isoler les Sarahaouis dans un ghetto à l’est du pays. Il s’agit d’un mur de sable, gardé par des milliers de soldats marocains. Le mur n’est pas sans rappeler celui que les Israéliens ont construit autour de la Palestine ou celui que l’administration Trump veut compléter entre les Etats-Unis et le Mexique. Le Maroc a envahi de fait les trois-quarts du territoire du Sahara occidental.
On voit que le peuple sarhaoui est encore loin de son indépendance. La mise en place du référendum que les Nations unies tentent d’organiser depuis presque trente ans pose des problèmes très ardus, ne serait-ce que pour déterminer qui inscrire sur les listes électorales. Les Sarhaouis constituent un peuple nomade, constamment en déplacement, ce qui ne facilite pas la tâche de dresser une liste électorale fiable. De plus, doit-on permettre aux centaines de milliers de citoyens du Maroc que le gouvernement marocain aimplantés sur le territoire depuis 1980 de voter lors de ce référendum ? Cela fausserait à coup sûr les résultats.
Pierre Bourgault a déjà rappelé, en parlant du Québec, que l’indépendance n’est pas la solution de la facilité. « Les Anglais n’auraient pas mérité d’être nos maîtres s’ils nous laissaient partir sans combattre », avait-il dit. On pourrait appliquer le même principe au peuple sarhaoui. L’accession à l’indépendance sera difficile pour lui aussi. Elle requerra un combat de tous les instants.