Mathieu Bock-Côté
Fin de cycle. Aux origines du malaise politique québécois, Boréal, 2012, 174 pages
Cinq ans après la parution de La dénationalisation tranquille, qui a connu un important succès, la barre était haute pour le deuxième livre de Mathieu Bock-Côté ; surtout qu’entre-temps il est devenu un intellectuel médiatique incontournable même à l’extérieur de la bazzosphère. Malgré ces attentes élevées, Fin de cycle ne décevra pas les amateurs d’essais politiques, bien au contraire.
Le livre s’ouvre sur une brillante introduction où l’auteur pose la question à laquelle il tentera de répondre : pourquoi la souveraineté du Québec a-t-elle échoué et quelles sont les conséquences de cet échec ? Avec la précision chirurgicale du vocabulaire et l’aisance à manier les concepts qu’on lui connait, Bock-Côté défend donc la thèse selon laquelle le mouvement souverainiste a échoué, ce qui aurait mis fin au cycle de la Révolution tranquille. Et depuis cet échec, la plupart des Québécois seraient perdus : ni souverainistes, ni fédéralistes, ni de gauche, ni de droite. Parallèlement, ce contexte serait favorable à une espèce d’ultra-individualisme antinational, et ce à droite, avec la nouvelle droite hostile à l’État québécois et à la loi 101, comme à gauche, avec la figure du citoyen du monde qui s’imagine de nouvelles solidarités pour mieux oublier les anciennes. Avec la montée de ces deux groupes, l’échec du souverainisme risquerait de déboucher sur une déroute du Québec français tout entier. Bref, le Québec serait entré dans une phase de transition marquée par une profonde volonté de changement et porteuses de tous les dangers comme de tous les possibles.
Cette transition se traduirait de différentes manières, notamment par la vague orange du NPD et l’émergence de la CAQ. Et ici Bock-Côté reprend le constat largement partagé selon lequel le clivage gauche-droite est en train de supplanter le clivage souverainiste-fédéraliste. Cependant, il ajoute que la question nationale ne disparaît pas pour autant ; elle se transforme en devenant moins constitutionnelle et plus identitaire, entre autres autour du débat sur le multiculturalisme. Pour Bock-Côté, ce débat qui a cours partout en Occident serait particulièrement pertinent au Québec, car, et c’est là que l’auteur fait preuve d’originalité, il poserait la question du conservatisme québécois. En effet, pour lui l’identité québécoise telle qu’elle définie depuis la Révolution tranquille, avec son côté progressiste marqué, serait problématique dans le contexte actuel, celui du nouveau cycle politique qui commence ; d’où l’intérêt de repenser cette identité, et l’ensemble des grands enjeux politiques, à partir de la matrice conservatrice.
Voilà donc comment Bock-Côté campe le décor dans une introduction des plus réussis. La suite du livre est composée de quatre parties et d’un épilogue regroupant des textes inédits ou déjà parus, mais habilement remaniés pour l’occasion, qui viennent compléter et préciser les thèses présentées dans cette introduction qui donne une véritable cohérence à l’ensemble.
Dans la première partie où il entend exposer les origines du malaise politique québécois, l’auteur associe ce malaise à la critique du modèle québécois et le fait remonter à l’été 2002, soit au moment où l’ADQ a remporté une série d’élections partielles. Puis, il poursuit avec une analyse de la crise des accommodements raisonnables, deuxième moment révélateur du malaise politique, où l’ADQ fait figure de grand défenseur de l’identité québécoise, alors que le PQ apparaît comme son fossoyeur. Bien qu’il s’agisse là que d’une partie des éléments évoqués dans cette première partie, ils sont révélateurs de certains aspects critiquables que l’on retrouve tout au long du livre.
Premièrement, l’absence quasi totale du Parti libéral et de Jean Charest (qui, sauf erreur, n’est mentionné qu’une seule fois dans tout l’ouvrage, et encore, accessoirement à travers la citation d’un autre auteur). Or, il serait possible d’argumenter que si la critique de modèle québécois est symptomatique du malaise québécois, celui-ci ne remonte pas tant à 2002 qu’à 1998, moment où Jean Charest s’est montré très critique envers ce modèle et plus largement envers l’héritage de la Révolution tranquille.
Deuxièmement, et en lien avec cette quasi-absence du PLQ, le portrait du Québec politique que dresse l’auteur est celui d’un Québec dominé par un PQ de gauche, donc antinational, et malaimé, et une ADQ de droite, nationale, vertueuse et en phase avec l’électorat québécois. Évidemment, pour arriver à un tel portrait, l’auteur omet certains faits. Ainsi, dans cette partie il n’est nulle part mention du fait que l’ADQ du début des années 2000 n’est pas particulièrement nationaliste. Au contraire, le parti de Mario Dumont défend alors ce qu’il appelle lui-même un « patriotisme constitutionnel », concept emprunté à Jürgen Habermas, un des plus grands philosophes antinationalistes de notre époque. Autrement dit, l’ADQ d’alors fait la promotion d’un nationalisme strictement civique, en plus d’être très favorable à l’immigration et peu portée sur la question linguistique. Et s’il est vrai que l’ADQ s’est porté à la défense de l’identité québécoise lors de la crise des accommodements raisonnables, ce n’est pas pour faire suite à une profonde réflexion qui l’aurait mené à se convertir au nationalisme culturel, mais plutôt à la faveur d’un clip improvisé par son chef (comme le révèle Denis Lessard dans sa biographie intitulée L’instinct Dumont). Plus révélateur encore, au moment où elle aurait pu approfondir sa position critique au sujet des accommodements raisonnables, par exemple en déposant un mémoire à la commission Bouchard-Taylor, elle s’est abstenue de le faire, sans doute parce qu’une frange significative du parti a toujours été allergique au discours identitaire. À l’inverse, en déposant un mémoire critique vis-à-vis de la laïcité ouverte, le PQ est redevenu à cette occasion le défenseur de l’identité nationale. Car il est vrai qu’en tombant dans le souverainisme utopiste et le nationalisme civique, il avait cessé de l’être pendant une période s’étalant de la fin de l’ère Landry (quoique cette période a aussi été marquée par des gestes nationalistes comme la consécration de la fête des Patriotes) à la fin de l’ère Boisclair. Or, cette période a duré à peine trois ou quatre ans, soit aussi peu longtemps que le flirt de l’ADQ avec le nationalisme culturel. Car depuis l’arrivée de Pauline Marois à sa tête, le virage de la gouvernance souverainiste et le retour du « Nous », le PQ a rompu en grande partie avec le souverainisme utopiste et le nationalisme exclusivement civique.
À ce sujet, les propos de Bock-Côté ne sont pas toujours clairs. Par exemple, en page 45, il salue la gouvernance souverainiste définie par Pauline Marois comme s’inscrivant dans la logique d’un ressaisissement national visant à rendre possible la souveraineté, plutôt que de postuler l’éminence de sa réalisation à court terme en faisant fie du contexte politique. Mais en page 46, il critique « un souverainisme officiel qui confisque la souveraineté davantage qu’il ne lui permet de se renouveler comme projet ». On comprend mal ce qu’est le souverainisme officiel dont il parle si la chef du PQ en est exclue…
La deuxième partie du livre, qui porte sur l’échec du souverainisme, contient elle aussi des éléments fort critiquables et nous y reviendrons. Mais d’abord, soulignons que l’auteur y défend une thèse forte : l’échec actuel du souverainisme trouve son origine dans la genèse du mouvement où, à côté de la tendance nationaliste héritière de Groulx et de l’École de Montréal, il y a eu une tendance gauchiste radicale, influencée à la base par les citélibristes, qui après s’être recyclé dans le technoprogressisme serait devenue dominante à la fin des années 1990. Et comme cette dernière tendance est fondée sur le mythe de la Grande Noirceur, elle repousserait la frange conservatrice du mouvement souverainiste à laquelle en son temps René Lévesque avait ouvert grandes les portes… d’où l’échec actuel du souverainisme.
La thèse ne manque pas de panache et contient beaucoup de vrai, surtout en ce qui concerne l’avant 1995. Pour ce qui de la période récente, lorsque l’on tombe dans le détail, la démonstration est plus hasardeuse par moment. Par exemple, Bock-Côté fait de la fin des années 1990 le moment où les souverainistes auraient abusivement associé leur projet au modèle québécois, au point où Lucien Bouchard accusait ses adversaires de ne pas aimer le Québec. L’auteur ajoute que cela servait à contester la légitimité nationaliste de l’ADQ et à présenter la droite québécoise comme un conservatisme anglo-saxon. Plusieurs choses méritent d’être soulignées ou contextualisées autrement dans ce raisonnement. D’abord, s’il est apparu important de valoriser le modèle québécois à ce moment précis de notre histoire, ce n’est pas tant parce qu’il fallait remplir le vide laissé par la dévalorisation du nationalisme culturel, que parce qu’il fallait expliquer aux Québécois que les dures réformes liées au déficit zéro n’étaient pas une fin en soi, mais un moyen de sauvegarder l’essentiel du filet social à long terme et de rendre le Québec plus fort financièrement en vue de son accession à l’indépendance. Ensuite, cette référence à l’accusation de Lucien Bouchard me semble étrangement incomplète. Il vaut la peine de le rappeler, cette accusation ne visait pas des adversaires abstraits du modèle québécois, elle visait très concrètement Jean Charest. C’est donc dire que ce dernier aurait dû apparaître une fois de plus dans le récit bockien… mais y est curieusement absent. Pour ce qui est de la légitimité nationaliste prétendument incontestable de l’ADQ, auquel l’auteur semble croire en prétextant que sous la gouverne de Mario Dumont ce parti « s’est réclamé constamment du Québec d’abord », nous référons le lecteur à nos commentaires précédents sur l’ADQ. Et nous ajoutons que le chef adéquiste devait avoir une conception bien particulière du Québec d’abord lorsqu’il a prononcé son célèbre discours de Toronto, au cours duquel il a renoncé aux revendications traditionnelles du Québec pour lesquelles il avait fondé son parti dix ans plus tôt. Sur la question de la droite québécoise que les souverainistes de gauche présenteraient injustement comme un conservatisme anglo-saxon, qu’il nous suffît de souligner que cette présentation est largement justifiée par le fait que les tenants de cette droite ont souvent à la bouche la « moyenne canadienne » lorsqu’ils défendent leurs idées néo-libérales. Sans parler qu’ils font des Thatcher et Harris de ce monde leurs héros, ce qui révèle à la fois que leur admiration du monde anglo-saxon est véritable, et que leur prétention à défendre le désengagement de l’État tout en étant soucieux des démunis et de l’environnement l’est moins.
Voilà quelques-unes des critiques qu’il convient d’adresser à la deuxième partie du livre. Convenons qu’elles sont mineures par rapport à l’ensemble de l’analyse qui demeure valide en grande partie. Toutefois, une critique plus importante doit être formulée à l’égard de la conclusion de cette partie. Dans cette conclusion, après avoir affirmé en page 88 que « L’effondrement du PQ, sa disparition même, est désormais une hypothèse à prendre au sérieux », l’auteur saute de l’hypothèse à prendre au sérieux à l’hypothèse avérée lorsqu’en page 89 il nous apprend que le PQ et l’Union nationale « appartenaient essentiellement à un cycle historique qu’ils ont profondément défini, mais auquel ils n’ont pas survécu ». Qu’il nous suffise pour l’instant de rappeler que, dans les jours qui ont suivi le lancement du livre, un sondage est venu confirmer la monté du PQ et laisser présager un gouvernement péquiste majoritaire. Évidemment, on peut voir là une simple imprudence de l’auteur. Cependant, il nous semble que Bock-Côté a tendance à se montrer critique envers le PQ, complaisant envers l’ADQ et silencieux envers le PLQ. Un dernier extrait de la deuxième partie vaut la peine d’être cité, celui où après avoir parlé du PQ l’auteur affirme « Il ne viendra jamais à l’esprit des leaders du souverainisme officiel de contester les nombreux discours portant sur la “discrimination systémique” dont seraient “victimes” certains “groupes minoritaires” ». Certes, l’affirmation est en soi exacte, mais elle omet le fait que les leaders libéraux et caquistes sont tout aussi silencieux à ce sujet. Peut-être l’auteur considère-t-il le PQ plus proche de ces groupes ? Il serait raisonnable de le penser… quoique c’est surtout le Bloc qui s’est toujours fait le défenseur de leurs causes.
Pour cette raison, et une tonne d’autres, Bock-Côté réserve la troisième et meilleure partie de son ouvrage au Bloc. Son propos se résume ainsi : en dépit de ses origines conservatrices, sous la gouverne de Gilles Duceppe le Bloc a dérivé vers la gauche et le multiculturalisme, au point de devenir le troisième pilier du progressisme canadien, ce qui lui a enlevé son côté nationaliste et donc sa pertinence, d’où le résultat du 2 mai 2011. Ici, il n’y a rien à redire. L’auteur a raison sur toute la ligne, particulièrement lorsqu’il insiste sur l’erreur fatale que fut la participation du Bloc à la coalition Dion. En plus, il cite à l’appui de sa thèse des sources de première main, notamment des documents officiels du Bloc, et de nombreux commentateurs politiques parmi les plus crédibles. Bref, c’est dans cette partie que l’auteur est le plus intellectuellement solide, méthodologiquement blindé et politiquement pertinent.
À l’inverse, la pertinence politique est moins grande dans les deux dernières parties du livre où l’auteur s’attarde à son obsession personnelle : le conservatisme, son conservatisme. La quatrième partie est loin d’être inintéressante, bien qu’elle reprenne plusieurs éléments de l’analyse historique comprise dans la deuxième partie. Elle ajoute également quelques éléments qui méritent une attention particulière. Dans son historique du conservatisme, Bock-Côté passe de la vague conservatrice de 1984-1988 à l’ADQ et sa montée en 2002. Il oublie donc un petit détail au passage : deux députés conservateurs, par leur affiliation partisane et certaines de leurs idées, entre autres en matière de conception de l’autorité, sont devenus les chefs des deux principaux partis politiques québécois. On voit mal comment cela aurait pu ne pas influencer un tant soit peu le conservatisme sur la scène provinciale. Cet oubli est d’autant moins justifié que, même s’il associe l’ADQ au retour de la question du conservatisme, plus loin il avoue que « l’ADQ se ralliera pendant longtemps au consensus officiel sur les questions identitaires ».
Cela dit, l’essentiel de la quatrième partie repose sur une tentative de l’auteur de définir un nouveau conservatisme ; ce à quoi il arrive en partie. Il rappelle les principes fondamentaux de ce conservatisme (nationalisme culturel et historique, opposition au multiculturalisme et aux politiques antidiscriminatoires), mais parle de concepts davantage que de politiques concrètes à mettre en œuvre, ce qui rend les contours de son conservatisme difficiles à saisir. Malgré cela, cette quatrième partie, comme les trois autres et dans une moindre mesure l’épilogue, constitue une contribution originale et valable qui risque d’influencer durablement le débat. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous ne pouvons terminer ce compte-rendu sans revenir sur quatre points fondamentaux.
Premier point : bien que Bock-Côté fasse très justement la différence entre la droite antinationale et le conservatisme dans la quatrième partie et l’épilogue, nous ne pouvons qu’être totalement d’accord avec lui lorsque dans la première partie il associe la critique néolibérale du modèle québécois, et plus particulièrement les Lucides, au conservatisme. Il est bien connu qu’il existe plutôt une alliance tacite entre le néolibéralisme et une certaine gauche progressiste. Pensons au Renouveau pédagogique qui plaisait autant à cette dernière qu’aux néo-libéraux qui se réjouissaient que les élèves ne puissent plus doubler, et ainsi engendrer d’inutiles dépenses publiques. Pensons à la promotion des modes alternatifs de règlement des différends, qui permettent l’application de normes propres à des groupes minoritaires et l’économie de précieux deniers publics inhérente à la déjudiciarisation. Mais surtout, Bock-Côté ne tient pas suffisamment compte du fait que sur bien des enjeux économiques le conservatisme est passé à gauche, et la frénésie du changement à droite. Ce n’est pas un hasard si le Manifeste pour un Québec lucide a paru avant celui Pour un Québec solidaire ; ce sont les tenants de la droite qui réclament le plus urgemment des changements, les tenants de la gauche économique se contentant souvent de défendre des acquis. Récemment, le ministre québécois des Finances mobilisait même une expression jadis réservée à l’extrême gauche en parlant de révolution culturelle pour promouvoir les hausses de tarifs si chères à la droite économique. Dans ce contexte, il aurait sans doute été préférable que Bock-Côté en appelle explicitement à l’unité de tous ceux qui ont une sensibilité conservatrice, qu’ils soient de droite ou de gauche ; quoiqu’à certains moments, il laisse l’impression qu’il le fait implicitement, ce qui constitue déjà une audace.
Deuxième point, même si Bock-Côté erre lorsqu’il croit venue la mort du PQ, cela ne signifie pas qu’il se trompe complètement lorsqu’il affirme qu’il faut prendre l’hypothèse de cette mort au sérieux. Cependant, comme il postule l’éminence de cette mort plus qu’il ne la démontre, il est difficile de se prononcer sur la validité de cette hypothèse. Certes, l’auteur apporte des informations historiques et sociologiques fort pertinentes sur les origines du PQ qui confirment qu’il a toujours été une coalition un tant soit peu instable. Mais cela ne suffit pas. On comprend que Bock-Côté est un sociologue davantage dans la tradition de Webert que dans celle de Durkheim, et donc qu’il manie les concepts plus que les statistiques, un peu comme Dominique Schnapper en France ou Jacques Beauchemin au Québec. Néanmoins, on aurait aimé qu’il nous dresse le portrait du péquiste sociologique, pour ensuite nous dire si statistiquement il tend à disparaître, ce qui annoncerait la disparition du PQ. Cela aurait pu l’amener à constater que le péquiste sociologique est un francophone, de classe moyenne, d’âge moyen et ayant une scolarité relativement élevée. Puis, il aurait sans doute pu démontrer que le pourcentage de francophones tend à diminuer, quoique lentement, que la classe moyenne rétrécit, tout en restant quasi hégémonique, que la scolarisation augmente sans cesse et que la population vieillit. Puisque ce dernier facteur n’est pas déterminant, dans la mesure où les gens ne changent pas d’opinion politique en vieillissant et que les péquistes demeurent assez nombreux chez les jeunes, l’auteur aurait sans doute pu en tirer comme conclusion que la disparition du PQ est loin d’être inéluctable.
Troisième point, autant nous ne pouvons être d’accord avec Bock-Côté lorsqu’il survalorise l’ADQ, autant nous ne pouvons être d’accord lorsque, à nos yeux du moins, il se montre peu critique envers la CAQ. Car ses propres réflexions devraient l’amener à rejeter totalement la formation politique de François Legault. Bock-Côté critique radicalement la participation du Bloc à une coalition avec le PLC : la CAQ est une coalition avec des gens du PLC qui envisage une alliance avec le PLQ. Même s’il semble croire en la crédibilité nationaliste de l’ADQ sous Mario Dumont, l’auteur avoue qu’elle n’est plus sous la direction de Gérard Deltell. Or, c’est bel et bien avec l’ADQ version Deltell que la CAQ a fusionné. Il critique la dévalorisation du nationalisme culturel et la défense du technoprogressisme qu’a véhiculé le PQ au début des années 2000 : François Legault était le chef de file du courant souverainiste qui a promu ce virage, avant de démissionner lorsque Pauline Marois a imposé sa ligne nationaliste. Dans ces circonstances, on comprend mal l’attitude assez réservée de Bock-Côté face à la CAQ, et on se demande s’il en viendra à la traiter avec complaisance, comme l’ADQ, ou avec silence, comme dans le cas du PLQ.
Car, et c’est là le quatrième et dernier point, il nous semble que Bock-Côté a tort d’éluder complètement le PLQ et Jean Charest de ses réflexions. C’est un peu comme si, en 1955, un auteur québécois annonçait la fin d’un cycle politique, sans jamais dire un mot à propos du régime Duplessis. La chose serait totalement incompréhensible, et pourtant c’est ce à quoi nous avons droit avec Fin de cycle. Certes, la question posée par le livre concerne d’abord le mouvement souverainiste, ce qui peut expliquer cette absence. Mais vu la nature dialogique de la politique, il nous semble que l’analyse aurait été plus complète si elle avait abordé également cette facette de la scène politique québécoise.
Enfin, toutes ces critiques ne doivent pas nous faire oublier l’essentiel : Fin de cycle est une contribution digne de mention qui a l’extraordinaire qualité d’être à la fois fouillée, argumentée, originale et audacieuse. Que l’on soit pour ou contre la thèse de l’auteur, c’est à lire absolument.