Éditorial – Parce que c’est comme ça qu’on vit dans la province

La CAQ ne changera pas. Les pleutres qui l’encombrent n’en auront jamais que pour les demi-mesures, les patentes à moitié faites. Comme ils viennent de le faire dans cet arrangement niais pour tenter de faire croire que McGill reçoit une part équitable de financement public. Comme démonstration de marchandisation de l’enseignement supérieur, on ne pouvait […]

La CAQ ne changera pas. Les pleutres qui l’encombrent n’en auront jamais que pour les demi-mesures, les patentes à moitié faites. Comme ils viennent de le faire dans cet arrangement niais pour tenter de faire croire que McGill reçoit une part équitable de financement public. Comme démonstration de marchandisation de l’enseignement supérieur, on ne pouvait trouver mieux. Un « deal » sur le dos des clients ! Et encore, un improbable détournement de la tarification dans les créneaux les moins payants. Les études supérieures sont écartées du périmètre imaginé par les comptables du broche à foin.

Évidemment, cela aura valu au Québec tout entier, et pas seulement à l’engeance caquiste, l’habituel mépris canadian. Et dire qu’il s’en trouve encore pour s’indigner, s’affliger, déplorer ces torrents de fiel que les professionnels du mémérage éploré n’ont pas manqué de dénoncer dans la république médiatique. C’est à la fois une caractéristique et une compétence requises pour continuer de faire semblant que le Canada est un pays habitable pour la nation québécoise. Il faut éternellement et inconditionnellement pratiquer l’euphémisme nuancé et la minimisation des pertes. On le sait, il se trouve même un Moose Jaw des Canadian tolérants qui s’indignent de ce qui se dit dans le National Post…

Et qu’on se le tienne pour dit !

Il faut avoir une singulière notion de la dignité et de l’honneur pour ne pas faire la part des choses, comme nous l’ont rappelé – comme d’habitude – ces donneurs de leçon qui sévissent dans l’anglosphère en nous gratifiant de tartines qui commencent par les références à leur généalogie de la Nouvelle-France et les aveux contrits du vote au Oui qu’ils ont donné, non pas à un, mais à deux référendums, et qui ne se retrouvent plus dans la province ingrate. Ils sont tellement contents de goûter le confort minoritaire et reconnaissants de humer les odeurs du privilège. Bishops, Concordia et tutti quanti peuvent se compter chanceux de compter sur eux. Et les bonimenteurs ne rateront pas l’occasion de rappeler que la magnanimité fait partie de la culture de ces institutions…

Il ne reste plus que l’ironie pour commenter ces épisodes disgracieux. Ces victimes de l’intolérance qui se répandent à pleins médias n’ont plus que cette posture pour répondre aux demi-mesures caquistes. Le cheuf Legault ne comprend et ne peut porter du nationalisme que les simulacres. C’est la peur qui le mène. Et il a tellement peur de s’attaquer aux privilèges des McGill et Dawson de cette province qu’il ne comprend pas – tout comptable qu’il soit – que son gouvernement paie le même prix que celui que lui vaudrait une vraie mesure et des gestes de partage équitable des fonds publics. Il subit l’opprobre et cela nous éclabousse tous. Le Québec se fait injurier alors que dans les officines de l’anglosphère on se réjouit déjà des prochaines mesures de neutralisation de cette demi-mesure.

Il fait dur, le cheuf. Comme tous ceux et celles qui le suivent dans le renoncement à soi, il est incapable de comprendre, et encore moins, de défaire le nœud de contradictions dans lequel le dualisme institutionnel enferme la province dans une dynamique de minorisation et d’anglicisation inévitable. Ce qu’il ne voit pas, c’est une réalité fondamentale : les institutions anglophones de l’Éducation, de la Santé, des Affaires sociales et du reste n’ont plus la démographie requise pour les soutenir. Ce n’est plus une affaire de droit de la minorité historique qui en fixe la logique de développement, mais celle d’un avant-poste de la majorité canadian.

Ces institutions ne sont financées à cette hauteur que pour éviter à ceux et celles qui les fréquentent d’avoir à fonctionner avec les règles de la majorité. Personne à la CAQ et dans bien d’autres milieux de la belle province ne songe à établir le critère de justice élémentaire, celui du poids démographique réel de la minorité anglophone – dans le plus généreux des cas, 8 %. Le CUSM a reçu 50 % des fonds publics pour que la faculté de médecine de McGill n’ait pas à fonctionner avec le réseau de la santé, pour que son personnel et ses clients américains et canadian puissent faire comme si la société québécoise n’était qu’un élément de contexte, un bruit de fond un brin exotique. Ce raisonnement s’applique à l’ensemble des institutions de l’anglosphère. Le surfinancement dont elles bénéficient ne leur sert qu’à créer des conditions de contournement, des points de rattachement pour continuer à vivre au Canada en refilant la note à la majorité québécoise. Ce dualisme institutionnel est le support essentiel du multiculturalisme, il fournit les conditions de neutralisation de l’expression et de la logique majoritaire. Et Ottawa en rajoute en finançant de toutes les manières hypocrites possibles.

Le gouvernement Legault a tenté de maquiller l’évidence et de faire semblant de corriger une iniquité structurelle qui est inhérente au régime canadian auquel son provincialisme, son loyalisme de subordonné le condamne. Comme les injustices progressent au fur et à mesure que le Canada sacralise l’utopie postnationale qui lui tient lieu de mythe de refondation, le déni du consentement à l’auto-effacement est de plus en plus difficile à masquer. Il en coûtera de plus en plus cher au Québec pour financer le délire démographique et la déstabilisation de l’ensemble de ses institutions. Crise du logement, implosion du système scolaire à Montréal, bilinguisation de facto du système de santé de la métropole, politique énergétique toxique, l’appartenance au Canada fait basculer le Québec dans des registres contraires à son intérêt national, menaçant sa capacité de faire ses choix. La CAQ consent de plus en plus ouvertement à lui faire accepter de se comporter en étranger chez lui.

Le ridicule dont Legault s’est couvert en jouant les capitaines Canada donnant la charge comptable sur le budget de l’an 1 transforme d’ores et déjà le personnage en caricature de lui-même. Le réel est en train de le faire plonger dans le répertoire filmique de Pierre Falardeau. Parce que c’est comme ça qu’on vit dans la province. u

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