Les jeunes Québécois et le projet de pays

Le 7 avril dernier, le Parti québécois subissait une déconfiture magistrale au scrutin général qui devait pourtant lui garantir une majorité à l’Assemblée nationale. Rabroué à la case départ par les électeurs – n’obtenant que 25,38 % des suffrages, un résultat à peine plus élevé que celui de 1970, première élection à laquelle il participait –, le PQ se trouve aujourd’hui désormais à la croisée des chemins. D’un côté, certains soutiennent que l’article 1 du programme – celui faisant de l’indépendance du Québec la raison d’être du parti – doive être retiré dans le but de permettre au PQ d’accéder au pouvoir tant convoité. De l’autre côté, plusieurs défendent quant à eux bec et ongles le fameux article 1, soutenant au contraire son besoin d’être redoré afin de ressusciter enthousiasme et adhésion au projet de pays. Ce faisant, en octobre 2018 – date de la prochaine élection québécoise – le PQ devrait se faire élire avec le mandat de réaliser l’indépendance politique, non pas avec l’objectif d’une simple gouvernance provinciale.

Ces discussions seront sans aucun doute très vives au cours des prochaines semaines, voire des prochains mois au sein des instances du parti. J’ose cependant croire que c’est la seconde option qui se dégagera dans l’analyse finale. Après tout, pour les tenants de l’autonomisme nationaliste, ne sera-t-il pas plus simple de joindre les rangs de la Coalition avenir Québec, occupant déjà ce champ de l’échiquier politique québécois ? D’autant plus que la stratégie consistant à couvrir l’option indépendantiste a largement prouvé son échec, une fois de plus. Ne reste plus qu’à suivre la voie de l’indépendantisme décomplexé, quitte à subir un mandat libéral supplémentaire.

Il va sans dire, toutefois, que cette voie ne se tracera pas toute seule. Il faudra du travail, beaucoup de travail, pour que les Québécois acceptent de suivre les tenants du mouvement indépendantiste vers ce chemin toujours inconnu. Le premier défi relève de la jeunesse. Une jeunesse qu’on a vue mobilisée comme jamais au cours du conflit étudiant de 2012, mais qui, pourtant, se fait très discrète dans les grands débats animant la société québécoise où figure au premier rang, depuis la Révolution tranquille, la question nationale.

Le 7 avril dernier, le Parti québécois subissait une déconfiture magistrale au scrutin général qui devait pourtant lui garantir une majorité à l’Assemblée nationale. Rabroué à la case départ par les électeurs – n’obtenant que 25,38 % des suffrages, un résultat à peine plus élevé que celui de 1970, première élection à laquelle il participait –, le PQ se trouve aujourd’hui désormais à la croisée des chemins. D’un côté, certains soutiennent que l’article 1 du programme – celui faisant de l’indépendance du Québec la raison d’être du parti – doive être retiré dans le but de permettre au PQ d’accéder au pouvoir tant convoité. De l’autre côté, plusieurs défendent quant à eux bec et ongles le fameux article 1, soutenant au contraire son besoin d’être redoré afin de ressusciter enthousiasme et adhésion au projet de pays. Ce faisant, en octobre 2018 – date de la prochaine élection québécoise – le PQ devrait se faire élire avec le mandat de réaliser l’indépendance politique, non pas avec l’objectif d’une simple gouvernance provinciale.

Ces discussions seront sans aucun doute très vives au cours des prochaines semaines, voire des prochains mois au sein des instances du parti. J’ose cependant croire que c’est la seconde option qui se dégagera dans l’analyse finale. Après tout, pour les tenants de l’autonomisme nationaliste, ne sera-t-il pas plus simple de joindre les rangs de la Coalition avenir Québec, occupant déjà ce champ de l’échiquier politique québécois ? D’autant plus que la stratégie consistant à couvrir l’option indépendantiste a largement prouvé son échec, une fois de plus. Ne reste plus qu’à suivre la voie de l’indépendantisme décomplexé, quitte à subir un mandat libéral supplémentaire.

Il va sans dire, toutefois, que cette voie ne se tracera pas toute seule. Il faudra du travail, beaucoup de travail, pour que les Québécois acceptent de suivre les tenants du mouvement indépendantiste vers ce chemin toujours inconnu. Le premier défi relève de la jeunesse. Une jeunesse qu’on a vue mobilisée comme jamais au cours du conflit étudiant de 2012, mais qui, pourtant, se fait très discrète dans les grands débats animant la société québécoise où figure au premier rang, depuis la Révolution tranquille, la question nationale.

État des lieux

En 1995, pas moins de 57 % des jeunes Québécois de 18 à 34 ans, tous groupes linguistiques confondus, étaient favorables à l’indépendance du Québec. Si le jeune était un garçon francophone, éduqué et issu d’une famille aisée – portrait type de l’indépendantiste moyen – alors un Oui au référendum devenait pratiquement acquis (Turcotte 1995, 400).

Les choses ont cependant changé. Près de vingt ans après le référendum de 1995, durant la dernière campagne électorale québécoise, les différents sondages d’opinion ont placé le Parti québécois au troisième rang chez les 25-34 ans, tandis qu’il occupait le quatrième rang (!) chez les 18-24 ans. Et la tendance n’est guère plus reluisante. En effet, toujours au courant de cette même campagne, le Forum jeunesse de l’île de Montréal a sondé 70 000 jeunes de la région âgés entre 12 à 17 ans. Résultat ? Le Parti libéral est nettement préféré au Parti québécois, à 36 % contre 18 %. De quoi soulever d’importantes questions quant à l’avenir du projet de pays. Heureusement, le taux général d’appui à l’indépendance demeure somme toute élevé, oscillant selon le coup de sonde aux alentours de 35 % chez les 18-34 ans, nous empêchant de qualifier la situation de catastrophique, quoique préoccupante. Après tout, les jeunes sont censés faire partie du groupe porteur du projet de pays et pourtant, ils l’appuient maintenant dans des proportions plus faibles que la population dans son ensemble. Ces jeunes n’étant plus au Parti québécois, on doit inévitablement se pencher sur la division du vote indépendantiste et sur l’attraction qu’exercent les partis comme Québec solidaire et Option nationale envers les jeunes électeurs indépendantistes, en plus de se questionner sur la perte d’attraction de l’option chez la jeunesse en général. Il est également intéressant de noter que malgré la baisse de l’indépendantisme des jeunes Québécois depuis vingt ans, l’appui au projet de pays a été, après le référendum, en constante progression chez les anglophones et, dans une plus forte proportion, chez les allophones (Gagné et Langlois 2002, 70). C’est donc du côté des jeunes francophones que l’option indépendantiste a perdu ses plumes.

Pistes de solution

Bien que la situation décrite dans les lignes précédentes soit plutôt inquiétante, il serait faux de croire la situation sans issue. Il est vrai que d’ordre général, les jeunes d’aujourd’hui sont plus sensibles aux droits individuels qu’aux droits collectifs – résultat des Chartes –, mais ils ont prouvé, au printemps 2012, qu’une cause pouvait les rallier et les mobiliser en très grand nombre. Les pistes de solution existent donc bel et bien et il ne revient qu’au mouvement indépendantiste – membres de la société civile comme partis politiques – de les mettre en application pour la suite des choses.

D’entrée de jeu, bon nombre d’études permettent de mettre en relief les facteurs d’adhésion à l’idée d’indépendance, et ce, particulièrement chez les jeunes. À ce compte, on note deux principales tangentes : l’une plus émotive – à laquelle sont greffés les concepts d’identité et d’attachement – et l’autre, plus rationnelle – issue d’un calcul des coûts versus des bénéfices.

Dans un premier temps, en ce qui concerne la tangente émotive, la décanadianisation accélérée du Québec devrait réjouir le mouvement indépendantiste. En effet, année après année, les Québécois se considèrent de plus en plus comme étant Québécois seulement ou, du moins, Québécois d’abord. La proportion mesurant l’identité canadienne – c’est-à-dire le nombre de Québécois se décrivant comme Canadiens seulement ou Canadiens d’abord – décroît quant à elle sans cesse depuis le référendum de 1995. En novembre 2010, l’identification au Québec atteignait un sommet record de 60 %, alors qu’elle ne dépassait pas 50 % en 1995 et 40 % en 1980 (Lisée 2012, 120). Et on ne parle pas ici des seuls francophones ! Tous les groupes linguistiques sont inclus dans ce calcul. À ce propos, il est intéressant de noter que le taux d’identification au Québec ait reflété avec exactitude les résultats des deux référendums. Est-ce donc dire qu’en définitive, l’individu choisira toujours, lors d’un référendum sur l’indépendance, en fonction de son identité première ou ces chiffres sont-ils seulement le fruit du hasard ? En fait, la corrélation entre la variable identitaire et la probabilité de voter « oui » à un référendum a déjà été établie, du moins chez les jeunes (Bélanger et Perrella 2008, 30). D’ailleurs, chez les 18 à 24 ans – francophones, allophones et anglophones compris –, le taux d’identification au Québec est encore plus élevé que le taux global, le dépassant de pas moins de 8 points de pourcentage (Lisée 2012, 120). Les étincelles sont donc toujours ardentes – et elles le sont plus que jamais –, ce qui constitue, il va sans dire, une excellente nouvelle. Il faut maintenant s’attabler à raviver la flamme en dormance, mais comment ? La question demeure entière.

La mobilisation autour de la langue à l’automne 2010, alors que le gouvernement libéral de Jean Charest avait adopté sous bâillon la loi 103 destinée à permettre l’achat du droit d’envoyer ses enfants à l’école anglaise, habile manœuvre de contournement de la Charte de la langue française – bien qu’ayant réalisé des percées dans les cégeps et universités –, fut loin d’être aussi importante que ce que l’on pouvait connaître dans les années 1970 ou 1980, tant chez les jeunes que dans la population en général. Cette situation ne faisait que confirmer, une fois de plus, la perte d’attraction de la question linguistique au Québec. Bien que cette dernière demeure à mon sens incontournable, il est difficile d’en faire la démonstration à ceux qui n’ont pas connu l’oppression anglo-saxonne et à qui l’image de la vieille vendeuse unilingue anglaise de chez Eaton ne dit plus rien.

En réponse au manque d’attraction de la question linguistique, pour bien des observateurs, la mobilisation identitaire devait maintenant passer par le flambeau de la laïcité, ayant démontré sa vigueur lors de la crise des accommodements raisonnables en 2007, une crise largement profitable à l’Action démocratique du Québec (ADQ) lors du scrutin de la même année. Avec la présentation du projet de loi 60 sur la Charte des valeurs québécoises à la fin de l’année 2013, le Parti québécois tentait justement d’exploiter ce créneau, espérant ainsi provoquer un ressac identitaire profitable en vue de l’élection suivante. Force est aujourd’hui d’admettre que la stratégie n’a pas fonctionné. Si on devait émettre une hypothèse, on devrait souligner que la laïcité n’était vraisemblablement pas une préoccupation des Québécois au point d’en devenir la fameuse « question de l’isoloir ». La portée de la mobilisation autour de la laïcité en tant que vecteur de l’identité québécoise est donc, on peut maintenant le présumer, fortement limitée. Le faible appui des jeunes au projet de loi 60 – démontré tant dans les sondages d’opinion que dans les résultats électoraux du 7 avril dernier – témoigne d’autant plus de l’insuccès de la stratégie.

Quel vecteur identitaire remobilisera donc la population québécoise et plus particulièrement, sa jeunesse ? Il m’est avis que, désormais, seule une approche positive vis-à-vis de l’identité est en mesure d’exercer cette attraction. Et quel est le vecteur identitaire le plus fort et rassembleur au monde ? Le sport ! En fait, cela est d’une telle évidence qu’il est plutôt surprenant qu’aucune initiative en ce sens n’ait été entreprise à ce jour au Québec. Dans les faits, depuis janvier, la donne a maintenant changé avec la mise sur pied de la Fondation Équipe-Québec par Robert Sirois et André Matteau, dont la mission est de favoriser le développement de l’élite sportive québécoise en établissant des équipes nationales dans toutes les disciplines sportives. Il va sans dire qu’il s’agit d’un projet extrêmement prometteur auquel tous – sans égard à l’âge, à la langue et à l’ethnie – pourront s’identifier, faisant du coup de tous ces gens, des Québécois.

Dans un second temps, en ce qui a trait à la tangente rationnelle de laquelle est issu un calcul coûts-bénéfices, les jeunes Québécois ont d’ores et avant tout besoin d’une réponse à la question « pourquoi le Québec doit-il être un pays ? ». Si la réponse apparaît comme une évidence aux yeux des indépendantistes de longue date, elle l’est beaucoup moins pour une génération n’ayant pas grandi dans un contexte politique où la question nationale était omniprésente, contrairement à leurs parents et grands-parents. Pour ces jeunes, la question nationale est davantage synonyme de chicane que d’émancipation, en connaissant plus sur le référendum que sur l’indépendance en elle-même. Le PQ ayant cessé de faire la pédagogie du projet de pays après la défaite référendaire de 1995, jamais on n’a expliqué le pourquoi de l’indépendance à ces jeunes, sauf durant les quelques mois de 2012 et de 2013 où Jean-Martin Aussant, député démissionnaire du Parti québécois, a été proactif sur le terrain, remplissant les salles des cégeps et des universités à craquer. Bref, l’absence de pédagogie constitue une énorme lacune qu’il importe de combler dans les plus brefs délais et l’exemple de Jean-Martin Aussant nous montre qu’il y a bel et bien une demande en ce sens.

Quatre années sont maintenant à la disposition du mouvement indépendantiste et il doit en user à bon escient. Pour le moment, cela signifie d’éviter les débats sur le comment et se recentrer sur le pourquoi, sur ce qui unit plutôt que sur ce qui divise. Ensuite, il faudra mettre en place des stratégies de transmission et de diffusion appropriées afin de promouvoir efficacement l’option. Il faut faire en sorte qu’en établissant un calcul des coûts et des bénéfices de l’indépendance, les Québécois perçoivent plus d’avantages à être indépendants que de désavantages – notamment en termes linguistiques et économiques – et ainsi, leur propension à être favorable au projet de pays augmentera substantiellement (Bélanger et Perrella 2008 ; Blais, Martin et Nadeau 1995). Dans cette approche, il ne faudrait pas non plus oublier de rejoindre les jeunes Québécois dont la langue maternelle n’est pas le français puisque la tendance nous montre que le terreau indépendantiste est, contrairement aux préjugés répandus, bel et bien fertile (Gagné et Langlois 2002, 70).

De plus, pour convaincre, rien de mieux que d’offrir un discours positif. Le contexte politique est de surcroît ironiquement approprié, car l’adhésion à l’idée d’indépendance tend à croître plus rapidement lorsqu’un gouvernement libéral est en place à Québec (Richez et Bodet 2012, 88). Pour la même raison, la promesse de réaliser l’indépendance doit être partie prenante d’un mandat électoral, car une démarche de consultation à court terme constitue, stratégiquement, la meilleure avenue possible pour la réussite du projet de pays (Richez et Bodet 2012, 89), d’autant plus que les jeunes aiment qu’on leur parle franchement. Ceux qui sont déjà intéressés par la politique ne seront pas prêts à mettre de côté leurs convictions les plus profondes et, de ce fait, se tourneront inévitablement vers les partis politiques mettant cartes sur table. A contrario, les promesses floues ou non respectées ne font que freiner davantage l’engagement politique des jeunes non mobilisés (Mahéo, Dejaeghere et Stolle 2012, 409).

Dans un autre ordre d’idées, on ne peut passer à côté de l’importance que jouent les modèles dans la socialisation politique des jeunes. Il est en effet évident qu’un individu peu politisé – ou encore, en cours de politisation – prendra d’ores et avant tout exemple sur ce qu’il connaît, sur ce qui fait partie de son environnement rapproché. Cela explique pourquoi un nouvel électeur votera généralement de la même manière que ses parents au premier scrutin auquel il participera s’il est peu ou pas du tout exposé à d’autres modèles politiques. Un modèle se définissant comme étant une « personne choisie à titre d’exemple pour qu’on s’inspire de sa conduite » selon le Larousse, il est clair que la présence accrue de jeunes en politique a un impact sur la capacité des jeunes en général de se transposer dans ce milieu. Ainsi, le mouvement indépendantiste doit se remettre en question en ce qui concerne la présence de ces jeunes dans les instances le composant, particulièrement au sein des partis politiques. Pour avoir fréquenté les cercles indépendantistes depuis plusieurs années déjà, il m’apparaît clair que la situation ne leur est pas favorable, et ce, particulièrement en ce qui a trait aux jeunes femmes.

D’une part, le maintien et le soutien des ailes jeunesse prennent une importance indéniable, puisqu’il s’agit le plus souvent du lieu de pénétration politique des jeunes engagés, leur fournissant un cadre à partir duquel le recrutement de militants – qui à leur tour, en recruteront d’autres – s’avère facilité. C’est en donnant des ressources politiques aux jeunes qu’on leur permet de briser la barrière du non-engagement caractéristique à leur génération (Mahéo, Dejaeghere et Stolle 2012, 421).

D’autre part, il ne faudrait pas non plus sous-estimer l’impact des candidatures lors des élections générales. Bien entendu, les partis politiques doivent construire des équipes qualifiées à présenter devant l’électorat, mais l’expérience et la compétence politique ne se retrouvent pas nécessairement chez les candidatures dites « vedettes ». Cela est aussi vrai pour une personne comptant trente ans d’ancienneté dans un domaine comme le journalisme, la santé, les affaires, etc. ou qu’elle soit fraîchement sortie des bancs de l’université, les deux partagent une inexpérience parlementaire. Soulignons également que dans un système politique démocratique comme le nôtre, où un individu travaillant à temps plein doit payer des impôts dès 16 ans et où le droit de vote est octroyé à 18 ans, les candidatures de jeunes sont importantes afin d’assurer une représentativité adéquate de la population. Et, comme pour les femmes, certains doivent absolument être placés dans des circonscriptions prenables, sans quoi l’objectif n’est pas rempli. Le cas de Léo Bureau-Blouin, candidat pour le Parti québécois en 2012 puis en 2014, en constitue un bon exemple. Il serait intéressant de pouvoir accéder aux chiffres détaillés du résultat par données sociodémographiques pour la circonscription de Laval-des-Rapides, mais nul doute que les jeunes doivent avoir été plus nombreux que la moyenne nationale à appuyer le candidat indépendantiste du PQ. Qui plus est, l’organisation de Léo Bureau-Blouin – octroyant énormément de place aux jeunes – a nécessairement semé la graine de l’engagement chez plusieurs, qui seront dès lors nettement plus enclins à répéter l’expérience dans l’avenir.

Bref, c’est un pensez-y-bien. Je crois fermement que le mouvement indépendantiste doit prendre cette direction en s’ouvrant davantage aux jeunes s’il désire reconquérir cette frange de l’électorat, frange essentielle s’il en est. L’élection de nouveaux chefs du Parti québécois et du Bloc québécois, ou à tout le moins des officiers importants de ces partis, pourrait être l’occasion de représenter cette mouvance de la jeunesse et offrir une image renouvelée du mouvement indépendantiste. C’est également en voyant les jeunes reprendre le flambeau que leurs confrères plus âgés et désabusés – ne croyant plus tellement au projet de pays en raison d’un manque de relève – pourront conséquemment être remobilisés.

En définitive, on doit également et inévitablement se demander si le Parti québécois demeure le meilleur véhicule pour porter le message de l’indépendantisme québécois et y attirer de nouvelles têtes. La conjoncture politique se prêtant parfaitement à la réflexion, la discussion doit être lancée. Le PQ peine à se défaire de son image de « vieux parti ». De plus, depuis bon nombre d’années déjà, plusieurs remettent en question son indépendantisme, soutenant que le parti n’est devenu qu’une « simple machine politique au service d’une élite gouvernante […] pour qui l’indépendance politique devient la menace d’un coût inutile » (Gagné et Langlois 2002, 150). Selon les sociologues Gilles Gagné et Simon Langlois, cette dérive du Parti québécois expliquerait en bonne partie sa désaffection par les groupes censés être les porteurs du projet de pays, comme les jeunes. Pour ces derniers, des formations politiques comme Québec solidaire ou Option nationale sont nettement plus attirantes, comme en témoignent leurs succès chez les 18-34 ans. Vaudrait-il donc mieux refonder le Parti québécois sous un autre nom ? Procéder à une fusion ? Travailler à une coalition ? Toutes les options doivent être sur la table. Mais, surtout, pour reconquérir les jeunes, le mouvement indépendantiste doit apprendre à ne plus avoir peur de lui-même. Les jeunes ont besoin de causes porteuses pour s’y associer et ce n’est certainement pas en ayant honte du projet de pays qu’ils auront envie de s’y engager. Tenons-nous-le pour dit.

 

 


 

Bibliographie

Bélanger, Éric et Andrea M.L. Perrella. 2008. « Facteurs d’appui à la souveraineté du Québec chez les jeunes : une comparaison entre francophones, anglophones et allophones ». Politique et Sociétés 27 (no 3) : 13-40.

Blais, André, Pierre Martin et Richard Nadeau. 1995. « Attentes économiques et linguistiques et appui à la souveraineté du Québec : une analyse prospective et comparative ». Revue canadienne de science politique 28 (no 4) : 637-657.

Gagné, Gilles et Simon Langlois. 2002. Les raisons fortes. Nature et signification de l’appui à la souveraineté du Québec. Montréal : Presses de l’Université de Montréal.

Lisée, Jean-François. 2012. Comment mettre la droite K.-O. en 15 arguments. Montréal : Stanké.

Mahéo, Valérie, Yves Dejaeghere et Dietlind Stolle. 2012. « La non-participation politique des jeunes : Une étude des barrières temporaires et permanentes de l’engagement ». Revue canadienne de science politique 45 (no 2) : 405-425.

Richez, Emmanuelle et Marc André Bodet. 2012. « Fear and Disappointment : Explaining the Persistence of Support for Quebec Secession ». Journal of Elections, Public Opinion and Parties 22 (no 1) : 77-93.

Turcotte, André. 1996. « À la prochaine… again. The Québec Referendum of 1995 ». Electoral Studies 15 (no 3) : 399-431.

 

Récemment publié