L’enjeu du nationalisme identitaire

Secrétaire-trésorier de Génération nationale, candidat à la maîtrise en service social.

Le Parti québécois est souvent associé à un enjeu politique informellement interdit : la défense de l’identité québécoise. Cet enjeu est appelé avec dégoût nationalisme identitaire par de nombreux politiciens, blogueurs et chroniqueurs. Depuis sa défaite d’avril 2014, le PQ semble tenté d’éviter ce thème. Une frange du parti tente même de s’en dissocier complètement. Pensons notamment à Alexandre Cloutier, lors de la course à la chefferie péquiste de 2014-2015. Il qualifia péjorativement le projet de charte des valeurs de son parti de projet radical. Pensons aussi à un des principaux militants de Cloutier, qui codirigea un recueil1 qui cachait mal son mépris pour les nationalistes identitaires. Ceci, ainsi que les récentes déclarations du parti, semble dire que la formation politique tente de se distancer de l’étiquette identitaire.

Secrétaire-trésorier de Génération nationale, candidat à la maîtrise en service social.

Le Parti québécois est souvent associé à un enjeu politique informellement interdit : la défense de l’identité québécoise. Cet enjeu est appelé avec dégoût nationalisme identitaire par de nombreux politiciens, blogueurs et chroniqueurs. Depuis sa défaite d’avril 2014, le PQ semble tenté d’éviter ce thème. Une frange du parti tente même de s’en dissocier complètement. Pensons notamment à Alexandre Cloutier, lors de la course à la chefferie péquiste de 2014-2015. Il qualifia péjorativement le projet de charte des valeurs de son parti de projet radical. Pensons aussi à un des principaux militants de Cloutier, qui codirigea un recueil1 qui cachait mal son mépris pour les nationalistes identitaires. Ceci, ainsi que les récentes déclarations du parti, semble dire que la formation politique tente de se distancer de l’étiquette identitaire.

Or, l’étiquette identitaire ne semble pas vouloir se distancer du parti de Pierre-Karl Péladeau. La récente visite de Marine Le Pen ramène vite les amalgames faciles entre nationalisme identitaire, Front national et Parti québécois. Le récent double-attentat terroriste de Bruxelles alimente aussi les débats portant sur ces thèmes. Face à cela, le Parti québécois semble écartelé entre deux positions. L’une, nationaliste identitaire, risquerait d’attirer des associations gratuites PQ-FN. L’autre consisterait à intégrer le discours anti-Le Pen, antinationaliste, afin de tenter de devenir plus respectable, médiatiquement. Dans le passé, cette deuxième position a été adoptée par Cloutier et son équipe.

Vu le fardeau médiatique qui pèse contre le nationalisme identitaire, il peut être très tentant pour les élites péquistes de suivre l’exemple de Cloutier et d’intégrer ce discours qui prône l’ouverture, les projets inclusifs et qui rejette le racisme et les politiques « de la division ». Or, nous postulons qu’il ne faut pas céder à cette tentation. Nous postulons que la posture antinationaliste courante d’aujourd’hui ressemble beaucoup à ce qu’elle rejette. Nous postulons que l’antinationalisme d’aujourd’hui est une posture de fermeture qui carbure au rejet, à la division et à un racisme masqué.

Avant d’aller plus loin, une mise au point est à faire par rapport au terme d’antinationalisme. Nous l’employons pour désigner une vaste famille de chroniqueurs, blogueurs et autres personnalités publiques qui affichent une même ligne de discours. Cette dernière se caractérise surtout par un rejet hostile et dénigrant de toute forme d’affirmation culturelle affichée ou associée à la majorité culturelle historique du Québec. Cette ligne de propos est employée principalement par deux sous-familles idéologiques distinctes. La première est composée de militants qui rejettent l’idée de nation pour se tourner vers des concepts idéologiques tels que la lutte au capitalisme, au sexisme ou au colonialisme. La deuxième catégorie est composée d’autres personnalités qui reconnaissent la pertinence du concept de nation, mais qui rejettent soit la pertinence de l’idée d’un Québec souverain, soit la manière que cette même idée est défendue aujourd’hui. Bien que nous reconnaissions les différences entre ces deux fonds idéologiques, notre propos est adressé à ce qui les unit : leur hostilité à ce qu’ils appellent le nationalisme identitaire.

Pour commencer, il faut noter que l’opposition à l’étiquette identitaire est loin d’être une opposition à toute forme d’affirmation identitaire. En d’autres mots, les anti-identitaires portent mal leur nom, puisqu’ils trient les revendications liées à l’identité, jugeant ce qui est légitime et ce qui ne l’est pas. Pensons au militantisme associé à Québec inclusif, qui défend farouchement le port du voile musulman dans la fonction publique tout en crachant du venin vers les revendications liées à la laïcité, associées surtout à la majorité francophone historique du Québec. Pensons aussi aux chroniqueurs et blogueurs qui méprisent les revendications linguistiques francophones ou la promotion de l’histoire nationale du Québec. On peut facilement voir ces mêmes personnes défendre ensuite les revendications de mouvements tels qu’Idle No More.

Même dans ses formes plus modérées, l’antinationalisme d’aujourd’hui tend à exalter les particularités culturelles des communautés immigrantes puis à traiter avec indifférence les particularités et affirmations culturelles du Québec. Certains discours identitaires ont le privilège de la légitimité, d’autres non. En sommes, on pourrait dire qu’une posture qui suivrait l’antinationalisme actuel serait avant tout hypocrite. Il est fort probable qu’une telle position idéologique peinerait à récolter mieux que le ressentiment et l’hostilité de beaucoup d’électeurs.

Mais les vices de la posture antinationaliste ne s’arrêtent pas là. Des réactions récentes au drame de Bruxelles montrent que cette posture idéologique est aussi une fervente adepte des amalgames. Ironiquement, bien que le militant anti-identitaire commun soit souvent le premier à lancer « pas d’amalgame » après un acte terroriste islamiste, il est aussi souvent le premier à faire des amalgames pour rendre une nation occidentale responsable des attentats qui l’affligent. Par exemple, juste après Bruxelles, le dirigeant du AMAL2, Haroun Bouazzi, déclara « On doit s’inspirer de la Belgique pour faire l’inverse, éviter l’exclusion des minorités musulmanes, éviter les lois qui les expulsent de l’école, qui les exclut de l’espace public, et favoriser le vivre ensemble3 ».

Le propos insinue que les attentats seraient surtout la responsabilité des politiques de la Belgique. Comme si le terrorisme ne serait qu’une réaction légitime, moins condamnable que ce qui le génèrerait : la présumée islamophobie du pays frappé. La déclaration récente de Québec inclusif est similaire. La majorité de ses lignes sont dédiées à la dénonciation de Marine Le Pen et de son parti. La dénonciation se résume aux lignes suivantes :

[…] la présence de Marine Le Pen au Québec […] nous semble très dangereuse. La vision politique de Mme Le Pen émane d’un racisme dont elle plante les graines dans chacune de ses prises de parole4.

Le groupuscule antinationaliste semble ainsi dire que le vrai problème politique est surtout l’existence du FN et de sa cheffe. Même son de cloche chez Judith Lussier, qui s’indigne moins sur Bruxelles que du fait que Le Pen obtienne des tribunes : « TVA Nouvelles devait-elle recevoir en entrevue Marine Le Pen alors que les braises des attentats de Bruxelles n’étaient même pas éteintes ? » La chroniqueuse s’indigne aussi du fait que le propos de Le Pen convainque des gens :

Chaque attentat terroriste est l’occasion pour l’extrême-droite de laisser entendre que son agenda politique – qui consiste essentiellement à bafouer les droits des minorités religieuses et ethniques pour donner à la majorité une impression de sécurité – est la solution à la terreur. […] Le message de Marine Le Pen passe. Même chez nous5.

On voit que pour ces militants, il y a mieux à dénoncer que des gens prêts à commettre des meurtres de masses.

Ces réactions ont toutes deux éléments en commun. Le premier est qu’elles dissocient complètement islam radical et terrorisme. Les attentats se retrouvent décrits comme de malheureux accidents, sans lien avec l’idéologie islamiste, radicale et haineuse de leurs auteurs. Le deuxième élément est que les causes du terrorisme sont alors décrites comme étant occidentales. Cette posture antinationaliste semble postuler que le terrorisme est exclusivement causé par les préjugés et politiques du monde occidental. Alors que le terroriste islamiste et sa foi aberrante6 sont disculpés de leurs actes, le citoyen occidental est implicitement accusé de solidarité avec les politiques occidentales intrusives déployées au Moyen-Orient ainsi qu’avec les politiques internes de ses gouvernements. Voilà où se trouve l’amalgame antinationaliste. Il prend un pays occidental frappé par le terrorisme et rend tous ses citoyens coresponsables des décisions politiques de son gouvernement, ainsi que complices coupables des propos d’un parti d’extrême-droite. Les communautés musulmanes se retrouvent ainsi homogénéisées, innocentées et idéalisées, alors que les communautés occidentales se retrouvent culpabilisées, coresponsables, voire décrites comme auteures réelles des attentats qui les affligent.

On ne peut que déplorer et dénoncer les multiples et perverses ramifications d’une telle posture. Loin de combattre une pensée suprématiste, elle l’entretient. L’antinationalisme qui blâme l’Occident pour le terrorisme qui l’attaque reste dans une optique eurocentriste, même si celle-ci est négative7. Cette famille idéologique semble restée convaincue de la toute-puissance occidentale et en fortifie son narcissisme par des propos autoflagellatoires plutôt que par l’impérialisme paternaliste d’autrefois. Ces propos, comme l’impérialisme d’antan, ont la particularité d’être déshumanisants. L’antinationalisme actuel pratique la déshumanisation autant de ceux qu’il pourfend que de ceux qu’il prétend défendre. Les premiers sont réduits au statut d’ordures et aberrations de la scène politique, responsables des agressions islamiques qu’ils subissent.

Rappelons le propos d’une militante de Québec inclusif, publié sur l’ancien blogue du groupuscule :

Fichons la paix aux autres et laissons-les vivre leur vie, si nous ne voulons pas qu’un nombre grandissant d’entre eux soient tentés, demain, de rejoindre les rangs des fanatiques. Parce que, franchement, c’est nous, avec notre bêtise et nos préjugés, qui les y aurons poussés8.

Cela rappelle l’insensibilité de certaines personnes qui, face à la violence conjugale, disent de la victime : « elle a couru après ! ».

Mais cette déshumanisation ne s’applique pas qu’aux nationalistes, elle cible aussi les immigrants eux-mêmes. Ces derniers se retrouvent désormais traités comme de fragiles lingots de vertu brute. L’antinationaliste sera bien plus ému par le désir d’une Dalila Awalda qui souhaite porter son voile dans la fonction publique que par les inquiétudes des gens endeuillés ou préoccupés par le terrorisme islamique. C’est là qu’on voit que la posture antinationaliste peine à concevoir un immigrant comme une personne humaine à part entière, résiliente, capable de s’adapter aux circonstances et capable du Bien comme du Mal. L’antinationalisme ne voit l’immigrant que comme une importation de bienfaits passifs.

Face à ces éléments, il est clair qu’adopter une posture antinationaliste empoisonnerait le Parti québécois. D’une part, ce propos est déjà fermement intégré par Québec solidaire et le Parti libéral. D’autre part, cette posture est loin d’avoir la capacité d’accueil, d’empathie et de rassemblement qu’elle prétend posséder. En réalité, la posture antinationaliste d’aujourd’hui semble surtout haineuse. Elle délimite ce qui est politiquement convenable et rejette sans retenues, sans scrupules ce qui est hors des limites tracées. Et ce « qui » est composé de personnes que ces « inclusifs », qui portent mal leur nom, n’hésitent pas à piétiner sans regrets.

La posture antinationaliste d’aujourd’hui semble surtout servir les intérêts personnels et narcissiques des militants qui la pratiquent. C’est davantage la posture de celui qui veut agresser moralement que de celui qui veut réellement promouvoir le vivre-ensemble. Cette malice masquée montre bien qu’elle n’est qu’un dispositif de haine médiatiquement correcte. Elle bloque les débats publics et les moyens de gérer adéquatement les problèmes interculturels d’aujourd’hui. Nous croyons que le Parti québécois a mieux à faire que de se conformer à cela. Le mieux serait qu’il s’y oppose avec courage, qu’il ose donner une voix aux citoyens indignés par cette odieuse posture. C’est la chose morale à faire, mais c’est peut-être aussi la chose nécessaire à faire. Car, si Péladeau n’attrape pas ce ballon, Legault pourrait bien le reprendre.

 


1 Lettres à un jeune souverainiste (2014). Recueil dirigé par Félix-Antoine Michaud et Léa Clermont-Dion. Publié par VLB Éditeur.

2 Association musulmane et arabe pour la laïcité.

3 Propos provenant d’un reportage de Radio-Canada. « Deux visions s’opposent sur les attentats terroristes », publié le 22 mars 2016. Article consulté le 25 mars 2016.

4 Publication émise sur la page Facebook de l’organisme, le 22 mars 2016. Contenu consulté le 25 mars 2016.

5 Les passages cités proviennent d’une chronique de Lussier, J. (2016) « Une pensée pas si unique ». Publiée dans le blogue de Lussier sur le site du Journal Métro, 22 mars 2016. Texte consulté le 25 mars 2016.

6 Notez bien que nous désignons ici exclusivement l’islam dans sa forme militante, radicale et terroriste. Forme qui est loin d’être la seule à associer à la religion musulmane.

7 Cette réflexion a déjà été énoncée par l’essayiste Theodore Dalrympe, voir la conclusion de l’ouvrage Le nouveau syndrome de Vichy (2013) Publié par Elya Éditions.

8 Le propos a été émis par Pascale Cormier et publié sur l’ancien blogue de Québec inclusif, aujourd’hui effacé. On peut retrouver le texte sur le mur Facebook de l’auteure. Voir note du 14 avril 2014 « Pour en finir avec l’islamophobie ».

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