L’illusionniste Luc Langevin a publié début mars 2018 La science de l’illusion. Il y révélait quelques-uns de ces trucs qui nous échappent, mais qui finissent par engourdir notre cerveau reptilien. Ce grand magicien racontait par ailleurs qu’une grande partie du succès d’un illusionniste consiste à attirer l’attention du spectateur sur un geste posé par la main droite, alors que c’est la gauche qui s’active à tout autre chose.
Depuis déjà longtemps des questions se posent au sujet de la Coalition avenir Québec. Une explication semble des plus plausibles : Luc Langevin pourrait avoir livré, en primeur, plusieurs chapitres de son livre à la CAQ et à ses conseillers en communications.
Il faut en effet se rendre à l’évidence. La CAQ réussira-t-elle, jusqu’au 1er octobre, à faire encore longtemps illusion en signalant à gauche pour tourner à droite ? Car force est de constater que ce parti est en passe de réaliser l’une des plus formidables mystifications politiques des dernières décennies. Grâce à une communication publique contrôlée de brillante façon par des experts en la matière, la CAQ a réussi à se présenter comme la principale alternative à un parti libéral empêtré dans la corruption et vassalisé par les grandes fédérations médicales.
C’est bel et bien la vraie nature de la CAQ qui semble échapper aux électrices et électeurs québécois. Jusqu’à maintenant, le Bon Cop a réussi à cacher le Bad Cop ! Il y a du Langevin, pour ne pas dire du Messmer là-dedans ! Éric Caire, celui dont Le Devoir du 22 avril 2009 titrait : Le Québec doit virer à droite, selon Caire ? n’est pas le seul à continuer de sévir allègrement.
Peu importe qu’elle dise une chose et son contraire, qu’elle soit en quelque sorte le club ferme du Parti libéral en lui fournissant des ministres vedettes comme Dominique Anglade, Sébastien Proulx ou Gaétan Barrette, ou encore qu’elle soit le refuge de libéraux déçus, par exemple dans l’élection partielle de Jean-Talon où a été élue Geneviève Guilbeault, encore récemment une apparatchik active dans les cabinets libéraux, celle-là même qui disait « encourager beaucoup le modèle d’affaires que sont les garderies privées non subventionnées », la CAQ réussit ce tour de force d’en arriver à faire croire qu’elle se situe aux antipodes du Parti libéral et qu’elle représente ce changement auquel disent aspirer nos concitoyens.
Ce parti a depuis longtemps trouvé son inspiration chez les thuriféraires du démantèlement du modèle québécois qui officient à l’Institut économique de Montréal. L’alliance a été consommée avec l’arrivée de Youri Chassin, économiste de la droite la plus engagée et directeur de la recherche de cet Institut. On l’avait vu sur toutes les tribunes pourfendre les libéraux qui, à ses yeux, avaient augmenté de façon scandaleuse le salaire minimum à 11,25 $. L’IÉDM soutenait aussi que ce sont des entrepreneurs qui pourraient sauver notre système de santé privatisé…
La CAQ n’est pas seulement illusionniste. Elle est aussi contorsionniste : dans un même élan, elle baisse les impôts et améliore les services publics !
Le modèle social-démocrate québécois
L’élection d’octobre représente donc un tournant majeur pour l’avenir du Québec. Les Québécoises et les Québécois sont, à raison, fiers du modèle mis en place depuis près de 60 ans maintenant. Ce modèle est bien sûr perfectible, surtout quand on constate l’état dans lequel il se retrouve après les assauts d’austérité auxquels les libéraux l’ont soumis. Mais l’urgence de l’heure consiste à bloquer la route à cette Coalition dont l’objectif inavoué est d’achever la déconstruction entreprise par le PLQ de Charest et Couillard.
On connaît cette histoire d’un loup affamé rôdant autour d’un troupeau d’agneaux. Or, le berger montait si bien la garde que le loup ne pouvait s’en approcher. Un jour, le loup trouva une peau d’agneau abandonnée. Ravi de l’aubaine, il l’enfila et se mêla au troupeau. Tout le monde crut que c’était un mouton.
La nuit venue, le berger décida de sacrifier un animal pour son souper. Il vit un mouton qui s’approchait lentement de sa cabane. Comme le déguisement était parfait, le berger le prit pour un de ses moutons et l’assomma d’un coup de bâton. C’est ainsi que l’ingénieuse idée du loup lui fut fatale.
C’est faire œuvre civique que de démasquer ce parti qui fait de la fausse représentation. Un vieil adage populaire dit que toutte finit par se savoir. Espérons, pour le bien du Québec, qu’on finisse par savoir où loge véritablement la CAQ.
Depuis quelques mois, des intellectuels politiquement engages ont tenté, par des écrits publiés dans plusieurs médias, de dresser le portrait de ce parti en attirant l’attention des électrices et électeurs sur ce qui constitue la vraie nature de la Coalition avenir Québec.
Coalition ? Avenir ? Québec ?
Dans Le Devoir, Gérald Larose, qui a présidé la CSN durant 16 ans et qui enseigne aujourd’hui à l’École de service social de l’UQAM, s’est interrogé sur la signification des trois termes qui constituent le nom de ce parti.
Qui dit avenir évoque habituellement un horizon ouvert, un futur prometteur, des perspectives réjouissantes. Qui dit coalition dit normalement regroupement d’intérêts divergents, de tendances opposées, de forces variées, de partis autonomes différents, bref, d’unités diverses qui débattent et négocient ensemble un projet commun et font alliance temporaire pour le réaliser. Dire coalition, c’est postuler la diversité, la démocratie, l’entente sur un projet précis et un plan de match pour le déployer. Quelqu’un pourrait-il nous identifier la diversité des groupes, des intérêts ou des tendances à l’intérieur de la CAQ ? Et même ce qui la distingue des Libéraux ? Elle qui, en Barrette, Proulx et Anglade, lui a fourni ses plus récentes locomotives. Et qui en terme de propositions, quand elle fait ses choix, les déborde toujours plus à droite.
Et qu’en est-il de la démocratie dans ce parti ?
Les associations, très peu nombreuses par ailleurs, n’ont même pas le droit d’élire leur candidat. Les 125 seront des créatures du chef. Et le projet ? Et le plan de match ? Le mot coalition dans CAQ porte à faux. Il travestit la réalité. Rien dans cette organisation nous indique qu’elle coalise des forces diverses et alimente des débats démocratiques pour définir à terme un projet d’intérêt général qui émanerait d’un compromis entre courants opposés. Ce n’est pas une coalition. C’est un club.
Et en quoi la CAQ représenterait-elle l’avenir, demande Larose ?
En politique, parler d’avenir, c’est anticiper pour décider aujourd’hui. C’est tailler sur mesure aujourd’hui les politiques, les institutions, les mécanismes et les services qui produiront pour la majorité la vie meilleure de demain. Parler d’avenir suppose d’abord qu’on fasse une lecture juste du présent. Le chef de la CAQ répète à satiété que le Québec est pauvre parce que sur 61 territoires en Amérique du Nord, il arrive au 57e rang quant à son PIB. Dans l’assiette des gens, le PIB ne signifie strictement rien. Ce qui est important, c’est la condition économique globale des gens, leur pouvoir d’achat et la répartition collective de la richesse. À ces chapitres, les Québécois, sur 61 territoires, ne sont pas les derniers, mais les premiers. 90% des Québécoises et des Québécois sont plus riches et moins endettés que 90% des Canadiens et 90% des États-Uniens. La CAQ est plutôt préoccupée par les 10% plus riches d’ici qui sont moins riches que ceux d’ailleurs et ne dit jamais que l’immense majorité des Québécois ont une condition économique meilleure que la majorité de leurs voisins.
Pourquoi ?
Parce que le fardeau fiscale est mieux réparti ici qu’ailleurs. Ce que la CAQ veut modifier en l’abaissant. Parce que les politiques publiques comme celles des CPE sont un investissement public de grande qualité profitable à l’ensemble des familles. Ce que la CAQ veut « commercialiser » encore plus que ne l’ont fait les Libéraux. Parce que les frais de scolarité sont moindres ici par rapport à ceux d’ailleurs, y compris pour les médecins spécialistes et de famille. Parce que l’assurance médicament, l’assurance automobile et d’autres politiques à incidence économique et à portée sociale de l’État québécois.
Plus pauvres, les Québécois ?
Dans un article publié dans le Huffpost Québec, Camil Bouchard, qui fut député du Parti québécois et qui demeure l’auteur du rapport Un Québec fou de ses enfants, est allé encore plus avant pour démonter les assertions de François Legault sur cette prétendue pauvreté des Québécois. L’économiste Pierre Fortin a déjà publié de son côté des études qui vont dans le même sens.
Alors que François Legault répète que le Québec est la juridiction la plus pauvre du Canada, Statistiques Canada et l’Institut de la statistique du Québec publient des données robustes à l’effet que le Québec compte en proportion moins de pauvres que dans toutes les autres juridictions canadiennes. Ces données démontrent clairement que 1) le Québec réussit particulièrement bien pour les familles avec enfants dont les deux parents travaillent, avec seulement 2 % sous la mesure de faible revenu, contre 5 % en Ontario et plus de 12 % en Alberta, 2) le taux d’enfants pauvres (MPC) au Québec tourne autour de 8,2% contre 13,2% en Ontario, 11% au Canada en 2016, 3) pour l’ensemble de la population, notre taux de pauvreté est de 8,6% comparé à 11,8% pour l’Ontario et 10,6% pour le Canada, 4) nous sommes passés de 613 000 bénéficiaires de l’aide de dernier recours en 1997 (année de la création de la politique familiale du PQ) à 283 000 en 2017, 5) le taux de mères monoparentales inscrites à l’aide sociale a chuté de 60%, 6) l’indice d’inégalité économique du Québec (coefficient de Gini) demeure le plus bas en Amérique du Nord et parmi le plus bas dans le monde.
Rien n’y fait, la CAQ répètera sans sourciller cette fausseté encore et encore : nous serions pauvres comme job. Cela lui permettra de dire et de redire que le Québec est mal administré, mal géré, que nos programmes et services publics sont inefficaces, qu’il nous coûtent trop cher, qu’il faut réduire la taille de l’État et remettre cet argent dans la poche des familles. Crédibilité zéro.
Une vision économique marquée très à droite
François Aubry, un économiste qui a milité durant près de 30 ans à la Confédération des syndicats nationaux (CSN), a clairement indiqué, dans un texte publié dans l’Aut’journal, à quelle adresse loge la CAQ sur le plan de la vision de l’économie. Après avoir accusé le parti libéral d’avoir mis à mal les politiques sociales mises en place depuis quelques décennies, il y a analysé les positions du candidat vedette de la CAQ, Youri Chassin.
Alors qu’une des grandes caractéristiques du modèle québécois est de reconnaitre l’apport de la société civile dans l’élaboration des politiques publiques au sein de divers lieux et instances de concertation, le gouvernement libéral a déployé beaucoup d’énergie afin de centraliser le pouvoir entre les mains des élus, tant au niveau régional que national. Ils ont ainsi éliminé un très grand nombre de structures de concertation et de dialogue social, tels les conseils régionaux de développement, les régies régionales de santé et de services sociaux, entre autres.
C’est dans ce contexte politique que François Legault aime bien présenter son parti comme une alternative crédible au Parti libéral. Fort de sa popularité nouvelle, il se plaît aussi à tarder de dévoiler ses intentions sur plusieurs grands enjeux qui seront débattus lors de la prochaine élection.
Chassin : un néolibéral pur jus
François Aubry poursuit son portrait de Chassin :
On peut cependant se faire une idée assez précise de ce qui nous attend en examinant les positions défendues par les personnes qui se présenteront sous la bannière de la CAQ en octobre prochain. À ce jour, l’économiste Youri Chassin est sans aucun doute le candidat-vedette de la CAQ. Celui-ci sera appelé à jouer un rôle clé au sein d’un gouvernement caquiste éventuel, soit à titre de ministre des Finances, soit comme président du Conseil du trésor. En fait, monsieur Chassin sera dans une position à vocation économique semblable à celle qu’auront tenue messieurs Coîteux et Leitao dans l’actuel gouvernement libéral. On ne réussit pas à recruter un tel candidat sans qu’il n’y ait une importante concordance de vue entre celui-ci et le chef tout-puissant qu’est François Legault au sein de son parti.
Youri Chassin est un économiste à très forte tendance néolibérale. Après avoir occupé le poste d’analyste économique au Conseil du patronat du Québec, celui-ci a joint l’Institut économique de Montréal pour en être le directeur de la recherche jusqu’à son recrutement récent par la CAQ. L’économiste a défini on ne peut plus clairement les grands principes qui devraient guider l’action gouvernemental.
[Selon Chassin] les réformes nécessaires doivent passer par une révision complète du rôle de l’État, par une ouverture accrue envers les solutions du marché, la liberté de choix et la responsabilisation individuelle. Les demi-mesures ne feront que ralentir notre processus d’appauvrissement.
Or, les demi-mesures dont il est ici question concernent justement plusieurs politiques à caractère néo-libéral mises en place par le gouvernement libéral. On entrevoit aisément que, pour celui qui pourrait devenir le ministre des Finances d’un éventuel gouvernement caquiste, elles seraient assurément insuffisantes à long terme.
Parfois, a écrit le candidat-vedette dans le Journal de Montréal du 5 juillet 2014, la solution peut s’avérer positive, mais insuffisante. Hausser les tarifs des garderies, ou d’Hydro-Québec, est en soi une mesure sensée. Si l’augmentation desdits tarifs vise à les rapprocher du prix plus réaliste qui devrait être payé pour ces services, on peut difficilement être contre, en termes de logique économique. Par contre (…), taxer ou tarifer davantage ne règlera pas nos problèmes à moyen ou long terme. C’est d’autant plus inefficace lorsque l’État ne fait aucun effort de son côté.
L’arrivée de Chassin dans la campagne électorale a soulevé des inquiétudes chez les agriculteurs. Dans le journal La terre de chez-nous, on pouvait constater que les prises de position antérieures de cet économiste avaient de quoi inquiéter.
La candidature de Youri Chassin a été soulignée sur les réseaux sociaux, et certains producteurs de lait de même que l’Union des producteurs agricoles (UPA) s’inquiétaient de l’arrivée de cet économiste à la CAQ. « On se questionne sur le message que ça envoie aux agriculteurs du Québec, en pleine renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain », a mentionné Patrice Juneau, porte-parole de l’UPA.
Le Parti québécois (PQ) n’est pas convaincu du ralliement de Youri Chassin à la gestion de l’offre. « Avec Youri Chassin, la CAQ a trouvé son Maxime Bernier. François Legault choisit personnellement les candidats de la CAQ, et M. Chassin milite activement depuis plusieurs années pour mettre fin à la gestion de l’offre », a affirmé André Villeneuve, porte-parole agricole du PQ, qui estime que malgré les déclarations publiques du chef ou de Sylvie D’Amours, Youri Chassin continuera de militer contre la gestion de l’offre « derrière les portes closes ».
Garderies : la duperie de la CAQ
Dans un autre texte paru celui-là dans l’Aut’journal, Camil Bouchard donne un nouvel exemple de la duperie de la CAQ : les services de garde.
Rien n’est plus éclairant concernant le manque de crédibilité et d’honnêteté intellectuelle de la CAQ que sa position au sujet des services de garde éducatifs. Comme Francine Charbonneau à l’époque qui n’hésitait pas à franchir la ligne qui sépare l’honnêteté de la tromperie, la CAQ considère que le système actuel est satisfaisant et que les garderies commerciales sont un « bon modèle d’affaires qu’il faut encourager » en taisant sciemment qu’il y a 6 fois plus de plaintes dans ces garderies que dans les CPE !
Toutes les données maintes fois répétées et connues indiquent 1) que la très grande majorité des services de garde médiocres se retrouvent dans les garderies commerciales ; 2) que la très grande majorité des services de qualité supérieure se retrouvent dans les CPE et 3) que parmi tous les services de garde, seuls les CPE font une différence dans la vie des enfants de milieux plus vulnérables.
Troisième exemple : les maternelles 4 ans. Alors que la CASH s’engage à diminuer les taxes scolaires de 1,37 G$, elle annonce l’ajout de milliers de classes de maternelles 4 ans dans des espaces inexistants, sans préciser le ratio éducatrices/enfants, sans calendrier de réalisation, sans égard aux nombreuses critiques émises quant à la qualité des maternelles 4 ans dans lesquels on retrouve maintenant ces enfants. La CASH se lance à corps perdu dans cette aventure en prétendant que c’est pour le bien des enfants alors que nulle part on ne nous informe des dispositions que l’on prendrait pour offrir des environnements acceptables, bienveillants et stimulants pour ces enfants. Crédibilité zéro.
Clairement, la CAQ ne représente pas un changement, mais plutôt un remplacement du pareil au pire.
Les valeurs de la CAQ
Dans des textes publiés dans le Huffpost Québec et dans Le Devoir, Micheline Labelle, professeure émérite de sociologie à l’UQAM et spécialiste des question d’immigration et d’intégration, s’est interrogée sur ce que signifient les valeurs de la CAQ. Sa réponse ?
Vraiment pas grand-chose !
Seul un rapport de la CAQ évoque les « valeurs québécoises », mais sans les préciser (Rapport Claire Samson, 2016). De plus, aucune précision n’apparaît quant au fameux test des valeurs qu’a souvent évoqué François Legault. À un courriel que j’ai fait parvenir à la CAQ, on m’a répondu ceci : « Madame Labelle, Nous accusons réception de vos deux messages laissés sur le répondeur de la permanence ainsi que de votre courriel du 16 mars 2018. Nous vous remercions de votre intérêt. Nous n’avons pas encore rédigé ce test des valeurs et c’est pour cela que vous ne pouvez le trouver sur notre site Web. Nous ne le rédigerons que si nous avons l’immense privilège de servir les Québécois en étant au pouvoir. »
Comme le répète souvent le PDG du parti : On verra !
Non seulement la CAQ ne s’engage pas sur les valeurs qui ont fait consensus dans divers énoncés politiques des gouvernements et des partis politiques québécois, mais elle avance que le Québec devait donner des permis de travail temporaires à des travailleurs qualifiés, tout en leur offrant des cours de français. Au bout de trois ou quatre ans, ils passeraient un « test de valeurs ». En cas d’échec, ils pourraient être renvoyés dans leur pays d’origine.
Plusieurs questions se posent au sujet de ce test. Amusons-nous un peu. Pourra-t-on voir les questions ? Qui les formulera ? De quels pays ou expériences s’inspirera ce test ? Un test fait à la maison ? En ligne ? Des vrai ou faux ? Des questions à développement ? Les candidats à l’immigration auront-ils droit à des livres et à leurs notes ? Des questions aux hommes, aux femmes, aux enfants ? Auront-ils droit à des reprises, combien de reprises ? Et la note de passage : 45%, 50%, 58,9% 60% ? Et cette note, comment serait-elle établie : à partir des réponses de la majorité ? Des députés de la CAQ, des réponses de leur chef ?
Plus sérieusement, à quelle catégorie d’immigrants exigera-t-on ce test de valeurs : les investisseurs qui ne résident pas au Québec la moitié du temps, les permis temporaires de travail, les immigrants indépendants, les parrainés, les réfugiés, les étudiants ? Et puis, en cas d’expulsion, que fait-on si un des membres échoue le test et les autres non ? On éclate les familles ? Et après 3 ou 4 ans, parle-t-on d’expulsion ou de déportation ?
Monsieur Legault, vous abordez, dans une totale opacité et avec une aberrante désinvolture un sujet très grave mettant en cause la liberté et l’accès aux droits de milliers de personnes. Vous ne passez pas le test des valeurs québécoises.
De son côté, dans le Huffppost Québec, Camil Bouchard abordait la même question.
Le PDG de la CAQ a affirmé que son gouvernement expulserait les immigrants qui ne réussiraient pas son test de français ou encore son test des valeurs. En même temps, il refusait de publier, ne serait-ce qu’un exemple de ces tests : « On verra une fois élu ». Et il beurrait épais tout cela d » une rhétorique de bon mononcle de famille qui expliquait que ces mesures étaient nécessaires si on voulait favoriser une meilleure intégration des immigrants. Cette intégration allait se faire même si on devait briser des familles dont un des membres serait expulsé pour incompétence de valeurs.
Mais voilà que s’élevèrent de partout des voix dénonçant ces mesure, soit pour des raisons de manquement démocratique, de manquement éthique, ou carrément légales. En bref, ces critiques ont font valoir que l’on ne peut demander aux électeurs de voter pour une mesure qui met littéralement en jeu l’avenir de milliers de personnes sans que l’on en connaisse les tenants et aboutissants : le type d’examen ou de test, la validité conceptuelle et la robustesse statistique de ces tests, le type de questions, les conditions de passation, la note de passage requise pour éviter l’expulsion, les versions adultes vs enfants, etc. Au niveau moral, placer ces personnes dans une zone d’incertitude, les laisser s’installer en terre québécoise et y développer des amitiés, des amours, une vie familiale, y occuper un emploi ou y faire des études pour ensuite leur montrer la porte faute de passer un test tient de la cruauté que seuls des pays glauques peuvent imaginer. Et puis, petit détail constitutionnel, François Legault avait oublié que seul son Canada-de-la-péréquation-honnie peut expulser des immigrants.
Que fait alors François Legault ? Il affirme qu’il ne bronchera pas. Jamais. Mais du même souffle il ajoute : « Une personne peut apprendre les cinq, les 10, 15 valeurs par cœur même si elle n’y croit pas » et quelques nanosecondes plus tard : « […] il y a quand même un certain engagement qui est pris de la part du nouvel arrivant ». Essayez de comprendre : on peut seulement faire semblant d » y croire et en même temps avoir un certain engagement. Dessine-moi une chose et son contraire.
Même pirouette pour son test de français : « […] en pratique, ce qui va être difficile, c’est de réussir le test de français », mais près de 100% (on se demande ici comment ce comptable est arrivé à ce chiffre) des Québécois de langue maternelle française, y compris la vaste majorité des analphabètes (niveaux -1 et 1 de littératie) qui forment près de 20% de la population québécoise, réussiraient l’évaluation des compétences linguistiques destinée aux nouveaux arrivants, qui se trouve dans les cartons de la CAQ.
Autrement dit, alors que la CAQ affirmait que le test n’était pas prêt, François Legault affirme l’avoir dans ses cartons. Qui plus est, ce ne sera après tout qu’un semblant de test, un « fake » que même les plus analphabètes d’entre nous pourraient réussir.
C’est la politique du « fake » à son meilleur.
D’un côté, on dit que l’on va être à ce point sévère avec les nouveaux arrivants que l’on ne va pas hésiter à les déporter s’ils échouent à un test de français ou de valeurs. Cela renforce la base politique de la CAQ. Mais si, par mégarde on a poussé le bouchon trop loin, on ajoute que de toute façon, ce se seront pas de vrais tests, que ce sont des tests bidons que la CAQ n’a pas, mais a dans ses cartons. On va seulement faire semblant. Cela sert à calmer le jeu.
À la fin, on ne sait plus ce que va vraiment faire la CAQ, sauf qu » elle pourrait faire quelque chose ou faire semblant de le faire en faisant semblant de croire que le « fake » c’est vrai, mais pas vraiment. Clair, non ?
Et Camil Bouchard de conclure :
Et comme s’il fallait en ajouter, on apprenait récemment que leur président empoche sans vergogne en Ontario où il détient des actions dans une compagnie dont les frais sur emprunts avoisinent les 90%. Peu importe, nous dit-on à la CASH : c’est illégal au Québec, mais c’est légal en Ontario. Ce serait donc seulement immoral. Crédibilité zéro.
Les bancs de capelans
Les Gaspésiens connaissent bien les histoires de capelans. Ces petits poissons qui se tiennent en bancs serrés pour échapper aux prédateurs connaissent de mauvaises surprises lors des grandes marées d’automne. Emportés par la vague, ils vont s’échouer par milliers sur la grève, ce qui fait dire aux vieux du coin : Le capelan a roulé c’te nuitte ! Les malheureux poissons finissent pour la plupart dans les champs, où les cultivateurs les étendent pour engraisser les terres.
Les Québécois sauront-ils cet automne, en suivant ce qu’on nomme une vague caquiste, de se faire rouler de la même manière que les pauvres capelans ? Poussés par ce slogan publicitaire des années 1980 : Tout le monde le fait ! Fais-le donc ! réussiront-ils à éviter de succomber à cet instinct grégaire qui ne peut que les conduire à une désillusion certaine ?
Récemment, Robin Philpot rappelait fort à propos le sens du verbe encaquer, s’agissant de poissons : se faire mettre en boîte…