Euphorie PPP: trop beau pour être vrai

Chercheur et professeur à l’INRS-Urbanisation, Culture et Société

Mention d’honneur, prix André-Laurendeau 2007

Depuis toujours, les gouvernements confient à des entreprises privées des travaux ponctuels et souvent même l’opération en continu d’un service. Cependant, depuis au moins 100 ans, la part du privé demeure relativement restreinte ; du point de vue des optimistes parmi les partisans d’un plus grand rôle pour le privé, la perspective est des plus réjouissantes car le potentiel est immense puisque presque tout reste à faire.

La dernière mode en matière de relation entre le public et le privé

Prenons l’exemple de l’eau en milieu urbain (c’est ce que je connais le moins mal). Au Québec, comme dans la plupart des pays occidentaux, les services d’eaux étaient, à l’origine, généralement tous privés ; mais ils ont pratiquement tous été municipalisés à compter de la seconde moitié du XIXe siècle, à Montréal[1] comme d’ailleurs un peu partout en Amérique du Nord. Les motifs de municipalisation étaient divers : il s’agissait parfois de réagir face à des affaires de corruption, mais il s’agissait plus souvent de donner des moyens « publics » (le financement par l’impôt et l’obligation réglementaire de se raccorder au réseau) à une entreprise qui peinait à établir un service universel ; ce réseau était nécessaire notamment pour améliorer la lutte aux incendies ; mais surtout, un service d’eau potable vraiment accessible et universel ainsi qu’un bon service d’évacuation des eaux usées étaient considérés comme essentiels pour des raisons de santé publique, y compris par les élites, car les épidémies (comme les incendies) ne respectent pas toujours les différences sociales, si bien que la santé des plus pauvres est importante pour les plus riches.

Ce mouvement de municipalisation n’a pas empêché la création de réseaux privés ou coopératifs pour desservir des villages ou de nouveaux quartiers périphériques ; ils ont ensuite souvent été intégrés aux réseaux publics municipaux. On ne doit pas oublier non plus que la Crise de 1929 a entre autres eu pour conséquence de pousser à la faillite de nombreux opérateurs privés que le public s’est vu obligé de reprendre, parfois à son corps défendant. Généralement, la part du privé demeure réduite pour l’eau comme pour la plupart des services publics, ici comme ailleurs.

En effet, le Québec est tout à fait en phase avec ce que l’on constate généralement dans les pays industrialisés à trois exceptions près : la France, l’Angleterre et le Pays de Galles – on ne peut parler du Royaume-Uni puisque la privatisation de l’eau n’a pas touché l’Irlande du Nord –, ni de l’ensemble de la Grande-Bretagne puisque cela ne concerne pas non plus l’Écosse. Encore aujourd’hui, la plupart des analystes s’entendent pour estimer à 5 %, pour l’ensemble de la planète, la part du privé dans la fourniture des services d’eaux.

Or, depuis quelques années déjà, la remise en question de l’État-providence s’est généralisée dans l’ensemble des pays occidentaux et nombreux sont ceux qui mettent de l’avant diverses formes de déréglementation et de privatisation. Depuis au moins vingt ans, les partisans d’un plus grand recours au privé nous annoncent un raz-de-marée imminent et, au Québec, le tsunami se fait toujours attendre, tout au moins en ce qui concerne les services publics locaux : les discours occupent encore plus d’espace que les réalisations et, de toute façon, lorsqu’on passe à l’acte, les avancées du privé dans telle et telle municipalités sont généralement annulées par des retours en régie publique ailleurs. Ainsi, à Montréal, au milieu des années quatre-vingts, on a sérieusement songé à déléguer l’eau au privé, pour ensuite abandonner l’idée ; puis, un projet a rejailli pour disparaître presque aussi rapidement au milieu des années quatre-vingt-dix, au moment où surgissait la mode des sociétés d’économie mixte (SEM). On a alors vu l’adoption d’une loi qui permettait la création de SEM municipales qui allaient balayer le Québec et depuis, on a enregistré aucune SEM. Mais maintenant, c’est certain, on va voir ce qu’on va voir, car voici venir la mode des partenariats public-privé, les fameux PPP !

Faire-faire, impartition ou SEM, la dernière mode relègue la précédente aux oubliettes et attire l’attention sur une variante « nouvelle et améliorée » d’un truc vieux comme le monde. Par rapport aux formes plus anciennes de collaboration entre le public et le privé, les PPP, qui sont en vogue actuellement, se démarquent entre autres par une plus grande implication qu’auparavant du partenaire privé, notamment en ce qui concerne le financement des immobilisations : théoriquement, le partenaire privé prend directement à sa charge les investissements de départ, tout comme les frais d’entretien et tout ce qu’il en coûte pour maintenir en état de marche ou pour d’éventuelles remises à niveau nécessaires tout au long de l’entente. Il assumerait ainsi une grande part du risque.

De nombreux « paiements faciles » et un beau taux d’escompte

À l’analyse cependant, ces belles promesses ne sont pas tenues car il appert que cette supposée prise en charge par le privé n’allège pas vraiment le fardeau qui pèse sur le public ; en vérité, le public ne fait que troquer un emprunt obligataire traditionnel contre un crédit-bail et toute une ribambelle de « paiements faciles » (comme dirait l’Oncle Tom des Têtes-à-claques) : y a-t-il une grande différence entre un remboursement d’hypothèque et un « loyer » que le public est contractuellement tenu de verser tout au long de la période ? Aux yeux de n’importe quel évaluateur de cote de crédit, les deux stratégies de financement sont pratiquement équivalentes, encore que la seconde soit généralement plus coûteuse. En effet, le gouvernement du Québec emprunte à meilleur marché que n’importe quelle entreprise – l’affaire est entendue – et c’est également vrai pour les municipalités, parce qu’elles bénéficient de la caution gouvernementale : même les plus petites municipalités empruntent à meilleur taux que les plus grandes entreprises.

Dans le cas des municipalités, il ne faudrait cependant pas négliger le fait que la signature d’un contrat de location d’un immeuble flambant neuf permet d’éviter toute la procédure qui encadre les règlements d’emprunts municipaux (ouverture du registre où les opposants au règlement d’emprunt peuvent venir signer pour exiger la tenue d’un référendum, puis, si le nombre de signatures est suffisant, obligation de tenir un référendum ou de retirer le règlement d’emprunt, autorisation du ministère et tout ce qui s’ensuit) ; il ne faut donc pas sous-estimer l’attrait des PPP pour certains en ce qu’ils offrent la possibilité indéniable de contourner de lourds mécanismes destinés à protéger les intérêts des contribuables et d’esquiver un débat sur la pertinence d’un investissement ; disons donc que ce n’est tout de même pas là un attrait dont on pourrait se vanter publiquement.

Depuis quelques temps, les promoteurs de la formule des PPP ont même cessé de prétendre que le financement privé serait plus avantageux ; mais ils insistent désormais pour faire valoir que, globalement, les PPP demeureraient financièrement avantageux puisque les économies réalisées par ailleurs (par un design innovateur apportant des solutions inédites, par une meilleure efficacité au moment de la construction – concernant notamment les délais et le respect des devis et des échéanciers – et par une gestion plus astucieuse des opérations) permettraient de compenser le surcoût objectif dû au taux d’emprunt consenti aux entreprises privées.

La vérité est qu’il est très difficile, pour ne pas dire la plupart du temps impossible de se faire une idée par soi-même sur ces avantages « par ailleurs » des PPP. En effet, les informations et les données qui permettraient de faire les calculs et les comparaisons appropriés sont généralement classées « sensibles » et soustraites au regard de celles et ceux qui voudraient y regarder de près. Pour savoir si un PPP a ou non de bonnes chances de s’avérer avantageux pour tel projet particulier, il faudrait pouvoir comparer côte-à-côte le bilan pro-forma du consortium privé, dont l’essentiel est invisible au nom de la protection du secret commercial et le bilan pro-forma du projet tel qu’il serait mené de la façon « traditionnelle » (avec appel d’offres et sélection des entrepreneurs privés qui interviendront sur les différentes étapes du projet, etc.).

C’est ici qu‘on comprend rapidement à quel point la construction d’une pseudo-proposition alternative, reprenant le cheminement « classique », est une opération cruciale. En effet, quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage et quand on veut couler le cheminement classique au profit de l’option PPP, lorsque le premier scénario n’a d’autre raison d’être que de servir de faire valoir au second, il suffit parfois d’appuyer un peu plus fort sur le crayon à certains endroits, en sous-estimant tel désavantage du PPP ou en soulignant tel avantage. C’est ainsi que les guides d’évaluation des PPP préparés par les autorités britanniques comprennent une martingale nommée Public Sector Comparator (PSC)[2]. On y introduit un biais en faveur de la solution PPP sous la forme anodine d’un taux d’escompte élevé. Le taux d’actualisation est, entre autres, une mesure du risque. On escomptera les revenus futurs d’une opération risquée en exigeant un taux d’actualisation élevé : « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » et, si c’est vraiment risqué, « que trois ou quatre tu l’auras ». Inversement, une opération sans grand risque commande un taux d’actualisation relativement faible. En toute logique, le taux d’actualisation retenu pour un projet impliquant un service public classique devrait être assez faible puisque les revenus sont peu susceptibles de chuter abruptement dans un avenir prévisible : à tout prendre, c’est même une des opérations les plus sûres que l’on puisse imaginer. Une règle à suivre serait de choisir un taux d’actualisation qui correspond au taux auquel la municipalité ou le gouvernement réalise ses emprunts. Par contre, il faut garder en tête que les promoteurs d’un PPP auront toujours tout intérêt à ce que le taux d’actualisation retenu soit le plus élevé possible. Plus le taux d’actualisation est élevé, moins une somme reçue (ou dépensée) dans trente ans vaut cher et plus est intéressant le fait de recevoir une forte somme en début de période ; inversement, plus ce taux est bas, plus l’avenir prend du poids. Comme la façon traditionnelle implique généralement que le public doive payer une forte somme au tout début du projet, alors que le PPP échelonne ces paiements tout au long de la période, un taux d’actualisation élevé alourdit le poids de l’investissement initial tout en minimisant les paiements éloignés dans le temps.

Avec des taux élevés dans les scénarios de PPP, la tendance est de valoriser le « ici et maintenant » au détriment du « ailleurs et demain » ; autrement dit, la structure d’évaluation des coûts d’un PPP, comme généralement ce qui se produit pour les investissements privés, tient compte essentiellement de ce qui se passera à très court terme en laissant dans l’ombre ce qui adviendra après-demain ; une réorientation vers le développement viable exigerait au contraire une plus grande valorisation de ce qui arrivera à nos enfants et à nos petits-enfants. Très concrètement, pour avoir l’air plus avantageux qu’un projet en régie, un projet PPP paraîtra d’autant mieux que le taux d’actualisation sera élevé. C’est d’ailleurs peut-être ce qui est en train de se passer sous nos yeux avec le projet de prolongement de l’autoroute 25. S’il faut en croire les ministres qui ont présenté la chose, le consortium récemment retenu mènera à bien le projet tout en réalisant de bien belles économies : selon nos ministres, le PPP coûtera au gouvernement 207 M$ et permettra d’économiser 226 M$, du moins tel que calculé selon une formule complaisante, avec un taux d’actualisation probablement assez élevé. Mais tout cela n’est que pure conjecture et je parle effrontément de ce que j’ignore complètement, car l’étude détaillant les calculs et démontrant ces économies n’a pas été rendue publique en même temps que la signature de l’entente avec le consortium choisi (ce 24 septembre 2007) : cette étude sera mise en ligne « au cours des prochaines semaines ». Cependant, à partir des maigres informations contenues dans le communiqué de presse, on peut déjà calculer que le taux d’escompte retenu est certainement supérieur à ce qui serait raisonnable et acceptable.

Un bilan provisoire fort mitigé

Faute de pouvoir véritablement comparer terme à terme une proposition PPP et sa concurrente « traditionnelle », on peut se rabattre sur le jugement qu’en font pour eux-mêmes les conseils municipaux qui doivent choisir et qui disposent pour ce faire des meilleures informations possibles, en autant que le secret commercial soit respecté. Certains choisissent de recourir au privé alors que d’autres, pratiquement aussi nombreux, parfois plus, selon l’air du temps, choisissent au contraire de cesser d’y recourir. Beaucoup plus nombreux encore sont ces conseils qui pèsent longuement le pour et le contre de différents scénarios pour finalement décider de ne rien changer, de demeurer en régie pour tel service et de renouveler le contrat avec une entreprise pour tel autre. Pourquoi ? Parce que c’est plus simple et souvent moins coûteux, du moins à court terme. Parce qu’après tout, ça ne va pas si mal et que le mieux est parfois l’ennemi du bien.

Il est d’autant plus difficile de dresser un bilan positif des PPP sur la base de réalisations concrètes, au-delà des principes qui sont forcément radieux, qu’il n’y a que peu d’expériences en cours depuis suffisamment de temps pour qu’il soit possible d’y faire la part des choses. Sans compter que, dans les municipalités nord-américaines, les cas de PPP ou de quasi PPP les plus imposants ne font généralement pas vieux os.

Le cas d’Hamilton a longtemps été présenté sur toutes les tribunes comme l’exemple parfait d’une entente heureuse et mutuellement avantageuse, jusqu’à ce que le conseil municipal, au vu d’une expérience qui a duré dix ans, ne décide à son échéance de ne pas reconduire le contrat. Il ne faut certes pas généraliser un cas unique, mais les cas ayant déjà connu une longue période d’expérimentation sont plutôt rares, sans compter que celui-ci impliquait une ville importante pour un service important, et non pour un service moins lourd ou dans une petite municipalité ; en Amérique du Nord, il n’y a sans doute rien qui arrive à la cheville de ce cas. Dans ce cas particulier, on peut présumer que ce refus de se rengager pour dix années supplémentaires a été fait en connaissance de cause, sur la base d’analyses – on l’espère – compétentes et assises en tout cas sur une expérience réelle et d’une bonne durée.

Le cas d’Atlanta n’est guère plus brillant : un contrat obtenu en 1999 et résilié en janvier 2003 ; de même cet autre contrat à Porto Rico, obtenu en mai 2002 et résilié en janvier 2004, qui était, avec 4,5 Md sur 10 ans, « le plus important contrat d’exploitation et gestion (O&M) dans le domaine de l’eau au monde ».

De la même manière, on peut se questionner sur le cheminement qui a conduit le conseil municipal de Westmount à annoncer cet été qu’il comptait reprendre en main la gestion de ses réseaux d’aqueduc et d’égout, après une expérience d’un an et demi de proto-PPP. Pour Westmount, ce sera une grande première puisqu’elle ne s’était jamais impliquée dans la gestion de ses réseaux d’eaux, qui avait toujours relevé de la Ville de Montréal, cette dernière étant d’ailleurs propriétaire des réseaux de la première depuis la nuit des temps et donc bien avant la fusion. Pendant la période de fusion (2001-2005), l’arrondissement de Westmount avait continué à payer l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce qui fournissait le service. À la suggestion du comité de transition qui estimait que depuis tout ce temps, Montréal en avait été payé, Westmount prit possession de ses réseaux en même temps qu’elle retrouvait son autonomie. N’ayant ni ressources humaines, ni équipement, ni expérience, Westmount a alors estimé que le privé lui offrait une solution rapide et facile, à défaut d’être plus économique : Dessau-Soprin a assumé au quotidien toutes les opérations et effectué les réparations nécessaires, selon un contrat couvrant la période allant de janvier 2006 à décembre 2007. L’entente était présentée comme « un premier partenariat public-privé dans le domaine de l’eau dans l’île de Montréal ». En effet, selon ce qui avait été annoncé au départ, ce contrat de deux ans devait qu’être qu’un prélude à une entente de plus long terme qui aurait pu prendre la forme d’un PPP. Mais voici que le conseil municipal de Westmount, qui n’a pourtant pas la réputation d’être infesté de gauchistes, vient d’y renoncer. La municipalité de Côte Saint-Luc a connu jusqu’à présent le même cheminement que Westmount : gestion par la Ville de Montréal jusqu’en janvier 2006, suivie d’une entente avec Dessau-Soprin depuis lors. J’ignore encore la décision qui a sans doute été prise à Côte-Saint-Luc de poursuivre ou non avec un partenaire privé. Soulignons que la pression monte car le contexte est inédit : Westmount vient de décider de renoncer au partenariat et même le pdg de l’Agence des PPP du Québec reconnaît en cette fin de septembre qu’un PPP n’est probablement pas approprié dans le cas d’un réseau d’eau existant, à cause essentiellement de la relative ignorance de l’état des conduites et de la trop grande incertitude qui en résulte[3] .

Aux côtés de ces contrats révoqués ou non renouvelés, on trouve de nombreux cas (apparemment) plus heureux, car on constate que, la plupart du temps, à l’échéance, on renouvellera le contrat et généralement avec la même entreprise ; il y a certes diverses raisons qui peuvent expliquer ce phénomène mais il faut, minimalement, que le donneur d’ordres public ne soit pas trop insatisfait. Quoi qu’il en soit, il semble clair que le recours au privé, en PPP ou autrement, n’est certainement pas toujours aussi avantageux que ne le prétendent ses propagandistes.

Le partage de risques

Un des derniers aspects où l’engagement financier du partenaire privé est encore présenté comme avantageux, c’est dans la mesure où il soutient l’argument du partage de risques : le privé investit son argent et, si jamais les choses tournaient mal, c’est le privé qui écoperait. Il me semble qu’il faut éviter de se laisser aveugler par cette autre illusion du partage de risques. Certes, le partenaire privé devra assumer les conséquences d’un éventuel non respect de l’échéancier comme de tout dépassement de coût ; mais ces garanties offertes au partenaire public ne sont pas nouvelles ni même… réelles. D’une part, même dans le cadre d’un contrat traditionnel, il est d’ores et déjà possible de prévoir le coup, en rédigeant des clauses contractuelles qui imposent des sanctions à l’entreprise qui ne respecte pas les paramètres de l’entente. D’autre part, le concept même du partage de risque ne tient guère la route en cas de difficultés véritablement importantes. En effet, par définition, la responsabilité de toute entreprise privée est limitée à la mise de fonds des actionnaires et, au pire du pire, ils perdront les fonds propres qu’ils ont investis dans l’affaire, l’essentiel des capitaux ayant été empruntés. Or, une entreprise privée ne s’implique pratiquement jamais directement dans un projet de PPP ; généralement, ce sera une filiale du groupe qui investira dans un consortium ad hoc réunissant pour l’occasion des filiales des autres partenaires ; ainsi, en cas de faillite, les dégâts seront limités à la mise de fonds dans le consortium, car il est très rare que les entreprises mères, qui commanditent le consortium, se portent pleinement garantes de leur filiale. C’est d’ailleurs vraisemblablement ce qui est en train de se produire dans le cas de Metronet, le principal consortium impliqué dans la réhabilitation du métro de Londres ; le consortium serait en faillite à cause d’un important dépassement de coûts. Soulignons que ce projet de réhabilitation du métro de Londres constitue le plus important PPP de tous les temps et de loin, du moins pour un certain temps encore ; car il est désormais question que les autorités publiques passent le PPP par pertes et profits et reprennent l’affaire en main[4].

Les promoteurs de la formule des PPP mettent volontiers de l’avant ces deux singularités que sont le partage de risque et l’implication financière du partenaire privé. Il me semble pourtant que les PPP se particularisent d’abord et avant tout par une plus longue durée des engagements mutuels mais aussi par une nette diminution de la concurrence ; ce sont ces deux caractéristiques qui nous occuperont pour la suite.

Prévoir l’imprévisible

Il n’est pas toujours simple de faire affaire avec le privé. Comme tout bon contrat, un contrat de PPP doit chercher à prévoir l’imprévisible, question de limiter les querelles en cours de réalisation : les élus et les citoyens veulent être rassurés sur les responsabilités de chacun et sur leurs recours en cas de désaccord avec leur partenaire privé, et ainsi de suite et l’entreprise de son côté, tout à fait légitimement, veut s’assurer qu’elle ne court pas à sa perte. Ce qui est déjà vrai de tout contrat prend une ampleur prodigieusement fantastique dans le cas des PPP puisqu’il s’agit de prévoir ce qui pourrait advenir non pas dans l’année ou dans les cinq ans qui viennent mais bien d’ici vingt, vingt-cinq ou trente ans.

«On peut changer une loi, un règlement, même une Constitution, mais résilier un contrat, c’est très compliqué et très cher», prévient Marie-Claude Prémont[5].

Après avoir reçu un service ou une marchandise non conforme à ses attentes, après avoir tenté sans succès d’obtenir un service après-vente prévu au contrat, on peut normalement changer de fournisseur dans un délai relativement court, au moment du renouvellement ; avec un PPP, on n’a pas le choix que de rester avec le même pendant longtemps et de chercher à s’entendre ou à faire entendre raison, selon son point de vue (s’entend).

De même l’élection d’une nouvelle équipe peut se traduire par un changement de politique tel qu’il entraîne d’importantes réorientations de l’administration. L’engagement à long terme qu’implique un PPP, même à l’étape des fiançailles, a pour effet de limiter le pouvoir des élus. À Ottawa, le conseil municipal nouvellement élu à l’automne dernier est en train d’en faire la douloureuse expérience. Le 14 décembre 2006, lors d’une de ses toutes premières réunions, le conseil s’est prononcé sur le projet de train léger et a convenu qu’il valait mieux tout laisser tomber ou, en tout cas, qu’il fallait reprendre tout depuis le début. Or, un des partenaires privés, Siemens, qui a investi dans la préparation du projet, ne l’entend pas de cette oreille : si le conseil persiste dans son désir de revenir sur ce que planifiait l’ancienne administration, Siemens a signifié au conseil qu’elle réclame 175 M$ pour bris de contrat, soit 25 M$ pour couvrir les dépenses encourues et 150 M$ à titre de dédommagement pour perte de profit et, si le conseil devait revenir à de meilleurs sentiments, Siemens exigerait tout de même un dédommagement de 70 M$, à titre de « penalty »[6]. Voici enfin qu’en septembre, une filiale de Ciment Saint-Laurent également impliquée dans ce projet y va de sa propre poursuite pour 103,9 M$.

Ce qui peut paraître ici comme une entrave à l’exercice du pouvoir par les élus peut sembler au contraire un avantage.

Ce mode de financement et de gestion de projets publics permet d’éviter le «risque politique» dans la gestion d’un projet. En clair, une fois le projet signé entre les organismes public et le partenaire privé, le contrat de PPP demeure valable pour la durée et ne peut être révoqué par le prochain gouvernement. Dans le cas de l’autoroute A25, le contrat est de 35 ans[7].

Comment prévoir ce qui adviendra au cours des vingt-cinq ou trente prochaines années ? Quelle vision de l’avenir avions-nous en 1982 ou en 1977 ? Comment pouvions-nous nous imaginer ce que serait vraiment 2007 sans savoir, par exemple, le développement qu’allaient connaître la micro-informatique et Internet ? N’aurions-nous pas fait confiance, une confiance aveugle, à des entreprises à l’époque aussi solides et respectées que l’étaient les grands constructeurs d’automobiles américains ? Sans parler des brigands, des entreprises comètes, celles qu’on finit par condamner alors qu’on les encensaient la veille – Enron n’aura vécu que seize ans : elle est née d’une fusion en 1985 pour finalement faire faillite en 2001 ; sa filiale Azurix, impliquée dans l’eau, celle qui est brièvement intervenue dans le contrat de PPP à Hamilton, avait été créée en 1998 à l’occasion de l’achat par Enron d’une compagnie d’eau britannique et elle a été démantelée quelques mois avant la faillite de sa maison-mère en 2001.

Il y a un superbe consensus en matière de PPP, un point sur lequel absolument tout le monde s’entend : l’augmentation du recours aux PPP dans le monde municipal ferait sans doute des heureux, notamment chez les avocats d’affaires responsables de la rédaction des contrats que l’on voudra toujours les plus sophistiqués possibles, pour prévoir l’imprévisible (sur vingt-cinq ou trente ans !) et éviter de mauvaises surprises. Nous en serons tous ravis, car qui n’a pas une belle-sœur ou un lointain cousin avocat !

À plusieurs égards, un bail en PPP est plus contraignant qu’un contrat d’hypothèque : on pourra toujours décider de mettre en vente l’immeuble dont on est propriétaire (sans toutefois être assuré de pouvoir le vendre rapidement), mais on ne pourra pas se défaire facilement des obligations d’un PPP qui court sur trente ans.

Lorsque les élus doivent s’ajuster à des réalités changeantes et réajuster le tir et faire des coupures, peu importe les raisons, il semble clair que les PPP induisent des rigidités telles qu’ils contraignent les élus et réduisent la marge de manœuvre dont ils devraient pouvoir disposer pour s’ajuster à des circonstances imprévues. En effet, le fait d’avoir conclu un contrat qu’il serait coûteux de résilier ou de modifier a pour conséquence de détourner les tensions budgétaires et de reporter le fardeau des ajustements et les éventuelles coupures sur les maillons faibles : c’est ainsi que les ajustements vont d’abord porter sur les opérations qui ne sont pas en PPP, car le contrat bétonné de PPP « protège », « sanctuarise » en quelque sorte tel site de service au détriment des autres.

À vrai dire, la rigidité induite par les engagements à long terme constitue, paradoxalement, un des plus solides points en faveur des PPP. En effet, on peut reprocher aux municipalités et aux gouvernements, trop souvent à raison, de ne pas faire preuve d’une grande constance dans leurs interventions sur les infrastructures existantes : beaucoup trop fréquemment, le rythme d’investissement dans l’entretien et la réhabilitation des infrastructures se transforme en soupape d’ajustement qui permet de libérer la pression budgétaire. Reporter sine die les investissements permet à court terme de diminuer le volume des déboursés et de contenir l’endettement, tout en maintenant constants les programmes de dépenses courantes ; trop souvent, les programmes d’entretien et de réhabilitation qui devraient suivre un rythme régulier, planifié, subissent donc, au contraire, des arrêts et des départs brusques et plus ou moins prévisibles, selon la conjoncture budgétaire. On pourrait espérer que ces creux artificiels soient ensuite compensés par des vagues d’investissements en période de vaches grasses, mais tel n’est pas le cas et, globalement, les municipalités et les gouvernements ont généralement des pratiques de sous-investissement chronique.

Une réaction classique, surtout du côté des acteurs qui plaident pour une réduction du rôle de l’État, consiste à vouloir retirer ce pouvoir de nuisance des mains des élus, pour « sortir » du politique la responsabilité de maintenir les infrastructures en bon état ; de nombreux cas américains s’inspirent très nettement de cette orientation : on retire un service à la municipalité pour le confier à un « special district authority » où ce seront des « experts » non élus qui disposeront d’une enveloppe budgétaire protégée, tenue à l’abri de toutes autres considérations, et qui alloueront le budget qui leur est confié en ayant uniquement en tête la pérennisation du meilleur service possible. On refuse alors aux élus le pouvoir de procéder à des arbitrages proprement politiques, qui conduisent forcément à des réajustements de priorités, souvent au détriment d’un investissement régulier dans la réhabilitation des infrastructures existantes.

En fait, en gelant la dotation d’enveloppes protégées, on procède une fois pour toutes et « pour toujours » à un arbitrage « final » et on fixe « à jamais » une répartition des moyens entre diverses fonctions assumées par la municipalité ; parfois, plutôt que d’assurer une enveloppe budgétaire à même les recettes générales de la municipalité, on concède à un special district authority le produit d’un impôt, en tout ou en partie : par exemple, on fixera à 0,01 $ du 100 $ d’évaluation foncière la part de l’impôt foncier qui sera obligatoirement allouée à telle ou telle agence spécifiquement chargée d’une responsabilité particulière, sans qu’il soit possible d’en transférer une partie vers d’autres postes budgétaires.

C’est un peu dans la même perspective que les PPP permettent en principe de garantir une plus grande régularité, dans la mesure où le contrat « bétonne » le financement d’un service et son rythme d’investissement ; par exemple, en début de contrat, les partenaires peuvent convenir du niveau où les investissements devront être maintenus (tout en tolérant quelques variations), en fixant par exemple un seuil minimal ou en établissant une cible en ce qui a trait au niveau minimal de qualité à conserver, ou en définissant des seuils de détérioration au-delà desquels la situation serait inacceptable. Plus généralement, les promoteurs de la formule des PPP prétendent que, dans le cadre même de la poursuite de ses propres intérêts, le partenaire privé aurait tout avantage à agir « en bon père de famille » et à se contraindre de lui-même à respecter non seulement la lettre mais même l’esprit du partenariat. Mais cet espoir de garantir un rythme d’investissement régulier résiste difficilement devant l’examen de plusieurs cas concrets où il devient clair que le partenaire privé respecte difficilement cet engagement, notamment pour l’eau en France[8] et en Angleterre[9].

Limiter la concurrence

Au cœur du concept des PPP, on trouve l’idée qu’il vaut mieux, pour tout le monde, autant le donneur d’ordres public que pour le partenaire privé, mettre la concurrence entre parenthèses pendant toute la durée du contrat. La concurrence disparaît ainsi complètement pendant toute la durée de l’entente qui est de 25, 30, 35 ans (comme pour le prolongement de l’autoroute 25) ou même plus encore. Par la suite, cette concurrence est fort peu susceptible de renaître au terme du contrat. Enfin, le bouquet c’est que la formule des PPP a pour effet très net de limiter gravement la concurrence dès le départ, en excluant les PME et même la plupart des grandes entreprises nationales, pour ne convenir vraiment qu’à une poignée d’entreprises « qui ont les reins assez solides » et qui sont généralement les grands champions mondiaux.

Le fait de décrocher un contrat en PPP assure à un opérateur que tous les sous-contrats pourront être octroyés à des filiales sœurs, membres du même groupe ; cela revient à dégager un espace de travail libre de concurrence. Il ne perdra pas temps et argent à se battre pour obtenir du travail à la miette et il pourra au contraire planifier son travail plus efficacement, en étant en mesure notamment de déplacer une partie de la charge vers des périodes autrement creuses.

De même, un PPP a généralement pour effet d’assurer au consortium privé de très bonnes chances que le contrat lui soit reconduit indéfiniment. En effet, il est très fréquent qu’à l’échéance de contrats importants, il n’y ait qu’une seule entreprise qui se porte candidate pour le deuxième contrat : l’entreprise qui avait obtenu le premier. Cela s’explique notamment par un accès privilégié aux informations détaillées sur l’exploitation d’un métro ou d’un réseau d’eau par exemple ; dans ces cas, on voit souvent un tout petit taux de profit appliqué à un très gros volume de sorte que la profitabilité de l’opération peut être excellente, alors que la marge de profit brut est parfois très mince, si étroite qu’il suffit de peu pour passer de profit à perte et il ne faut donc pas se tromper ; or, ni les éventuelles concurrentes ni parfois même le donneur d’ordres ne disposent des données qui leur permettraient de voir clair et profitant de ce halo d’incertitude, l’opérateur installé devient pratiquement indélogeable. De même, après un PPP de 30 ans, il sera alors plus difficile de revenir en régie  : les employés municipaux autrefois affectés à ces tâches auront pris leur retraite, les techniques auront évolué sans que personne à l’interne ne se soit maintenu à jour et les compétences auront été perdues. Mais le retour au public est toujours possible et Westmount vient d’en fournir une nouvelle preuve en partant de zéro.

Finalement, on peut constater que la concurrence autour d’un PPP est très limitée dès le départ. Il est tout à fait normal que les entreprises cherchent à s’affranchir de la concurrence au début du processus car le gagnant d’une surenchère à la baisse risque de remporter un contrat qu’il devra honorer à perte. Les PPP, comme la formule des SEM, offrent une solution légale pour limiter le nombre de concurrents sur le fil de départ ; d’autres solutions moins légales existent et sont utilisées comme la corruption qui permet un rapport privilégié avec le donneur d’ordres ou comme les ententes de cartel, où des concurrents se partagent « équitablement » les contrats à venir. Les PPP sont donc un moyen d’éviter de tomber dans des pratiques répréhensibles puisque ils permettent d’atteindre les mêmes objectifs presque aussi efficacement. En effet, la nécessité de pouvoir s’engager à très long terme et donc l’exigence du soutien indéfectible d’un partenaire financier font en sorte que les entreprises locales sont exclues d’emblée, car elles ne peuvent satisfaire les exigences minimales ; c’est d’ailleurs une des leçons qu’on peut tirer de l’histoire du PPP de Saint-Louis-de-France. Ce cas fait bien la synthèse, c’est une illustration si éloquente qu’elle nous servira de conclusion.

Le cas exemplaire de Saint-Louis-de-France

Saint-Louis-de-France était une petite municipalité autonome jusqu’à ce qu’elle soit fusionnée à Trois-Rivières en janvier 2002. En 1993, Saint-Louis-de-France s’était vue confier l’entretien de routes secondaires qui étaient auparavant sous la responsabilité du ministère des Transports. Un peu débordée par ces nouvelles tâches, la municipalité est rapidement séduite par la formule de la gestion déléguée à la française. Mais comme il s’agit d’un projet hors du commun, notamment en ce qu’il dépassait la durée maximale de cinq ans prévue à la Loi des cités et villes, il a d’abord fallu obtenir du ministère des Affaires municipales les permissions nécessaires. En 1999, la municipalité est enfin en mesure de lancer un appel aux entreprises intéressées par un projet qui confiera à l’une d’elles la reconstruction et l’entretien de 35 km de routes en milieu semi-urbain pour les quinze prochaines années[10].

Sur les dix-sept entreprises qui avaient retiré le dossier, seulement trois traversent toutes les étapes et sont qualifiées pour la finale ; il fallait faire état d’une bonne expérience et de solides garanties bancaires. Comme on peut s’en attendre, la processus d’homologation a écarté les plus petites et les plus fragiles et il n’a pas retenu n’importe quelles entreprises : au palmarès des plus grandes entreprises de bâtiment et travaux publics opérant au Québec, les trois firmes retenues occupent respectivement la première, la deuxième et la quatrième positions, du moins si on se fie à la distribution des contrats ministériels québécois[11] :

  • Sintra, numéro un de l’industrie, qui récolte 13 % du chiffre d’affaires généré par les contrats accordés par le ministère des Transports, associée à Bouygues depuis 1974 et complètement intégrée à Colas, filiale de Bouygues, en 2001 (le chiffre d’affaires mondial de Bouygues en 2006 était de 26,4 G, dont 19 G pour les filiales impliquées dans la construction) ;

  • Construction DJL, en deuxième position, qui obtient 7 % des contrats du Ministère, intégrée à la filiale Eurovia du groupe Vinci (chiffre d’affaires mondial de 25,6 Gen 2006) ;

  • Simard-Beaudry, quatrième au palmarès québécois avec 5 % du chiffre d’affaires et la plus importante entreprise encore contrôlée par des intérêts québécois (Construction Louisbourg Ltée, membre du Groupe Accurso et le Fonds de solidarité FTQ).

Mentionnons que la reprise de Simard-Beaudry par ce duo date de 1999 et, à ce moment-là, il s’en est fallu de peu que Sintra (Colas, Bouygues), le numéro un, ne l’ajoute à sa collection. Par ailleurs, comme Simard-Beaudry n’est pas cotée en bourse, les renseignements publics sont assez limités.

Les trois entreprises qualifiées déposent une offre et la municipalité, en octobre 2000, accepte celle de Pagé Construction, filiale de Simard-Beaudry. Mais voilà qu’en février 2002, Simard-Beaudry vend sa filiale Pagé Construction à Sintra, le numéro un de l’industrie, qui avait perdu la course pour Saint-Louis-de-France face à Simard-Beaudry.

Retenons deux morales de cette histoire. Tout d’abord, on constate qu’on donne peut-être le contrat à une entreprise en particulier, mais que celle-ci est toujours susceptible de changer de mains[12] . Ensuite, on remarque que, même pour un contrat relativement peu important mais portant sur quinze ans, sur le fil de départ de la dernière étape de la compétition, on ne retrouve que les plus grandes entreprises. 

 

 


[1] Fougères, Dany. (2004). L’approvisionnement en eau à Montréal. Du privé au public, 1796-1865, coll. « Cahiers des Amériques », Sillery, Septentrion, 472 pages

http://www.septentrion.qc.ca/fr/catalogue/2139.html

[2] Pollock, Allyson, David Price et Stewart Player. (2005). The Private Finance Initiative : A policy built on sand. An examination of the Treasury’s evidence base for cost and time overrun data in value for money policy and appraisal, rapport réalisé à la demande du syndicat britannique UNISON, par des chercheurs du Public Health Policy Unit, UCL (University College London), 22 pages,

 http://www.health.ed.ac.uk/CIPHP/publications/unison_2005_pfi_a_policy_built_on_sand_pollock.pdf ;
Marty, Frédéric, Sylvie Trosa et Arnaud Voisin. (2006).
Les partenariats public-privé, Collection « Repères » no 441, Paris : La Découverte, 122 pages, p. 65 et suivantes

[3] Robert, Anne. (2007) « Le PPP prend son envol », 26 septembre, LesAffaires.com

[4] C’est ainsi que cet été, dès que fut admise publiquement la vraisemblance d’une fin aussi triste qu’imminente, la firme Bombardier, l’un des partenaires de Metronet, a purement et simplement radié les actifs reliés à ce projet, pour couper court aux rumeurs de catastrophe appréhendée, en préférant encaisser dès maintenant une perte qui demeure somme toute limitée, plutôt que de courir le risque que le doute et l’incertitude ne viennent plomber le cours de l’action. D’ailleurs, du même souffle, Bombardier assurait ses actionnaires que tout n’était pas perdu puisque, peu importe le sort du PPP, l’entité qui reprendra le projet ne manquera pas de faire affaire avec… Bombardier.
Robert, Anne. (2007). « Bombardier limite les dégâts à Londres », Les Affaires.com, 20 juillet,

http://www.lesaffaires.com/article/0/grande-entreprise/2007-07-20/
445138/bombardier-limite-les-degats-a-londres.fr.html
 

[5] Gauthier, Ève. (2006). « La démocratie soluble dans l’eau privatisée », Alternatives, le journal. mars, vol.12, no6, p. 5,

http://www.vrm.ca/documents/EveGauthier-PPPeau.pdf

[6] Sherring, Susan. (2007). « Things go bump in the night », Ottawa Sun,

http://www.ottawasun.com/News/OttawaAndRegion/2007/02/15/3626815-sun.html

[7] Robert, Anne. (2007) « Le PPP prend son envol », 26 septembre, LesAffaires.com

 http://www.lesaffaires.com/article/0/economie/2007-09-26/464886/le-ppp-prend-son-envol.fr.html

[8] Moreau, Philippe. (2006). « Distribution d’eau : les opérateurs privés accusés de sous-investir », Les Échos, 24 novembre,

 http://www.lesechos.fr/info/energie/4503374.htm

[9] Milner, Mark. (2006). « Leaks stem flow of profits at Thames Water», The Guardian, 1er décembre, http://money.guardian.co.uk/utilities/story/0,,1961584,00.html

[10] Dorchies, Pierre T. (2006). « Le projet de Saint-Louis-de-France, bilan après 6 ans », alors que le titre apparaissant sur la première page du document est plutôt : « Saint-Louis-de-France, Rénovation du réseau routier collecteur. Bilan de l’expérience de partenariat après 6 ans », dans le cadre du colloque Infra 2006, organisé par le CERIU (Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines), Québec, 21 novembre 2006, 18 pages (la reproduction du texte est disponible sur disque auprès du CERIU).

[11] Dubuc, André. (2003). « Deux géants français dominent l’industrie du pavage d’ici », Les Affaires, (2 août), p. 15. Bien qu’il soit absent du trio final à Saint-Louis-de-France, mentionnons tout de même que le numéro trois de l’industrie, avec 5 % du chiffre d’affaires, est DEMIX Construction, une filiale de Ciment Saint-Laurent, elle-même filiale du géant suisse Holcim, dont le chiffre d’affaires était, en 2006, de près de 24 G CHF (francs suisses), soit à peu près 14,4 G€. Ciment Saint-Laurent fait partie du consortium retenu pour le prolongement de l’autoroute 25 tout comme du consortium malheureux de la décision d’abandonner le projet de train de banlieue à Ottawa.
Hamel, Pierre J. et Louis Carrier. (2006). « Les groupes européens de services urbains prennent position au Québec »,
Organisations et territoires, vol.15, no 1, p. 41-51 (une version beaucoup plus longue, comprenant notamment une section méthodologique détaillée, est disponible en ligne : http://www.inrs-ucs.uquebec.ca/pdf/GroupesEuropeens.pdf).

[12] Il est très fréquent qu’un PPP soit finalement réalisé par des entreprises qui n’avaient pas été sélectionnées par le donneur d’ordre. Un des cas les plus spectaculaires est sans doute celui d’Hamilton qui s’était entendu, pour le traitement de ses eaux usées, avec une entreprise locale, dont 30 % des actions appartenaient au Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l’Ontario (TEACHERS) ;
cette entreprise locale a été rachetée par Azurix, filiale d’ENRON, puis par AWS, American Water Services, elle-même filiale de la britannique Thames Water (propriétaire des réseaux d’eaux desservant Londres), elle-même à son tour filiale de l’électricien allemand RWE.

Chercheur et professeur à l'INRS-Urbanisation, Culture et Société

Mention d'honneur, prix André-Laurendeau 2007

Depuis toujours, les gouvernements confient à des entreprises privées des travaux ponctuels et souvent même l’opération en continu d’un service. Cependant, depuis au moins 100 ans, la part du privé demeure relativement restreinte ; du point de vue des optimistes parmi les partisans d’un plus grand rôle pour le privé, la perspective est des plus réjouissantes car le potentiel est immense puisque presque tout reste à faire.

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