Communication présentée dans le cadre de la Table ronde « Bouchard-Taylor : analyse et critiques » organisée par l’IRQ, le 3 juin 2008.
Pour tous ceux qui avaient été sensibles à la crise des accommodements raisonnables, et qui, très majoritairement, exprimaient le voeu d’un renforcement de l’intégration au Québec, le rapport Bouchard-Taylor sera une grande déception. « Tout ça pour ça ? », serait-on tenté de dire. Une grande déception, parce que l’opinion publique a clairement exprimé une volonté de réaffirmation, dans le modèle québécois, non seulement de la laïcité et de l’égalité républicaines, mais de l’intégration à la culture nationale. Au contraire, dans leur rapport, les commissaires proposent une série de mesures pour « normaliser » le modèle québécois et le rendre conforme aux principes pluralistes régissant le multiculturalisme canadien, pour lequel ils ne cachent pas leur admiration.
Car comme l’illustre l’affaire du kirpan, les accommodements raisonnables qui découlent de l’application de la norme multiculturelle sanctionnée par la Cour suprême mettent en contradiction le modèle québécois d’intégration et de neutralité en matière religieuse[1]. Ainsi, la logique du multiculturalisme canadien est ensuite appliquée dans le détail par nos organismes publics, parapublics et communautaires, lorsqu’ils y échouent, ils se font indiquer le droit chemin par la Commission des droits de la personne, et lorsqu’ils y résistent, en appliquant une logique plus québécoise, ils se font rappeler à l’ordre par la Cour suprême. Ainsi fut-il pour la commission scolaire montréalaise qui avait voulu interdire les couteaux, même sacrés, dans ses écoles. Les Québécois ont exprimé leur désapprobation de cet état de fait.
Or, il est manifeste, à la lecture du rapport, que les Québécois n’ont pas de choix en matière de modèle. Les peuples qui développent une politique d’immigration ont le droit de choisir un modèle d’intégration, un peu comme Ford disait, en matière de Ford T, que le consommateur avait le choix de la couleur du modèle, du moment qu’il optât pour le noir. Le modèle du multiculturalisme, que les Commissaires appellent le pluralisme, est présenté comme une norme morale indépassable qui n’a pas, au surplus, à être justifiée. En effet, la loi sur l’interculturalisme qu’ils proposent ferait de l’interculturalisme une simple application québécoise des principes du modèle multiculturel canadien : « L’interculturalisme, tel que nous l’avons caractérisé […] est la version québécoise de la philosophie pluraliste, tout comme le multiculturalisme en est la version canadienne ». (p. 258[2]).
Mais sur quoi repose ce diktat ? Le pluralisme, nous enseignent-ils, est un « impératif » (p. 116). C’est donc un dogme. Sur ce plan, « le droit », devenu impersonnel et norme absolue, s’est imposé en 1975 et 1982. Peu importe, faut-il subodorer, ce que les différents peuples peuvent en penser. Peu importe la vaste gamme d’interprétations possibles du droit… Les tables de cette nouvelle loi morale, ce sont donc les nouvelles chartes des droits, à cause des clauses à caractère pluraliste que ces deux chartes ont intégrées (inutile de rappeler que le multiculturalisme en matière d’immigration n’était pas au programme du « Bill of Rights » états-unien ou de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789). La charte des droits qui consacre véritablement le multiculturalisme est celle du Canada, de 1982 : elle enchâsse le principe du multiculturalisme lui-même défini dans une loi canadienne. Or cette charte s’impose au Québec sans que le Québec ne l’aie jamais reconnue : est-il besoin de rappeler qu’elle est éminemment contestable sur le plan de la démocratie et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ?
Les Commissaires occultent non seulement le problème de légitimité posé par les textes de 1982, mais aussi le rejet, par les Québécois, du pluralisme que cette constitution impose. Nous ne disons pas rejet de l’immigration, mais bien de la philosophie pluraliste pour l’intégrer au Québec. Or, c’est ainsi que le libéralisme chartiste, dans le moule du multiculturalisme canadien, est intégré comme une norme morale absolue par les Commissaires. Pourtant, il n’est pas écrit dans le ciel que ce soit le seul modèle à adopter en matière d’intégration ! Les Commissaires, dans ce rapport, sacrifient les choix historiques et les volontés démocratiques des Québécois à une mode idéologique internationale, à tout le moins occidentale : celle du postnationalisme, du cosmopolitisme, mode qui conçoit les droits de l’homme comme seule dimension de la démocratie, ce qu’on a appelé, enfin, « droits-de-l’hommisme [3] » et société des identités [4].
Citons-les à cet effet : « le Québec se situe dans une mouvance internationale selon laquelle les sociétés diversifiées doivent renoncer au modèle d’assimilation » (p. 122). Qui a inscrit le Québec dans cette mouvance sinon les intellectuels de la mouvance proche du comité d’experts de la Commission ? Qui a défini cette mouvance internationale ? On ne le saura jamais. Le peuple québécois aurait décidé sans le savoir… Et pourquoi renoncer à l’assimilation de l’immigration, objectif parfaitement légitime ? On ne le saura pas davantage. Mais on le voit, les considérations démocratiques sont bien loin. On leur préfère nettement la technocratie et la procédure judiciaire.
Une déception, oui, mais une surprise ?
La déception est à la hauteur des attentes en cette matière de première importance pour notre avenir national et notre vie démocratique. Comme nous avons pu l’écrire, juste avant la publication du rapport, le peuple québécois a le droit de choisir un modèle d’intégration et de laïcité[5]. En revanche, on ne pourra pas évoquer la surprise. En se référant aux propos de Gérard Bouchard au moment où la Commission allait entamer ses travaux, il n’est guère étonnant de la voir se rallier aux principes du multiculturalisme canadien sous un autre nom.
Retournons en effet consulter l’extrait de présentation des travaux par Gérard Bouchard et Charles Taylor publié dans Le Devoir du 15 août 2007. Qu’on se rappelle aussi son échange avec le journaliste Antoine Robitaille, en guise de réponse aux travaux de Putnam sur le capital social fragmenté par une diversité excessive : Gérard Bouchard renvoyait tout simplement à Will Kymlicka, un des principaux penseurs du multiculturalisme canadien après Pierre Trudeau et… Charles Taylor lui-même.
Bouchard prétendait même à cette époque que « les intellectuels », présentés comme faisant bloc – ce qui n’était déjà pas éloigné de l’argument d’autorité – étaient unanimement favorables au pluralisme, mais avaient oublié de le justifier, d’en expliquer le bien-fondé et que c’était maintenant leur tâche. Bien sûr, on serait bien en mal de trouver cet argumentaire dans le rapport. C’est une affirmation. Car malgré cette absence d’argumentation, le rapport n’en est pas moins un bréviaire du pluralisme : simplement, il présente un plan d’action pour en faire la promotion, sans chercher davantage à en discuter le bien-fondé. Pour qu’il y eût argumentation il faudrait prendre en compte les arguments en faveur d’un autre système et, disons-le, l’esprit général des interventions du public : soit un parti pris en faveur d’une politique d’immigration dynamique et assimilatrice à la fois. Car les autres options sont disqualifiées sans autre forme de procès. Le traitement statistique des interventions est d’ailleurs caricatural. Il n’y a pas une série de points de vue défendant des philosophies distinctes mais légitimes, par exemple, multiculturalisme vs intégration à la manière républicaine – ce qui aurait laissé voir une nette préférence populaire pour la seconde. Non, il y a d’un côté les gentils, en faveur du pluralisme, et de l’autre les mauvais, qui sont en faveur de l’assimilation ou de la fermeture, avec une série de catégories intermédiaires qu’on peut espérer récupérer.
De fait, les autres options en matière d’immigration ne sont jamais examinées de manière sérieuse, elles sont simplement discréditées d’emblée, ce qui était, là encore, exprimé très clairement par Gérard Bouchard au moment où la commission allait entamer ses travaux. Ainsi, dans la présentation orale faite par le Commissaire à l’émission du matin de Radio-Canada animée par Franco Nuovo, la semaine du 15 août. Dans cet entretien déjà, Gérard Bouchard avait nettement pris position contre l’assimilation et en faveur d’un pluralisme qui se serait imposé, selon lui, aux démocraties occidentales depuis les années 1940, dans la foulée des chartes des droits, « de toutes les chartes » comme il aime à le répéter. On peut douter sérieusement qu’il y ait consensus en cette matière en Occident. Plusieurs grandes démocraties comme les États-Unis et la France favorisent toujours le creuset et l’assimilation. Néanmoins, et dès ce moment inaugural, Bouchard récusait le principe de l’assimilation. C’est la perspective qu’on retrouve au fondement même de toute la logique du rapport : l’assimilation est diabolisée.
Diabolisation de l’assimilation
Donc, le rapport Bouchard-Taylor fait ce reproche au modèle québécois existant : celui de l’horrible « assimilation douce » à la culture nationale québécoise… Au lieu de l’intégration à la culture nationale commune, les Commissaires proposent une convergence autour de valeurs universelles, parce qu’« Elle se soustrait aussi à la principale critique à laquelle a été confronté le modèle de la convergence culturelle des années 1980 (une forme d’assimilation douce à la culture canadienne-française) ». (p. 128). Critique formulée par qui ? Admise comme prévalant sur les arguments en faveur de l’assimilation par qui et au nom de quelle vérité supérieure ?
En somme, des reproches ont été adressés au modèle québécois – mais les critiques ne seront pas nommés. En réalité, c’est par une poignée d’intellectuels et d’intervenants très proches du comité d’experts réunis par les Commissaires. Or, ces gens, plutôt que de remettre en question cette orientation dénationalisante, devant l’opprobre général qu’elle suscite, choisissent ici de tracer un plan d’action simplement pour convaincre davantage les Québécois des vertus du pluralisme. Orientation qu’ils ont voulu imprimer au modèle québécois dans les années 1990 au nom de considérations très abstraites, pour ne pas dire superficielles comme une mode intellectuelle.
Les Commissaires présentent le pluralisme comme une mode, pardon une norme internationale – quoiqu’ils ne soient pas à l’abri de la contradiction, recensant aussi par ailleurs, le nombre de pays où un retour à l’assimilation s’est affirmé, lorsqu’il s’agit de contextualiser le « ressac », « dérapage » et « repli identitaire » manifesté par « la crise qui n’en est pas une ». Il faudrait se décider : était-ce un dérapage ou n’était-ce pas une crise ?
De la variété des modèles légitimes en démocratie
Mais de quelle assimilation et de quelle diversité parle-t-on exactement ? Tout est là. Accueillir une diversité ethnique, comme nous le faisons au Québec de manière accrue depuis les années 1960-1970 – depuis que nous avons pris en main, partiellement du moins, notre politique d’immigration – est-ce que cela implique forcément, nécessairement, impérativement d’opter pour la promotion de la diversité culturelle interne à la façon du multiculturalisme ? La diversité ethnique peut en effet être intégrée à la culture nationale commune sans qu’on puisse accuser un peuple qui opte pour ce modèle, de fermeture ethnique ni d’injustice.
Dans ce rapport, le nationalisme d’intégration est réduit à de l’ethnicisme. Alors qu’il est ouvert ! En effet, le modèle classique d’une telle intégration à la culture nationale est le modèle républicain. Dans ce type de régime démocratique, la nation est au fondement de la démocratie par le biais du principe de l’autodétermination des peuples[6]. Cette nation est définie sur la base double d’une unité culturelle et d’une volonté politique et ce, de manière ouverte, puisqu’elle n’est pas fondée sur un droit du sang exclusif – au contraire du modèle allemand, celui qu’on peut proprement qualifier d’ethniciste. Le modèle républicain de nation, ou nation à la française, implique que des immigrés de toutes les origines ethniques peuvent devenir des membres de la nation, à condition d’adhérer aux valeurs de la démocratie républicaine et d’intégrer la culture nationale[7].
Mais les Commissaires font comme si le modèle républicain de nation pouvait être confondu avec le modèle allemand. Il n’y aurait, en effet, que deux possibilités : l’ethnicisme ou le multiculturalisme, dit pluralisme dans le rapport. En cela, on peut dire qu’ils argumentent en faisant exactement la même omission que ne le faisait Pierre Trudeau dans « La nouvelle trahison des clercs » (article publié dans Cité libre en 1962) et plus tard dans sa carrière politique. En regard du modèle libéral anglo-saxon qu’il proposait de rénover à la mode de la gauche culturelle, soit en intégrant le multiculturalisme, Trudeau faisait mine de ne connaître qu’un seul modèle, celui de la nation ethniciste, à l’allemande, auquel la souveraineté québécoise sacrifierait nécessairement. C’était pratique et on comprend pourquoi Trudeau usait de cet artifice rhétorique. Le modèle de la nation culturelle ouverte, le modèle républicain, ramené au modèle allemand, ethnique et fermé, il avait beau jeu de dépeindre le nationalisme québécois sous les pires traits des horreurs de la Seconde Guerre mondiale.
Par contre, il est permis de se demander comment il se fait qu’un souverainiste déclaré comme Gérard Bouchard ait si bien intégré la vision trudeauiste et la norme du multiculturalisme à l’anglo-saxonne[8] ? Le modèle républicain est caricaturé et sert de repoussoir dans ce rapport, exactement comme dans le petit livre de Georges Leroux écrit en défense du cours d’Éthique et de culture religieuse. Citons le rapport : « Qu’a-t-on à envier à ce type de régime gouverné par des oligarchies et que peut-il nous apprendre d’autre que de vouloir à tout prix nous en garder ? » (p. 128).
Comme le rapport Bouchard-Taylor lui-même le reconnaît, au-delà des principes mêmes de tous les modèles, l’intégration dépend aussi fondamentalement de l’intégration économique et sur ce plan, l’immigration au Québec, comme au Canada, est mieux gérée qu’aux États-Unis et en Europe où la sélection des capacités n’est pas la même. Cela est précisé pour mettre en garde contre la réduction de l’analyse des principes du modèle républicain à la crise des banlieues en 2005 – les pays multiculturalistes d’Europe n’échappent par ailleurs pas davantage à ce type de crise [9]. Au contraire, ils sont confrontés à des difficultés plus graves encore, avec les attentats que l’on sait – et une bien plus grande proportion des citoyens de confession musulmane en accord avec le principe des attentats qu’il ne s’en trouve en France (la comparaison a notamment été faite avec la Grande-Bretagne)[10].
Pour en revenir aux principes du modèle d’intégration, nous croyons que ce sont des principes de cet ordre, celui de l’intégration à la culture nationale définie par le modèle républicain, donc de renforcement de l’intégration, que les Québécois appuient et demandent. Nous pensons en effet que c’est cette volonté qui a clairement été exprimée par la crise des accommodements raisonnables. De surcroît, nous pensons qu’elle est non seulement parfaitement légitime, mais très sensée dans la situation qui est la nôtre sur ce continent.
Ce serait, à n’en point douter, un choix démocratique légitime. Un autre choix possible, celui de la « philosophie pluraliste » ou du multiculturalisme, selon les préférences lexicales, est le modèle en vigueur dans la plupart des pays anglo-saxons – Angleterre, Australie et bien sûr, Canada ; il est permis d’inclure les Pays-Bas dans cet ensemble culturel. C’est bien ce genre de modèle que favorisent Bouchard et Taylor depuis toujours et ils n’étaient nullement enclins à accepter d’envisager de le remettre en cause à la lumière de la crise des accommodements raisonnables. Et ce, quand bien même ce multiculturalisme serait de plus en plus remis en question dans plusieurs pays où on renoue, à présent, avec le principe d’assimilation à la culture nationale[11]. Depuis que le Québec a commencé à définir son propre modèle en matière d’intégration de l’immigration, il s’est toujours bien gardé d’opter pour le modèle du multiculturalisme – si bien qu’il avait même forgé un terme pour démarquer son propre modèle de la politique officielle du Canada[12].
Un modèle d’intégration dénaturé et « normalisé » avec le modèle canadien
Or au lieu de renforcer la logique intégratrice du modèle québécois, comme la crise des accommodements raisonnables en exprimait la vive volonté populaire, les Commissaires ont fait de l’interculturalisme québécois un synonyme du multiculturalisme canadien[13]. Ils redéfinissent le modèle québécois au grand complet. Le modèle que les Commissaires défendent est qualifié dans le rapport de « pluralisme intégrateur » (p. 116) et ils expliquent clairement que c’est ainsi qu’ils entendent définir l’interculturalisme, en d’autres mots, le modèle québécois… Le modèle québécois est dénaturé et normalisé en accord avec le modèle canadien.
Car eux-mêmes reconnaissent qu’à la base, ce modèle favorise explicitement l’intégration à la culture nationale : « En 1978, écrivent les Commissaires, le gouvernement introduisait le modèle de la culture de convergence, qui proposait une forme de rapprochement interculturel axé sur la culture francophone comme point de ralliement », citant ensuite cet extrait ministériel de 1978 : « […] le bien commun et l’intérêt même des minorités exigent que ces divers groupes s’intègrent à un ensemble québécois essentiellement francophone [14] » (p. 117). Faut-il rappeler que, avec la Charte de la langue française, le français devenait officiellement la langue commune du Québec, et que cette langue, au Québec, est le véhicule de la culture nationale – à tout le moins dans le sens de la culture seconde telle que définie par Fernand Dumont ? Pourquoi proposer d’affaiblir cette dynamique quand précisément l’opinion réclame son renforcement, inquiétée par les effets délétères de l’application de la logique du multiculturalisme de la loi canadienne au Québec ? Personne n’a fait la démonstration que cette intégration n’allait pas dans le sens du bien commun.
Certes, un article de la Charte québécoise des droits reconnaît explicitement le droit d’exprimer cette diversité et les commissaires en font grand cas dans leur rapport (l’article 43). Pourtant, cet article n’est pas à confondre avec les principes du multiculturalisme canadien, qui font de l’expression de la diversité ethnique dans la culture civique commune un principe cardinal. La Charte canadienne des droits et la politique de multiculturalisme canadien font de la promotion et du développement de la diversité ethnoculturelle une priorité active, qui doit redéfinir les façons de faire au Canada en fonction de ce principe. Rien de tel dans la Charte québécoise des droits, quoi qu’on en dise. L’article de la charte québécoise, en effet, ne constitue ni ne se fonde sur une quelconque politique active de développement de la diversité ethnoculturelle par l’État. On pourrait le comparer à un droit d’association (comme l’article 3 de la même Charte). Il n’empêche en rien l’État de favoriser l’intégration à la culture nationale commune, comme le prévoit la Charte de la langue française, ou comme le prévoit la loi du « contrat moral » entre l’immigré et sa société d’accueil instituée au début des années 1990. Au reste, il se peut qu’il faille trancher entre les principes de la Charte de la langue française et cet article de la Charte des droits et libertés : une constitution québécoise serait l’occasion de le faire et de renforcer le principe d’intégration plutôt que « la philosophie pluraliste ».
Laïcité véritable ou « laïcité ouverte » ?
Cependant, le principe d’intégration de l’immigration n’est pas seul en cause dans la crise des accommodements raisonnables. L’inclination républicaine des Québécois se manifeste aussi en ce qui a trait à la laïcité. Et là encore, les Commissaires rejettent le modèle québécois et français et préconisent un modèle de neutralité religieuse à l’anglo-saxonne, parfaitement en accord avec le multiculturalisme canadien. Pour ne pas prendre de front la tradition québécoise qui s’est développée depuis les années 1960, ils préfèrent parler de « laïcité ouverte » que de multiculturalisme, exactement comme le fait Georges Leroux dans son plaidoyer en faveur du cours d’Éthique et de culture religieuse, cours qui s’attire bien sûr les bravos des Commissaires.
Dans le modèle laïque, républicain, l’État exprime clairement sa neutralité non pas religieuse, mais a-religieuse, à part des religions. Il n’est donc pas question d’assimiler les néo-Québécois à la religion majoritaire (catholique), mais de faire respecter cette forme particulière de neutralité ; la tolérance des religions à l’intérieur de ce cadre. Or cette neutralité n’est pas la même au Canada, dont le modèle, modernisé sous Trudeau, relève de l’ensemble anglo-saxon. Dans ces pays, historiquement inspirés par l’exemple des Pays-Bas, l’État tente d’être aussi favorable à toutes les confessions (favorisant d’ailleurs assez fréquemment des principes ségrégatifs), et non de se définir à part des religions. Voilà à quoi renvoie, entre autres, la question du kirpan, et la dichotomie entre le jugement de la Cour suprême et l’opinion québécoise.
Les Commissaires veulent discréditer cette approche en la nommant simplement « laïcité radicale ». Cela est un trait bien connu de la pensée de Charles Taylor, un des plus éminents penseurs du multiculturalisme canadien. Les Commissaires poussent la chose jusqu’à dire que les choix faits par les Québécois dans le passé ne doivent pas colorer leur rapport à la diversité religieuse aujourd’hui – que leur histoire et leur expérience avec l’Église catholique ne doit en rien orienter leur modèle de neutralité religieuse aujourd’hui. Encore une fois, les choix historiques et démocratiques des Québécois sont écartés par les Commissaires, sans autre forme de procès, au nom d’un diktat, celui du multiculturalisme, qui devrait s’imposer à nous, à les en croire, sur le mode d’un argument d’autorité.
Le rejet de l’identité nationale – et du passé québécois
Le rejet de la culture nationale comme culture de convergence dans le rapport s’accompagne d’une dépréciation de cette culture, et singulièrement du passé québécois. Dépréciation qui ne surprendra pas les lecteurs des travaux de Gérard Bouchard – pensons à La pensée impuissante notamment. On ne sera pas surpris non plus de la référence dédaigneuse à la « vieille thèse des deux peuples fondateurs » : on connaît l’opinion de Bouchard à ce propos et il ne semble pas que l’émoi populaire l’ait le moindrement entraîné à se poser des questions à cet égard[15]. Si cette thèse est fausse, c’est en ce sens que l’égalité n’était pas véritable ou complète, en 1867, entre les deux peuples qui ont fondé les diverses colonies qui se sont réunies dans cette Confédération. Mais du point de vue de la vérité historique, il est indéniable que ce sont la France et le Royaume-Uni qui ont fondé ces colonies. Et dans les faits, les immigrants qui se sont intégrés ensuite aux nouvelles sociétés nées de ces fondations se sont intégrés à l’anglais ou au français, et, avec le temps, par l’intermariage notamment, ont naturellement tendance à s’assimiler complètement à l’une des deux sociétés d’accueil. L’enjeu au Québec est de savoir à laquelle ils le feront ? Affaiblir l’intégration à la culture québécoise ne fera que renforcer l’intégration canadienne – avec également un risque de ghettoïsation aggravée.
Dans la religion bien-pensante pluraliste, la culpabilisation n’est jamais bien loin. Comme de juste, elle n’est pas absente du rapport : en référence au passé québécois, il est en effet fait mention de l’esclavage en Nouvelle-France (p. 192). Ce cliché est remarquable. Notons que cette représentation de l’esclavage, associé avec la Nouvelle-France et uniquement avec la Nouvelle-France, se trouve aussi dans le nouveau cours d’histoire du Québec au secondaire. Depuis que Denyse Beaugrand-Champagne a publié son ouvrage sur Marie-Angélique en 2004, une image est accolée à la Nouvelle-France, celle d’une société esclavagiste[16]. Il faut dire qu’elle l’a propagée avec le concours du réseau Historica. Or, rappelons-le, l’esclavage était marginal en Nouvelle-France et il a existé pendant un plus grand laps de temps sous le régime anglais, on ne peut donc en faire une caractéristique distinctive du régime français de nos origines[17].
Le rejet du passé québécois se manifeste encore dans le passage où les Commissaires se félicitent de la déconstruction des grandes figures du passé québécois, de ce qu’on pourrait appeler les héros nationaux dans un élan de « critique des identités nationales ». Ils prétendent que ce travail de sape a été « bénéfique ». C’est curieux, mais on ne voit pas d’équivalent pour le Canada anglais en matière de déconstruction. Au contraire, beaucoup de gens et d’organismes s’activent en permanence à y édifier de nouvelles statues – y compris Historica bien sûr. Par exemple, cette année, à Louisbourg, où le fédéral célèbre le 250e du siège qui fut fatal à la ville, James Wolfe est présenté comme un « héros national canadien »[18]. Transformer ainsi notre rapport à notre propre passé, soit de la recherche de modèles édifiants à la quête de l’autodépréciation et de la culpabilisation n’a absolument rien de salutaire, surtout pour une petite nation comme la nôtre qui n’est même pas souveraine.
Dans l’ensemble, le rapport manifeste un rejet très cité-libriste du passé québécois, ce qui est contradiction avec un passage aux accents renaniens sur la mémoire, mais en parfaite cohérence avec le trudeauisme. D’ailleurs, un des passages les plus frappants du rapport est celui où les Commissaires mettent de l’avant une nouvelle définition du Québec : le Québec comme société caractérisée fondamentalement par la dualité. Jadis on parlait de dualité canadienne. Voilà que, à l’encontre de la loi 101, on voudrait maintenant parler de dualité québécoise plutôt. C’est d’ailleurs une optique et une expression qui sont reprises dans le nouveau cours d’histoire au secondaire. On pourrait donc difficilement concevoir d’un rapport plus antinational et plus trudeauiste de la part d’une commission nommée par un gouvernement québécois. D’ailleurs, il nous enjoint de nous mettre collectivement à l’anglais, plus encore, au nom de « l’ouverture sur le monde »…
La question de l’intégration et les recommandations possibles
Tout au contraire de la volonté populaire donc, l’intégration à la culture nationale serait affaiblie, si on s’avisait, dans un égarement heureusement peu probable, de suivre les recommandations du rapport Bouchard-Taylor. Cette intégration est même explicitement rejetée et dépréciée. Le rapport Bouchard-Taylor voudrait ériger une nouvelle culture, cosmopolite, où les valeurs seraient universelles, quoique historisées, mais ne seraient pas culturelles. La référence aux racines du Québec est perçue comme ethniciste. Il ne faudrait surtout pas reconnaître des droits d’antériorité… Une hiérarchie prétendument injuste. L’appellation « Québécois d’origine canadienne-française », digne de Jocelyn Létourneau et même un peu d’Elvis Gratton, qui ajouterait « Québécois d’origine canadienne-française d’Amérique du Nord », que les Commisssaires proposent de substituer à « Québécois » tout court en référence à la majorité ou à « Québécois de souche », en est un des symboles les plus éloquents.
Dans la même veine, le rapport confond allègrement Autochtones et immigrants – même si on y reconnaît, dans une forme de concession oratoire, la distinction des premières nations, le rapport inclut les Premières nations dans l’interculturalisme, ce qui est aberrant. Les Premières nations ont droit à une forme d’autonomie et n’ont pas à être assimilées comme l’est un immigrant qui s’intègre à une nation d’accueil. Manière de justifier la réprobation de l’assimilation sans doute.
Or, il faut le rappeler : l’assimilation d’un immigrant et celle d’un peuple ne sont aucunement comparables. Dans un cas, un peuple, même soumis par la force à une puissance étrangère, a des droits, comme celui de vouloir maintenir son identité. Dans l’autre, un immigrant choisit librement de s’intégrer à une nouvelle nation qui a le droit de poser des conditions à l’obtention de la citoyenneté – faute de quoi cette nation perdrait sa capacité de se gouverner.
Les Québécois s’identifiant à la culture majoritaire sont « de souche » en ce sens que leur culture est la culture qui définit le Québec, en droite ligne de la fondation de cette nouvelle nation par la France. Les Premières nations quant à elles, sont leur propre référence culturelle – mais elles n’ont pas fondé, ni ne définissent le cadre commun québécois. Mais le principe d’une majorité intégratrice est diabolisé dans le rapport Bouchard-Taylor. En définitive, cela revient peu ou prou à réduire à néant le principe nationalitaire. Répétons-le, l’assimilation de l’immigration est un phénomène qui n’a rien de répréhensible et qui est même dans la logique des choses. L’immigration est un choix, la naturalisation est un contrat basé sur un principe de donnant-donnant. L’assimilation est condamnable lorsqu’imposée par la force à un peuple : ce qui n’a rien à voir avec les conditions dont peut librement et légitimement décider un peuple dans sa politique d’intégration, en fonction de ses intérêts et de son avenir.
Certes, nous ne pouvions nous attendre à ce que la Commission propose une solution politique comme la souveraineté, certainement la meilleure solution aux questions d’intégration. Mais nous étions en droit, devant une crise exprimant une forte inquiétude et une volonté explicite de renforcement des principes d’intégration et de laïcité, tels que développés au Québec depuis la Révolution tranquille, et entrant en contradiction avec le multiculturalisme canadien, de nous attendre à des propositions concrètes pour renforcer la capacité des Québécois à maîtriser leur destin national.
Une constitution du Québec permettrait de renforcer les principes d’intégration à la culture nationale commune et de laïcité. Une citoyenneté du Québec, par le biais de la naturalisation, permettrait de renforcer le principe d’adhésion, de la part de l’immigrant, à sa nouvelle nation s’il souhaite en devenir membre (une telle prérogative est accordée aux États membres de la Confédération helvétique, par exemple, à qui échoit le pouvoir de naturalisation). D’autre part, il y a une grande quantité de mesures qui peuvent être prises du côté de la sélection de l’immigration. Pour favoriser la francisation, nous pouvons augmenter la proportion de l’immigration issue des pays de langue latine et de la francophonie, ainsi que ceux qui, de partout, connaissent déjà le français[19]. Nous pouvons également mettre l’accent, dans cette sélection, sur l’importance d’une double adhésion : aux principes de la culture nationale commune donc de prévalence du français, ainsi qu’aux principes démocratiques québécois.
Dans le modèle d’intégration que le Québec s’est donné depuis la fin des années 1960, l’assimilation, ou l’intégration à la culture nationale commune est encouragée, tout en laissant un espace de liberté à la diversité des origines pour s’exprimer, du côté de la culture première. Toute une sphère de culture familiale et ethnique relève du privé : langue d’origine, gastronomie, fêtes, divertissements, etc. Sans parler de la religion et des coutumes qui l’accompagnent. Le concept d’interculturalisme, à l’origine, exprimait la volonté explicite d’échanger, sur le plan de la culture première, entre culture québécoise du terroir et cultures d’origine des néo-Québécois, tout en intégrant les nouveaux venus à la culture seconde québécoise et donc à la nation (et l’article 43 peut certainement être interprété en ce sens). Au-delà des termes, c’est ce principe d’intégration, favorisant l’assimilation des Néo-Québécois à la culture nationale commune, qu’il faut renforcer. Sinon, quel est l’intérêt d’augmenter la population québécoise par l’immigration ? Cette immigration ne renforcerait plus le Québec mais préparerait, à long terme, la marginalisation de sa culture. Voulons-nous continuer à former une nation ou devenir un simple comptoir de colonies d’expatriés ?
Conclusion
En somme, prenant l’exact contre-pied de la volonté démocratique légitime des Québécois, les commissaires préconisent d’aller plus loin, non pas dans l’intégration à la culture nationale, mais dans le pluralisme. Ils défendent un modèle profondément modifié dans le sens du modèle canadien[20]. Le jugement moral est tombé et les Québécois n’ont pas voix au chapitre : les sages décident pour eux. Et ils proposent qu’on fasse tout pour que le Québec ne se définisse pas ou plus comme État-nation. Le peuple québécois ne peut décider, la démocratie est avant tout procédurale et lui commande d’accepter des « ajustements » ou des « harmonisations » pour se mettre en accord avec le diktat du pluralisme, vraiment devenu le nouvel opium des intellectuels.
Bref, plutôt que de réfléchir au droit d’un peuple, en vertu de son autodétermination, de choisir son modèle d’intégration, en fonction de son histoire, de ses préférences et de son intérêt national, choix qui demeure parfaitement légitime quoiqu’ils en aient, les commissaires ont préféré asséner un argument d’autorité, le diktat du pluralisme. Ils ont préféré redéfinir, 1° la crise pour dire qu’il n’y avait pas de crise, seulement une crise des perceptions, question de délégitimer l’expression claire d’une critique du modèle multiculturel – artifice rhétorique que ma collègue, Joëlle Quérin, analyse de manière rigoureuse et éclairante dans un autre article de ce dossier (L’Action nationale, octobre 2008), et 2°, le modèle d’intégration québécois pour en faire un calque explicite du multiculturalisme canadien, comme nous l’avons vu, citation à l’appui.
Les commissaires ont même préféré soutenir que les craintes des Québécois francophones, liées à leur situation géographique et politique, n’étaient, néanmoins, pas justifiées. Leur volonté primordiale n’est aucunement de renforcer l’intégration culturelle, mais bien de promouvoir le pluralisme par tous les moyens possibles. Ils misent par conséquent beaucoup sur le cours d’Éthique et de culture religieuse qui, certes, offre une voie prometteuse de rééducation des Québécois de demain dans un sens plus en accord avec l’orthodoxie multiculturaliste. D’ailleurs, sur ce point, leur rapport concorde largement avec la réforme scolaire, y compris le nouveau cours d’histoire du Québec. C’est pourquoi, en revanche, nous devons tous espérer et travailler à ce que ce rapport reste lettre morte.
[1] Cf. « Pour en finir avec le multiculturalisme – Manifeste pour un Québec laïque et souverain », L’Action nationale, mars 2007, p.49-54.
[2] Les paginations entre parenthèses font toutes référence au rapport de la commission Bouchard-Taylor.
[3] Cf. Charles Courtois : « Tibet : droits de l’homme ou autodétermination des peuples ? », L’Action nationale, mai-juin 2008, p.35-43 et « Les sophismes de Jocelyn Létourneau : examen d’un programme d’histoire post-nationaliste », L’Action nationale, nov.-déc. 2007, p.187-217.
[4] Jacques Beauchemin, La société des identités, Athéna, (1re éd. 2004) 2007.
[5]Charles Courtois, « Un Québec multiculturel ou multiethnique ? », Le Devoir, 21 mai 2008.
[6] Qu’il soit permis de rappeler que ce principe, à valeur universelle, était à la base de la politique étrangère de la France sous la présidence de Charles de Gaulle ce qui fondait son appui aux nouveaux États-nations aussi bien qu’au nationalisme québécois, en sus des liens particuliers qui unissent la France et le Québec.
[7] Voir par exemple Yves Lacoste, Vive la nation !, Fayard, 1997 et Dominique Schnapper, La communauté des citoyens. Sur l’idée moderne de nation, Gallimard, 1994. Voir également Denis Monière, Pour comprendre le nationalisme au Québec et ailleurs, PUM, 2001.
[8] Nous ne sommes bien sûr pas seul à avoir souligné le caractère trudeauiste du rapport : c’est notamment le sens des remarques critiques de Guy Rocher à ce propos.
[9] Dans la même veine, le rapport confond allègrement Autochtones et immigrants – même si on y reconnaît, dans une forme de concession oratoire, la distinction des premières nations, le rapport inclut les Premières nations dans l’interculturalisme, ce qui est aberrant. Les premières nations ont droit à une forme d’autonomie et n’ont pas à être assimilées comme l’est un immigrant qui s’intègre à une nation d’accueil. Manière de justifier la réprobation de l’assimilation sans doute.
[10] Voir les sondages analysés par exemple dans cet article du Monde : Jean-Pierre Langellier, « Le terrorisme divise les musulmans britanniques », Le Monde, 7 juillet 2006. Les données sont également rassemblées dans cet article en ligne : Daniel Pipes, « Sondages d’opinion dans l’enfer islamique britannique », trad. Alain Jean-Mairet, http ://fr.danielpipes.org/article/2801
[11] Cf. Christian Rioux, « L’Échec du multiculturalisme néerlandais », Le Devoir, 28 juin 2008 et cet article au titre mal approprié, « Speak White ! L’Europe ne rigole plus avec l’intégration linguistique », Le Devoir, 17 novembre 2007.
[12] Voir notamment Guillaume Rousseau, La nation à l’épreuve de l’immigration : les cas du Canada, du Québec et de la France, Éditions du Québécois, 2006.
[13] Dans le modèle d’intégration que le Québec s’est donné depuis la fin des années 1960, l’assimilation, ou l’intégration à la culture nationale commune est encouragée, tout en laissant un espace de liberté à la diversité des origines pour s’exprimer, du côté de la culture première. Toute une sphère de culture familiale et ethnique relève du privé : langue d’origine, gastronomie, fêtes, divertissements, etc. Sans parler de la religion et des coutumes qui l’accompagnent. Le concept d’interculturalisme, à l’origine, exprimait la volonté explicite d’échanger, sur le plan de la culture première, entre culture québécoise du terroir et cultures d’origine des Néo-Québécois, tout en intégrant les nouveaux venus à la culture seconde québécoise et donc à la nation.
[14] Référence donnée dans le rapport : Québec, comité ministériel permanent du développement culturel, 1978, p. 63.
[15] Cf. Mathieu Bock-Côté, La dénationalisation tranquille, Boréal, 2007, chap. sur Gérard Bouchard.
[16] Denyse Beaugrand-Champagne, Le procès de Marie-Josèphe-Angélique, Libre expression, 2004.
[17] Les manifestations officielles se sont multipliées et que maintenant, même le nouveau cours d’histoire du Québec au secondaire accole à la Nouvelle-France, comme une spécificité, la tare de l’esclavagisme. Or, il faut le rappeler, l’esclavage en Nouvelle-France était marginal, il a été légal de 1709 à 1760 et existait aussi chez les Amérindiens. Après 1760, sous le régime anglais, il est resté en vigueur plus longtemps (jusqu’en [1839]) et a occupé une place plus importante. N’importe, on l’accole spécifiquement au régime français. Voir Charles Courtois, « Afua Cooper : The Hanging of Angélique (Harper Collins, 2006) note critique », L’Action nationale, mars 2008, p.120-137 et du même auteur, « Le nouveau programme d’histoire au secondaire : l’école québécoise au service du multiculturalisme canadien ? », cahier de recherche, IRQ, 2008. Cf. également Mathieu Bock-Côté, « Le masochisme mémoriel », L’Action nationale, sept. 2007, p.68 sq.
[18] Voir à cet effet le texte de Christian Gagnon, « Québec 2008 : le double langage canadien en exergue », L’Action nationale, mai-juin 2008, p.15-34.
[19] Cf. notamment Benoît Dubreuil, « Intégration des immigrants – Pour une approche basée sur les résultats », L’Action nationale, oct. 2006, p.44-69, B. Dubreuil et Dave Anctil, « La politique démocratique d’une société des identités – Pour une défragmentation intellectuelle », in Jacques Beauchemin et Mathieu Bock-Côté (dir.), Cité identitaire, Athéna, 2007.
[20] Exactement comme un jeune Sévigny espérait qu’on le fasse dans les pages du Devoir. Ses propos pouvaient paraître délirants. Pourtant, l’esprit du rapport n’en est pas éloigné. Charles-Antoine Sévigny, « Vers un renouvellement de l’interculturalisme québécois », Le Devoir, 9 mai 2008.