Oeuvre du mois – Marcelle Ferron

En couverture du numéro de Mars 2024 Marcelle FerronNo 65, 1973Huile sur toile, 130 x 162,5 cm, 1973Collection du Musée national des beaux-arts du Québec— © Oeuvres Marcelle Ferron. Photo : MNBAQ, Patrick Altman En 2024, Marcelle Ferron aurait eu 100 ans. Cette artiste visuelle bouillonnante, d’une audace édifiante, investie de valeurs de justice et d’égalité pour tous, s’est imposée comme l’une […]

En couverture du numéro de Mars 2024

Marcelle Ferron
No 65, 1973
Huile sur toile, 130 x 162,5 cm, 1973
Collection du Musée national des beaux-arts du Québec
— © Oeuvres Marcelle Ferron. Photo : MNBAQ, Patrick Altman

En 2024, Marcelle Ferron aurait eu 100 ans. Cette artiste visuelle bouillonnante, d’une audace édifiante, investie de valeurs de justice et d’égalité pour tous, s’est imposée comme l’une des plus importantes de la modernité québécoise. Elle a marqué l’histoire de l’art tant par l’ampleur et la variété de sa production que par son apport au renouvellement du langage pictural.

Orpheline de mère à sept ans, Ferron est élevée par son père qui transmet à ses cinq enfants, sans égard à leur genre, les mêmes valeurs humanistes et altruistes, ainsi que la soif de curiosité intellectuelle et l’indépendance d’esprit. Si elle est attirée par la peinture depuis son enfance, c’est en 1942, à 18 ans, qu’elle s’inscrit à l’École des beaux-arts de Québec, où lui enseigne, entre autres, Jean Paul Lemieux. Les classes de Sylvia Daoust et Simone Hudon, figures modèles pour la femme artiste qu’elle aspirait à devenir, stimulent aussi son intérêt pour la sculpture.

Inassouvie de modernité artistique, elle quitte l’institution – plutôt traditionnelle et académique – après deux ans et poursuit sa formation de manière autodidacte. Elle trouvera en Paul-Émile Borduas les qualités d’un mentor, fréquentant l’École du meuble – berceau de l’avant-garde artistique de l’époque – alors qu’il y était professeur.

Lasse du renforcement de la conjoncture conservatrice au Québec, guidée par sa curiosité culturelle et récemment séparée de son mari, elle part en 1953 avec ses trois filles s’établir à Clamart, en banlieue de Paris. Ce séjour de treize ans en France s’offre comme le terreau idéal pour le développement de son style particulier. Elle amorce une production la menant vers l’affirmation du geste et de la matière. C’est précisément à partir de 1959 que l’artiste s’identifie davantage au courant de l’abstraction lyrique, où l’accent est porté sur les qualités sensibles et émotives de la matière.

La peinture de Marcelle Ferron se démarque dès lors par l’individualité et la richesse de son coloris, particularité qui n’est pas étrangère au fait qu’elle procède elle-même à la préparation de ses couleurs. Ce qui fait aussi la singularité de ses œuvres de l’époque sont les larges traits chromatiques qui sont appliqués dans un geste énergique et franc, par des spatules et truelles de différentes largeurs, fabriquées sur mesure par un menuisier. Ces empâtements généreux, qu’on devine issus d’un hasard contrôlé, offrent une harmonie chromatique et des contrastes de tonalités au sein de compositions à la fois dynamiques et structurées.

L’importance de la lumière dans l’œuvre de Ferron est également capitale. Elle constitue de fait l’essence même de sa démarche, une quête visant à traduire son évanescence tout autant que ses répercussions dans l’espace environnant, que celui-ci soit physique ou pictural.

(extrait de la conférence d’Ève-Lyne Beaudry, conservatrice de l’art contemporain au Musée national des beaux-arts du Québec.)

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