Les aspects internationaux de la gestion de l’eau d’un Québec souverain

Il existe un grand nombre d’enjeux internationaux relatifs à la gestion de l’eau d’un Québec souverain. Les enjeux peuvent être identifiés selon les trois grands thèmes suivants :

• les eaux limitrophes incluses dans le traité de 1909 liant le Canada et les États-Unis ;

• le partage des eaux de l’Outaouais et des rivières de la baie de James ;

• les frontières maritimes du Québec dans le golfe Saint-Laurent.

Les eaux limitrophes

Le fleuve Saint-Laurent reçoit les eaux des Grands Lacs et fait partie du Traité de 1909 relatif aux eaux limitrophes. Ce traité établit des principes et des mécanismes de gestion pour prévenir et régler des différends en ce qui a trait au volume et à la qualité des eaux le long de la frontière Canada–Etats-Unis. Ce traité est géré par la Commission mixte internationale (CMI) qu’on définit comme étant un organisme binational composé d’un nombre égal de commissaires américains et canadiens. Il a été démontré que les ouvrages de contrôle autorisés par la CMI à la hauteur de la ville ontarienne de Cornwall, influencent le niveau et les débits du fleuve Saint-Laurent jusqu’à Trois-Rivières. Plus loin sur le fleuve, le niveau de l’eau réagit plutôt sous l’effet de la marée beaucoup plus qu’à l’ouverture et la fermeture des vannes de contrôle de Cornwall. Cela explique pourquoi les nombreuses études de la CMI s’arrêtent à la sortie du lac Saint-Pierre.

La rivière Saint-François, qui reçoit les eaux du lac Memphrémagog chevauchant la frontière du Québec et du Vermont, de même que la rivière Richelieu recevant les eaux du lac Champlain, font toutes deux partie du Traité des eaux limitrophes de 1909.

Le seul ouvrage autorisé à contrôler le débit à la sortie du lac Ontario et qui influence le niveau d’eau sur le fleuve Saint-Laurent est le barrage hydro-électrique de Moses-Saunders à Cornwall-Massena. La production hydro-électrique de ce barrage est partagée moitié-moitié entre Ontario Hydro et New York Power Authorities. En aval, Hydro-Québec opère à son profit les centrales hydro-électriques de Beauharnois et des Cèdres, au fil de l’eau, acceptant le débit décidé par le Conseil international de contrôle du fleuve Saint-Laurent de la CMI. Un représentant du Québec siège sur ce conseil international et il participe aux décisions touchant la gestion du niveau et du débit. En 2005, trois nouveaux plans de gestion des eaux du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent ont fait l’objet de consultation au Québec, en Ontario ainsi que dans l’État de New York. Les commissaires de la CMI auront à décider du futur plan de gestion.

Le Traité de 1909 précise qu’un ordre de préséance doit être observé parmi les divers usages des eaux :

– usages pour des fins domestiques et hygiéniques ;

– usages pour la navigation ;

– usages pour des fins de force motrice et d’irrigation.

Il n’y est fait aucune mention de l’environnement, de la navigation de plaisance et des propriétaires riverains qui subissent les problèmes d’érosion et d’inondation.

Par contre dans l’analyse économique et environnementale des trois nouveaux plans de gestion des eaux du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent, tous les usages et les intérêts ont été considérés. Ce système hydrographique est très complexe et des choix déchirants devront être faits pour équilibrer les impacts économiques et environnementaux des divers intérêts en présence, tels que :

• l’environnement et ses écosystèmes ;

• les utilisations domestiques, industrielles et municipales des eaux ;

• la navigation de plaisance et le tourisme ;

• la navigation commerciale ;

• l’énergie hydro-électrique ;

• les zones littorales (érosion des berges et inondations).

Le Groupe d’étude international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent, mis sur pied par la CMI en l’an 2000, a complété son mandat en décembre 2005 et les composantes étudiées comprennent :

• le lac Ontario ;

• le lac Saint-Laurent (en amont de Cornwall) ;

• le fleuve Saint-Laurent (en aval de Cornwall) incluant le lac Saint-François, le lac Saint-Louis et le lac Saint-Pierre.

La rivière des Outaouais

Le bassin de la rivière des Outaouais n’est pas inclus dans le traité des eaux limitrophes Canada-États-Unis. Il fait partie d’une entente de partage du potentiel hydro-électrique entre l’Ontario et le Québec. Mais compte tenu de son importance et de son influence sur le niveau de l’eau de la région de Montréal, on doit tenir compte des données hydrauliques de l’Outaouais pour mieux gérer le débit du fleuve Saint-Laurent.

La fonte des neiges de la rivière des Outaouais a été baptisée la freshet1. Lorsque mère nature combine les fortes pluies printanières avec la fonte brusque des neiges, le débit de la rivière des Outaouais peut rivaliser en importance avec celui du fleuve Saint-Laurent à la sortie du lac Ontario. Un apport d’eau de l’ordre de 7000 mètres cube à la seconde venant de la rivière des Outaouais et un débit comparable venant du lac Ontario peuvent provoquer des inondations importantes dans la région de Montréal.

La solution est donc de diminuer le débit au barrage de Cornwall et d’accumuler de l’eau au lac Ontario en rehaussant le niveau de quelques centimètres pendant la débâcle de la rivière des Outaouais qui peut durer quelques jours. Cette réserve d’eau sera très utile pendant les périodes de canicule, de sécheresse ou de bas niveau dans le port de Montréal.

Mais cette décision de rehausser le niveau du lac Ontario ne fait pas plaisir aux résidants des villes côtières américaines du lac Ontario qui établissent un lien entre les hauts niveaux du lac et l’érosion de leurs berges. D’où leurs demandes répétées de construire d’immenses réservoirs de tête dans le nord de la rivière des Outaouais pour gérer la fougue de la freshet et de construire des barrages de retenue sur le fleuve Saint-Laurent pour gérer les bas niveaux du port de Montréal.

Il y a déjà quatre réservoirs de retenue (eau de pluie et neige) situés dans la partie nord du bassin de drainage de la rivière des Outaouais ; ce sont les réservoirs Cabonga, Dozois, Decelles et Baskatong. Le problème est que la dimension actuelle de ces réservoirs ne représente pas plus que 10 % de la dimension du lac Ontario. Les coûts astronomiques pour agrandir ces quatre réservoirs combinés aux coûts écologiques d’endiguer le fleuve Saint-Laurent sont les principaux arguments qui ont été servis par la communauté scientifique aux demandes américaines.

Dans l’avenir, on sera confronté à de grands défis. Les gaz à effet de serre nous amènent à examiner des scénarios où les changements climatiques pourraient jouer un rôle important. Les changements climatiques pourraient avoir les conséquences suivantes :

  • augmentation des précipitations ;
  • augmentation de la température de l’eau et de l’air ;
  • augmentation de l’évaporation des grandes surfaces d’eau ;
  • diminution du couvert de glace l’hiver ;
  • problématique causée par le frasil, les embâcles et le verglas.

Tous ces phénomènes pourraient provoquer des changements imprévisibles influençant le débit et le niveau du fleuve Saint-Laurent.

En plus de la rivière des Outaouais, la rivière Harricana, la baie de James et la baie d’Hudson devront être incluses dans des ententes avec l’Ontario.

Les frontières maritimes du Québec dans le golfe Saint-Laurent

La détermination des frontières maritimes du Québec dans le golfe Saint-Laurent et dans la baie des Chaleurs est un autre dossier très important, tout comme celui des bassins tronqués des rivières de la Côte-Nord avec Terre-Neuve-et-Labrador. Le partage des eaux dans le golfe Saint-Laurent doit suivre les règles internationales reconnues.

En conclusion, il est important de mentionner que l’avenir d’un Québec souverain passe par une série de négociations internationales sur les eaux limitrophes et que des équipes de spécialistes de ces questions doivent s’y préparer dès maintenant. 

   Terme nord-américain, qui n’est pas propre à une rivière mais à la saison, qu’on pourrait transposer « fraîchette » en français, si on voulait donner un nom outaouais à ce qui est « torrent de fonte », « crue du printemps » et qui habituellement se dit « la débâcle » : Cf. Les Anciens Canadiens, ch.V[NDLR].