Environnement – AQLPA. Trente ans de luttes victorieuses

Président et cofondateur de l’Association québécoise de lutte contre pollution atmosphérique (AQLPA), l'auteur nous livre ici une vision personnelle des trente années de cette organisation dont les luttes victorieuses forcent l'admiration.

Aujourd’hui, en ce début d’année 2012, je commence la rédaction des mémoires de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA). J’entreprends, en fait, de revisiter sommairement trente ans d’histoire extraordinaire et particulièrement intense.

C’est à titre de cofondateur de l’AQLPA et président depuis vingt-neuf ans que j’entreprends ce voyage éclair dans le temps et ce retour dans des dossiers parmi les plus importants et les plus déterminants, à mon avis, de l’histoire environnementale du Québec. J’affirme ceci résolument, mais aussi, et surtout, avec grande modestie. Cette incroyable histoire me dépasse tellement que j’éprouve un vertige certain devant la responsabilité de rendre fidèlement et honnêtement compte de ce qui m’apparaît encore comme un conte de fées ou un appel de Mère Nature.

Rien, mais absolument rien, ne m’avait préparé à ce surprenant virage dans ma vie et encore moins à être régulièrement à l’origine et au centre de ce bouillonnement d’énergie de changement et de progrès vert.

Président et cofondateur de l’Association québécoise de lutte contre pollution atmosphérique (AQLPA), l’auteur nous livre ici une vision personnelle des trente années de cette organisation dont les luttes victorieuses forcent l’admiration.

Aujourd’hui, en ce début d’année 2012, je commence la rédaction des mémoires de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA). J’entreprends, en fait, de revisiter sommairement trente ans d’histoire extraordinaire et particulièrement intense.

C’est à titre de cofondateur de l’AQLPA et président depuis vingt-neuf ans que j’entreprends ce voyage éclair dans le temps et ce retour dans des dossiers parmi les plus importants et les plus déterminants, à mon avis, de l’histoire environnementale du Québec. J’affirme ceci résolument, mais aussi, et surtout, avec grande modestie. Cette incroyable histoire me dépasse tellement que j’éprouve un vertige certain devant la responsabilité de rendre fidèlement et honnêtement compte de ce qui m’apparaît encore comme un conte de fées ou un appel de Mère Nature.

Rien, mais absolument rien, ne m’avait préparé à ce surprenant virage dans ma vie et encore moins à être régulièrement à l’origine et au centre de ce bouillonnement d’énergie de changement et de progrès vert.

La naissance de l’AQLPA arrive en juillet 1982 au moment où je suis assembleur de pylônes de ligne à haute tension au Québec et à la Baie-James, donc plutôt loin de l’écologie. Je dois quand même souligner que j’avais toujours préféré la vie à la campagne et dans le bois où j’avais passé beaucoup de temps depuis ma jeunesse, plus près de la nature que du macadam.

Regard sur le contexte de l’époque

Au mois de mai 1982, au cours d’une réunion d’un club de lecture entre amis, je faisais état de mes conclusions de la lecture d’un livre qui cristallisa mes opinions sur la façon d’aborder la vie. J’avais vingt-huit ans et la ferme volonté de changer les choses de la vie qui me semblaient incorrectes, nuisibles ou absurdes.

Je venais à peine de terminer la lecture du livre La troisième vague d’Alvin Tofler, essai sociologique percutant et très dérangeant pour l’époque. Une réflexion normale pour moi devint alors une orientation claire pour ma vie : l’action prouve la pensée…

Il importe de comprendre qu’étant un adepte de la contre-culture des années 70, j’avais depuis longtemps acquis la certitude qu’il fallait changer les choses sans quoi l’avenir s’assombrirait de plus en plus.

Par ailleurs, j’avais lu en parallèle le numéro spécial sur les pluies acides du magazine Québec Science de mai 1982 intitulé « Le péril acide ».

Je me permets ici de transcrire textuellement deux extraits de La troisième vague pour bien décrire mon état d’esprit du moment.

À la fin de l’introduction, l’auteur écrit :

À une époque de changements explosifs – quand la vie des gens se disloque, quand l’ordre social existant s’écroule et quand un nouvel et fantastique mode de vie émerge à l’horizon–, poser les questions les plus vastes touchant à notre avenir n’est pas simple affaire de curiosité intellectuelle : c’est notre survivance qui est en jeu.

Que nous en ayons conscience ou pas, la plupart d’entre nous sommes d’ores et déjà aux prises avec la nouvelle civilisation, soit que nous y résistions, soit que nous la créions. La Troisième Vague nous aidera, j’espère, les uns et les autres à faire notre choix.

Sur plus de cinq cents pages l’auteur décrit la société de consommation, son abondance aussi ostentatoire que destructrice ainsi que ses paradoxes, ses culs-de-sac, ses absurdités et surtout, son non-sens insoutenable à long terme.

L’auteur, après une analyse systématique des divers aspects de la société de consommation, conclut sur une note d’espoir, nous encourageant à l’action résolue, en écrivant :

C’est donc nous qui, en définitive, sommes comptables du changement… Cela veut dire, surtout, engager sans plus attendre ce processus de reconstruction avant que la désintégration des systèmes politiques en vigueur n’ait atteint le seuil fatidique… Si nous nous mettons à l’œuvre sans délai, nous pourrons, nous et nos enfants, participer à cette tâche exaltante : la reconstruction, non seulement de nos structures politiques périmées, mais de la civilisation même.

Comme la génération des révolutionnaires de jadis, notre destin est de créer notre destin…

C’est donc avec cette lecture en tête et surtout avec la conclusion appelant à l’action que j’entrepris la création d’un groupe voué à l’éducation populaire face au problème des pluies acides, surtout les causes de ce problème, en espérant faire changer les choses, les habitudes et les pensées.

Un vaste chantier d’éducation populaire

Tout jeune dans les années soixante, j’aimais aller à la pêche, particulièrement dans la région de Portneuf. Provenant d’une famille modeste, j’avais l’extraordinaire chance d’avoir comme voisins une famille maniaque de la chasse et de la pêche. Ceux-ci m’amenaient régulièrement à leur camp, très isolé, à l’époque des clubs privés, dans les montagnes derrière le village de Rivière-à-Pierre où l’on faisait des pêches miraculeuses de « truites rouges du Québec » à chaque occasion dans une multitude de lacs plus enchanteurs les uns que les autres.

Le père de mon ami et voisin aimait beaucoup que j’aille avec eux, car son fils ne tolérait pas les mouches noires et n’aimait donc pas tellement aller à la pêche. Mais quand j’étais là, je l’encourageais à supporter un peu plus les désagréments et on finissait tous par profiter de la nature époustouflante et de bons soupers à la truite du jour.

Les années passèrent, je perdis de vue mes voisins suite à un déménagement, mais je gardais toujours un amour profond pour la vie en forêt, pour cette région et pour la bonté de la nature. Plus tard, je retournais de temps en temps à la pêche dans ce coin de pays remarquable, mais les choses changeaient rapidement et pas toujours pour le mieux.

D’abord, le club privé où j’allais fut « déclubé », ce qui d’un côté était une bonne chose pour permettre un accès démocratique à la pêche dans ces innombrables lacs, mais d’un autre côté, les nouveaux pêcheurs n’avaient pas nécessairement tous le respect des lieux comme leurs prédécesseurs et cela paraissait beaucoup.

Quoiqu’il soit, avec le temps, il y avait de moins en moins de bonnes pêches à faire et la truite rouge que j’aimais tant semblait de plus en plus rare.

Plus tard, je réaliserai à la lecture du « Péril acide » de Québec Science et autres documents plus techniques – car j’avais commencé une recherche ambitieuse pour comprendre le phénomène des pluies acides –, que la grande région des Laurentides, mon paradis sauvage, était l’épicentre de l’acidification des lacs au Québec, un choc acide…

Et tout un coup de pied au derrière… Je marche encore aujourd’hui sur cet élan…

À cette époque, j’étais membre de quelques groupes environnementaux, mais le dossier des pluies acides n’était pour ainsi dire pratiquement « nulle part sur le radar ».

Un clin d’œil de la vie

Lors d’une autre soirée de notre club de lecture, mon amie Danielle me refila un dépliant invitant la population du Plateau Mont-Royal à une soirée de réflexion sur les pluies acides tenue par le tout nouveau Groupe d’Action pour une Société Écologique, le GASÉ…

Muni du résultat de mes recherches sur ce sujet et cherchant un moyen de « faire bouger les choses » je me rendis à cette rencontre. Il y avait là une trentaine de personnes, quelques représentants de groupes écologistes dans une ambiance typique du monde alternatif.

À ma grande surprise, j’étais une des plus renseignées parmi les personnes présentes. Heureusement, je fis la rencontre de trois personnages qui changeront ma vie : Alain Brunel du GASÉ, Bruce Walker du groupe STOP et Jean Hudon de la commune de l’Anse Saint-Jean.

Suite à moult débats et discussions et avec une approche plutôt « rock and roll », après avoir constaté et déclaré « qu’il faut faire beaucoup plus d’éducation populaire, car avec des écolos qui sensibilisent des écolos on n’ira pas loin », je proposai la création d’une association vouée à l’éducation populaire sur ce problème, ses causes et ses solutions, la belle affaire…

Certains représentants d’autres groupes écologistes présents eurent des réactions désolantes, quant à moi, dont un qui me dira sèchement « qui es-tu comme gars de la construction pour te mêler d’environnement ? ».

Piqué au cœur, je répondis sans trop réfléchir « checke ben ce qu’un gars de la construction qui met son cœur à l’ouvrage peut faire comme ménage en environnement », je m’en souviens comme si c’était hier… À ma grande surprise, le doyen des écolos présents, Bruce Walker du groupe STOP fondé en 1972, m’invita à en discuter davantage. Ce que je fis avec grand plaisir.

J’expliquai qu’à mon avis il fallait, face à un problème aussi vaste et impliquant au moins deux pays, les États-Unis et le Canada, ainsi que des dizaines d’États et provinces, commencer par éduquer les populations de ces deux pays. Puisque ce problème environnemental était aussi un problème de société et de politique, il fallait créer par l’éducation populaire un mouvement solide pour pousser les gouvernements à agir. J’inventai une expression sur le champ pour bien imager ma pensée, « l’action politique repose sur l’opinion publique exprimée ».

Le projet que j’avais en tête était de mettre sur pied une association à partir des groupes et personnes désireuses de participer à un effort collectif sans précédent d’éducation populaire sur cette question dans le but d’obtenir des réductions des émissions polluantes à l’origine des pluies acides tant aux États-Unis qu’au Canada, et ce, en commençant chez nous au Québec.

Je proposai qu’on fasse le tour des centres d’achats, des expositions, des foires, des clubs sociaux, des chambres de commerce, des syndicats, des écoles, collèges et universités, avec un bagage d’information vulgarisée et visuelle à l’aide de kiosques voyageant partout au Québec. Je proposai aussi qu’on fasse signer une pétition demandant une réduction minimale de 50 % des émissions d’anhydride sulfureux SO2 et des oxydes d’azotes NOX des États-Unis et du Canada.

Je croyais de façon très candide que tous les groupes se rallieraient, mais ce ne fut pas le cas. Heureusement, Bruce Walker, démontrant encore une fois une ouverture et une solidarité remarquable, déclara que STOP était partant et, au même moment, Alain Brunel en fit autant au nom du GASÉ ainsi que Jean Hudon de la commune de l’Anse Saint-Jean qui, bien qu’habitant très loin de Montréal, soit au Saguenay, annonça son intention de faire partie de l’équipe de fondation de ce qui deviendra l’Association québécoise de lutte contre les pluies acides (AQLPA) qui vit le jour officiellement le 23 juillet 1982.

C’est au Québec que se gagna la bataille des pluies acides en Amérique

C’est en septembre 1982 que l’AQLPA lança, avec l’appui du ministre Marcel Léger, parrain de l’AQLPA, le plus vaste chantier d’éducation populaire sur une question environnementale de l’époque. Aujourd’hui encore, plusieurs aspects de cette campagne sont inégalés comme le nombre de 176 000 signataires de la pétition remise au consul américain à l’intention du président Reagan à Montréal en 1987 ou encore le nombre et la fréquence des rencontres d’information ainsi que le nombre de personnes y ayant participé.

De 1982 à 1988, l’AQLPA rencontra directement plus de 1 000 000 de personnes partout au Québec. Durant l’été 1984, la Caravane sur les pluies acides parcourra tout le Québec, présentant dans 75 villes son kiosque roulant et obtenant l’appui de toutes ces municipalités. De 1986 à 1988, l’AQLPA tint une rencontre d’information tous les deux jours quelque part au Québec. Il faut dire qu’à cette époque l’AQLPA avait six équipes réparties dans les régions de Montréal, de l’Estrie, de Lanaudière, des Bois-Francs, des Laurentides et de la Beauce.

L’AQLPA savoure une victoire éclatante

Le ministre de l’Environnement monsieur Clifford Lincoln annonça en 1988 que le Québec serait le premier à imposer une réduction des émissions polluantes comme nous le demandions. Le ministre Lincoln, de qui nous gardons un souvenir très cher dans nos cœurs, ira jusqu’à dire que « grâce à l’extraordinaire travail d’éducation populaire mené par l’AQLPA sur ce sujet, le Québec avait fait un bond incroyable dans la compréhension des enjeux signifiant clairement son appui aux mesures contraignantes qu’il faillait appliquer […] ».

Il faut savoir que la minière Noranda à Rouyn en Abitibi était responsable de 80 % des émissions de SO2 de loin le gaz acide le plus important provenant du Québec. Les NOX, bien que très dommageables, ne représentaient que quelque 25 % du volume du SO2 à l’époque. Le ministre Lincoln imposa à la Noranda de réduire ses émissions de SO2 de 70 %, malgré une opposition féroce de la compagnie qui mena une campagne systématique de chantage aux jobs dont le message principal était « une réduction de 70 % des émissions amènera 70 % de perte d’emplois à l’usine ». Dans ces conditions, on comprend bien l’opposition également agressive de la part du syndicat des employés de l’usine d’affinage des métaux.

Rappelons-nous que l’anhydride sulfureux, SO2, tout comme les oxydes d’azote, NOX, se transforment en acides sulfurique et nitrique au contact de la vapeur d’eau dans l’atmosphère et voyagent sur des milliers de kilomètres au gré des vents. Lorsque les précipitations acides retombent (pluie, neige et poussières), elles brûlent littéralement la peinture des voitures à proximité ainsi que le feuillage des arbres sans oublier qu’elles acidifient les lacs au point d’y rendre la vie aquatique impossible à des centaines de kilomètres à la ronde. La neige acide, elle, s’accumule tout au long de l’hiver et libère sa charge acide au printemps à la fonte des neiges causant le choc acide printanier coïncidant malheureusement avec la période d’éclosion des alevins extrêmement sensibles à ce choc acide.

À l’AQLPA on encourage le progrès

Heureusement la logique écologique proposée par les défenseurs de l’environnement comme l’AQLPA et le ministre Lincoln allait créer beaucoup d’emplois, contrairement aux propos anachroniques et volontairement catastrophistes de la compagnie.

La solution proposée était de bâtir une usine de récupération des gaz acides pour les transformer en acide sulfurique sous contrôle en usine et la mettre « en barils » pour vente sur le marché industriel.

La construction de l’usine de désulfurisation créa 200 emplois pour la phase de construction et 80 emplois permanents pour son fonctionnement en plus de faire faire des profits de l’ordre de 10 à 15 millions de dollars par année à la compagnie, sans parler de l’amélioration importante de la qualité de l’air dans les quartiers environnants et le soulagement des problèmes de santé qui s’y rattachaient.

Cette amélioration technologique amenait à elle seule une réduction annuelle de 300 000 tonnes de SO2 de l’usine de Noranda.

N’est-ce pas là encourager le progrès ?

Un premier ministre conservateur, Brian Mulroney, engage le Canada et les États-Unis

Cette avancée remarquable obtenue grâce à de chaudes luttes menées par le ministre Lincoln au Québec pava la voie pour une entente pancanadienne entraînant les sept provinces à l’est de la Saskatchewan et le Canada dans son sillage. Pendant ce temps, l’AQLPA travaillait de plus en plus au Canada et aux États-Unis pour rallier un maximum d’appuis des deux côtés de la frontière notamment via le projet « Arc-en-ciel » visant à unir les populations des régions affectées par les pluies acides.

Le ministre fédéral de l’environnement de l’époque, le conservateur Tom MacMillan, épaulé solidement par le ministre québécois Clifford Lincoln, conclut cette entente pancanadienne en 1988. Les temps ont bien changé… Il fut remplacé par un autre ministre conservateur, Lucien Bouchard, qui brilla par son inaccessibilité et son manque d’enthousiasme à poursuivre le travail en cours…

Remarquablement, ce sera Jean Charest comme ministre fédéral de l’Environnement qui terminera le travail pour conclure cette entente au Canada.

Tout au long, le premier ministre Brian Mulroney, d’abord très discrètement puis clairement et publiquement, sèmera l’espoir signalant à l’occasion son inquiétude face aux dommages qui s’accumulaient dans l’est du Canada et particulièrement au Québec. Le gars de Baie-Comeau, comme il aimait se présenter, s’était engagé à convaincre son vis-à-vis le président Ronald Reagan de passer à l’action et ce n’était pas une mince affaire.

Le travail acharné de l’AQLPA à la base d’une bonne partie d’un succès historique

Certains se rappelleront peut-être la formule-choc utilisée par le président Reagan, républicain, pour justifier le rejet à répétition des demandes de l’Agence de protection de l’environnement, l’EPA aux États-Unis, des États du Nord-Est américain et du Canada, tous victimes des pluies acides produites abondamment par les centrales thermiques au charbon dans le Midwest américain : « les pluies acides sont causées par les fientes des oiseaux ».

Malgré tout, le premier ministre Mulroney réussira ce que tous croyaient impossible tant que Ronald Reagan serait président. Il obtiendra à l’arraché en juin 1991 l’Accord nord-américain sur les pluies acides imposant une réduction de 50 % des émissions affectant l’est du Canada.

Mais il y eut gros péril en la demeure : pendant les négociations canado-américaines, le gouvernement du Québec failli tout faire dérailler en automne 1989 après le départ du ministre Lincoln.

Quand le côté droit du cerveau n’est plus connecté avec le côté gauche

Heureux des succès obtenus, l’AQLPA s’attela à la tâche d’obtenir des réductions des émissions de NOX, qui provenaient et proviennent encore aujourd’hui au Québec, principalement du secteur des transports. Malheureusement, ce secteur fut négligé et l’est toujours maintenant. La situation depuis ce temps c’est sérieusement envenimé avec la croissance annuelle moyenne de 2 à 5 % du parc automobile et le délabrement rapide de ces véhicules, mais ça c’est une autre histoire.

Pendant que l’AQLPA travaillait pour la mise en place de mesures pour réduire les émissions provenant du parc automobile en préconisant un recours massif aux transports collectifs, l’encouragement au télétravail et la mise en place d’un programme d’inspection obligatoire des émissions des véhicules automobiles (PIEVA), tiens tiens ça me rappelle quelque chose… le gouvernement du Québec est venu bien près de tout faire dérailler.

L’année 1988 fut une année particulièrement chaude et sèche au Québec, plusieurs y voyaient une manifestation possible du réchauffement planétaire, on y reviendra plus tard…

Parallèlement à ces conditions météo extrêmes, Hydro-Québec qui voulait exporter le plus d’énergie possible vers les États-Unis, espérant engranger un maximum de dividendes pour l’actionnaire, le gouvernement du Québec, vida littéralement les bassins hydroélectriques et plus particulièrement ceux tout nouveaux de la Baie-James.

Deux problèmes se conjuguaient alors pour créer une situation inédite et inquiétante au Québec, on manquait d’eau dans le nord et malheureusement dans un tel contexte on exportait trop d’énergie au sud. Les bassins immenses, mais très peu profonds, de la Baie-James avaient subi une évaporation accélérée non prévue, prenant Hydro-Québec par surprise au moment où, à la demande du gouvernement du Québec, on forçait les exportations d’électricité vers les États-Unis.

Je me souviens très bien qu’à l’époque, quand nous évoquions nos craintes face au réchauffement planétaire on se faisait ridiculiser. L’AQLPA et les rares groupes écologistes défendant déjà ce dossier furent contraints de monter au front une nouvelle fois.

Pour pallier le manque de disponibilité d’électricité engendré par le niveau extrêmement bas des bassins hydroélectriques dans le nord à l’automne 1988, le gouvernement du Québec autorisa Hydro-Québec à remettre en service à plein régime la vieille centrale thermique de Tracy qui fonctionnait au mazout lourd. De plus, Hydro-Québec mit un terme à l’alimentation en électricité des chaudières industrielles dans le secteur des pâtes et papiers, forçant par le fait même le fonctionnement des vieilles chaudières au mazout lourd. Enfin, Hydro-Québec élimina les tout nouveaux programmes biénergie dans les bâtiments, amenant encore plus d’utilisation de mazout.

Tout cela sans réaliser que ces « arrangements de dernier recours » amenaient une importante augmentation des émissions de SO2 que l’AQLPA, avec les moyens du bord, évaluait à plus de 100 000 tonnes au moment même où on venait de s’engager à la face de l’Amérique à les réduire substantiellement soit de 300 000 tonnes, chercher l’erreur…

L’AQLPA lance la mobilisation pour obtenir un débat public sur l’énergie au Québec

Réalisant le non sens de la situation où, d’un côté le nouveau ministre de l’Environnement Pierre Paradis devait s’assurer du respect de l’engagement du Québec afin d’atteindre les réductions de SO2 prévues et de l’autre, la ministre de l’Énergie Lise Bacon autorisait Hydro-Québec à mettre en place ses arrangements de dernier recours avec le consentement aveugle de l’Assemblée nationale, l’AQLPA sonna l’alarme.

En novembre 1988, l’AQLPA lança un appel à la mobilisation des groupes environnementaux et de la population du Québec afin d’obtenir un débat public sur l’énergie dans le but de définir une première stratégie intégrée de développement énergétique. Présentant publiquement l’état de la situation et les conséquences périphériques de cet imbroglio énergétique, l’AQLPA créa la Coalition pour un débat public sur l’énergie avec plusieurs groupes environnementaux du Québec tels le Mouvement Vert, Greenpeace Québec, les Ami-E-s de la terre, le Regroupement pour la surveillance du nucléaire et le Réseau québécois des groupes écologistes, le RQGE.

Parcourant le Québec à la manière développée par l’AQLPA dans la bataille des pluies acides, les porte-parole de la coalition appuyés par un secrétariat sous la responsabilité de l’AQLPA livraient le message que le Québec est bien désorienté et qu’il y a un urgent besoin d’une planification intégrée des ressources énergétiques.

Face au développement de filières énergétiques non souhaitables comme le thermique pétrole et gaz ou le nucléaire comme Gentilly 1 et 2, le mouvement s’amorça. Rapidement, les groupes de défense des rivières s’ajoutèrent au noyau initial. Parmi ces groupes sont apparues des communautés des Premières Nations : les Attikameks-Montagnais et les Cris. D’autres groupes plus spécialisés dans le domaine énergétique comme le Mouvement Au Courant joignirent la coalition.

Les représentants de la coalition multiplièrent les rencontres d’information durant trois années consécutives faisant prendre conscience à la population des enjeux de l’énergie. La bataille devint farouche, le gouvernement, Hydro-Québec et plusieurs grandes corporations n’acceptaient tout simplement pas qu’on lève le voile sur le développement énergétique et encore moins qu’on pose des questions sur la justification et les impacts de tous ces projets.

Mais le travail porta ses fruits. La logique écologique voulant qu’on favorise d’abord et avant tout la conservation de l’énergie, plutôt que la surproduction et le gaspillage, fut bien reçue par la population. La notion nouvelle d’efficacité énergétique, une fois expliquée et comprise, souleva tout autant l’enthousiasme de la population.

La proposition de développer les énergies vertes comme l’éolien, le solaire et la géothermie, alors bien peu connues, piqua la curiosité partout où passèrent les porte-parole de la coalition.

La production hydroélectrique, chère à la population québécoise, fut débattue plus âprement. Cette énergie renouvelable bien plus propre que l’énergie thermique et nucléaire est responsable d’une grande prospérité au Québec et est un gage d’indépendance énergétique, ce que tous reconnaissaient.

Mais devant le fait qu’il ne restait qu’une dizaine de grandes rivières vierges au Québec, un constat s’imposa : il faut faire le plein d’énergie via la conservation de l’énergie, l’efficacité énergétique et le développement des énergies vertes d’abord et garder nos rivières en réserve, disaient les gens. Comme j’étais parmi les principaux porte-parole pour les trois tournées successives du Québec, j’ai pu constater une rapide évolution des mentalités.

Parmi les revendications de la coalition discutées lors de ces rencontres, la création d’une Régie de l’énergie présentée comme un outil fondamental pour veiller aux meilleurs intérêts économiques du Québec en matière de développement énergétique attire une attention relativement discrète.

Quand le ciel, tout à coup, nous tomba sur la tête

Malheureusement plus la coalition obtenait du succès, plus des pressions indues handicapaient l’AQLPA. Pour ouvrir le bal des horreurs, une initiative indépendante et particulièrement malheureuse de Greenpeace Canada ébranla sérieusement la coalition.

La publication d’une pleine page de publicité dans le New York Times en octobre 1991 dénonçant le génocide de la population crie au Québec que s’apprêtaient, selon eux, à commettre Hydro-Québec et le gouvernement du Québec, fut perçue très négativement par tous au Québec incluant les groupes environnementaux membres de la coalition. Tous les médias, grands et petits, s’enflammèrent et accusèrent la coalition et l’AQLPA de trahison…

Pire, cette initiative qui avait déjà été rejetée par l’ensemble des membres de la coalition, incluant Greenpeace Québec, en mai 1991, arriva au moment où l’AQLPA organisait trois grands spectacles-bénéfices au profit de la coalition. Ces spectacles eurent lieu quand même à Montréal, Sherbrooke et Joliette, mais l’impression de salissage du Québec par la coalition sur la scène américaine, même si ce n’était absolument pas de sa responsabilité, détruisit tout espoir de faire des bénéfices. Bien au contraire, cela ajouta à un déficit important déjà encouru pour soutenir les activités de la coalition.

De l’automne 1991 au printemps 1993, les contrôles gouvernementaux se multiplièrent : vérifications des livres comptables à répétition, inspections des normes du travail, des enquêteurs de police qui viennent même au bureau de l’AQLPA à Montréal, siège de la coalition pour s’assurer par une surveillance rapprochée que nous n’étions pas devenus… des terroristes ?

La quantité de problèmes nous affectant à ce moment devint si importante que tous comprirent que ce n’était certainement pas l’effet du hasard.

Durant ce temps, l’AQLPA n’arrivait même plus à obtenir de fonds du gouvernement du Québec. Curieusement, les valeureux combattants des pluies acides étaient devenus trop dérangeants. L’AQLPA vécut sur le métabolisme de base pendant plusieurs années, le temps de rembourser tous ses comptes, et se vit contrainte de mettre la clé sous la porte de cinq de ses six bureaux régionaux. Il ne resta qu’une équipe bénévole, extrêmement réduite soit deux personnes en Beauce, Jocelyne Lachapelle, originalement bénévole de l’équipe des Laurentides, devenue ma conjointe, et moi-même.

Par ailleurs, l’Accord nord-américain sur les pluies acides entra officiellement en vigueur en juin 1991.

Fière de ses succès dans la bataille des pluies acides et malgré la crise en cours, l’AQLPA changea son nom pour mieux refléter ses préoccupations : Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, AQLPA…

Les semences de la réflexion populaire ont germé

Heureusement, un nouveau gouvernement du Parti québécois, sous la direction de monsieur Jacques Parizeau, remplaça en septembre 1994 celui du Parti libéral de messieurs Robert Bourassa et Daniel Johnson.

À la surprise générale, à l’automne 1994, le premier ministre du Québec monsieur Jacques Parizeau annonça l’abandon pur et simple du mégaprojet hydroélectrique Grande-Baleine. Expliquant que les besoins d’énergie justifiant un tel projet n’existaient tout simplement pas, que les coûts de production avaient grandement augmenté par rapport aux prévisions et que d’autres options de conservation d’énergie et d’efficacité énergétique devaient d’abord être envisagées, le premier ministre venait de tourner la page. De plus, le Débat public sur l’énergie au Québec fut lancé, ce qui constituait une autre belle victoire et une grande satisfaction qui apportèrent un peu de baume sur nos plaies encore vives.

L’AQLPA, à la fin de 1993, avait dû transférer la responsabilité du secrétariat de la coalition à Greenpeace Québec. Malheureusement quand son directeur général fut nommé au poste de commissaire à la nouvelle Commission du débat public sur l’énergie, Greenpeace Québec ferma les livres de la coalition.

La traversée du désert à pied

L’avalanche de problèmes tombés sur l’AQLPA causa pratiquement sa faillite, une période très dure financièrement occupa la majeure partie du temps de la petite équipe restante durant quatre ans.

Comme j’étais le dernier responsable en poste et que sous aucun prétexte je n’aurais accepté de baisser les bras, il fallut trimer très dur. Heureusement j’étais appuyé très solidement par ma collègue Jocelyne Lachapelle ma conjointe depuis 1988.

Le hasard faisant parfois bien les choses, Lorraine Lachapelle, la sœur de Jocelyne, nouvellement déménagée près de chez nous, nous prêta main-forte bénévolement pendant des mois. Lorraine, ex-commis comptable dans une caisse populaire, nous aida à faire le ménage des comptes en souffrance de toutes les équipes régionales et assura la comptabilité générale le temps de tout rétablir.

Pendant que je travaillais dans le bois pour assurer la subsistance de ma famille et la survie financière de l’AQLPA, Jocelyne assurait la permanence du bureau bénévolement elle aussi. Graduellement, les administrateurs de l’AQLPA apportèrent un soutien essentiel tant en représentation qu’en sollicitation. Personnellement, j’étais devenu quêteux professionnel quand je pouvais quitter temporairement mon travail en forêt.

Sollicitant l’aide des groupes qui avaient été membres de la coalition, nous avons obtenu un certain nombre d’appuis. Par exemple, constatant la quasi-disparition de l’AQLPA, le Grand Conseil des Cris du Québec proposa d’assumer une part appréciable du déficit accumulé de l’AQLPA, soit environ 25 % d’un montant estimé à 100 000 $.

Parfois c’est dans le besoin qu’on reconnaît ses amis. L’AQLPA eut l’heureuse surprise de pouvoir compter sur une aide inusitée, mais fort utile de la part de mon collègue et ami Normand Maurice, qui malheureusement nous a quittés beaucoup trop tôt, et de l’équipe du Centre de formation en entreprises et récupération le CFER de Victoriaville.

L’AQLPA ayant aidé solidement et gracieusement à la création du CFER dans les années 80, reçu gratuitement un énorme voyage de peinture recyclée, un produit révolutionnaire développé par le CFER : un dix-roues de gallons de peinture recyclée à vendre pour aider à nous soutenir pendant la traversée du désert à pied.

Le retour du balancier

Après le changement de gouvernement en septembre 1994 d’abord, et surtout après le départ en janvier 1996 de Jacques Brassard, premier ministre de l’Environnement nommé sous le nouveau gouvernement, ce fut le retour du balancier. Ce nouveau « ministre de l’Environnement » restera mémorable pour son incompétence et son mépris des questions environnementales.

Le dossier de la réduction des émissions de NOX comme convenu dans l’Accord nord-américain sur les pluies acides refit surface. Ce dossier resté sur la tablette devint une affaire urgente à régler pour le gouvernement du Québec après les élections et surtout à cause de l’incompréhension et de la mauvaise volonté du ministre Brassard.

Le ministre de l’Environnement suivant, David Cliche, nommé par le nouveau premier ministre monsieur Lucien Bouchard, entrés tous les deux en fonction en janvier 1996, changea totalement la donne. David Cliche était bien au fait des questions environnementales. Il avait été membre de plusieurs groupes écologistes et directement associé à une grande organisation environnementale soit l’Union québécoise pour la conservation de la nature, l’UQCN, aujourd’hui connue sous le nom de Nature Québec.

Le ministre Cliche avait clairement pris l’engagement d’agir de manière cohérente et efficace face aux défis à relever comme la réduction des émissions atmosphériques polluantes et le problème de plus en plus préoccupant de la production porcine. Formée de personnes jeunes, compétentes et dynamiques sa nouvelle équipe aborda de front les problèmes à régler.

L’adjoint du ministre au cabinet, monsieur Christian Simard, ancien directeur général de l’UQCN, demanda à l’AQLPA de les conseiller sur les moyens à mettre en œuvre dans le dossier de la pollution atmosphérique pour respecter les engagements du Québec.

Sachant fort bien de part et d’autre qu’il fallait réduire les émissions de NOX provenant principalement du secteur des transports, il fut convenu de retenir deux orientations principales. D’abord, mettre rapidement en place un Programme d’inspection et d’entretien des véhicules automobiles, PIEVA, comme l’avait fait déjà une quarantaine d’États américains et, en parallèle, encourager le gouvernement du Québec à investir massivement dans les transports collectifs.

Tout ce qui ne tue pas rend plus fort

Dans le premier cas l’AQLPA fut mandatée pour définir un PIEVA dans le cadre du projet-pilote « Un air d’avenir ». Ce nouveau mandat nous aida à respirer un peu mieux tout en permettant de rebâtir une équipe de base enfin rémunérée.

Quant à la deuxième proposition, à savoir investir massivement dans les transports collectifs, la vieille garde du Parti québécois, fortement influencée par les nouveaux ministres des Transports et de l’Énergie, respectivement messieurs Guy Chevrette et Jacques Brassard, la relégua aux oubliettes. Malheureusement, des pressions importantes provenant du milieu agricole feront précipitamment mettre un terme, par le premier ministre Lucien Bouchard, à la carrière prometteuse du jeune ministre de l’Environnement.

Au même moment l’UQCN et l’AQLPA, partenaires fréquemment réunis depuis le début des années 80, invitèrent le milieu environnemental et, par la suite, l’ensemble de la société québécoise à la tenue d’états généraux sur l’environnement pour établir un premier plan en développement durable.

Cette importante consultation au Québec culminera en juin 1996 avec la tenue d’un grand rassemblement de trois jours à Montréal nommé ÉcoSommet où 850 délégués provenant de partout au Québec présentèrent le premier véritable plan québécois de développement durable.

Pendant ce temps le Débat public sur l’énergie au Québec bouillonnait

Annoncé en 1994 par le premier ministre Jacques Parizeau et mené par la Commission sur le débat public au Québec présidé par monsieur Alban D’Amour, ancien président du Mouvement Desjardins, le Débat public sur l’énergie au Québec mobilise le Québec au cours des années 1994 et 1995. Quelque 14 000 citoyennes et citoyens y participeront dans toutes les régions ; un record en matière de consultation dans les domaines de l’énergie et de l’environnement.

Les rencontres, partout au Québec, reflètent les discussions et les conclusions des rencontres que nous avions tenues lors des trois tournées du Québec menées par la Coalition québécoise pour un débat public sur l’énergie.

L’abandon de la production d’énergie nucléaire, comme à la centrale de Gentilly 2, et aussi d’électricité produite par des centrales thermiques au pétrole, comme à Tracy, ou encore provenant de projets de production d’électricité par des centrales au gaz, est demandé par une large majorité des participants.

Le désir de la grande majorité de la population pour que le Québec devienne un chef de fil en matière de conservation de l’énergie et en matière d’efficacité énergétique se confirme à chacune des rencontres de la commission. De fait, c’est la grande révélation de cette consultation, démontrant que les Québécois à cet égard sont plus ambitieux qu’Hydro-Québec et le gouvernement. Le virage pour les énergies vertes comme l’éolien, le solaire et la géothermie se voit confirmé comme une priorité d’une majorité des Québécois aussi.

L’action politique repose sur l’opinion publique exprimée

Les recommandations de la commission seront déposées en automne 1995. Elles intégreront l’ensemble des demandes de la population qui étaient très proches des revendications de la Coalition pour un débat public sur l’énergie.

La logique voulant que pour assurer le développement intégré et cohérent des ressources, il faille créer une Régie de l’énergie est confirmée à notre grand plaisir. La Commission sur le débat public sur l’énergie au Québec recommande également la création d’un organisme voué à la promotion de l’efficacité énergétique qui deviendra l’Agence de l’efficacité énergétique.

On croyait rêver, nous obtenions plus que nous avions demandé. La population québécoise se rallia aux principes présentés par le mouvement écologiste et encouragea Hydro-Québec et le gouvernement à renouer avec la volonté d’être les meilleurs dans le domaine de l’énergie électrique comme ce fut le cas dans les années 60-70.

Le gouvernement du Québec adopta en 1996 la première politique énergétique basée sur les recommandations émanant du débat public. Reflétant la volonté des Québécois, elle était inspirée en bonne partie par la pensée écologique, une vision citoyenne rafraichissante et par des experts reconnus provenant de partout au Québec.

L’été 1996 restera marqué dans la mémoire des gens par la catastrophe des inondations du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord, que plusieurs lieront au réchauffement planétaire avec ses événements climatiques extrêmes comme le prévoyaient déjà depuis quelques années de nombreux experts de la question.

Comme la politique et la logique ne se rejoignent pas souvent, les années à venir nous réserveront bien des surprises.

L’AQLPA, tel un phénix, renait de ses cendres

L’année 1997 commença vraiment sur les chapeaux de roues pour l’AQLPA suite à la demande du ministre Cliche à l’effet de définir un PIEVA adapté au Québec dans le cadre du programme « Un air d’avenir ».

C’était la première fois qu’un gouvernement mandatait un groupe environnemental malgré le fait qu’une quarantaine de programmes semblables étaient en application en Amérique du Nord. L’AQLPA proposa deux choses ; d’abord faire l’inventaire et l’analyse de tous les programmes américains et canadiens existants et ensuite, réunir un groupe d’experts sur l’ensemble des questions se rattachant à ces programmes pour participer avec nous à l’élaboration d’un tel programme.

Une quarantaine de personnes provenant des secteurs de l’automobile, de l’environnement, de la santé, du gouvernement et d’entreprises de gestion de programmes en place ailleurs furent conviées à la tâche dans le but d’assurer un programme d’inspection des émissions polluantes des véhicules automobiles qui atteindrait réellement ses objectifs tout en respectant les gens.

Il fut aussi convenu de déployer une campagne de sensibilisation publique sur un PIEVA et d’organiser des cliniques d’inspections volontaires afin de familiariser la population avec son fonctionnement.

Malheureusement en août 1997 le ministre David Cliche quittera le ministère de l’Environnement muté ministre responsable de l’Autoroute de l’information…

Nombreux seront ceux qui penseront que son engagement à contrôler la production porcine, source de tensions sociales importantes et de pollution de l’eau, lui aura coûté son poste. Le ministre Cliche aura également eu à faire face à une fronde menée par certains groupes lui reprochant pratiquement d’être responsable des événements du Saguenay.

De l’été 1997 à l’automne 2000, l’AQLPA et ses partenaires effectueront quelques 15 000 inspections de véhicules légers et 1200 inspections de véhicules lourds dans le cadre du programme « Un air d’avenir ».

Fiers d’avoir lancé cette initiative, le gouvernement du Québec, le nouveau ministre de l’Environnement Paul Bégin et l’AQLPA entendaient bien assurer le respect de nos engagements dans l’Accord sur les pluies acides et finir le travail avec ce programme, entre autres.

Par ailleurs, un accord sans précédent est conclu dans le dossier du réchauffement planétaire à Kyoto au Japon. L’Accord de Kyoto engagea tous les pays du monde incluant le Canada et les États-Unis à faire leur part respective dans la réduction des gaz à effet de serre responsables du réchauffement planétaire. Cet accord engage tous les pays signataires à agir rapidement et de manière responsable face à la menace de plus en plus évidente en réduisant globalement les émissions mondiales de 5,6 % par rapport à 1990. Le Canada a choisi de réduire les siennes de 6 %.

Le Québec adopta unanimement une motion à l’Assemblée nationale engageant le Québec à réduire ses émissions des gaz à effet de serre de 6 % par rapport à 1990 cette même année.

De plus, les experts participant à l’élaboration du PIEVA se rencontrèrent à plus d’une dizaine d’occasions pour une journée complète tout en assurant un important travail de recherche et de synthèse.

L’AQLPA était bel et bien de retour à l’avant-scène pour assurer l’amélioration de la qualité de l’air et répondre aux engagements du Québec.

Hydro-Québec subitement frappée d’Alzheimer

Hiver 1998, le sud du Québec subit un autre événement climatique extrême, la Tempête de verglas. Pendant plus d’un mois, la Montérégie sera figée dans la glace. C’est la désolation, pannes d’électricité généralisées pendant des semaines, des dizaines de pylônes effondrés, les poteaux et les fils électriques aussi, le réseau de transport et de distribution d’électricité subit une destruction jamais imaginée. Ajoutant un air de cauchemar à l’ensemble des dommages, partout on observa la destruction de dizaines de milliers d’arbres. La grande région de Montréal, la ville de Laval, les Basses-Laurentides, l’Estrie et une partie de Lanaudière furent affectées sérieusement aussi.

La ville de Montréal frôla la catastrophe de peu, manquant d’électricité, les équipements d’épuration d’eau fournissant la ville sont venus à un cheveu de rendre l’âme, ce qui était craint comme la peste pendant de très longues heures. Comme le dit le vieux proverbe, à quelque chose, malheur est bon, cette nouvelle catastrophe climatique sonna le réveil de la solidarité ainsi que des consciences…

Malgré un court séjour à son ministère, le ministre Bégin lança une large consultation pour l’élaboration du premier plan d’action sur les changements climatiques, les événements du Saguenay en 1996 et surtout la toute récente tempête de verglas ayant convaincu le ministre et le gouvernement d’agir avec détermination. L’AQLPA participa avec un nombre impressionnant d’organismes de toutes vocations à la conception de ce plan d’action.

Pendant que l’AQLPA et ses partenaires s’affairaient intensément dans le programme « Un air d’avenir », une initiative absolument choquante du nouveau président d’Hydro-Québec, monsieur André Caillé, ancien président de Gaz Métropolitain, frappe le Québec.

Le président d’Hydro-Québec annonça à l’automne 1998 son projet de construire pas moins d’une douzaine de centrales thermiques au gaz dont plusieurs près des frontières américaines.

Nommé par le premier ministre Lucien Bouchard à l’automne 1996, monsieur Caillé avait annoncé sa volonté de changer les choses, mais à mon avis c’était plutôt mal parti pour l’image propre propre propre d’Hydro-Québec et dans la perception de la population.

Au moment où le Québec tentait de terminer le travail pour respecter ses engagements sur les pluies acides, rompant avec la volonté populaire exprimée clairement lors du Débat public sur l’énergie et la toute nouvelle politique énergétique du Québec, cette annonce colossalement grotesque nous sidéra, car elle était aussi en pleine contradiction avec nos engagements de réduction des gaz à l’origine des pluies acides.

De plus, dans un contexte d’après catastrophe climatique liée au réchauffement planétaire, cette histoire détonnait et choquait. L’AQLPA dénonça immédiatement ce projet et appela à la mobilisation.

Quelques groupes environnementaux parmi les plus anciens dont l’AQLPA et l’UQCN montèrent au front. Curieusement, ils seront longtemps presque les seuls à s’opposer fermement et publiquement à ce virage thermique aussi paradoxal qu’absurde en matière de production d’électricité. Monsieur Caillé et Hydro-Québec restèrent par la suite remarquablement discrets sur cette affaire pendant de longs mois.

Dans le cadre du projet « Un air d’avenir », la nouvelle équipe responsable de tenir des cliniques d’inspections volontaires des émissions polluantes des véhicules automobiles fit le tour du Québec réalisant des milliers d’inspections et expliquant à autant de gens pourquoi un tel programme devait être mis en place au Québec.

Par ailleurs, une entente supplémentaire entre le Canada et les États-Unis, Le plan de gestion des émissions de NOX et COV, insistant sur l’importance de réduire ces émissions pour contrer les pluies acides et le smog, entra en vigueur à la fin de 1998. La part de responsabilité du Québec dans ce dossier était largement attribuable à son parc automobile.

Les cliniques d’inspection des émissions confirmèrent les craintes de l’AQLPA

Durant l’année 1999, l’AQLPA et ses partenaires ont poursuivi l’évaluation systématique de l’état du parc automobile québécois dans le programme « Un air d’avenir ». Un constat alarmant s’imposa : bien que le parc automobile québécois soit plus jeune que dans les autres provinces, il est dans un état particulièrement préoccupant au niveau des émissions polluantes comme les oxydes d’azote NOX, le monoxyde de carbone CO et les composés organiques volatils COV.

Suite à des milliers d’inspections volontaires des émissions des véhicules inspectés, il est apparu qu’au moins 16 % de ces véhicules légers n’étaient pas conformes aux normes d’émissions des programmes en place chez nos voisins comme l’Ontario ou l’État de New York. Le premier rapport du programme « Un air d’avenir », en avril 1999, a fait état de la situation très précisément.

Il est clairement ressorti aussi que le parc de véhicules lourds était dans un état tout aussi préoccupant et que les boucanes noires qui témoignent d’émissions excessives de particules de suie étaient très répandues ; plus de 20 % des camions inspectés n’étaient pas non plus conformes aux normes de ces programmes.

Le premier rapport du programme « Un air d’avenir » recommanda fermement l’inspection de tous les véhicules légers et proposa un modèle tout à fait nouveau de programme rendant plus efficace le travail de contrôle des émissions et plus simple pour les automobilistes.

Le ministre de l’Environnement monsieur Paul Bégin, comme un jésuite particulièrement discret et sévère depuis son arrivée en poste, annonça à notre grande surprise à l’automne 1999 son intention d’aller de l’avant avec la mise place d’un PIEVA pour les véhicules légers et lourds. Il demanda à l’AQLPA de poursuivre la planification d’un tel programme en mettant l’accent sur les véhicules lourds initialement oubliés par le gouvernement.

L’an 2000, début d’un nouveau millénaire, sera-t-il plus vert ?

Madame Pauline Marois, présidente du Conseil du trésor, lança la mise en œuvre du PIEVA prévu pour mai 2002 dans le discours du budget prononcé à l’Assemblée nationale en mars 2000.

Grande victoire ! L’AQLPA se réjouit de cette nouvelle avancée pour l’amélioration de la qualité de l’air, pour la santé des gens et aussi beaucoup pour le sens des responsabilités démontré par le gouvernement du Québec qui répondit, jusque-là, à la lettre à ses engagements face à l’Accord sur les pluies acides.

Le Plan d’action 2000-2002 sur les changements climatiques, résultat de la consultation lancée en 1998 par le ministre Bégin, a été rendu public en mai par le ministre Boisclair. On y retrouvait, comme mesure urgente et incontournable, le PIEVA. De plus, on pouvait y lire que « la production thermique d’électricité devait être restreinte au minimum ». L’AQLPA jubile.

Malheureusement, le Syndrome du côté gauche du cerveau déconnecté du côté droit frappera encore le gouvernement un peu plus tard…

Au cours de l’automne, André Caillé annonça que « dorénavant Hydro-Québec n’achètera plus d’énergie plus chère que 2,8 cent du kilowatt/heure » pour assurer une plus grande profitabilité d’Hydro-Québec.

La stratégie proposée par le président d’Hydro-Québec reposait sur la déviation de grandes rivières vers les bassins hydroélectriques existants sur la Côte-Nord et à la Baie-James, elle consistait pratiquement à faire disparaître des rivières pour augmenter le niveau d’eau de ces bassins !

Parmi les conséquences environnementales sérieuses, il y avait aussi la mort évidente de l’industrie naissante des énergies vertes en plus de la disparition de grandes sections de rivières ou pire, de rivières presque complètement.

Un dossier en dormance refit surface

Une mauvaise nouvelle arriva durant l’hiver 2001 : le ministre Paul Bégin dut se résoudre à quitter ses fonctions pour raison de maladie. Avant le départ du ministre, il fut convenu avec lui de pousser plus loin le développement du PIEVA.

Suite au deuxième rapport du programme « Un air d’avenir » dans lequel nous recommandions des mesures pour témoigner d’un souci réel pour les personnes moins bien nanties sachant que certaines personnes pourraient devoir se départir d’un véhicule irrécupérable après une inspection des émissions et un diagnostic d’un mécanicien qualifié, le ministre demanda de développer l’alternative souhaitée par l’AQLPA. Le programme de recyclage de vieilles voitures « Faites de l’air » fut planifié à ce moment pour répondre à ces préoccupations.

Le ministre Bégin fut remplacé le 8 mars par le jeune et fringant ministre André Boisclair.

Se présentant lui-même comme un défenseur de l’environnement très convaincu, le nouveau ministre Boisclair fait sien le dossier de Kyoto et du réchauffement planétaire, rien ne l’arrêterait dans sa croisade… Curieusement au même moment, l’appellation de ce problème atmosphérique majeur changea pour devenir les changements climatiques. Les plus vieux d’entre-nous référaient à ce dossier depuis les années 80 comme celui du réchauffement planétaire causant des bouleversements climatiques, mais la nouvelle mode se voulant moins alarmiste on préféra cette appellation et le nouveau ministre était de la dernière mode…

Ce nouveau ministre de l’Environnement était partout, on le voyait avec son fan-club select dans toutes les occasions imaginables, très jet set, il était de toutes les tribunes à la mode.

Soucieux de bien se faire entendre et apprécier, il publia 276 communiqués en un peu plus d’un an… un record jamais égalé ! L’AQLPA insista fortement auprès de son cabinet pour ne plus recevoir tant d’information sur l’emploi du temps du ministre puisque ses communiqués étaient envoyés à tous les grands groupes environnementaux aussi.

Le virage au gaz proposé par monsieur André Caillé président d’Hydro-Québec et, il faut s’en souvenir, ancien président de Gaz Métro, réapparaît sous une forme plus douce moins agressante : une seule centrale plutôt que la douzaine de centrales au gaz qu’il avait déjà présentées subrepticement sans insister, la miraculeuse centrale au gaz Le Suroît était née… sur papier.

La centrale Le Suroît, selon les dires de monsieur Caillé, devait permettre au Québec d’assurer sa sécurité énergétique, expression nouvelle, à la mode surtout aux États-Unis dans la stratégie du mégaconsortium énergétique américain, ENRON, qui voulait accaparer le marché de l’énergie pour combler la pénurie d’énergie appréhendée aux USA.

La centrale au gaz « à cycle combiné », dernier cri technologique à la mode, devait régler une grande partie des problèmes de pollution atmosphérique transfrontalière, lire les pluies acides, et nous enrichir admirablement. Cette centrale de 640 mégawatts devait permettre de libérer de l’hydroélectricité au Québec qu’on pourrait exporter vers les États de la Nouvelle-Angleterre tout en comblant une pénurie d’énergie appréhendée au Québec…

L’AQLPA ne mordit jamais à l’hameçon, bien au contraire… Ni d’ailleurs plusieurs autres groupes qui demandèrent tous une étude d’évaluation d’impact et des audiences publiques menées par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, le BAPE. Le ministre de l’Environnement accéda à nos demandes.

Le Chevalier de Kyoto

Dans ce contexte complètement absurde et paradoxal au Québec encore une fois, au début janvier 2001, on s’attendait à voir le nouveau et fringuant ministre Boisclair monter fermement au front pour défendre l’environnement, la réduction des gaz à effet de serre et le respect de nos engagements dans la lutte aux pluies acides. Ce ne fut pas le cas, bien au contraire comme on verra…

Tout d’abord cherchant à rencontrer le nouveau ministre de l’Environnement monsieur Boisclair, nous avons tenté pendant des mois d’obtenir une rencontre pour discuter de sa stratégie et de ses intentions face à la mise en œuvre du PIEVA, peine perdue, après de multiples demandes et des mois d’attente ; rien…

Voyant rapidement approcher l’échéance du mois de mai 2002, moment où le PIEVA devait être mis en place, l’AQLPA a insisté auprès du cabinet de monsieur Boisclair pour obtenir des réponses claires.

Plusieurs autres dossiers importants pour l’AQLPA méritaient selon nous qu’on puisse avoir une bonne discussion avec le ministre, par exemple le fait qu’il avait coupé et exclu l’AQLPA, et certains autres groupes disons moins conciliants, de tout financement statutaire disponible aux groupes environnementaux reconnus par son ministère.

Il fallut neuf mois pour enfin avoir une première rencontre en novembre 2001 avec le ministre Boisclair. Cette première rencontre avec l’AQLPA et huit représentants des partenaires du programme « Un air d’avenir » qui insistaient de plus en plus fut très décevante. D’abord le ministre arriva en retard d’une heure et demie sans présenter la moindre excuse aux participants et il était ensuite manifeste qu’il ne comprenait rien ou ne voulait rien comprendre au PIEVA.

À la question parfaitement légitime que je lui avais posée à savoir « Comment entendez-vous, monsieur le ministre, donner suite aux engagements de votre gouvernement à l’égard de la mise en place du PIEVA ? » La réponse du ministre choqua sérieusement tout le monde quand il dit « J’ai bien réfléchi à cette affaire et je me suis dit qu’on devrait mettre le PIEVA en place strictement dans l’ouest de Montréal, les Anglais aiment ça ces programmes-là… »

Ces propos choquèrent à ce point les représentants des partenaires d’« Un air d’avenir » et en particulier celui de l’Association des industries de l’automobile qui avait consenti des investissements importants pour soutenir le développement du programme à la demande de son prédécesseur et de son gouvernement, qu’il fallut mettre un terme abruptement à cette rencontre.

Le temps passait et le ministre, toujours aussi distant et insaisissable, ne démontrait aucune envie de s’opposer au projet de la centrale au gaz Le Suroît. Malgré l’opposition ferme de plus en plus de groupes environnementaux dont l’AQLPA, l’UQCN, le Mouvement Au Courant et le Regroupement national des Conseils régionaux de l’environnement (RNCREQ) qui lui demandaient d’intervenir ; rien toujours rien…

Puis, un jour, lors d’un débat à l’Assemblée nationale sur le projet de la centrale au gaz Le Suroît, le ministre Boisclair le plus sérieusement du monde déclara « oui je suis ministre de l’Environnement, mais aussi membre du gouvernement et en ce sens je suis très très solidaire de la décision du gouvernement pour la création d’emplois… Je dis oui à la centrale au gaz de Melocheville… »

Le Chevalier de Kyoto avait probablement dû mettre lui-même les œillères de son cheval et avait en plus perdu sa selle…

Le Journal de Québec rapporta les propos du ministre dans son édition du 6 octobre 2001 et le chroniqueur Normand Girard alla jusqu’à conclure que le ministre rejetait du revers de la main tous les arguments des opposants à ce projet incluant même ceux des autorités du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, organisme gouvernemental nouvellement appelé à se prononcer sur cette question.

Et le pieva monsieur le ministre ?

L’année 2002 étant sensée être l’année de mise œuvre du PIEVA au Québec, l’AQLPA et ses partenaires continuèrent à travailler à l’élaboration de ses différentes composantes de ce programme, à la préparation du milieu, à la formation des mécaniciens et à la tenue de cliniques d’inspection des émissions des véhicules. Tant les fonctionnaires du ministère de l’Environnement, que les partenaires du programme « Un air d’avenir », que les mécaniciens et les écoles de formation que les responsables de l’AQLPA, tous travaillaient avec acharnement pour être prêts au mois de mai.

Voulant établir un programme efficace, nous avions bien fait comprendre qu’il fallait s’assurer de la formation adéquate des mécaniciens qui seraient appelés à poser un diagnostic et faire les ajustements nécessaires sur les véhicules ayant échoué au test des émissions.

Nous disions à qui voulait l’entendre :

L’acteur principal dans ce domaine est le mécanicien, pas un fonctionnaire, pas un écologiste, ni même un ministre de l’Environnement, mais un mécanicien dans un garage. Le mécanicien est en lien direct avec le propriétaire d’un véhicule défectueux et il est le responsable de sa mise aux normes. L’efficacité d’un tel programme repose en bonne partie sur la compétence et l’honnêteté de l’ensemble des mécaniciens, d’où l’extrême importance de leur rôle.

Quelque deux mille mécaniciens suivirent des cours de formation en contrôle des émissions à raison 500 $, d’une durée d’environ six mois.

Malgré des relations difficiles avec le ministre Boisclair, le dossier suivait son cours en ce début d’année, quand le réveil fut brutalement sonné.

Le ministre Boisclair, pressé de toutes parts, refusant depuis des mois de répondre clairement aux questions, mit un terme au programme en mars 2002. Sa seule explication fut « j’ai fait le calcul de la sympathie populaire à l’égard de mon gouvernement et à l’approche des élections j’ai décidé de ne pas aller de l’avant avec le PIEVA. » Les élections auront lieu un peu plus d’un an plus tard…

Le Chevalier de Kyoto cette fois, venait de perdre sa monture…

Réalisant que le « ministre de l’Environnement » avait totalement abdiqué ses responsabilités face aux principales recommandations du Plan d’action québécois 2000-2002 sur les changements climatiques comme celles sur le PIEVA et les centrales thermiques, l’AQLPA, appuyée fermement encore une fois par l’UQCN, lança un nouvel appel à la mobilisation en novembre 2002.

Le Mouvement Au Courant, l’UQCN, le RNCREQ, le Parti vert et l’AQLPA s’associèrent en fin d’année pour créer une nouvelle coalition.

Le ministre Boisclair peinturé dans le coin annonça la tenue d’une commission parlementaire sur la mise en œuvre des mesures nécessaires pour réduire les gaz à effet de serre au Québec.

La coalition Québec-Vert-Kyoto à la rescousse

Dès le début 2003, ces groupes se réunirent et dénoncèrent unanimement la contradiction aberrante du gouvernement du Québec face à ses engagements dans les dossiers des gaz à effet de serre, des pluies acides et du smog. Le double discours du ministre de l’Environnement Boisclair détonnait de plus en plus.

Le très controversé projet de la centrale au gaz Le Suroît reçut un avis de refus d’acceptation par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, le BAPE, transmis au ministre Boisclair en février 2003.

Les commissaires et le président du BAPE étaient unanimes sur le fait que la centrale au gaz Le Suroît aurait rendu impossible l’atteinte de nos engagements à réduire nos gaz à effet de serre avec ses 2 400 000 tonnes de gaz à effet émis par année, ce qui correspondait à un ajout de 3 % au lieu d’une réduction.

Pourquoi respecter nos engagements à réduire nos gaz à effet de serre, demanda le président d’Hydro-Québec

Par ailleurs, le 19 février 2003, le président d’Hydro-Québec, monsieur Caillé, défendra une position grotesque et absolument contraire à la logique écologique élémentaire et clairement empreinte d’intérêts particuliers extérieurs à Hydro-Québec durant la Commission parlementaire sur la mise en œuvre du Protocole de Kyoto au Québec.

André Caillé proposera que le Québec accepte d’augmenter ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 4 % sans distinction de date, plutôt que de les réduire de 6 % par rapport à 1990 dès 2008 jusqu’en 2012 comme prévoyait l’engagement du Québec.

Ses propos ont été repris dans le journal Le Soleil du lendemain, le 20 février 2003, où on pouvait lire que le président soutenait encore la construction d’une douzaine de centrales au gaz…

Malgré les recommandations du BAPE, des groupes environnementaux, des ingénieurs d’Hydro-Québec et des spécialistes en énergie indépendants, le ministre Boisclair ne rejeta jamais publiquement le projet de centrale au gaz Le Suroît ni par ailleurs les onze autres projets de centrales au gaz de même acabit.

Les annonces « hors sujet » du ministre Boisclair se multipliaient, mais le travail nécessaire selon les engagements du Québec était toujours pratiquement inexistant.

Les relations avec le ministre Boisclair étaient impossibles pour les groupes en dehors de son fan-club select et la grogne était grande, on sentait une odeur désagréable de fin de régime.

Au printemps 2003, les élections furent annoncées pour le mois de juin.

Jean Charest serait-il le premier premier ministre vert comme il l’avait dit en campagne électorale ?

Suite aux élections, un nouveau gouvernement libéral sous l’autorité du premier ministre Jean Charest prit le pouvoir. Une lueur d’espoir pointait à l’horizon ; Jean Charest n’avait-il pas été le ministre de l’Environnement canadien, ayant signé l’Accord nord-américain sur les pluies acides ?

La nomination du nouveau ministre de l’Environnement Thomas Mulcair était perçue comme un soulagement par plusieurs, mais définitivement pas par les membres du fan-club sélect de l’ex-ministre Boisclair.

Le ministre Mulcair comme la grande majorité de ses prédécesseurs convia les groupes environnementaux, tous les groupes, pour faire connaissance et exposer leurs attentes. Rapidement le ministre annonça à l’AQLPA sa volonté de mettre en place un Programme d’inspection et d’entretien des véhicules lourds, le PIEVAL, et de lancer le Programme de recyclage de vieilles voitures « Faites de l’air ».

Pour ce qui était du PIEVA, tout étant à refaire après le passage destructeur de l’ancien ministre Boisclair, le nouveau ministre Mulcair ne pouvait s’avancer…

Durant l’été 2003, l’AQLPA continua ses cliniques d’inspection volontaires des émissions polluantes des véhicules automobiles et la tendance en termes de non-respect des normes anti pollution se démontrait toujours aussi préoccupante. Encore 16 % d’échec, même lors d’inspections volontaires, ce qui voulait dire que la réalité était encore pire 18, 20 ou 25 % ?

Le ministre tint parole : « Faites de l’air » fut officiellement lancé en septembre 2003 et le PIEVAL le sera en 2005.

Le programme « Faites de l’air » fut lancé à Longueuil en septembre 2003 par l’AQLPA et ses partenaires, Environnement Canada, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP), le ministère des Transports, la Société de transport de Montréal (STM), le Réseau de transport de Longueuil RTL, la Société de transport de Laval STL, l’Agence métropolitaine de transport de Montréal AMT, le Réseau de transport de la Capitale RTC, le Comité de transport interrégional CIT, l’Association des recycleurs de pièces d’autos et de camions ARPAC, Pièces d’auto Kenny de Laval et Pièces d’autos Mainguy de Québec.

« Faites de l’air » débuta même s’il n’était pas encore lié au PIEVA afin d’en tester le fonctionnement et son appréciation auprès du public. Il offrait d’échanger une vieille voiture de dix ans et plus rendue à « bout de souffle » contre six mois de transport collectif.

Un déblocage enfin était survenu et on comptait sur l’AQLPA pour reprendre le travail sur le PIEVA. Les choses semblaient vouloir se replacer.

Le fantôme du Suroît réapparaît

Revenant de la tombe, le projet de centrale au gaz Le Suroît réapparu sans avertissement lors d’une annonce conjointe du ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Sam Hamad, et du président d’Hydro-Québec, André Caillé.

La réaction publique d’opposition de l’AQLPA fut immédiate. Nous convoquâmes une réunion de la coalition Québec-Vert-Kyoto pour bloquer une fois encore ce non-sens. Nous fûmes réellement étonnés des messages d’appui que nous reçûmes de partout.

Mais, l’année 2003 se terminait sur une bien mauvaise note.

Où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir dit l’adage populaire

Profitant d’une vague de froid coutumière en janvier 2004 le président d’Hydro-Québec invita la population à réduire sa consommation d’électricité afin de ne pas manquer de courant…

Questionnés par les médias sur cette affirmation du président d’Hydro-Québec, nous avons soutenu nous aussi cette demande de réduction de la consommation, mais pour des motifs très différents. Ne craignant pas du tout de manquer de courant, nous souhaitions encourager la conservation de l’énergie.

Prenant ces invitations au sérieux, la population du Québec réduisit sa consommation d’électricité en quelques heures d’une quantité égale à ce qu’aurait produit la centrale Le Suroît. La conclusion était on ne peut plus claire, pas du tout besoin de la centrale Le Suroît…

Nos liens étroits et discrets avec de hauts responsables chez Hydro-Québec nous permirent d’obtenir la confirmation de cette étonnante réduction de consommation.

Lors d’une réunion de l’exécutif de la Coalition Québec-Vert-Kyoto, tenue à Montréal entre Daniel Breton et Xavier Daxhelet du Parti vert et moi-même André Bélisle de l’AQLPA, il fut décidé de lancer une invitation à la population le 1er février, soit dix jours plus tard, pour une grande manifestation contre Le Suroît et pour les énergies vertes dont l’éolien en premier lieu.

Nous fûmes quelque 7500 personnes à braver le froid de moins 20 degrés un dimanche du Super Bowl, à marcher sur la rue Sainte-Catherine pour se rendre rue René-Lévesque sur le parvis d’Hydro-Québec afin de livrer clairement et directement notre message.

Ce fut un succès sans précédent et en fait, ce fut à ce moment, la plus importante manifestation pour l’environnement jamais tenue au Canada. Nous flottions littéralement dans la satisfaction grâce à ce geste d’appui de nos concitoyens…

Le ministre Sam Hamad, visiblement ébranlé, déclara dans les médias quelques semaines plus tard « Le Suroît fini, Le Suroît fini, Le Suroît fini… » et il fut muté ailleurs.

Malheureusement, quelques semaines plus tard, une autre manifestation cette fois contre la centrale au gaz de Bécancour ne connut pas le succès escompté. La distance des grands centres et l’isolement relatif des lieux y étaient pour beaucoup.

Une audience comparable à celle du projet Le Suroît fut tenue par d’autres commissaires sur une autre des douze centrales au gaz de monsieur Caillé, soit la centrale de Bécancour. Au printemps 2004, les conclusions, étaient relativement semblables, mais comme l’opposition populaire fut moins importante elle ne fut pas rejetée aussi clairement même si elle serait responsable de 1 800 000 tonnes de gaz à effet de serre.

Lors d’un point de presse, le nouveau ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Pierre Corbeil, et le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, Thomas Mulcair, annoncèrent dans une présentation aux allures théâtrales l’enterrement définitif de la centrale Le Suroît, mais aussi la construction de la centrale au gaz de Bécancour qu’on présentait comme « nécessaire, mais non indispensable »… ? ? ? Une demi-victoire au goût amer en définitive, puisque nous étions, depuis le début de la saga des centrales au gaz, absolument convaincus que tout cela était totalement inutile pour le Québec.

La liberté d’expression et la démocratie baillonnées

En ce début d’année 2005, une situation plutôt difficile au niveau financier, occasionnée par les réductions imposées par l’ancien ministre Boisclair en plus de la mort clinique du PIEVA causée aussi par le même André Boisclair, nous rendait la tâche bien difficile.

Seul le programme « Faites de l’air » nous permettait de subsister.

Vers le mois de mai, une demande d’aide face à des problèmes d’écoulements suspects sur les berges de la rivière Etchemin aux abords du site d’enfouissement de Lévis de la part de citoyens et du Comité de restauration de la rivière Etchemin nous amena dans une aventure rocambolesque.

Après avoir constaté nous-mêmes des écoulements suspects dans la rivière provenant selon toute vraisemblance du site d’enfouissement connu pour ses multiples problèmes d’écoulements et d’émissions atmosphériques comme le méthane. Nous nous étions adressés au ministère de l’Environnement pour porter à son attention ce qui nous semblait problématique.

De plus, nous avions remarqué un projet industriel important en construction sur le site d’enfouissement et nous étions plutôt d’avis que cette construction pouvait être à l’origine de ce problème d’écoulement. Selon le ministère, il n’y avait aucun problème ; selon nous, c’était absolument impossible. Leur réaction choqua tous les gens ainsi que nos deux organisations.

Nous avons demandé au ministère ainsi qu’à la ville de Lévis s’il y avait eu une étude d’impact avant l’autorisation de la construction de ce projet industriel et si la compagnie avait obtenu son certificat d’autorisation pour commencer ses travaux. À notre grand étonnement, ces deux organismes publics responsables de l’application des lois nous informèrent que dans les deux cas la réponse était non…

Nous nous retrouvions donc face à la construction d’un important projet industriel sur un vieux dépotoir connu pour ses problèmes importants et récurrents de pollution de l’eau et de l’air depuis des décennies. Ce projet se réalisait en pleine contravention des lois, causait selon nous des émissions polluantes et était condamné à en causer bien d’autres puisqu’il n’y avait eu aucune caractérisation du terrain, ni évaluation des impacts, ni aucun certificat d’autorisation.

Face à cette situation, nous avions redemandé à ces deux organismes publics comment ils entendaient faire respecter les lois environnementales et jamais nous n’avons pu obtenir de réponse…

Constatant un laxisme renversant dans cette affaire et sachant qu’il y avait bel et bien des dégagements de polluants dans l’eau et dans l’air, sans oublier plusieurs infractions non sanctionnées, nous avons invoqué la loi sur la qualité de l’environnement pour nous adresser à la cour en juillet afin de faire cesser tous ces problèmes et faire appliquer la loi.

La décision de la cour fut sans équivoque ; elle ordonna l’arrêt immédiat des travaux.

La compagnie se croyant injustement accusée intenta en novembre une poursuite de 5 000 000 $ contre nous pour nous faire abandonner nos démarches. Plus tard, la cour blâmera la compagnie, le ministère de l’Environnement ainsi que la ville de Lévis et reconnaîtra la légitimité des démarches de l’AQLPA.

L’AQLPA et la campagne « Citoyens taisez-vous »

Stupéfaits et choqués profondément devant cette tentative d’intimidation visant clairement à nous faire taire et abandonner la défense de ce dossier, nous avions résolu de ne pas nous laisser museler. Face à ce que certains groupes américains appelaient une SLAPP, ou Strategic Lawsuit Against Public Participation, ou encore en français, une poursuite judiciaire stratégique contre la participation publique, l’AQLPA décida dès janvier 2006 de contre attaquer avec une campagne publique nommée « Citoyens taisez-vous ».

Cette campagne visait deux objectifs ; faire connaître cette SLAPP ou poursuite bâillon au public pour ainsi tenter de renverser l’odieux et la pression sur la compagnie et surtout amasser des fonds pour soutenir notre défense.

Cette campagne fut un franc succès de relations publiques et financier ; tout le Québec fut choqué devant cette bataille de David contre Goliath. La pression populaire et médiatique accula la compagnie à proposer une entente hors cour pour mettre fin aux procédures.

Suite à nos interventions, le ministre de la Justice, monsieur Clément Marcoux, décida de créer un groupe d’expert afin d’évaluer la situation au Québec dans le but de savoir si cette affaire démontrait en réalité un danger pour la liberté d’expression et la participation citoyenne. Comme quelques autres poursuites semblables avaient vu le jour après la nôtre, il semblait bien y avoir une tendance qui se concrétisait.

Qui croyait que le virage thermique était chose du passé ?

En cette année 2006, deux projets de ports méthaniers faisaient les manchettes au Québec. D’abord le projet Gros-Cacouna dans le Bas-Saint-Laurent et ensuite le projet Rabaska à Lévis.

Dans les deux cas, ces ports méthaniers proposaient de pallier la pénurie appréhendée de gaz naturel au Québec. Pire, à Gros-Cacouna les promoteurs Pétro-Canada et Trans-Canada Pipelines invoquaient l’augmentation, au Québec, de besoins de production d’électricité produite par des centrales au gaz pour justifier en grande partie leur projet ! ! !

Pour Rabaska, les promoteurs Gaz de France, Gaz Métro et Enbridge ont d’abord invoqué la pénurie appréhendée au Québec pour ensuite reconnaître que c’était plutôt pour l’exportation vers les États-Unis avec, bien sûr, l’urgent besoin de pallier la pénurie appréhendée au Québec.

Dans les deux cas, l’AQLPA s’est présenté aux audiences du BAPE pour présenter son analyse rejetant toute affirmation de pénurie et démontrant avec beaucoup de soin les problèmes environnementaux potentiels, les dangers pour les communautés immédiates et surtout, le non-sens de la théorie de pénurie appréhendée.

Il en ressortait que c’était bien plus pour rendre disponible le gaz naturel que le Québec importait de l’Ouest canadien et pour supporter l’augmentation vertigineuse prévue de la production de pétrole dans les sables bitumineux en attendant la production de gaz du bassin du Mackenzie dans les Territoires du Nord-Ouest.

L’AQLPA a bien sûr appuyé les groupes de citoyens se mobilisant pour stopper cette nouvelle stratégie insensée.

Le projet de Gros-Cacouna est mort à cause de l’augmentation des prix du métal, du manque de ressources provenant de Russie et de débouchés en Amérique.

Quant au projet Rabaska, l’affaire était encore moins compréhensible, mais le projet était toujours en attente.

Curieusement, le ministère de l’Environnement du Québec demeura très silencieux et distant face à nous après le départ du ministre Mulcair. Le nouveau ministre Claude Béchard refusa de rencontrer l’AQLPA déclarant à un certain moment que « dorénavant seuls les bons groupes seraient financés ». L’opposition aux projets Le Suroît, Rabaska et le blâme de la cour envers son ministère dans l’affaire du site d’enfouissement de Lévis y furent probablement pour beaucoup.

Tiens tiens tiens, y aurait-il eu des liens à établir avec le fan-club select d’André Boisclair ?

Suite à une décision du gouvernement, le ministre Béchard fut remplacé par madame Line Beauchamp à titre de ministre de l’Environnement du Québec. Une nouvelle ère, plus harmonieuse, débuta dans nos relations avec ce ministère et le gouvernement.

Une fois encore l’AQLPA confrontée à la disette

Suite à son aventure juridique, l’AQLPA se retrouva une fois encore, en ce début de 2008, aux prises avec une crise financière majeure. Les frais encourus pour sa défense et les pertes d’entrées de fonds causés directement par cette affaire qui fit croire à bien des partenaires habituels que c’en était fini pour l’AQLPA nous laissèrent sans autres choix que de cesser de verser quelque salaire que ce soit.

Par ailleurs le nouveau ministre de Justice, monsieur Jacques Dupuis lança une commission parlementaire sur les moyens de contrer le recours abusif aux tribunaux pour intimider et bâillonner des défenseurs de droits reconnus.

Une élection, en fin d’année le 8 décembre, laissa en plan cette commission parlementaire. Par contre, le ministre Dupuis s’engagea à revenir en commission parlementaire pour finir le travail. Il dit même qu’il avait été profondément bouleversé par notre histoire et voyant que d’autres gens subissaient le même genre de traitement, il fallait y voir. Il nous donna sa parole en gage…

De six employés salariés, l’AQLPA tombe à un bénévole et demi à temps plein

Même le programme « Faites de l’air » verra certains partenaires se retirer. Les ministères de l’Environnement canadien et québécois stoppèrent leurs participations dans le programme sans avertissement. Pire, le ministre canadien de l’Environnement John Baird décida de donner la gestion de notre programme à une organisation de Toronto, la Clean Air Foundation ! ! !

Heureusement certains de nos partenaires notamment les sociétés de transports et certaines entreprises de recyclage choisirent de maintenir leur soutien à l’AQLPA dans « Faites de l’air » qui fut notre planche de salut.

Il y a un Bon Dieu pour les innocents

Les fonctionnaires d’Environnement Canada renversèrent totalement la situation. Ceux-ci reconnaissaient l’injustice flagrante de la dépossession de l’AQLPA de son programme développé et soutenu, beau temps mauvais temps, depuis des années avec les maigres moyens de l’AQLPA. Environnement Canada finança l’AQLPA pour soutenir « Faites de l’air » et nous permettre d’éviter d’être expropriés de notre propre programme…

La difficile année 2008 se termina sur une note d’espoir et la promesse des responsables québécois d’Environnement Canada que la nouvelle stratégie canadienne de recyclage de vieilles voitures, largement inspirée par l’AQLPA, respectera notre droit de propriété. Ceci signifia que nous obtiendrions sous peu le plus gros contrat de l’histoire de l’AQLPA…

2009 Année de l’obtention du plus gros contrat à vie de l’AQLPA

L’année 2009 commença d’une façon absolument remarquable. L’AQLPA dût négocier âprement avec la Clean Air Foundation un contrat pour intégrer le programme « Faites de l’air », au tout nouveau Programme canadien de recyclage de voitures nommé « Adieu Bazou/Retire your ride ». La Clean Air Foundation avait obtenu du ministre de l’Environnement canadien John Baird la gestion et le contrôle de la majorité des programmes provinciaux avalant par le fait même plusieurs groupes et programmes qui existaient bien avant.

Deux groupes de deux provinces, soit l’AQLPA au Québec et BC Scrap-It en Colombie-Britannique, préférèrent se battre plutôt que de perdre leurs programmes respectifs. Ces deux organisations avaient développé ensemble et depuis longtemps leurs propres programmes qui fonctionnaient fort bien par ailleurs. Fortement appuyé par son gouvernement, BC Scrap-It réussit à garder une indépendance totale de la gestion de son programme tout en intégrant le programme canadien.

Tel ne fut pas le cas pour l’AQLPA et « Faites de l’air ». D’abord, le ministère québécois de l’Environnement n’avait toujours pas réintégré le programme, notre position dans ces négociations était donc moins solide et nous dépendions fortement de l’appui d’Environnement Canada qui, dans les circonstances, était assez mal à l’aise entre l’arbre et l’écorce.

Il n’y en aura pas de facile disait quelqu’un

Dans le dossier des poursuites abusives, conformément à son engagement envers nous, le nouveau ministre de la Sécurité publique convoqua une nouvelle commission parlementaire pour développer une loi contre les poursuites abusives ou bâillons. Le ministre Dupuis tint parole jusqu’à ce jour…

De janvier à avril, un marathon de négociations eut lieu et pas moins de soixante-et-une versions du contrat furent nécessaires avant de pouvoir signer une entente avec la Clean Air Foundation, la BIG SISTER. L’AQLPA n’allait certainement pas se laisser dépouiller sans se battre et nous avons eu gain de cause au final, mais nous n’avons pas eu la paix avant longtemps.

Quoi qu’il en soit, « Faites de l’air » resta et devint « Adieu Bazou/Faites de l’air » qui fut lancé en avril 2009 avec l’objectif de recycler 10 000 véhicules « à bout de souffle » âgés de quatorze ans et plus en échange de titres de transport collectif, de vélos ou d’un montant de 300 $.

Malgré toutes les tracasseries les plus incroyables, l’AQLPA voyait s’accumuler de mois en mois des résultats très positifs et forts étonnants.

Mais le 30 septembre, coup de théâtre, la Clean Air Foundation envoya une lettre d’avocat de dix pages à l’AQLPA pour l’informer qu’elle entendait l’évincer du programme pour des raisons de problèmes d’administration. Ce fut la guerre ouverte.

Après des semaines de batailles, l’AQLPA fit reconnaître par Environnement Canada et, malgré elle, par la Clean Air Foundation aussi, que les blâmes adressés à l’AQLPA étaient en fait mal intentionnés, car les problèmes invoqués étaient la conséquence directe de manquements majeurs de la part de Clean Air Foundation à notre égard.

Le 4 décembre, la Clean Air Foundation reconnut ces faits dans un message laconique de quatre lignes sans reconnaître ses torts et sans aucune excuse…

Malgré tout l’AQLPA établit un record de participation et de rendement au Canada dans « Faites de l’air ».

Je dirai longtemps en termes de conclusion philosophique « imaginons un peu qu’au lieu de se battre entre nous on aurait véritablement travaillé en collaboration… »

En marge de cette histoire plutôt burlesque, un autre dossier se profilait.

Citoyens, citoyennes, dormez-vous au gaz de schiste ?

Suite à quelques interventions publiques de monsieur André Caillé, un revenant maintenant promoteur de l’industrie des gaz de schiste, l’AQLPA décida de fouiller le dossier des gaz de schiste au Québec dès février 2009. Rapidement il devint évident qu’à part les initiés de l’industrie, personne, mais vraiment personne ne connaissait l’existence de gaz de schiste ni son industrie.

Pourtant, l’AQLPA avait découvert, par des recherches menées par Kim Cornelissen, vice-présidente, Dominique Neuman, conseiller juridique et moi-même, qu’entre autres choses, plus de 500 permis d’exploration et d’exploitation des gaz de schiste avaient été octroyés à l’industrie dans la plus totale obscurité.

On réalisa après des discussions avec les autorités du ministère de l’Environnement que ce ministère, de l’aveu même du cabinet de la ministre et du sous-ministre, ne connaissait pas l’industrie des gaz de schiste, ni ses impacts potentiels, et n’avait aucune réglementation pour y face… ! ! !

Une autre grande victoire pour l’AQLPA

Entretemps, à la surprise générale le 4 juin 2009, le gouvernement du Québec sous la direction du ministre Jacques Dupuis adopta la loi 9, la loi protégeant la société québécoise contre les poursuites-bâillons, les SLAPP. Une vraie révolution au Canada, le Québec devenant la première province à mettre en place une telle loi en permanence. J’ai déclaré partout avec une grande insistance « Le ministre a vraiment tenu parole et le Québec lui devra une grande reconnaissance pour son apport remarquable à la liberté d’expression, bravo monsieur le ministre ».

Retour au gaz de schiste ou de schisme

L’AQLPA constata, après plusieurs rencontres avec des représentants du gouvernement tant du ministère de l’Environnement que du ministère des Ressources naturelles, qu’une industrie gigantesque se mettait en place sur les terres de milliers de citoyens sans aucune consultation, sans aucune connaissance des dangers, en toute contradiction avec plusieurs lois comme la Loi sur le développement durable.

L’AQLPA, le 27 septembre 2009, soit un an avant quiconque, demanda publiquement une audience publique pour évaluer la situation dans son ensemble et exigea un moratoire immédiat et total sur le développement de cette industrie.

Les succès obtenus attirèrent d’autres succès

« Faites de l’air » battait en 2010 tous les records de participation, l’AQLPA dépassait allègrement tous les objectifs que lui avait fixés Environnement Canada. D’une équipe d’une personne et demie bénévole à temps plein, l’équipe de « Faites de l’air » passa à quatre, puis huit, puis quinze puis vingt personnes et ça continuait pour se rendre à vingt-cinq employés salariés. L’AQLPA était devenu le plus gros employeur de Saint-Léon-de-Standon en moins d’un an.

Au printemps, le retour en force du ministère de l’Environnement du Québec dans « Faites de l’air » y était pour beaucoup. La ministre Line Beauchamp fit preuve elle aussi d’une grande ouverture d’esprit malgré l’affaire des gaz de schiste.

Dans le dossier des gaz de schiste, l’appel à la mobilisation lancée par l’AQLPA au début du printemps battait aussi des records des comités de citoyens apparaissaient partout dans la vallée du Saint-Laurent.

Lancée officiellement le 31 mai à Saint-Marc-sur-Richelieu par Kim Cornelissen, Lucie Sauvé, Johanne Béliveau, Pierre Batelier et moi-même, telle une trainée de poudre, cette mobilisation grossissait de semaine en semaine.

Au mois d’août, le nouveau ministre de l’Environnement monsieur Pierre Arcand, accompagné de la ministre des Ressources naturelles, madame Nathalie Normandeau, annonça la tenue d’une audience du BAPE sur la question des gaz de schiste et une réglementation élémentaire et temporaire encadrant les travaux de forages et de fracturation des compagnies gazières.

J’avais mis en garde ces deux ministres de ne pas prendre à la légère la mobilisation des Québécoises et des Québécois sur ce sujet en disant « vous êtes mieux de réaliser que les gens sont vraiment très choqués dans ce dossier ; vous verrez bientôt que l’affaire de la centrale Le Suroît n’aura été qu’une pratique pour ce qui s’en vient… » Nous n’aurions jamais cru si bien dire.

Octobre 2010, le BAPE tint ses audiences sur l’industrie des gaz de schiste ; des centaines de gens mécontents se manifestèrent. Malgré un mandat inquiétant que l’on considéra comme trop court et restreint, le BAPE nous donna entièrement raison.

Vis-à-vis le manque ahurissant de connaissances sur cette question, le BAPE recommanda la création d’une Évaluation environnementale stratégique (ÉES) pour fouiller l’affaire. Il recommanda l’arrêt de toute fracturation.

Le mémoire de l’AQLPA semblait avoir été copié-collé tellement les recommandations du BAPE coïncidaient avec nos demandes… WOW ! Quel revirement de situation provoqué encore une fois par l’AQLPA !

Pendant ce temps, dans « Faites de l’air », c’était record par-dessus record.

En cette année 2010, il y avait beaucoup de raisons d’être vraiment très fiers de toute l’équipe.

L’AQLPA termina un cycle en 2011, 29 ans déjà bientôt 30

Les dossiers de l’AQLPA continuèrent à progresser rondement toute l’année. « Faites de l’air » fut reconduit par le ministre de l’Environnement du Québec, monsieur Pierre Arcand, malgré la controverse des gaz de schiste. Une fois encore, nous avons été surpris pour le mieux de l’attitude magnanime d’un ministre de l’Environnement qu’on « pressurisa » d’un côté tout en espérant travailler avec lui sur d’autres plans.

« Faites de l’air » continue à établir des records, notamment en termes de recours aux transports collectifs, à l’acquisition de véhicules moins énergivores et de vélos.

Le dossier des gaz de schiste poursuit son cours avec la mise œuvre de l’Évaluation environnementale stratégique. Probablement que la manifestation organisée à Montréal le 18 juin, entre autres par l’AQLPA et ses partenaires et amis des comités de citoyens, comme Dominic Champagne et Serge Fortier, a porté ses fruits. Quand 15 000 personnes disent la même chose « On veut un vrai moratoire, on veut une ÉES inclusive indépendante et transparente », il en ressort du bon.

Malheureusement, nous n’avons pas obtenu tout ce qu’il fallait… encore… mais nous ne lâcherons jamais.

Il faut une ÉES comprenant la participation d’un représentant des citoyens et le vrai et légitime représentant des groupes environnementaux comme voulu par ces groupes et non par le gouvernement, on ne l’oubliera pas non plus.

2011 est aussi l’année où l’électro smog est devenu une priorité de l’AQLPA

Nous avons fait nos devoirs de notre mieux et il en reste beaucoup à faire assurément. Mais nous avons acquis suffisamment de connaissances pour demander un temps d’arrêt, un moratoire, sur le développement de cette industrie des ondes électromagnétiques, le temps d’assurer une bonne compréhension des enjeux à tous et pour faire des choix éclairés.

Nous avons trouvé suffisamment d’informations crédibles faisant des liens avec certains problèmes de santé que nous avons convenu de prendre position par un questionnement critique face aux ondes électromagnétiques.

Nous sommes intervenus sur les compteurs intelligents d’Hydro-Québec avec une foule de questions, nous avons obtenu « la cassette », nous ne nous en contenterons pas.

Nous sommes intervenus sur les antennes à micro-ondes, on nous a ignorés longtemps puis même un peu ridiculisés, mais nous persistons et nous persisterons.

Smog et électro smog rien ne semble pouvoir arrêter le progrès sauf…

Fidèle à ses habitudes et suite à de nombreuses demandes du public et de ses membres, l’AQLPA a entrepris une recherche synthèse systématique des connaissances disponibles sur la question des ondes électromagnétiques afin de se faire une opinion éclairée avant de prendre la parole publiquement.

Nous avons utilisé la même recette pour les gaz de schiste, pour les ports méthaniers, pour les centrales au gaz, pour le réchauffement climatique, pour les pluies acides ou pour le smog. Nous émettons notre opinion sur le problème potentiel que nous envisageons, mais aussi, et beaucoup sur l’alternative que nous considérons seulement lorsque nous sommes convaincus qu’il le faut.

Comme bien souvent, on nous présenta ce nouveau développement technologique comme la Mère de tous les bienfaits qui nous comblera dans un proche avenir. Il n’y a aucun problème à craindre et il faut faire confiance. Les promoteurs utilisent toujours la même recette.

Dans les gaz de schiste, pour Le Suroît et les centrales thermiques, on retrouvait la même approche. C’est exactement comme ça qu’on s’est fait endormir avec la centrale au gaz de Bécancour. Car cette centrale a produit de l’électricité sale, 1 800 000 tonnes de gaz à effet de serre en un an seulement, pour l’exportation aux États-Unis.

Toutes ces tonnes de gaz à effet de serre ont gravement alourdi notre bilan de gaz à effet de serre, rendant impossible l’atteinte de nos objectifs de réduction de ces gaz tant que cette centrale au gaz fonctionnerait. Malheureusement, nous en subissons encore les contrecoups aujourd’hui.

Les conséquences écologiques et économiques étaient prévisibles.

Souvenons-nous qu’on a perdu environ 1 MILLIARD DE DOLLARS pour garder fermée depuis 2008 cette centrale au gaz afin qu’elle ne produise plus.

Nos voisins américains ayant déclassé la valeur globale de nos exportations d’hydroélectricité parce qu’elles étaient salies par la production d’électricité au gaz polluant l’air avec des émissions à l’origine du smog, des pluies acides et du réchauffement climatique, cette centrale devait impérativement être fermée.

Par exemple, dès la fin des années 1990, l’État de New York a établi une grille pour fixer la valeur de l’énergie qu’il entendait acheter. Maintenant l’énergie provenant de la conservation d’énergie vaut le plus cher, vient ensuite les énergies vertes, éoliennes, solaires et la géothermie, ensuite les énergies renouvelables comme l’hydroélectricité. Les énergies à base de combustibles fossiles, charbon, pétrole et gaz sont tout au bas de l’échelle, on comprend la conséquence aisément.

L’AQLPA dès le début avait en vain mis en garde le gouvernement et la haute direction d’Hydro-Québec face à cette situation et de ses conséquences au plan financier tout autant qu’au plan écologique.

La logique de l’AQLPA s’applique maintenant aux ondes électromagnétiques, aux gaz de schiste, mais aussi aux autres dossiers que nous défendrons au cours des prochaines années.

Saint-Léon-de-Standon 27 janvier 2012

 

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