Étudiant à l’École du Barreau du Québec
Suite à la parution de mon dernier article (« Drainville l’abdicateur » dans le site Vigile) qui se voulait une critique, – plutôt dure je l’admets –, du concept de référendum d’initiative populaire comme amorce à une démarche de libération nationale, certains m’ont reproché de m’être borné à planter le député de Marie-Victorin sans proposer de plan de rechange ni envisager quelque solution viable à l’impasse politique et stratégique que connaît présentement le mouvement souverainiste.
Or, voici la « solution » que j’aimerais humblement soumettre à votre attention. Elle s’inspire en partie de l’accession à l’indépendance des États baltes et en particulier de la démarche lettone (la sécession de la république lettonne de l’URSS s’est produite le 8 novembre 1991). Elle vise une prise de possession de l’État dans la continuité du système britannique que nous connaissons, mais prépare la mise sur pied d’institutions et d’une forme de gouvernement bien à nous.
Elle se veut hybride, combinant des éléments référendistes, autonomistes, nationalistes, mais aussi purement indépendantistes.
Ces réflexions ont germé au fil de nombreuses discussions avec mon ami René Boulanger, écrivain, historien et selon moi grand sage militant du mouvement indépendantiste. En particulier, elles empruntent énormément aux idées brillantes qu’il a su coucher par écrit dans un mémoire déposé en 2000 à l’Assemblée nationale dans le cadre des consultations sur le projet de loi 99.
QUOI : le plan en résumé
La démarche projetée se déploie pour l’essentiel en quatre temps.
Temps un
Dès l’accession au pouvoir, le gouvernement indépendantiste produirait une déclaration unilatérale de « souveraineté interne » faisant office de loi constitutionnelle provisoire. En d’autres termes, l’État du Québec promulguerait la prééminence de sa volonté législative sur toutes lois de l’État fédéral, fussent-elles antérieures ou ultérieures à l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution. Cette déclaration obtiendrait sa légitimité du fait qu’il en aurait été clairement question dans le programme du parti ou de l’organisation élue.
Définition de « souveraineté interne » : autorité et contrôle qu’exerce un État sur son organisation intérieure.
Une manière relativement simple de procéder serait de modifier, en la constitutionnalisant, la loi 99 sur l’exercice des droits fondamentaux et prérogatives du Peuple québécois et de l’État du Québec, c’est-à-dire la loi de l’Assemblée nationale en réponse à la loi fédérale sur la clarté, adoptée en 2000. Cette loi porte déjà en elle les assises de notre souveraineté. L’idée de la reprendre pour en faire un document fondateur est intéressante, puisque ce document existe déjà : on ne crée en soi rien de nouveau. Cela marque donc une continuité.
En fait, ça tombe à point, puisqu’il existe en ce moment même une crise de légitimité latente entre cette loi et la loi sur la clarté, même si jusqu’ici personne n’a osé s’attaquer à la constitutionnalité de loi 99 (ou enfin, les tentatives n’ont pas abouti). Pourquoi ? Parce que le Québec est au fond en position de force par rapport à Ottawa sur cette question et parce que la « clarté » de Dion et Chrétien n’est simplement pas applicable ni reconnue sur notre territoire. Les fédéraux paieraient donc pour cet abus législatif, symbole de notre subordination au Canada et des diktats arbitraires et illégitimes qu’on nous impose depuis toujours.
Plus en profondeur, voici ce que je propose en guise de déclaration initiale. Les articles qui suivent, qui sont de mon cru, s’ajoutent aux articles préexistants de la loi 99, ci-après annexée. L’ensemble constitue le projet de déclaration de souveraineté interne que je propose :
Considérant la reconnaissance officielle par le Parlement canadien de la Nation québécoise le 27 novembre 2006 ;
(Autres motifs introductifs additionnels, afin d’asseoir la légitimité de l’exercice) ;
La présente loi fait office de loi constitutionnelle provisoire de l’État du Québec. Elle restera en vigueur jusqu’à ce qu’une constitution permanente, rassemblant en un seul texte tous les principes fondateurs et lois constitutionnelles se rapportant au pays à naître, soit promulguée à la suite de consultations publiques ou d’une assemblée constituante.
L’État du Québec constitue l’autorité suprême sur le territoire du Québec. La prééminence de ses lois y est reconnue. Le Peuple québécois est maître chez lui.
Les lois du Canada restent en vigueur au Québec jusqu’à ce qu’elles soient remplacées ou déclarées inopérantes par l’État du Québec.
Toute loi du Canada adoptée après l’entrée en vigueur de la présente loi n’opère au Québec qu’avec le consentement de l’Assemblée nationale du Québec.
Les lois de l’État du Québec et du Canada sont interprétées à la lumière de la présente loi.
La fonction de lieutenant-gouverneur du Québec est assumée par un officier nommé par le premier ministre du Québec. Cet officier est désigné sous le titre de Garde des Sceaux du Québec. Cet article entre en vigueur dès l’adoption en chambre de la présente loi.
Est instituée la Cour de cassation du Québec. Sa juridiction remplace celle de la Cour suprême du Canada pour le Québec. Son siège est situé en la ville de Québec.
L’autorité de la Cour fédérale n’est pas reconnue au Québec. Sa juridiction pour le Québec est assumée par la Cour supérieure du Québec.
L’autorité de la Cour d’appel fédérale n’est pas reconnue au Québec. Sa juridiction pour le Québec est assumée par la Cour d’appel du Québec.
Sauf disposition contraire de la loi, les organismes administratifs, de même que les tribunaux administratifs et spécialisés fédéraux conservent leur juridiction pour le Québec, mais toute demande en appel ou en révision d’une décision rendue par un tribunal administratif ou spécialisé fédéral doit être produite au greffe d’un tribunal reconnu par l’État du Québec.
Le Garde des Sceaux du Québec nomme les juges de la Cour de cassation et des cours supérieures, choisis parmi les membres du Barreau du Québec. Tous les juges du Québec en exercice au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi, incluant ceux de la Cour du Québec et des cours municipales, conservent leur poste à condition de prêter serment à la Constitution du Québec devant l’Assemblée nationale du Québec, en la forme qui suit : « Je jure que je serai loyal et porterai vraie allégeance à la Constitution du Québec et que je remplirai les devoirs de la profession de juge avec honnêteté et justice. »
La Sûreté du Québec assure le respect de la présente loi et, provisoirement, la défense de l’État du Québec.
(Autres dispositions visant à protéger cette déclaration et à préserver le Québec des immixtions fédérales, désobéissances et autres problèmes envisageables.)
Procédure de révision
La présente loi peut être révisée à tout moment sur proposition d’un projet de révision par un membre de l’Assemblée nationale du Québec. Le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie si elle porte atteinte à l’intégrité du territoire du Québec.
Certes, ce texte est incomplet ; ce n’est qu’une illustration du principe que je soumets. Tous les aspects n’y sont pas abordés et un constitutionnaliste y trouverait sans doute des failles. Mais, voilà donc ce que j’appelle une déclaration unilatérale de souveraineté interne, sous la forme d’une loi constitutionnelle provisoire. Le Québec devient immédiatement maître chez lui, tout en restant pour l’instant dans le cadre canadien. Sa souveraineté externe (c’est-à-dire sa souveraineté vis-à-vis le monde, qui complètera son processus d’accession à l’indépendance) viendra plus tard. Des ententes devront être faites avec les employés et fonctionnaires de l’État fédéral pour qui ces changements auront des conséquences importantes. Certaines municipalités du Québec risquent de mal réagir et le spectre de la partition réapparaîtra. Il sera sans doute nécessaire de prendre les moyens pour amortir tout cela et affirmer clairement l’autorité du Québec sur son territoire, en évitant tout effet de panique.
Temps deux
Ensuite, en s’appuyant sur cette déclaration, l’État du Québec s’emparerait à coups d’amendements successifs, d’un maximum de pouvoirs majeurs en vue de compléter son autonomie interne : fiscalité, communications, douanes, immigration, création d’un État-major, etc. Ottawa, dans ce contexte, ne bénéficierait que de pouvoirs résiduaires, à l’image de Moscou face à une Lettonie se désoviétisant.
Parallèlement à cette véritable conquête de l’État, une multitude de réformes majeures et petites révolutions, promises en campagne électorale, pourraient être entreprises afin de mobiliser la masse autour de projets collectifs stimulants. Il faudra aussi songer à mener une campagne diplomatique pour préparer la réussite de notre déclaration de souveraineté externe à venir et la reconnaissance de notre statut d’État, ce qui nous rapprochera de l’indépendance effective.
La crise de légitimité qui se déclarera entre l’État central et le Québec, – et qui se fera peut-être même sentir avant l’arrivée au pouvoir (exemples simples : Ottawa pourrait faire un renvoi à la Cour suprême, intervenir dans la campagne électorale, organiser un référendum, voire occuper militairement les édifices fédéraux) –, nécessitera d’être gérée de main de maître. Les campagnes prévisibles du fédéral pour nous diviser (partition, questions autochtone et immigrante), nous dissuader (campagnes de peur économique), nous discréditer (à l’international comme à l’interne, via les médias fédéralistes, par exemple) ou encore semer la confusion dans nos rangs, se multiplieront, à moins que le Canada n’enclenche un processus de négociation, mais gageons qu’il n’en aura pas l’intelligence. Alors, nous devrons faire en sorte que l’indépendance apparaisse comme étant la seule issue logique. Il faudra manœuvrer de telle sorte que cela apparaisse clair aux yeux de la population.
Temps trois
Puis, lorsqu’Ottawa aura été suffisamment affaibli et que la crise aura suffisamment duré, rendant l’indépendance inévitable – dénouement naturel d’un processus de prise de possession de l’État –, le gouvernement organiserait un référendum portant sur la souveraineté externe du pays, c’est-à-dire le statut d’État aux yeux de tous les autres États. Les chances de réussite seraient alors élevées. Et même si nous ne le remportons pas, notre position de force après l’acquisition de notre pleine autonomie sera telle qu’une défaite n’aura certes pas un impact aussi significatif qu’en 1995.
Temps quatre
En cas de victoire, le gouvernement indépendantiste déclarerait l’indépendance, stabiliserait la transition, puis adopterait une constitution permanente, après avoir tenu une assemblée constituante ou une forme de consultation publique, rendant l’exercice solennel et légitime.
En cas de défaite, la constitution provisoire serait maintenue. Le Québec pourra tirer avantage de sa position de force pour faire le procès d’Ottawa et trouver rapidement un moyen, soit d’enclencher à nouveau le processus référendaire, soit de se comporter tout de même en État indépendant. Quoi qu’il en soit, le Canada tombera tôt ou tard : on n’a qu’à penser à l’effet « voisin gonflable » que l’acquisition de notre autonomie pourrait engendrer chez les provinces canadiennes-anglaises. Cela reste de la projection, mais on peut prévoir que l’Alberta et Terre-Neuve, au moins, pourraient sauter sur l’occasion pour réviser leur statut au sein du Canada…
COMMENT
1) Il faut une organisation forte, crédible, constituée de gens extrêmement compétents et dignes de confiance. Une sorte de nouvelle « équipe du tonnerre », composée de nouvelles personnalités et de personnalités connues, mais discrètes jusqu’ici quant à leurs opinions politiques. Afin d’aller au bout du courant de changement de culture politique que plusieurs revendiquent déjà, je crois que nous aurions avantage à écarter autant que possible les simples « politiciens » – notamment ceux qui sont allés à l’école du PQ des années Bouchard à aujourd’hui –, pour donner toute la place à des femmes et des hommes d’État sensibles à la cause citoyenne.
2) En amont de l’enclenchement d’une pareille démarche, il faut impérativement trouver le moyen de mieux contrôler l’image et le discours projetés, peut-être en nous dotant de nouveaux moyens de communication, qui sauront rivaliser avec ceux dont disposent nos adversaires. On n’en sort pas.
3) Un programme audacieux comprenant, outre les rapatriements de pouvoirs envisagés, toute une série de réformes intéressantes, qui devront être effectuées parallèlement au processus de souveraineté : on peut songer à une réforme du mode de scrutin, toute la question des gaz de schiste et autres ressources naturelles, le rapatriement et la réforme de l’assurance-emploi, une citoyenneté québécoise, la création d’une télévision nationale, etc.
4) Tout le discours doit être axé sur la reprise de possession de l’État. Il faut faire le procès de Charest et de son régime. Ce n’est pas si difficile. Un slogan possible, à répéter sans relâche : « Pleinement maîtres chez nous ».
5) Nos adversaires diront : « Vous cherchez la crise et l’affrontement ; vous êtes radicaux, etc. » Nous répondrons : « Non, nous voulons être pleinement maîtres chez nous et réaliser notre unité nationale. La crise est due à l’annexion illégitime de notre pays depuis 1840. Il est temps de faire la paix avec le passé et mettre fin une fois pour toutes aux vieilles querelles. Nous sommes entièrement pacifiques. »
POURQUOI
Pourquoi une telle démarche, plutôt qu’un référendum ou une déclaration unilatérale d’indépendance à la suite d’une élection décisionnelle ?
Faire dépendre toute notre stratégie de l’issue d’un référendum, dans un contexte où Ottawa est en position de force, cela constitue un problème immense. Il ne faut en aucun cas nous mettre dans une position de vulnérabilité politique.
Quant à l’élection décisionnelle menant à une déclaration d’indépendance, d’une part elle rompt avec la continuité politique, et d’autre part elle ne nous assure en rien que nous serons prêts en cas de victoire. Elle souffre d’une carence de légitimité et s’avère peu adaptée au contexte politique actuel. Les Québécois ont horreur des gestes définitifs, radicaux. Remarquez que je préfère tout de même cette démarche à celle du référendum.
La stratégie que je propose reprend l’idée du référendum sur la souveraineté, tout en reprenant également des éléments du concept d’élection décisionnelle et de la position traditionnellement autonomiste du gouvernement du Québec. Elle met de côté l’obsession du « grand soir » tout en ne l’écartant pas totalement, pour ceux qui y rêvent toujours. Elle demeure relativement « étapiste » ; mais cet étapisme est un étapisme éclair. Bref, ce plan s’articule autant que possible dans le respect de la continuité politique, comme le révèle très clairement l’idée de baser l’essentiel de notre action fondatrice sur une loi déjà en vigueur : la loi 99.
Même le concept d’assemblée constituante, promu par Québec solidaire, apparaît dans la démarche. Cela dit, l’assemblée constituante, consistant à déterminer démocratiquement le contenu de la constitution permanente, se tiendrait après l’indépendance ; jusque-là, c’est la loi constitutionnelle provisoire qui prévaudrait. À remarquer que cet aspect pourra être écarté ou conservé, selon l’intérêt des solidaires dans ce projet.
Ensuite, ce plan n’est pas si éloigné en principe de la gouvernance souverainiste du Parti québécois, mais il en constitue une sérieuse modulation, parce qu’il traduit dans un seul acte fondateur notre volonté irréductible de nous autodéterminer. Nous ne nous reconnaissons officiellement plus comme une simple province canadienne. Nous nous définissons en tant qu’État-nation à part entière. Et ce statut d’État-nation que nous nous reconnaissons prime désormais le statut que nous confère la constitution canadienne. Nous rompons clairement avec l’ordre fédéral, alors que la gouvernance souverainiste entend respecter le cadre constitutionnel canadien, pourtant illégitime. – Cela, il faut le réitérer. Enfin, la relative proximité stratégique entre la gouvernance souverainiste et la méthode d’accession proposée donne une chance au mouvement souverainiste de se sortir de l’impasse actuelle, en permettant de corriger le tir sans trop perdre la face, et peut-être même de ramener au bercail certaines brebis égarées. Par contre, comme je l’expose ci-après dans la rubrique « Pourquoi une nouvelle alliance nationale », je doute que le Parti québécois soit encore le véhicule adéquat pour nous mener à l’indépendance.
L’intérêt de l’adoption d’une loi constitutionnelle provisoire visant à déclarer immédiatement notre souveraineté interne au sein de la Confédération canadienne est par ailleurs fondé en ce que cela nous force à enclencher le processus dès le lendemain de l’élection, – alors qu’on ne sait trop si madame Marois, accédant au pouvoir, serait réellement en mesure d’agir en souverainiste, malgré sa bonne foi. Contrairement à la stratégie péquiste actuelle, il n’y a donc pas de chèque en blanc, puisque le gouvernement serait élu sur la base de cette promesse très claire et précise : « Dès le jour 1 de ce nouveau régime, les Québécois seront maîtres chez eux. » Ça simplifie bien des choses, et ça fait rêver.
Une autre différence majeure avec la gouvernance souverainiste de madame Marois réside en ce que l’élection d’un parti proposant une telle démarche signifierait assurément un point de non-retour vers l’indépendance du Québec ou à tout le moins vers une quasi-souveraineté. Par ailleurs, cela serait à mon avis susceptible de rassembler à peu près toutes les factions indépendantistes, molles comme dures, et d’axer notre militance sur l’indépendance, plutôt que de perdre nos énergies et notre moral à nous battre pour un programme de gouvernance d’une province. Cela remédierait donc à l’impasse actuelle.
Bien sûr, les fédéralistes purs et durs resteront fidèles à eux-mêmes. Bien sûr, ils voteront NON au référendum… Mais qu’importe, puisque l’État-nation du Québec sera si fort qu’il continuera sa marche vers la pleine maîtrise de ses moyens… Plusieurs bouderont sans doute dans leur coin, mais cela ne changera rien au programme que nous nous donnerons en tant que nation.
Notons que, parce qu’elle tire avantage du bon vieux mode de scrutin uninominal à un tour de type britannique, toujours en vigueur, la démarche projetée permet notamment de contourner à la fois le problème démographique qui se pose à nous, les stratégies fédérales d’implantation d’immigrants canadianisés au Québec et le droit de véto de la minorité anglaise sur l’ensemble de notre démarche de libération nationale. En cela, cette stratégie se révèle clairement supérieure à n’importe quelle démarche simplement référendiste.
POURQUOI UNE NOUVELLE ALLIANCE NATIONALE (intégrant ou excluant le PQ) ?
Évidemment, quand je parle de créer un nouveau mouvement, je ne fais pas seulement référence au Nouveau Mouvement pour le Québec (NMQ), mais à une nouvelle force indépendantiste coalisée, bien préparée, crédible et prête à prendre le pouvoir.
Je n’aime pas frapper sur le Parti québécois. Je n’ai jamais été membre de cette organisation, même si je l’ai souvent appuyée. J’avoue trouver généralement contre-productives toutes ces attaques dirigées contre le PQ et ses acteurs. Remarquez qu’il m’est, moi aussi, arrivé d’exprimer mon ras-le-bol à l’occasion. Cela dit, soyons réalistes : on n’a pas vraiment le choix de parler du PQ pour motiver un renouveau. Après tout, on ne saurait faire d’omelettes sans casser des œufs.
Les indépendantistes sont de plus en plus nombreux à associer la marque de commerce « PQ » à une vision dépassée et peu satisfaisante du combat politique. À l’heure du retour de la lutte citoyenne, le « souverainisme » à la sauce péquiste peine à canaliser le besoin de changement exprimé dans la population. En cela, le PQ n’est pas suffisamment « républicain » dans son discours, comme dirait le professeur Marc Chevrier. La rhétorique mise de l’avant n’est pas non plus proprement indépendantiste : elle s’inscrit davantage dans une démarche technocratique, ou alors purement symbolique ; et on essaie de convaincre la masse des vertus de la souveraineté par le moyen d’arguments du type « avantages d’un OUI, désavantages d’un NON » (voir les ABCD de la souveraineté). Toute critique du régime illégitime d’Ottawa in se ou du néocolonialisme canadien, pourtant aux fondements de la pensée indépendantiste, est systématiquement écartée.
Il faudrait un miracle pour que le PQ se débarrasse de ses habitudes de vieux garçon : partisanerie aveugle, électoralisme, clientélisme, marketing politique, etc. En effet, transformer les réflexes et comportements de politiciens tels que Pauline Marois, qui s’est investie à temps plein dans l’arène politique depuis plus de 30 ans, relève de l’utopie. À l’origine parti-projet, le parti de Lévesque a évolué d’une manière telle qu’il s’est rapidement empêtré dans une culture de la « gouvernance » (peu importe qu’elle soit qualifiée de « souverainiste ») et de « parti ordinaire », lors même que son objectif et sa raison d’être, sinon métapolitiques, se révèlent du moins foncièrement extraordinaires. Jadis pourfendeur du régime fédéral canadien et de l’anglicisation du Québec, il est devenu le simple adversaire électoral de Jean Charest. Le combat contre le système n’est plus un élément du discours : seul demeure le combat dans le système. Et on mobilise la question nationale comme un slogan de vente parmi d’autres : « environnement », « jeunes », etc. L’objectif de l’indépendance politique est toujours là, mais il est sous-entendu, en filigrane. Loin de rassembler les Québécois autour d’un projet de société courageux, cette tactique chèvrechoutiste, axée sur le court terme et l’image médiatique (que le PQ demeure incapable de contrôler adéquatement), rend perplexe et, au final, ne rassemble ni ne stimule personne.
Un nouveau mouvement, n’ayant pas à porter sur ses épaules le fardeau d’un tel passé, d’une telle culture politique, sera en meilleure posture pour changer les choses, et faire l’union de tous les indépendantistes, fut-ce par le moyen d’une coalition transpartisane ou l’avalement des partis souverainistes existants. À cet égard, rien n’est impossible : il n’y a qu’à observer l’évolution historique de l’Alliance canadienne depuis la dissolution du vieux Parti réformiste et du vieux Parti progressiste-conservateur, jusqu’à l’accession au pouvoir en 2006 de Stephen Harper et de son Parti conservateur, en passant par l’avalement du nouveau Parti progressiste-conservateur de Peter McKay en 2003…
Évidemment, ce n’est là qu’une esquisse…