Voici un rapide survol de citations, de situations, d’événements et d’étapes qui ont marqué et influencé les relations entre les Autochtones et les Québécois depuis près de 500 ans.
1534 à 1536 – Au moins par trois fois, Jacques Cartier fera ériger une croix à la gloire du roi de France, François 1er, pour signifier la prise de possession par ce dernier des territoires explorés du Saint-Laurent. En vertu du concept juridique européen de terra nullius (terre sans maître), c’est la façon de faire de cette époque où les monarques tout-puissants du vieux continent s’approprient les territoires du Nouveau Monde qu’ils déclarent « n’appartenir à aucun autre prince chrétien ».
Le plus célèbre de ces événements se produit le 24 juillet 1534 à la Pointe-de-Penouille près de Honguedo (Gaspé), sous l’œil inquisiteur de 200 Iroquoiens (Autochtones de langue iroquoienne ; ne pas confondre avec les Iroquois) et de leur chef Donnacona venus de Stadaconé (Québec). Ceux que les anthropologues appellent de nos jours les Iroquoiens du Saint-Laurent ont coutume en été de venir pêcher le maquereau sur la péninsule gaspésienne. Méfiants, ils désapprouvent la croix que fait ériger Cartier. Celui-ci doit les rassurer en leur racontant qu’elle ne sert que de repère pour ses navires.
1603 – Plus de 60 années se sont écoulées depuis le dernier voyage de Cartier et il n’y a plus d’Autochtones habitant les rives du Saint-Laurent que Samuel Champlain de Brouage remontera jusqu’à Hochelaga (Montréal). Les Iroquoiens sont disparus de la vallée du Saint-Laurent. Entretemps, toutes les tentatives de colonisation par la France ont échoué.
Quoi qu’il en soit, l’impulsion donnée à la grande aventure qui s’amorce entre Français et « Sauvages de Canadas » est inédite par ses objectifs nouveaux et clairement exprimés. Le roi Henri IV lui-même, dans une lettre du 8 janvier 1603 qu’il adresse à Pierre Dugua de Mons, détermine le mandat qu’aura auprès des Sauvages (« qui habitent la forêt » de l’italien selvaggio, lui-même inspiré du latin silva, qui signifie « la forêt ») une nouvelle expédition qui partira au printemps :
[…] traiter et contracter a meme effet, paix alliance, confederation, et bonne amitié, correspondance et Communication avec lesd Peuples et leurs Princes ou autres aiant pouvoir et Commandement sur Eux, entretenir et garder et soigneusement observer les Traités et alliances dont vous conviendrés avec Eux, pourvus qu’ils y satisfass de leur part.
C’est dans cet esprit que survient le premier traité de l’histoire de la Nouvelle-France. En fin mai et en début juin de cette année-là, et tel que rapportée par Champlain dans son ouvrage intitulé Des Sauvages, se produit aux environs du poste de traite de Tadoussac (fondé en ١٦٠٠) la première alliance formelle et documentée entre la France et les Premières Nations de la Nord Amérique, sous l’autorité, entre autres, d’Anadabijou et de Tessouat, grands chefs des nations montagnaise (aujourd’hui innue) et algonquine (aujourd’hui anichinabée). C’est le traité de la Grande Alliance avec la Coalition laurentienne. À cette occasion, Anadabijou « dict qu’il estoit fort aise que saditte Maiesté [Henri IV] peuplast leur terre ; & fist la guerre à leurs ennemis ; qu’il n’y avoit nation au monde à qui ils voulussent plus de bien qu’aux François (Giguère 1973) ».
Les Français sont accueillis comme alliés et sont invités à peupler les terres du Saint-Laurent. De tous les Européens qui auront abordé les Amériques, les Français au Québec sont les seuls à y avoir été invités et à ne pas s’être comportés en envahisseurs.
D’ailleurs, « Les Alliances avec les peuples autochtones et leur maintien s’inscrivent, à partir de l’Alliance de 1603, dans la politique de la France qui, en s’alliant avec les peuples autochtones, reconnaît leurs droits de peuples souverains sur leurs terres (Girard 2012). »
1627 – L’article 17 de la charte royale de la Compagnie des Cent-Associés qui administrera la colonie de 1628 à 1645 stipule que le « Sauvage » baptisé devient « naturel français » (Trudel 2009).
1632 – Le récollet Gabriel Sagard mentionne que les Français « deviennent Sauvages pour si peu qu’ils vivent avec les Sauvages ». Quelques années plus tard l’ursuline Marie de l’Incarnation écrira qu’« un Français devient plutôt sauvage qu’un Sauvage ne devient français ».
1642 – Le 17 mai, les Montréalistes fondent Ville-Marie sur l’île de Montréal. Les Montréalistes sont des mystiques et leur but premier est essentiellement d’évangéliser les Amérindiens. « […] leur dessein est de leur faire bâtir des maisons pour les loger, et défricher de la terre pour les nourrir, et d’établir des Séminaires pour les instruire et un Hôtel-Dieu pour secourir leurs malades […] ». L’île de Montréal est inhabitée ; elle est déserte. En août, les Montréalistes invitent un groupe d’Algonquins de l’île aux Allumettes (sur la rivière des Outaouais) qui passe par là, à s’installer auprès d’eux. Ces Algonquins prétendent avoir déjà vécu dans l’île, mais refusent pour l’instant l’invitation.
Les Agniers (de KANIÉnkéhakas ou Mohawks en langue abénaquise, qui signifie « mangeurs d’hommes ») ne découvriront l’existence de Ville-Marie qu’un an plus tard, en avril 1643 (Desrosiers 1998). Comme à leur habitude, les Mohawks sont alors en expédition guerrière, éloignés d’une semaine de canotage au minimum de leur territoire ancestral (Sioui ١٩٩٩).
Montréal N’EST PAS un territoire mohawk non cédé.
Et en vertu du traité de la Grande Alliance, les Français ont été invités à peupler les terres du Saint-Laurent. Nos ancêtres sont ainsi les premiers à avoir habité en permanence et de façon ininterrompue l’île de Montréal, et ce, depuis 379 ans.
1650 – La Huronie n’existe plus. Les Ouendats (Hurons) qui occupaient le sud de la baie Georgienne attenante au lac Huron ont été massacrés ou dispersés par les Iroquois. C’est à l’occasion de la première guerre franco-iroquoise (1647-1653) que se produisit « une série de violences génocidaires (Wikipédia 2021) » perpétrées par les Iroquois munis d’armes à feu, contre les Ouendats christianisés alliés des Français, mais démunis de ces armes. Une première attaque en Huronie en juillet 1648 avait détruit complètement la mission de Saint-Joseph composée de 400 familles. Puis, le coup de grâce fut donné en mars 1649 : les autres missions sont détruites et la majorité des Ouendats sont massacrés ou mourront victimes de la famine. En juillet 1650, quelques centaines de rescapés trouvent refuge dans la région de Québec. Les Ouendats habitent de nos jours la réserve de Wendake, un quartier de la ville (Lacoursière 1995).
1665 – La Nouvelle-France est maintenant administrée comme une province du royaume de France. Louis XIV, dans ses directives à Rémy de Courcelles qui prend ses fonctions comme gouverneur, ordonne :
Que les officiers, soldats et tous les autres sujets traitent les Indiens avec douceur, justice et équité, sans leur faire jamais aucun tort ni violence ; qu’on n’usurpe point les terres sur lesquelles ils sont habitués sous prétexte qu’elles sont meilleures ou plus convenables aux Français.
Que les Autochtones puissent devenir des citoyens français de plein droit est aussi une « politique qu’exprime le ministre Colbert quand il veut que Français et Amérindiens ne fassent “qu’un même peuple et un même sang”. La France a été la seule nation d’Europe à accorder aux Amérindiens ce traitement privilégié (Trudel 2009). » Cette volonté fut exprimée dans une lettre que le ministre Colbert faisait parvenir à l’intendant Jean Talon. Il prévoira même une dot, appelée « présent du roi », pour les Amérindiennes converties qui acceptent d’épouser un « Français ».
1676 à 1680 – En Nouvelle-Angleterre, les Autochtones sont exaspérés par la colonisation massive et l’accaparement des terres par les Anglais. Les Abénakis, les Micmacs, les Etchemins et tous les Algonquiens sont rapidement en guerre ouverte contre ceux qui, sans relâche, ne cessent leurs agressions. Le XVIIe siècle en Nouvelle-Angleterre est ainsi le théâtre de nombreux massacres chez les Pequots, les Wampanoags, les Mohicans et les Narragansetts, afin d’occuper les territoires côtiers.
Les Abénakis qui occupaient depuis toujours un vaste espace allant de Boston jusqu’au sud du Québec actuel sont les ennemis héréditaires des Mohawks alliés des Anglais. Ils sont de redoutables guerriers, mais devant les attaques incessantes ils doivent quitter leurs terres ancestrales. Ils se réfugieront auprès de leurs alliés français, d’abord dans la région de Québec, puis sur la rive sud en face de Trois-Rivières où leurs descendants occupent de nos jours les réserves d’Odanak et de Wôlinak. Ils sont, avec les Innus et les Ouendats, les seuls Autochtones à avoir majoritairement conservé la langue française comme langue seconde.
1682 – Les Népissingues, qui sont aujourd’hui intégrés dans ce que l’on appelle plus généralement les Anichinabés, habitaient les environs de l’actuel lac Nipissing en Ontario, pas très loin des Ouendats avec lesquels ils entretenaient d’excellentes relations.
En guerre depuis des décennies contre les Iroquois et subissant de ces derniers des incursions de plus en plus nombreuses et mortelles, ils finiront par s’installer dans la région de Montréal au début de l’automne 1682, sous la protection des autorités coloniales françaises. Enfin, depuis 1853, ils sont établis sur la réserve de Maniwaki dans l’Outaouais, qui porte le nom de Kitigan Zibi (Viau 2015).
1699 – Dans une lettre datée du 21 janvier, le secrétaire d’État de la Marine sous Louis XIV, Maurepas, échange avec le commissaire général des fortifications, Vauban, qui approuvera bientôt le plan des fortifications de Québec :
On ne doit pas regarder les Canadiens [Québécois] sur le même pied que nous regardons ici les Français, c’est tout un autre esprit, d’autres manières, d’autres sentiments, un amour de la liberté et de l’indépendance, et une férocité insurmontable contractée par la fréquentation continuelle qu’ils ont avec les Sauvages.
1701 – Venant de partout en Nouvelle-France, 1300 Amérindiens, représentant 34 nations alliées de la France et les Cinq-Nations de l’Iroquoisie, se rendent à Montréal pour ratifier, sous les auspices du Sieur de Callière, le traité de la Grande Paix de Montréal. Cet important traité met fin aux guerres du XVIIe siècle entre la France et ses alliés d’une part et la Confédération iroquoise d’autre part.
Au niveau diplomatique, la paix de Montréal apparaît comme un fait unique dans toute l’histoire de l’Amérique. Détail étonnant, celui-ci [le traité] est toujours valide et reconnu comme tel par les communautés amérindiennes et les tribunaux (Wikipédia 2021).
1660 à 1760 – « Sans leur absence de préjugés envers les Indiens, les Français n’auraient jamais pu contrôler pendant plus d’un siècle un territoire allant du Canada au golfe du Mexique. Les Espagnols écrasèrent les Indiens, les Anglais les surveillèrent et les négligèrent, tandis que les Français leur ouvrirent les bras (Balesi 1992). »
1760 – Le point de bascule que constitue la guerre de Sept Ans en Amérique est désigné par les Anglo-Saxons comme étant la French and Indian War, c’est-à-dire la guerre franco-indienne. Cette appellation n’a rien d’anodin. Aux yeux des Anglo-Saxons, les sorts des Autochtones et des « Français » étaient intimement liés. L’historien torontois William John Eccles écrivait d’ailleurs comment les Amérindiens furent condamnés quand les Français capitulèrent à Montréal en 1760 :
The military conquest of Canada, Great Britain’s subsequent decision to retain that vaguely defined territory, and the French desire to be rid of it, led directly to the destruction of the first British Empire and of the North American Indian nations (Eccles 1998).
Notre traduction :
La conquête militaire du Canada, la décision subséquente de la Grande-Bretagne de conserver ce territoire vaguement défini et le désir des Français d’en être débarrassés menèrent directement à la destruction du premier empire britannique [la perte des États-Unis] et des nations indiennes nord-américaines.
1763 – En raison de la crainte de l’abandon par la France, de nombreuses nations amérindiennes non touchées par la dévastation dans la vallée du Saint-Laurent lui témoignent leur loyauté… mais il est trop tard.
Dès que la nouvelle du traité de Paris fut connue, il se répandit dans les tribus un violent sentiment anti-anglais. Les témoignages de loyauté affluaient au fort de Chartres [Pays des Illinois] où commandait le colonel Neyon de Villiers. De puissants chefs accoururent en personne. D’abord celui des Illinois, dont l’apostrophe à Neyon de Villiers est parvenue jusqu’à nous : « Prends courage, mon Père, n’abandonne pas tes enfants. Les Anglais ne pénétreront jamais ici tant qu’il y aura un homme rouge vivant ! » Et Pontiac, chef des Outaouais : « Je viens, mon Père, pour t’inviter, toi et tes alliés, à venir avec moi faire la guerre aux Anglais ! » Et le chef des Biloxis : « Nous mourrons avec les Français s’ils se battent, ou nous passerons sur l’autre rive du fleuve. » Les Kaskaskias, les Péorias, les Cahokias, les Missouris, les Osages avaient déterré la hache de guerre, alors que la guerre était finie, « contre ces chiens vêtus de rouge qui nous volent nos terrains de chasse ». Une rumeur courait les tribus : « Notre Père, le Grand Onnontio [Grande Montagne en langue iroquoienne, qui est le nom que les Amérindiens donneront à tous les gouverneurs français depuis le premier, Montmagny, nom qui tire lui-même son origine du latin mons magnus signifiant grande montagne] de France, vieux et infirme, s’était endormi, fatigué de faire la guerre. Mais ce sommeil tire à sa fin. Il a entendu l’appel de ses enfants, et quand il va se réveiller, il détruira tous les Anglais (Raspail 2005) ».
À l’appel du chef outaouais Pondiac (Obwandiyag, Pontiac en anglais), 300 Québécois de cette région, sous les ordres de Zacharie Chicot, participèrent au siège de Fort Detroit.
1765 – « C’est l’année où les derniers détachements des compagnies franches de la Marine ont évacué la région [l’est du Mississippi], comme le traité de Paris l’imposait […] Puis est arrivé George Washington, commandant des milices de Virginie et de l’Ohio au nom du roi George III, avec ordre de rendre la vie difficile aux colons français les plus déterminés, surtout s’ils s’entouraient de sauvages, ce qui n’était plus tolérable (Raspail 2005). »
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Commencent dès lors la ségrégation des Premières Nations par l’occupant britannique de même que le racisme à l’encontre de nos ancêtres métissés que l’on affuble de quolibets : Ethnic trash (déchet racial), French bastard (bâtard français), Squaw-Men (hommes à squaw), etc. (Morisset 2018) Traités en parias et craignant qu’il ne s’en rajoute à la discrimination qu’ils subissent déjà de la part des Britanniques en raison de leurs origines françaises, plusieurs de ces ancêtres métissés s’éloignent malheureusement de leurs frères amérindiens et finiront par complètement occulter leurs racines autochtones.
Les Britanniques et leurs héritiers sont passés maîtres dans l’art d’antagoniser les peuples : diviser pour régner…
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1809 – « Le général américain William Henry Harrison [qui sera le 9e président des États-Unis] évoque ainsi la nostalgie indienne de l’époque française : “Le bonheur dont ils jouissaient grâce à leur relation avec les Français est leur thème perpétuel c’est leur âge d’or. Ceux qui sont assez âgés pour s’en rappeler en parlent avec extase.” (Havard 2012) »
1838 – En quête de liberté républicaine, les Patriotes québécois résistent à la corruption coloniale. Le 28 février 1838, le gouvernement provisoire de la République du Bas-Canada proclame pour la première fois l’indépendance du Québec en présence de 600 Patriotes en armes.
Aux côtés, entre autres, de la séparation de l’Église et de l’État, de la liberté de presse, du suffrage universel et du scrutin secret, l’article 3 de la déclaration d’indépendance décrète :
Que sous le Gouvernement libre du Bas-Canada, tous les citoyens auront les mêmes droits : les Sauvages cesseront d’être sujets à aucune disqualification civile quelconque, et jouiront des mêmes droits que les autres citoyens de l’État du Bas-Canada.
Pour des Québécois dont on dit qu’ils bafouent depuis toujours les droits des Autochtones, n’est-il pas surprenant que leurs ancêtres patriotes aient pris la peine d’inscrire ces droits en faveur des « Sauvages » dans leur déclaration d’indépendance ?
Voilà que la présence de cet article 3 nous permet de jauger l’état des sentiments de nos ancêtres envers les Autochtones après près de 80 ans d’occupation britannique. Pour les Patriotes, les Amérindiens sont des citoyens de plein droit. Ils les veulent partie prenante à leur projet de liberté. Cette bonne disposition à leur égard est la preuve de la pérennité des valeurs d’estime et d’égalité partagées depuis une autre époque. Elle est surtout l’expression de leur volonté de revenir à l’exercice de ces valeurs communes, une fois libérés du joug britannique, après toutes ces années de mainmise et de mépris pour eux et pour leurs concitoyens autochtones.
1851 – Sous la férule de l’Act of Union qui gouvernera le Bas-Canada (le Québec) de 1841 à 1867, on décide de sédentariser les Autochtones pour favoriser l’industrie forestière et la colonisation. À partir de ١٨٥٣ on établira ainsi les premières réserves indiennes au Québec, telles qu’on les connaît aujourd’hui.
1876 – Avec la création de la Dominion of Canada (Puissance du Canada) en 1867, les CanadiAns prennent la relève de la couronne britannique et se dotent de l’Indian Act (Loi sur les Indiens) qui leur donne l’autorité exclusive de légiférer sur les Autochtones et sur les terres qui leur sont réservées. C’est de cette Indian Act raciste que s’inspirera le gouvernement sud-africain en 1940 pour créer l’apartheid (Nadeau 2013).
1869 à 1885 – Les Métis et Louis Riel prennent la défense des Autochtones lors des rébellions de la rivière Rouge et du Nord-Ouest, et répliquent à ce qui a toutes les allures de volontés génocidaires. Voici comment Riel se définit : « Connaissez-moi : je peuple les bords du Saint-Laurent et de la rivière Rouge, presque tout mon sang vient de la France […] et j’ai du sang sauvage. » Au sujet de ses compatriotes québécois, il ajoute : « Ces généreux Canadiens français, nos pères et nos frères qui sont pour ainsi dire l’ami et la force de la Nation métisse et qui parmi les Métis paraissent en vérité plus Métis que les Métis eux-mêmes.
Le Québec tout entier se révoltera du sort que la Dominion of Canada (Puissance du Canada) naissante fait aux Autochtones, aux « Français » de l’Ouest et à Riel. John A. Macdonald répondra : « Tous les chiens du Québec auront beau japper en sa faveur, il sera pendu ! » Il sera effectivement exécuté pour trahison, avec huit compatriotes amérindiens.
Cent ans plus tard, en 1992, Louis Riel sera reconnu par le Canada comme le père du Manitoba. C’est la règle ! On assassine… puis on s’excuse. C’est simple !
1975 et 1978 – Dans la foulée de la Révolution tranquille le Québec sort de sa torpeur ; il se remet enfin, après plus d’un siècle, de la terrible répression des Patriotes, de la grande saignée qui aura vu 900 000 Québécois s’exiler vers la Nouvelle-Angleterre et de l’éviction des Métis et des francophones de l’Ouest.
À coup de centaines de millions de dollars, le Québec conclut des ententes avec certaines Premières Nations. Ce seront la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois.
1977 – Le gouvernement du Parti québécois adopte la Charte de la langue française (loi 101) qui est destinée à protéger et à favoriser la langue de la majorité. Le préambule de la charte fait toutefois une exception et prend la peine de promouvoir la sauvegarde des langues et des cultures des Amérindiens et des Inuits.
1952 à 1980 – Il y aura eu quatre pensionnats autochtones francophones au Québec qui durent en moyenne une quinzaine d’années chacun. Il y aura eu 131 pensionnats autochtones anglophones dans les Canadas de 1831 à 1996, soit sur 165 ans. Ce sont plus de 3125 enfants qui sont morts dans les pensionnats canadiens, dont 38 enfants qui sont décédés dans les dix pensionnats (anglophones et francophones) du Québec. UN SEUL décès aurait été un décès de TROP. Mais 38 décès au Québec ne sont pas 3087 décès.
La Sixties Scoop (la rafle des années 60), ce commerce des enfants autochtones organisé par le gouvernement canadiAn n’aura en pratique pas eu lieu non plus au Québec.
1985 – Suite au rapatriement unilatéral de la Constitution par le Canada en 1982 et au refus du Québec d’y adhérer, le gouvernement québécois décide dans un premier temps de ne plus participer aux conférences fédérales-provinciales. Il se ravise par la suite et accepte d’assister à ces conférences à compter de mars 1983, mais uniquement pour céder sa place et la parole aux Autochtones.
Le 20 mars 1985, l’Assemblée nationale du Québec vote la résolution sur la reconnaissance des nations autochtones. Le Québec, sous le gouvernement du Parti québécois de René Lévesque, est le premier État au Canada et un des premiers en Occident à reconnaître les communautés autochtones en tant que nations à part entière.
2002 – Le Québec travaille depuis de nombreuses années à retisser les liens d’antan ; mais cela ne se fait pas dans la facilité, étant donné qu’en vertu de la loi canadienne les Autochtones sont sous la tutelle et la mainmise d’Ottawa. La Paix des Braves est quand même signée entre les Cris et le gouvernement du Québec le 7 février 2002. Ce traité entre un État et une nation autochtone est historique et constitue dans les faits une première mondiale. Le gouvernement du Parti québécois engage le Québec, d’une part à dorénavant faire en sorte que les Cris soient associés dans la mise en valeur du Nord québécois, et d’autre part à verser à ces Cris 3,6 milliards de dollars sur 50 ans. L’avocat cri Roméo Saganash était un des négociateurs de la Paix des braves :
Le gouvernement du Québec a su faire fi des conflits du passé […] Le Canada ne peut pas se targuer d’avoir conclu la Paix des Braves, même s’il s’en approprie tout le mérite dans les forums internationaux. Nous savons d’ailleurs […] que la présence du gouvernement du Canada lors de la négociation de la Paix des Braves n’aurait fait que condamner tout le processus à l’échec ; c’est pourquoi la négociation s’est faite dans la confidentialité la plus stricte (Walter 2016).
1980 à 2012 – Selon un rapport de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), en 32 ans, 1181 femmes autochtones au Canada auraient été assassinées ou seraient disparues. Certaines sources font même état de 1200 à 3000 femmes autochtones victimes… dont 46 au Québec. UNE SEULE femme autochtone victime est une victime de TROP. Mais 46 femmes victimes au Québec ne sont pas 1135 victimes.
2013 – Des travaux à partir d’archives généalogiques et d’ADN mitochondrial (transmis de mère en fille) et une étude publiée dans la revue scientifique PLoS ONE établissent qu’environ les deux tiers des Québécois de souche possèdent des gènes autochtones, soit entre 53 % et 78 % de ces Québécois selon les régions. Bien que les gènes autochtones ne constituent que 1 % de leur génome, l’étude conclut que ce pourcentage est hautement significatif : « One percent native ancestry can be understood as if everybody shared a Native American ancestor 6-7 generations ago ». « Une ascendance autochtone de un pour cent doit être considérée comme voulant dire que tous partageaient un ancêtre amérindien il y a 6-7 générations (Moreau 2013) ». En pratique, cela signifie que TOUTES les personnes d’ascendance française partageaient au moins un ancêtre amérindien au Québec il y a de cela six à sept générations, c’est-à-dire à l’époque des Patriotes.
Les Québécois constituent un des groupes humains les plus métissés en Amérique du Nord. Toutefois, nombre de métissés ignorent tout bonnement qu’ils le sont et se définissent depuis des générations simplement comme Canadiens, puis Québécois.
[…] nous sommes, sur le plan historique, des Blancs fictifs. C’est-à-dire des Sauvages blancs qui ont été couchés sous les mêmes traités que ceux qui prévalent pour les Sauvages rouges (Morisset 2018).
Si le métissage autochtone est inhérent à l’existence même du peuple québécois, le métissage québécois l’est tout autant pour une bonne majorité des Autochtones du Québec. Déjà, peu après la répression des Patriotes, un rapport destiné au gouverneur en chef du Canada-Uni, sir Charles Bagot, et faisant état de la situation des Amérindiens fréquentant sept villages autochtones de la vallée du Saint-Laurent (la Fédération des Sept Feux), attestait que tous les Hurons (Ouendats), 100 % dit le rapport, étaient métis, de même que presque tous les Iroquois du Sault Saint-Louis (deviendra Kahnawake) et au moins les deux tiers des Algonquins, Iroquois et Népissingues inscrits à la Mission du Lac des Deux-Montagnes (Kanesatake). Déjà, il y a 180 ans, le métissage chez les Autochtones était largement répandu. À titre d’exemple de nos jours, mentionnons que les liens hurons du défunt grand chef des Ouendats de Wendake, Magella (Max Oné Onti) Gros-Louis, provenaient uniquement de sa lignée paternelle sur les cinq générations le précédant ; ses mère (Cécile Talbot), grand-mère (Angélina Garneau), arrière-grand-mère (Flore Verret), arrière-arrière-grand-mère (Marie Lensy) et arrière-arrière-arrière-grand-mère (Monique Renaud) étant Québécoises de souche. Selon le sociologue Jacques Noël, Max Gros-Louis, l’image par excellence du grand chef autochtone, n’avait donc que 3 % de sang huron dans ses veines… et 97 % de sang québécois.
2017 – Membre de la nation crie et alors député fédéral de la circonscription d’Abitibi – Baie-James – Nunavik – Eeyou, Roméo Saganash déclare : « Il n’y a jamais eu de pays constitué avec la participation des Autochtones. La souveraineté du Québec pourrait en être l’occasion. »
2019 – Une étude publiée par Upstream Institute en juillet et rédigée par des chercheurs de l’Assemblée des Premières Nations (APN) et du Centre canadien de politiques alternatives révèle que 53 % des enfants autochtones vivant dans des réserves au Canada sont en situation de pauvreté, par rapport à 17,6 % chez la moyenne des enfants canadiens. L’étude révèle par ailleurs que c’est au Québec où ce taux de pauvreté infantile est le plus bas au Canada à 29 %, et même à 15 % chez les Cris de la Jamésie, en dessous de la moyenne de l’ensemble des enfants canadiens.
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Autochtones et Québécois doivent cesser leurs luttes stériles. Ils doivent prendre conscience à nouveau qu’ils mènent de longue date le même combat. Nos luttes respectives contre la folklorisation et l’assimilation sont plus vitales que jamais. Il nous faut ensemble nous élever contre cette servitude multiculturaliste par laquelle le Canada nous aliène et nous inféode. Comme dans notre passé commun, notre destin pourrait bien encore dépendre de la liberté que nous retrouverons ensemble, à défaut de quoi l’Histoire, elle, pourrait bien finir par nous oublier.
Ouvrages et sites consultés
BALESI, Charles John, The Time of the French in the Heart of North America, Chicago, Alliance française, 1992, page 244.
DESROSIERS, Léo-Paul, Iroquoisie 1534-1652, Tome 1, Québec, Les éditions du Septentrion, 1998, pages 165 à 170.
ECCLES, William John, The French in North America, 1500-1783, Markham, Fitzhenry & Whiteside, 1998, page 316.
GIGUÈRE, Georges-Émile, « Des Sauvages ou Voyage du Sieur de Champlain faict en l’an 1603 », dans Oeuvres de Champlain, Volume 1, Montréal, Éditions du Jour, 1973, page 71.
GIRARD, Camil, Jacques Kurtness, « Premier Traité de l’histoire de la Nouvelle-France en Amérique. L’Alliance de 1603 (Tadoussac) et la souveraineté des peuples autochtones du Québec », Université du Québec à Chicoutimi, 2012, page 1. Disponible via Google.
HAVARD, Gilles, L’aventure oubliée de la Nouvelle-France, Les Collections de L’Histoire, no 54, janvier-mars 2012, page 36.
LACOURSIÈRE, Jacques, Histoire populaire du Québec. Des origines à 1791, Tome 1, Sillery, Les éditions du Septentrion, 1995, page 94.
MASSÉ, Marie, René Ricard, Ce que le Canada ne vous dira jamais. Un Québec fier et libre, Montréal, à compte d’auteur chez BouquinBec, 2018.
MOREAU, Claudia, Jean-François Lefebvre, Michèle Jomphe, Claude Bherer, André Ruiz-Linares, Hélène Vézina, Marie-Hélène Roy-Gagnon et Damian Labuda, Native American Admixture in the Quebec Founder Population, PLoS ONE, juin 2013.
MORISSET, Jean, Sur la piste du Canada errant, Montréal, Les Éditions du Boréal, 2018, pages 18, 26 et 41.
NADEAU, Jean-Benoit, « Les horreurs de la Loi sur les Indiens », 2013. http://makwanini.com/?p=83
RASPAIL, Jean, En canot sur les chemins d’eau du roi. Une aventure en Amérique, Paris, Éditions Albin Michel, 2005, pages 296 et 322.
SIOUI, Georges E., Pour une histoire amérindienne de l’Amérique, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1999, page 58.
TRUDEL, Marcel, Deux siècles d’esclavage au Québec, Bibliothèque québécoise, 2009, pages 56 et 60.
VIAU, Roland, Amerindia : Essais d’ethnohistoire autochtone, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2015, pages 149 à 163.
WALTER, Emmanuelle, Le centre du monde : une virée en Eeyou Istchee Baie-James avec Roméo Saganash, Montréal, Lux Éditeur, 2016, page 76.
WIKIPEDIA, « Grande paix de Montréal », 2021. Disponible via Google.
WIKIPEDIA, « Massacre des Hurons », 2021. Disponible via Google.
* Prix André-Laurendeau 2018 pour son article « La péréquation ? Un marché de dupes ! » dans L’Action nationale, Mai 2018