C’est un lieu commun : les vacances sont une occasion de ressourcement et de découverte. Pour plusieurs c’est la possibilité de découvrir le pays ou encore d’y revenir comme en pèlerinage sur les lieux de l’enfance, dans le pays natal ou encore dans celui de toutes les aventures. Le Québec, si exotique pour lui-même dans le traitement que lui inflige un récit médiatique qui ne cesse de le décentrer, de le déporter à la périphérie de lui-même a bien besoin de ses vacanciers.
La fréquentation des lieux, la contemplation des paysages tout autant que les conversations dans les cafés, sur les quais ou dans les parcs sont des éléments essentiels à la vitalisation de la culture. L’intensification des échanges, la fréquentation des œuvres dans des contextes inhabituels, la découverte de tel ou tel produit du terroir agissent ici, on peut certainement le sentir, comme un véritable baume sur les plaies que nous inflige à tous la culture de masse américanisée qui ne cesse de polluer l’espace public et les esprits.
Pour ne pas bronzer idiot, comme le dit la formule consacrée, il faut faire une large place aux livres dans son été. Guides de voyage et répertoires en tous genres, bien sûr, sauront diriger le regard vers l’extérieur. Mais ce sont les romans, les recueils de poèmes et les essais qui pourront faire percoler dans la vie intérieure les acquis inédits pour l’esprit rendu disponible par les douceurs du temps.
Le Québec est un pays jeune qui a encore beaucoup à accomplir pour construire ses paysages. Les défricheurs ont fait une besogne admirable, ils nous ont donné les mystères du Témiscamingue, les douceurs de la vallée de la Chaudière, les splendeurs de Charlevoix et tant d’autres pays en ce quasi-pays qu’est le nôtre. Mais il reste un travail à parfaire sur ces paysages : leur donner de l’intériorité, en définir les correspondances intimes entre les rêves de ceux qui les ont façonnés et les espérances d’aujourd’hui. C’est une tâche sans cesse à reprendre, on en convient, mais elle s’impose désormais avec une nécessité particulière. Les déficiences de la culture historique, les lacunes dans les connaissances de base de notre géographie, la scandaleuse indifférence des médias au caractère structurant et vital de notre diversité intérieure, tout cela nous fait un devoir particulier de reconquête symbolique. Un devoir de lecture.
Il faut fréquenter les lieux avec le questionnement des livres. Y projeter du sens, y faire enquête pour nous éprouver vivants dans le vivant désir de vivre. La présente livraison des Cahiers de lecture propose ici des trajectoires multiples, de l’émerveillement devant les splendeurs du paysage aux anxiétés d’une géopolitique des frontières aussi incertaines que nous-mêmes. On ne s’étonnera pas d’y voir occuper une place centrale à l’œuvre de Champlain, qui aura incarné la grandeur et l’audace dans notre expérience fondatrice, celle de l’Amérique française. Il aura fallu un auteur américain pour nous convier à revisiter une aventure que Pierre Perrault avait placée, avec celle de Jacques Cartier, aux sources de la vantardise qui nous fait tant défaut et sans laquelle nous resterons prisonniers du doute et incapables de propulser les œuvres à la hauteur de leurs origines.
De l’audace, on en trouve pourtant dans les livres ici présentés. Et de la rigueur et de l’originalité. Ils ne donneront tous leurs fruits que passés au tamis de la lecture. Ce sera leur faire honneur, certes. Mais ce sera surtout le plus sûr moyen de passer un été fertile. Le travail de la culture n’est jamais aussi fondamental que lorsqu’il participe et procède de ces attitudes fondatrices qui sont du ressort de tous. La lecture est une composante essentielle de l’empaysement.
Robert Laplante
Directeur