Jean-François Lisée. Qui veut la peau du Parti québécois?

Jean-François Lisée
Qui veut la peau du Parti québécois
Montréal, Éditions Carte blanche, 2019

Dans son livre sur la débandade électorale du Parti québécois, Jean-François Lisée se montre satisfait de sa performance. Convaincu d’avoir toujours raison, il ne fait nullement acte de contrition. Son objectif est de nous montrer qu’il a fait pour le mieux dans les circonstances et qu’il n’a presque rien à se reprocher sauf peut-être de ne pas avoir suffisamment communiqué sur le rajeunissement des cadres du Parti québécois. Pour le reste, il a été à la hauteur de la tâche et ses stratégies étaient logées à l’enseigne du bon sens. Il a fait pour le mieux, il n’a pas de regret. « J’ai pour moi le sentiment du devoir accompli » (p. 149). Alors, comment expliquer le désastre ? Comment expliquer que la meilleure campagne électorale, aux dires de Lisée, ait engendré des résultats calamiteux ?

Jean-François Lisée
Qui veut la peau du Parti québécois
Montréal, Éditions Carte blanche, 2019

Dans son livre sur la débandade électorale du Parti québécois, Jean-François Lisée se montre satisfait de sa performance. Convaincu d’avoir toujours raison, il ne fait nullement acte de contrition. Son objectif est de nous montrer qu’il a fait pour le mieux dans les circonstances et qu’il n’a presque rien à se reprocher sauf peut-être de ne pas avoir suffisamment communiqué sur le rajeunissement des cadres du Parti québécois. Pour le reste, il a été à la hauteur de la tâche et ses stratégies étaient logées à l’enseigne du bon sens. Il a fait pour le mieux, il n’a pas de regret. « J’ai pour moi le sentiment du devoir accompli » (p. 149). Alors, comment expliquer le désastre ? Comment expliquer que la meilleure campagne électorale, aux dires de Lisée, ait engendré des résultats calamiteux ?

C’est d’abord la faute à Québec solidaire qui n’a pas voulu le suivre sur la route de la convergence. Tout aurait été merveilleux pour le PQ si QS avait accepté le plan proposé par le chef du Parti québécois. Mais les dirigeants de QS, et surtout Manon Massé, l’ont roulé dans la farine et n’ont pas voulu sacrifier l’intérêt de leur parti pour sortir le PQ de l’ornière où il s’enfonçait. Il a commis une faute de bonne foi, car il a fait confiance aux négociateurs de QS qui ont trahi leur engagement en refusant le jeu de dupes qui aurait assuré l’hégémonie du PQ dans cette éventuelle alliance. Lisée qui veut tirer des leçons de son expérience a oublié qu’il faut être en position de force pour faire accepter ses idées à un concurrent. Les stratèges de QS ont montré dans cet épisode qu’ils n’étaient pas naïfs et que leur objectif était de supplanter le PQ. Lisée a été aveuglé par sa stratégie qu’il pensait imparable.

L’appel au vote stratégique pour battre les libéraux était une autre billevesée. Pour être l’alternative aux libéraux, le PQ a choisi de s’éloigner de son positionnement traditionnel en se rapprochant du centre droit par l’élimination de l’indépendance comme enjeu électoral. Là encore, Lisée aurait dû savoir qu’un parti qui abandonne son option perd sa crédibilité et n’inspire pas confiance. Il perd ses militants les plus aguerris et ne gagne pas de nouveaux électeurs surtout lorsqu’il est en compétition avec un parti qui a été constant dans ses engagements. En voulant se rapprocher des positions de la CAQ, il n’a réussi qu’à donner plus de crédibilité à ce parti qui s’est présenté comme la véritable alternative au Parti libéral. Le PQ a perdu parce qu’il a été piégé par ses incohérences.

Enfin, la dernière explication de l’échec est le classique « C’est la faute aux médias ». Ils n’ont pas transmis au bon peuple les messages alambiqués du PQ nouveau. Ils n’ont pas relayé la bonne image. Les journalistes ont pratiqué la distorsion systématique des positions du PQ, écrit-il (p. 78). Si les électeurs avaient eu connaissance des propositions du PQ, ils auraient voté pour lui. Les médias ont favorisé les concurrents du PQ : QS, à gauche, en ne le critiquant pas et la CAQ, à droite, en n’insistant pas sur ses errements. Les médias, comme ils le font dans toutes les élections, ont parlé plus des sondages que des enjeux et ont ainsi montré que la CAQ était en progression ce qui a amplifié l’effet du suivisme et rallié des souverainistes convaincus qu’il fallait battre les libéraux. Ils ont ainsi fait échouer la stratégie du vote stratégique puisque les sondages plaçaient le PQ en arrière de la CAQ qui était le seul parti capable de battre les libéraux. Le PQ s’est piégé à sa propre stratégie.

Lisée s’étend longuement sur les péripéties de la campagne, mais à aucun moment il n’aborde le vrai problème : comment expliquer que sous la gouverne de Pierre Karl Péladeau, le PQ ralliait 30 % des électeurs et que deux ans plus tard, il n’obtenait le soutien que de 17 % des Québécois : une chute spectaculaire de 13 points sous son leadership ? N’y a-t-il pas un lien entre le changement d’orientation qu’il a fait adopter et la désertion de ces électeurs ?

Après la lecture de ce livre, on demeure perplexe devant l’aveuglement volontaire. Comment un chef aussi intelligent, informé et familier avec le monde des médias peut-il les rendre responsables de la déroute du PQ ? Dans son titre, il les accuse même de vouloir la peau du Parti québécois. Les médias ont toujours fait ce qu’ils ont fait. Rien de nouveau sous le soleil. Il faut lire à ce sujet son excellent chapitre sur les relations entre le journaliste et l’élu. Comment peut-il alors évoquer de façon crédible un complot des médias pour abattre le PQ ? Lisée a tiré plus de cinquante leçons de cette défaite, mais il a oublié la plus importante : celui qui veut jouer au plus fin et concilier les contraires est toujours supplanté par celui choisit d’être cohérent et de défendre ses idées.

Denis Monière

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