L’expansion du Canada : adhésions ou annexions?

Ce texte est la version complète de la conférence d’ouverture prononcée au 55e congrès de la Société des professeurs d’histoire du Québec à Valleyfield, le 19 octobre 2017.

Les 150 ans de l’entrée en vigueur de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, rebaptisé Loi constitutionnelle de 1867 en 1982, sont une bonne occasion de revisiter cet événement de l’histoire commune de la Grande-Bretagne, du Canada et du Québec. De nombreux colloques ont été tenus, notamment à Québec, Edmonton, Paris, Montréal et j’en passe1 et des numéros spéciaux ont été publiés, dont ceux d’Argument2, de Relations3 et de la Revue d’histoire de l’Université de Sherbrooke4.

Au-delà de ces événements scientifiques, on se serait attendu, vu le caractère éminemment politique de l’anniversaire, à des événements de commémoration et de contre-commémoration. L’occasion était trop belle de renforcer l’unité du Canada, ou de faire la critique du régime fédéral, selon ses inclinaisons. En effet, le gouvernement des conservateurs de Steven Harper était allé en ce sens il y a quelques années, en soulignant l’effet unificateur sur les Anglais, les Français et les Indiens des deux Canadas de la Guerre de 1812 avec les Américains, soulevant une polémique à laquelle des historiens ont participé5.

On se serait attendu à ce que le gouvernement libéral de Justin Trudeau lui emboîte le pas, ramenant à l’avant-plan les raisons de l’existence d’un pays distinct des États-Unis au nord du 49e parallèle, mais les activités entourant le « 150e anniversaire du Canada », bien qu’elles aient été estimées à 180 millions $ au titre des festivités proprement dites6, ont célébré le présent et la diversité plutôt que l’Histoire, ce qui, après tout, est cohérent avec l’attitude postnationale et multiculturaliste du personnage.

Cela fit en sorte que l’opération « L’Autre 150e. L’histoire derrière l’anniversaire », mise en place par le Parti québécois et auquel l’auteur du présent texte et d’autres historiens se sont associés, se fit sans controverse aucune : le débat sur les origines du Canada ne fut pas relancé7.

En fait, c’est la CBC qui fut la principale porte-parole de la vision unitariste du Canada, avec la diffusion de la série The Story of Us. Il s’agit essentiellement de l’apologie de la succession d’immigrants (surtout britanniques) qui ont arraché le pays aux peuples acadien, canadien et autochtones, vus comme autant d’obstacles au progrès. Il faut le voir pour le croire.

Force est d’admettre que lorsqu’il s’agit de donner une signification à la « Confédération », le fossé entre le Québec et le Canada anglais est plus grand que jamais.

Dans Getting it wrong: how Canadians forgot about their past and imperiled Confederation8, l’historien Paul Romney du département d’études canadiennes de la School of Advanced International Studies of the Johns Hopkins University à Baltimore, au Maryland, explique la difficulté de maintenir l’unité du Canada par l’incapacité des Québécois et des autres Canadiens de partager un mythe fondateur, une conception commune de l’histoire du Canada. Il avance qu’il fut un temps où on croyait que le Canada était le résultat d’un pacte entre deux peuples fondateurs ou entre des provinces fondatrices, fondé sur l’idée d’autodétermination de chacun, mais il ajoute que, dans les années 1930, ce mythe a été balayé par un autre : celui qu’on aurait voulu dès le départ faire du Canada un pays doté d’un gouvernement central fort.

Or le rapatriement de la Constitution canadienne sans l’accord du Québec confirme la victoire d’une autre vision centralisatrice du Canada : les Québécois ne sont plus qu’un groupe au sein d’une nation canadienne multiculturelle. « Le Canada est un pays qui se rassemble non pas autour d’une identité unique, religieuse, culturelle, historique, ethnique, affirme Justin Trudeau, mais de valeurs partagées qu’on se définit en tant que Canadiens9. » Exit le Canada binational, multinational ou même seulement fédéral. Il est maintenant postnational.

Mais l’absence d’une histoire commune n’est pas le résultat d’un simple oubli de l’histoire. Le Canada d’aujourd’hui est le résultat d’une expérience historique commune, certes, mais celle-ci a été vécue différemment par ses différentes composantes. D’abord, les provinces et territoires qui forment l’État canadien n’ont pas tous adhéré à la fédération en même temps. Déjà, cela fait de la célébration des 150 ans du Canada une opération artificielle. Mais il y a pire. Pour la plupart des Canadiens, l’adhésion de leur coin de pays à la fédération canadienne s’est réalisée dans des circonstances pour le moins troubles, et souvent dans la contrainte.

La thèse défendue dans cette étude est que l’édification nationale du Canada serait le résultat d’annexions successives dont la première fut celle du Bas-Canada au Haut-Canada lors de l’Union de 1840. Ladite « Confédération » de 1867 ne serait dès lors que l’expansion et l’achèvement progressif d’un État fédéral fort, au sein duquel l’Ontario aurait un pouvoir prépondérant. Elle diffère des interprétations consensuelles et conjoncturelles de la transformation de l’Amérique du Nord britannique en fédération, qui mettent l’accent sur l’instabilité politique du régime d’Union et la menace militaire des Américains au sortir de la Guerre civile, pour mettre l’accent sur les causes profondes : le désir d’unification d’un empire politico-économique caressé depuis longtemps par les élites anglo-saxonnes10 aux dépens des peuples acadien, canadien et autochtone. Ce projet, déjà en marche avec la déportation des Acadiens de la Nouvelle-Écosse, est pourtant bien clair dans les propos de plusieurs des protagonistes et commentateurs du milieu du XIXe siècle au moment de la véritable naissance du Canada, quelques décennies avant 1867.

Le rapport Durham

Les Rébellions de 1837-38 ont fourni le prétexte idéal aux autorités britanniques pour mettre en branle leur projet. Au-delà du caractère condescendant des propos de John George Lambton, Earl Durham, arrivé comme gouverneur par intérim des deux Canada après la suspension de l’Acte constitutionnel, et auteur du premier d’une longue série de rapports constitutionnels qui jalonneront l’histoire du Québec et du Canada, ces propos mettent précisément en contexte l’intention impérialiste derrière l’union forcée des deux colonies. Pour Durham, ce ne sont pas les imperfections du régime parlementaire, dénoncées de part et d’autre par les élus, mais l’antagonisme entre les Anglais et les Canadiens qu’il fallait d’abord éliminer. Il vaut la peine de s’en remémorer de larges extraits :

Par suite des circonstances spéciales où je me trouvai, j’ai pu faire un examen assez juste pour me convaincre qu’il y avait eu dans la Constitution de la province, dans l’équilibre des pouvoirs politiques, dans l’esprit et dans la pratique administrative de chaque service du Gouvernement, des défauts très suffisants pour expliquer en grande partie la mauvaise administration et le mécontentement.

Mais aussi j’ai été convaincu qu’il existait une cause beaucoup plus profonde et plus radicale des dissensions particulières et désastreuses dans la province – une cause qui surgissait du fond des institutions politiques à la surface de l’ordre social –, une cause que ne pourraient corriger ni des réformes constitutionnelles ni des lois qui ne changeraient en rien les éléments de la société. Cette cause, il faut la faire disparaître avant d’attendre le succès de toute autre tentative capable de porter remède aux maux de la malheureuse province. Je m’attendais à trouver un conflit entre un gouvernement et un peuple ; je trouvai deux nations en guerre au sein d’un même État ; je trouvai en lutte, non des principes, mais des races. Je m’en aperçus : il serait vain de vouloir améliorer les lois et les institutions avant que d’avoir réussi à exterminer la haine mortelle qui maintenant divise les habitants du Bas-Canada en deux groupes hostiles : Français et Anglais.

La solution ? Unir le Haut et le Bas-Canada pour créer une unité politique au sein de laquelle les Canadiens seraient d’abord mis en minorité, pour être ensuite assimilés :

Je n’entretiens aucun doute sur le caractère national qui doit être donné au Bas-Canada ; ce doit être celui de l’Empire britannique, celui de la majorité de la population de l’Amérique britannique, celui de la race supérieure qui doit à une époque prochaine dominer tout le continent de l’Amérique du Nord. Sans opérer le changement ni trop vite, ni trop rudement pour ne pas froisser les esprits et ne pas sacrifier le bien-être de la génération actuelle, la fin première et ferme du gouvernement britannique doit à l’avenir consister à établir dans la province une population de lois et de langue anglaise et de n’en confier le gouvernement à une assemblée décidément anglaise.

Digne exemple de l’esprit de supériorité des impérialistes de son époque, Durham ira même jusqu’à prétendre que cette union se ferait au bénéfice des Canadiens, jugés dignes de devenir de bons Anglais : « C’est pour les tirer de leur infériorité que je veux donner aux Canadiens notre caractère anglais11. »

L’Union

Par l’adoption de l’Acte d’Union, Londres créa en 1840 une nouvelle province, le Canada-Uni, et sonna le glas du Bas-Canada. Une concession issue de l’Acte de Québec de 1840 demeurait en place : le Canada-Est, la section du Canada-Uni correspondant à l’ancien Bas-Canada, conserverait un système juridique privé issu du Code civil. Mais tout le reste semblait désavantager les Canadiens. Tout d’abord », pour concrétiser leur minorisation politique, en dépit du fait qu’ils représentaient encore une majorité politique, on avait décidé que les deux sections auraient un nombre égal de députés. Le Canada-Ouest s’en trouvait ainsi surreprésenté. De plus, on avait fusionné la dette publique des deux anciennes provinces, qui était pourtant plus élevée dans le Haut-Canada. Enfin, une fois les Canadiens neutralisés, on changera le fonctionnement des institutions parlementaires, mettant en œuvre le principe du gouvernement responsable : le conseil exécutif serait composé d’élus de la chambre d’assemblée et celle-ci aurait le droit de vie et de mort sur un gouvernement qui allait, il va sans dire, être formé d’une majorité d’Anglais.

Or, tout ne s’est pas produit comme prévu. L’arrivée au pouvoir des Réformistes, une coalition de politiciens Canadiens anglais et Canadiens français des deux sections du Canada uni allait déjouer ces plans. Mettant en œuvre une politique de concertation, le gouvernement de Lafontaine et de Baldwin eut tôt fait de changer les règles du jeu. En principe, le gouvernement responsable devait obéir à une majorité simple de députés : les Réformistes ont plutôt institué une convention par laquelle l’accord de la majorité des deux sections était nécessaire. Et pour ce faire, on appliqua une politique de représentation au gouvernement le plus souvent paritaire.

C’est contre ces adoucissements qu’en avait la majorité montante du Canada-Ouest : les Canadiens français, comme on les appelait désormais, continuaient d’avoir un contrôle sur les décisions de la nouvelle institution12. Cela leur paraissait d’autant plus choquant que les années 1840 avaient renversé le rapport démographique entre le Canada-Ouest et le Canada-Est. D’une population d’environ 650 000 en 1840, l’Est était passé en 1851 à 890 261. Mais dans l’Ouest, au départ minoritaire sur le plan démographique avec une population de 432 159, on comptait maintenant 952 004 personnes. Cet écart ne fera que s’accentuer dans la décennie suivante. En 1861, les deux sections avaient des populations respectives de 1 111 566 contre 1 396 091.

Dès lors, l’égalité numérique des députés provenant des deux sections dans l’Assemblée législative du Canada-Uni apparaissait comme une injustice aux yeux des réformistes radicaux du Canada-Ouest (qu’on appellera bientôt Clear Grits), surtout après la mise en œuvre du principe du gouvernement responsable en 1849. Pire ! Le gouvernement de la Province du Canada contenait un grand nombre de ministres canadiens-français.

George Brown, fondateur du journal Globe de Toronto et député réformiste depuis 1851, déposa en 1853, une motion en faveur de la représentation selon la population (la rep. by pop.). En 1856, il fit une campagne de presse en faveur de l’annexion de la Terre de Rupert et prit la tête du mouvement Grit l’année suivante. Au début de 1859, il commença à publier des articles en faveur d’une redivision des Canadas en une fédération dont le parlement central serait élu selon le rep. by pop. Au congrès de son parti tenu à Toronto en novembre de cette même année, son point de vue l’emporta sur celui de ceux qui désiraient une dissolution pure et simple de l’Union de 1840 et le retour aux deux provinces distinctes. Le Canada-Uni continuera, et il grandira au-delà des anciens Haut et Bas-Canada.

L’historien et journaliste britannique Goldwin Smith, établi à Toronto en 1871, rend compte du désarroi des anglophones du Haut-Canada devant l’échec de l’Union de la persistance du pouvoir des Canadiens français.

Au lieu d’être supprimés politiquement, ils devinrent rapidement dominants en politique, grâce à la compacité de leurs intérêts et à leur obéissance docile à leurs leaders. Au sein de la faction britannique, on se mit à se faire la lutte pour obtenir leur appui et on se retrouva à leurs pieds. Rien ne le démontre de manière plus claire que la Loi d’indemnisation pour le Bas-Canada [N.D.A. Il s’agit de la loi qui indemnisait les victimes de l’armée durant les Rébellions, qui mit en furie l’establishment de Montréal et fut la cause de l’incendie du Parlement de Montréal en 1849]. La loi interdisant l’utilisation de la langue française dans les débats fut abrogée, et on rendit la législature canadienne bilingue. La fonction de premier ministre fut divisée entre les leaders anglais et français, et les ministères furent désignés par des noms doubles – « Lafontaine-Baldwin », « Macdonald-Taché ». Les Français obtinrent leur pleine mesure de sièges au conseil exécutif et de patronage ; et des fonds publics, ils obtinrent plus que leur juste part13.

En conséquence, selon Smith, « il est tout à fait clair que les seules forces du Canada ne sont pas suffisantes pour assimiler l’élément français ou même pour prévenir la consolidation indéfinie d’une nation française14 ». D’où la nécessité d’une union plus large et surtout, de la création d’un gouvernement supérieur et d’un parlement commun au sein duquel les provinces unies seraient représentées proportionnellement à leur population. Et c’est ce qui fut mis de l’avant dès que les circonstances furent favorables.

La Grande Coalition et les Résolutions de Québec

En 1864, le gouvernement conservateur du Canada-Uni était, comme il le fut souvent, précaire. Majoritaire au Canada-Est, grâce à la domination des Bleus de George-Étienne Cartier, il faisait face dans le Canada-Ouest à une majorité de réformistes et de Clear Grits. Le 19 mai, une motion déposée par George Brown fut adoptée et il fut nommé à la tête d’une commission d’enquête pour étudier de façon « impartiale » les problèmes régionaux du Canada. Dans son rapport du 14 juin, il affirmait qu’il existait une « forte tendance » en faveur d’« un système fédéral15 ». De son côté, John A. Macdonald, faisant écho au sentiment d’une grande partie de la population du Canada-Ouest, allait plus loin : « Nous devrions avoir une union législative, dans les faits, en principe, et en pratique16. » Cartier, pour sa part, ne voyait pas cela du même œil : il croyait qu’avec les provinces maritimes, le Québec pourrait résister à l’influence de l’Ontario dans une union fédérale dont le parlement commun serait élu selon le principe de la représentation selon la population. Macdonald se laissera finalement convaincre par ses deux collègues d’adhérer au projet fédéral, lors d’un entretien tenu le 17 juin avec Brown, le ministre Alexander Galt et Cartier. La précarité du gouvernement du Canada-Uni l’obligera à créer une « Grande Coalition » avec le chef des Clear Grits du Canada-Ouest. Elle fut annoncée le 22 juin 1864. Le projet fut concrétisé plus tard cette année-là lors des conférences de Charlottetown et de Québec. En octobre, à la sortie de la Conférence de Québec où furent rédigées les 72 résolutions qui serviront de base à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, George Brown pourra écrire à son épouse : « Formidable ! La Conférence a pris fin à dix-huit heures ce soir – la Constitution est adoptée – un document fort honorable – un redressement complet de toutes les injustices dont nous nous plaignions ! N’est-ce pas merveilleux ? Le canadianisme français est totalement anéanti17 ! »

On s’entend généralement pour dire que Brown ne désirait pas, comme Durham en 1839 ou Goldwin plusieurs années plus tard, l’assimilation des Canadiens français. Mais sa réaction à la sortie de la Conférence de Québec montre qu’il se réjouissait de la neutralisation du Canada français comme force politique. Après tout, il avait participé, à la Conférence de Québec, à la rédaction d’un projet d’État fédéral fort, que Macdonald, principal rédacteur de l’AANB, veillera à préserver jusqu’à son adoption par Londres. Brown, Cartier et Macdonald sont donc les Pères fondateurs de la « Confédération18 ».

En apparence, ce n’est qu’au Canada-Est que subsistait un vent d’opposition. Elle fut l’apanage des Rouges. Le politologue Marc Chevrier résume ainsi la position de leur chef, Antoine-Aimé Dorion, face au projet de Brown, Macdonald et Cartier : « l’union fédérale esquissée par les Résolutions de Québec ne sert pas la liberté politique du Canada français et à tout prendre, mieux vaut rester dans le régime d’Union, où elle est mieux servie19. »

La campagne de Médéric Lanctôt contre la « Confédération20 »

Fils d’un patriote de Saint-Rémi, né en 1838, Médéric Lanctôt est avocat, journaliste et conseiller municipal à Montréal lorsque qu’est créée en 1864 la Grande Coalition, une alliance des conservateurs et de libéraux radicaux ontariens décidés à implanter une « Confédération » canadienne. Lanctôt fonde alors le journal L’Union nationale pour faire connaître son opposition au projet d’expansion du Canada-Uni, fruit empoisonné selon lui de l’union forcée du Haut et du Bas-Canada en 1840.

Plusieurs jeunes nationalistes de l’époque contribuent à L’Union nationale, dont Laurent-Oliver David (arrière-grand-père de Françoise et d’Hélène David) et Antoine-Aimé Dorion, chef du parti libéral québécois de l’époque (qu’on appelait les « Rouges »). Tous dénoncent le caractère antidémocratique de l’opération : aucune consultation du peuple, ni par élection ni par référendum, ne fut lancée. De plus, ils craignent que, d’annexion en annexion, le Québec et le Canada français ne soient noyés d’un océan à l’autre.

Lanctôt mena une campagne de presse contre la Confédération, canalisant habilement le mécontentement des citoyens du Québec à l’encontre du « British North America Act ». L’Union nationale était appuyée en cela par deux journaux libéraux, L’Ordre et Le Pays. En février 1866, grâce à l’appui de la classe ouvrière, Lanctôt fut élu conseiller municipal à Montréal contre Alexis Dubord, un proche de George-Étienne Cartier, le célèbre « Père de la Confédération ». Il conduisit ensuite des pétitions et des assemblées publiques qui atteignirent leur point culminant dans les premiers mois de 1867 alors qu’elles rassemblèrent des milliers de participants. Enfin, Lanctôt viendra bien près de défaire Cartier lui-même lors des premières élections du régime fédéral, le 5 septembre 1867.

Le débat au Parlement du Canada-Uni21

En 1865, le Canada-Uni était formé de l’Ontario et du Québec, appelés respectivement Canada-Ouest et Canada-Est. Les libéraux du Québec, qu’on appelait « les Rouges », faisaient alors la lutte au projet de « Confédération ». De futurs premiers ministres libéraux, tels Honoré Mercier et Wilfrid Laurier s’y sont également opposés.

Dans une série de manifestes et de discours, dont un est prononcé le 7 mars, le chef des « Rouges », Antoine-Aimé Dorion, s’en prend tant au régime proposé qu’à la manière dont on entendait l’imposer. La nouvelle structure allait noyer davantage l’élément français, s’avérerait une union législative déguisée et permettrait ultérieurement une plus grande centralisation encore : « Je dis que le parlement fédéral exercera le pouvoir souverain, car il pourra toujours empiéter sur les droits des gouvernements locaux. »

Le projet de réforme constitutionnelle élaboré à la Conférence de Québec l’automne précédent étant débattu à la chambre d’Assemblée du Canada-Uni en février et mars 1865 par des députés qui n’avaient pas été élus pour ce faire, Dorion demanda qu’il soit soumis au peuple. Non seulement John A. Macdonald refusa, mais il se réserva même la possibilité de changer la future constitution après le débat, avant qu’elle ne soit adoptée par le Parlement de Londres.

C’est grâce au soutien du chef du parti Clear grits du Canada-Ouest, George Brown, reconnu pour ses positions anticatholiques et son hostilité aux Canadiens français, que Macdonald et son allié québécois George-Étienne Cartier obtinrent, le 10 mars 1865, le soutien d’une majorité des députés du Canada-Uni en faveur des résolutions qui allaient donner naissance, deux ans plus tard, à la fédération canadienne22.

Une adresse au ministre des Colonies

Dès 1864, Macdonald avait rejeté l’appel au peuple, se justifiant ainsi :

Un référendum est anticonstitutionnel et antibritannique. Si, à la suite de pétitions et de réunions publiques, le Parlement est certain que le pays ne veut pas du projet, les députés refuseront de l’adopter. Si, au contraire, le Parlement constate que le pays est favorable à la fédération, inutile de faire appel au peuple. Soumettre ces détails compliqués au pays est d’une absurdité complète23.

Le 13 février 1865, après avoir battu une résolution demandant un appel au peuple, Macdonald en remit :

Nous sommes ici les représentants du peuple et non ses délégués, et en donnant notre concours à une telle loi nous nous dépouillerions de notre caractère de représentant. […] Cet honorable député connaît trop bien les principes de la Constitution anglaise pour appuyer lui-même un tel procédé […]. Par quel moyen admis et reconnu par notre Constitution pourrions-nous prendre un tel vote ? Il n’y en a pas, et pour le faire faire, il nous faudrait fouler aux pieds les principes de la Constitution anglaise […]. Un appel direct au peuple sur une question de cette espèce peut bien être le moyen que prend un despote, un monarque absolu, pour faire sanctionner son usurpation par le peuple ; – ce peut être de cette manière qu’un despote soutenu de baïonnette peut demander au peuple de voter ou non sur les mesures qu’il propose24.

Incapables d’obtenir que la nouvelle structure politique soit soumise au peuple, par des élections ou un plébiscite (référendum), le chef Antoine-Aimé Dorion et des députés rouges du Canada-Est feront appel en désespoir de cause au ministre des Colonies de la Grande-Bretagne. Ils signeront une adresse dénonçant le procédé employé par les élites politiques canadiennes et demanderont en dernier recours que Londres sursoie à l’adoption des Résolutions de Québec.

Le peuple de cette province n’a jamais eu l’occasion de se prononcer sur le projet de confédération25. […] En 1863, poursuivent-ils, le parlement actuel fut élu. Ni dans le Haut ni dans le Bas-Canada, les candidats des partis politiques d’alors ne manifestèrent l’intention de détruire le système constitutionnel existant, auquel le peuple était attaché. En réalité, plusieurs questions politiques demandaient une solution ; mais avec un peu de patience de la part du peuple et d’habileté de la part des gouvernants, il était facile de les régler26.

Le projet issu de la Conférence de Québec et voté au parlement du Canada-Uni ira néanmoins de l’avant.

La Conférence de Londres27

Les résolutions adoptées à Québec par les représentants des provinces britanniques d’Amérique du Nord subirent des modifications après 1864. Le 4 décembre 1866 s’ouvrit au Westminster Palace Hotel de Londres une conférence visant à régler les derniers détails du projet de Confédération à soumettre aux autorités londoniennes et au parlement de la métropole. Six ministres, dont trois du Québec, y représentaient le Canada-Uni. Il y avait quatre délégués de Nouvelle-Écosse et cinq du Nouveau-Brunswick. Macdonald fut élu président de la conférence et passa en revue les résolutions de Québec avant de peaufiner certains articles relatifs aux droits scolaires des minorités et au pouvoir de légiférer sur les divorces. Le résultat de ces négociations, fin décembre, est connu sous le nom de Résolutions de Londres. En janvier et au début février, on s’affaira à transformer ces résolutions en projet de loi.

Les délégués du Québec eurent fort à faire pour empêcher une plus grande centralisation. L’un d’entre eux, Hector Langevin, écrira qu’il avait fallu être vigilant pour éviter que la forme fédérale ne fût transformée en union législative, l’option qu’aurait préférée Macdonald.

Lord Carnarvon, le secrétaire d’État aux Colonies, déposa d’abord le projet à la Chambre des Lords. Il fut ensuite examiné par la Chambre des communes. Le 7 mars, veille de son adoption par les députés britanniques, Wilfrid Laurier, alors avocat rouge (il ne sera député fédéral qu’en 1871), lança alors un cri du cœur dans les pages de son journal Le Défricheur : « La Confédération est la seconde étape sur la route de l’anglification tracée par Lord Durham […] Nous sommes livrés à la majorité anglaise […] [Il faut] user de l’influence qui nous reste pour demander et obtenir un gouvernement libre et séparé. »

Les deux partis britanniques, les Whigs – au pouvoir depuis 1866 – et les Tories, appuyèrent néanmoins l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (AANB) qui reçut la sanction royale le 29 mars 1867. Il entrera en vigueur par proclamation le 1er juillet suivant. L’AANB existe toujours aujourd’hui, bien qu’il fût rebaptisé Loi constitutionnelle de 1867 en 1982.

Le Nouveau-Brunswick

Comme mentionné précédemment, il n’y a pas qu’au Canada-Est que le projet de « Confédération » avait ses adversaires. Au Nouveau-Brunswick, il donna lieu à un mouvement politique fort qui put s’exprimer avant l’adoption des Résolutions de Québec par Londres. En effet, des élections furent déclenchées en 1865, et ce sont les « constitutionnalistes » anti-confédération de Albert James Smith qui l’emportèrent à 30 contre 11 contre les confédérationnistes de Sir Leonard Tilley, signataire des Résolutions. Cependant, sur instruction du Colonial office de Londres, le gouverneur de la colonie fit pression sur le nouveau premier ministre jusqu’à ce qu’il démissionne, et de nouvelles élections furent déclenchées en 1866. Aidés par l’argent du Canada fourni par McDonald, et la peur d’une invasion américaine après la fin de la Guerre civile aux États-Unis, le « parti de la Confédération » de Peter Mitchell l’emportera dans 33 circonscriptions contre 828. Le 1er juillet 1867, à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, on marchera contre la « Confédération » et on mettra les drapeaux en berne29.

L’Acte de l’Amérique du Nord britannique

Le même jour, La Minerve, quotidien montréalais du parti conservateur au pouvoir, décrit ainsi la « Confédération » :

Lord Carnarvon [parrain de la nouvelle constitution au Parlement britannique] a reconnu […] que si notre position était modifiée, elle l’était à notre avantage. […] Comme nationalité distincte et séparée, nous formons un état dans l’état, avec la pleine jouissance de nos droits, la reconnaissance formelle de notre indépendance nationale.

On croirait lire une description de la souveraineté-association de René Lévesque ! Pourtant, l’évolution constitutionnelle du Canada au cours des 150 ans qui suivirent, mais aussi la pratique du fédéralisme canadien au fil des ans, montrent bien que la « Confédération » de 1867 n’a pas été vécue comme un pacte entre des « provinces fondatrices » ou entre « deux peuples fondateurs ». Au contraire, la tendance à la centralisation et à l’uniformisation de la fédération canadienne constitue un carcan politique pour le Québec et un déni de son identité nationale. Pire encore, les dispositions de la constitution ont été changées unilatéralement par le reste du Canada en 1982. La formule d’amendement est devenue si contraignante, qu’il est désormais impossible d’adapter le régime canadien aux aspirations du Québec.

Établissement d’un « quasi-fédéralisme »

Lorsqu’il fut « refondé » en 1867, le Canada, n’était surtout pas une confédération. Pour ce faire, il aurait fallu que chacune des unités composantes retienne l’entièreté de la souveraineté interne qui fut accordée à la nouvelle entité30. Or, on procéda à un partage des compétences entre l’ordre fédéral et l’ordre provincial en réservant au premier les pouvoirs économiques et les sujets d’intérêt commun, et aux seconds, les pouvoirs sociaux et éducatifs, ainsi que les sujets d’intérêt local.

Si ce partage des pouvoirs avait été étanche (on dit souvent « exclusif ») et qu’il n’y avait aucune possibilité d’ingérence d’un gouvernement dans les affaires des autres, on aurait pu parler d’une fédération. Mais on se rendit vite compte que les provinces étaient en état de subordination face au gouvernement fédéral, et ce, par la nature même de certains pouvoirs fédéraux.

Tout d’abord, il y a le pouvoir de désaveu du gouverneur général qui lui permet, sur instruction du premier ministre canadien ou du ministre britannique des colonies, d’annuler toute loi issue d’un parlement au Canada. Il ne servit jamais à l’encontre d’une loi fédérale, mais fut amplement déployé contre des pièces législatives provinciales jusqu’au milieu du XXe siècle. Même chose pour le pouvoir de réserve du lieutenant-gouverneur de chaque province, qui lui permet de « réserver » sa sanction royale jusqu’à l’examen d’une loi de sa province par le gouverneur général. Bien qu’on ait cessé de les employer, ces deux pouvoirs figurent dans la Loi constitutionnelle de 1867, toujours en vigueur malgré quelques amendements.

Le pouvoir de nomination, exercé formellement par le gouverneur général, mais sur instruction du « gouvernement en Conseil », c’est-à-dire le cabinet fédéral, permet au premier ministre de nommer l’ensemble des membres du Sénat, des juges à la Cour suprême et à la Cour fédérale, de même qu’une partie des juges des cours provinciales, alors que le principe fédéral voudrait que cette tâche soit mieux partagée entre les gouvernements fédéral et provinciaux.

L’AANB de 1867 accorde aussi un pouvoir de prépondérance au gouvernement fédéral dans les domaines législatifs partagés que sont l’agriculture et l’immigration. Autrement dit, dans ces domaines, toute loi provinciale est jugée invalide si elle vient en conflit avec une loi fédérale.

Vient ensuite le pouvoir déclaratoire, qui permet au gouvernement fédéral de déclarer de sa compétence tout ouvrage qu’il considère comme d’intérêt national. Il le fera pour des barrages et pour le secteur du nucléaire, par exemple. Lorsque des tensions émergeront entre Québec et Terre-Neuve au sujet de la vente d’électricité de la centrale de Churchill Falls, on fera pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il étende sa juridiction sur une bande de territoire québécois afin de permettre l’exportation de l’électricité du Labrador vers les États-Unis. Il se gardera bien de le faire, car on était en pleine crise constitutionnelle.

Le pouvoir résiduaire inscrit dans la constitution de 1867 indique que tout champ de compétence non inscrit aux articles 91 à 93 est réputé être de compétence fédérale. Cet avantage fut adouci par les tribunaux, mais au nombre des exemples de centralisation, on compte le domaine des télécommunications qui, bien que relié à l’éducation et à la culture, fut confirmé de compétence fédérale.

Ensuite vient le pouvoir d’urgence, pour assurer « la paix, l’ordre et le bon gouvernement ». Il permettra d’adopter durant la Première Guerre mondiale une Loi sur les mesures de guerre, qui servira un demi-siècle plus tard à procéder sommairement à l’emprisonnement de quelque cinq cents militants indépendantistes.

Vient enfin le pouvoir de dépenser, qui repose en fin de compte sur la capacité fiscale supérieure du gouvernement, car aucun article de l’AANB n’y fait spécifiquement référence. Cela n’a pas empêché les tribunaux de l’avaliser, permettant au fédéral d’envahir de nombreux champs de compétence provinciaux grâce à une foule de programmes que les provinces, étouffées par le « déséquilibre fiscal », seront bien impuissantes à contrer, par manque de moyens.

Avec les pouvoirs que la constitution canadienne donne au gouvernement fédéral pour subordonner les provinces à sa volonté, il n’est pas étonnant qu’on préfère parler du Canada comme d’une « quasi-fédération ». C’est sans doute ce qu’entrevoyaient dès le milieu des années 1865 les militants anti-confédération de Nouvelle-Écosse.

La Nouvelle-Écosse

On connaît tous aujourd’hui le mouvement indépendantiste écossais. Mais peu de gens savent que le premier mouvement indépendantiste au Canada était néo-écossais. En effet, la Nouvelle-Écosse, qui existe depuis 1710 suite à l’invasion de l’Acadie par la Grande-Bretagne, est devenue une province autonome par l’octroi d’un gouvernement responsable en 1849, tout comme le Canada-Uni la même année.

En 1864, il y eut mouvement pour l’unification des provinces maritimes. Le premier ministre de la Nouvelle-Écosse s’appelait alors Charles Tupper. Il entendit parler du projet d’union avec le Canada-Uni. Il participa aux pourparlers en 1864 à Charlottetown et à Québec pour l’union de l’ensemble des provinces britanniques d’Amérique du Nord. Les délégués du Canada-Uni, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse acceptèrent le résultat de ces conférences, c’est-à-dire les Résolutions de Québec, la première version de ce qui deviendra l’Acte de l’Amérique du Nord britannique en 1867. Cependant, il y avait en Nouvelle-Écosse un mouvement d’opposition très fort. Pour éviter un débat qui aurait pu mal tourner, Charles Tupper fit voter en catimini les Résolutions de Québec à la législature de la Nouvelle-Écosse à la fin de son mandat.

L’Acte de l’Amérique du Nord britannique entra en vigueur le 1er juillet 1867. Des élections étaient prévues à l’automne dans les quatre provinces, l’Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse pour élire simultanément les premiers députés provinciaux et fédéraux de l’ère fédérale. Ce jour-là, un mouvement de protestation s’éleva en Nouvelle-Écosse. Le premier ministre Tupper fut brûlé en effigie dans les rues d’Halifax. Dans la ville de Yarmouth, des édifices étaient drapés de noir pour montrer la désapprobation. Lors des élections tenues à l’automne, la majorité des Néo-Écossais votera contre la « Confédération », et la quasi-totalité des députés, 18 sièges sur 19 au fédéral, et 36 sièges sur 38 au provincial, et la quasi-totalité des députés, tant fédéraux que provinciaux, seront contre la « Confédération ».

La législature néo-écossaise adoptera des résolutions pour retirer la province du Canada, Joseph Howe, ce réformiste qui avait lutté pour le gouvernement responsable dans sa province, considérait, comme Antoine-Aimé Dorion du Québec, que la population de sa province aurait dû être consultée avant l’entrée en vigueur du nouveau régime. Howe se fera élire au fédéral. Au provincial, les Néo-Écossais éliront comme premier ministre le chef anticonfédération William Annand.

Howe et Annand lutteront pour retirer la Nouvelle-Écosse de la fédération canadienne parce que la majorité de la population s’était prononcée contre lors des élections et qu’il y avait peu de liens entre la Nouvelle-Écosse et le Canada, les liens économiques et familiaux étant orientés vers la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Angleterre.

En 1868, une résolution sera envoyée à Londres pour demander le retrait de la Nouvelle-Écosse du Canada, mais Londres fera la sourde oreille. En 1869, l’ancien premier ministre et député fédéral néo-écossais Joseph Howe entrera dans le cabinet fédéral de John A. Macdonald. Autrement dit, la Nouvelle-Écosse entrera dans le rang.

Dans les années 1920, les provinces maritimes seront en déclin économique. On se rendra compte qu’ils sont les grands perdants de la « Confédération ». Pourtant, ces provinces étaient diversifiées sur le plan économique et étaient prospères en 1867 en raison du commerce avec la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Angleterre. L’entrée dans la fédération canadienne desservira donc leurs intérêts.

Le professeur Edward Macdonald, directeur du département d’histoire de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, conclut ainsi : « Notre niveau de vie et notre qualité de vie étaient comparables à ceux de n’importe qui dans l’Amérique britannique. Nous étions remplis de confiance, avions de l’emprise sur notre vie. On se sentait en contrôle31. »

L’Île-du-Prince-Édouard

Ce n’est peut-être pas autant le cas de l’Île-du-Prince-Édouard toutefois. Lors des discussions tenues à Québec, les délégués de la petite province de 67 000 habitants se sont sentis isolés. On ne les écoute pas lorsqu’ils exposent le principal problème auquel ils font face : les terres de l’île appartiennent pour la plupart à de grands propriétaires qui résident en Grande-Bretagne. On a besoin d’une réforme agraire, que les terres soient rachetées. Le premier ministre James C. Pope baisse les bras : « On peut affirmer que la Confédération se fera sans l’Île-du-Prince-Édouard, nous pourrions éventuellement être forcés de nous y joindre32 ». Et cela se fera rapidement. Endettée par la construction des chemins de fer sur son territoire, la plus petite province se joindra à la fédération canadienne le 1er juillet 1873.

La Colombie-Britannique

Entre-temps, la Colombie-Britannique, qui avait absorbé l’île de Vancouver en 1866, comportait une population d’environ 11 000 Européens et 26 000 Amérindiens. Elle était riche en ressources et avait connu la prospérité grâce à une succession de ruées vers l’or. Elle traversait maintenant une récession et n’avait toujours pas de gouvernement responsable. La population blanche s’interrogeait. Elle était divisée entre les partisans de l’annexion avec les États-Unis, avec qui la province entretenait des liens commerciaux, le maintien du lien colonial, malgré le désintérêt de Londres à son endroit, et l’adhésion à la fédération canadienne, malgré la distance avec les provinces de l’Est qui apparaissait considérable. Pour s’y rendre, en effet, il fallait encore prendre le bateau jusqu’à San Francisco, puis le train jusqu’à New York33 !

Le gouverneur de la Colombie-Britannique, Sir Anthony Musgrave, était partisan de l’union fédérale et un ami de John A. Macdonald. Le Canada venait d’acheter la Terre de Rupert et « le » Territoire du Nord-Ouest pour créer « les » Territoires du Nord-Ouest. En juin 1870, Musgrave envoya à Ottawa une délégation formée de partisans de la « Confédération », mais aussi de politiciens sceptiques. Ils reçurent une offre qu’ils ne pouvaient pas refuser : de l’aide pour payer la dette de la province, des subventions pour les travaux publics, un gouvernement provincial responsable, six députés à la Chambre des communes (alors qu’en fonction de sa population, la Colombie-Britannique aurait normalement dû n’avoir droit qu’à trois ou quatre) et enfin, un chemin de fer intercontinental financé par le Canada, une offre surprenante et généreuse de la part de George-Étienne Cartier, ministre de la Milice et de la Défense et surtout avocat du Grand Tronc ! Les délégués ne s’attendaient pourtant qu’à une piste pour les chariots. La Colombie-Britannique fut donc annexée, le 20 juillet 1871 « dans l’honneur et l’enthousiasme ». Elle est, avec l’Ontario, l’exception qui confirme la règle.

Les Territoires du Nord-Ouest (1869-1905)

La situation fut tout autre dans les Territoires du Nord-Ouest. Petit retour en arrière…

La terre de Rupert et le Territoire du Nord-Ouest, ces vastes contrées essentiellement habitées par des Amérindiens et des Métis, étaient convoitées depuis longtemps par le Haut-Canada devenu Ontario. En 1869, elles furent annexées au Canada sous le nom des Territoires du Nord-Ouest. Mais leur occupation et leur incorporation ne se feront pas sans résistance. En 1870, lors de la Rébellion de la rivière Rouge, les Métis de Louis Riel forcent le Canada à négocier la création d’une province distincte, le Manitoba. Le 3 février 1870, Riel déclare :

[Après des jours de consultations], nous avons montré au monde notre capacité de discuter, de façon crédible, des sujets de la plus haute importance politique. Quand des divergences sont survenues, elles ont seulement été de celles qui surgissent naturellement entre des hommes intelligents et sensés en train de débattre de questions importantes34.

C’est ainsi que le Manitoba fut formé. Mais le gouvernement fédéral ne s’acquittera pas de ses obligations alimentaires et territoriales envers les Métis francophones et anglophones ainsi qu’envers les Autochtones. Plusieurs migrèrent plus loin dans les Territoires du Nord-Ouest.

En 1885, grâce à ses troupes envoyées par chemin de fer, le Canada était en mesure d’écraser par la force les Métis et les Amérindiens qui participent à la Rébellion du Nord-Ouest. Vingt ans plus tard, une fois peuplés de non-Autochtones, on érigera sur leur territoire les provinces de Saskatchewan et d’Alberta ou l’anglais sera la langue de la législature, de la magistrature et des écoles.

On peut conclure, avec Élénia Choquette, que « les ambitions canadiennes relatives à l’annexion de territoires autochtones avaient pour corollaires leurs ambitions assimilatrices vis-à-vis des peuples autochtones établis à l’intérieur des frontières coloniales35. »

La dépossession des Autochtones36

Le 23 août 1876, le gouvernement du Canada signa le sixième de 11 traités visant à déposséder les Autochtones de leurs terres, sur les anciens territoires appartenant à la Compagnie de la Baie-d’Hudson : la Terre de Rupert et le Territoire du Nord-Ouest. La même année, le Parlement du Canada adopta la Loi sur les Indiens. Un rapport du ministère de l’Intérieur stipule les objectifs de cette politique :

Notre législation au sujet des Sauvages, repose sur le principe que les naturels du pays doivent être tenus en état de tutelle, et qu’ils doivent être traités comme des pupilles et des enfants de l’État. […] Il est évidemment de bonne politique et de notre devoir de les préparer par l’éducation et par tout autre moyen, à un degré de civilisation plus élevé en les encourageant à se prévaloir de tous les droits de citoyens, et à en assumer les obligations37.

Terre-Neuve38

Depuis 1934, Terre-Neuve était gouvernée par une commission paritaire formée de trois Britanniques et de trois Terre-neuviens. Malgré la reprise économique conséquente à la Deuxième Guerre mondiale, l’île n’avait toujours pas réussi à se relever de la Grande Crise des années 1930 et la Grande-Bretagne refusait de l’aider davantage. La mère patrie préférait pousser sa colonie dans les bras du Canada, qui venait de mettre sur pied un généreux programme d’allocations familiales. Ottawa et Londres craignaient également l’influence américaine qui s’était accrue dans l’île durant la guerre.

Le 3 juin 1948 eut lieu un référendum sur l’avenir de la colonie britannique de Terre-Neuve. Trois options se trouvaient alors sur le bulletin de vote : le « Gouvernement responsable », c’est-à-dire un statut semblable à celui des pays du Commonwealth, la « Confédération avec le Canada », ou si l’on préfère, l’annexion à la fédération canadienne à titre de province, et enfin le « Gouvernement par commission », soit la poursuite de la tutelle par Londres.

La mère patrie, qui souhaitait se délester de la responsabilité de Terre-Neuve, ne se mêla pas du scrutin, pas plus que les États-Unis, qui avaient retrouvé depuis peu leur posture isolationniste. Du côté canadien, c’était une autre histoire : on voulait achever le rêve des « Pères de la Confédération », celui d’une Amérique du Nord britannique d’un océan à l’autre.

La propagande constamment martelée par les forces pro-Canada est simple : en joignant leur île à la fédération, les Terre-neuviens jouiraient de bénéfices tels que les allocations familiales et les pensions de vieillesse. Mais leur organisation manquait d’argent. Ne pouvant intervenir directement dans la campagne référendaire, le gouvernement de Mackenzie King choisit d’avoir recours aux services des collecteurs de fonds du parti libéral pour amasser une somme estimée entre 150 000 $ et 250 000 $, qui aurait servi au flamboyant Joey Smallwood, leader du camp de l’union avec le Canada, à acheter des votes.

De leur côté, les partisans de l’option du « gouvernement responsable » n’avaient ni la direction ni les ressources pour une campagne aussi efficace. On observait un clivage entre les régions urbaines et commerciales, en faveur de l’autonomie, et les régions rurales et côtières, vulnérables économiquement, qui favorisaient l’annexion au Canada. Malgré tout, le résultat fut de 44,6 % en faveur du gouvernement responsable, 41,1 % pour la « confédération » et 14,3 % pour la poursuite de la tutelle. L’autonomie complète était donc le premier choix des Terre-neuviens.

Après avoir éliminé l’option de la tutelle, un second référendum fut tenu le 22 juillet : 52,3 %, une majorité simple, optèrent pour le rattachement au Canada, alors que 47,3 % donnèrent leur appui au gouvernement responsable. La plupart des partisans de la dépendance envers la Grande-Bretagne avaient donc mis leur destin entre les mains du Canada. Le 31 mars 1949, l’ancienne colonie britannique de Terre-Neuve devint officiellement la 10e province du Canada.

Le Canada ? Pas évident !

L’intégration de Terre-Neuve en 1949 est l’achèvement du rêve des Pères fondateurs : celui d’une Amérique du Nord britannique.

Aujourd’hui, on célèbre le Canada comme un pays multiculturel, sans identité ni culture nationales, mais se souvient-on de la manière dont ce pays a été constitué ? Il s’agissait de faire l’union de toutes les colonies britanniques au nord des États-Unis, « avec une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni », comme le stipule l’AANB.

Au XVIIIe siècle, il y avait des colonies séparées. La Nouvelle-Écosse, issue de la prise de l’Acadie par les Britanniques en 1710, et la Province de Québec, l’ancien Canada, envahie en 1760. À l’arrivée des Loyalistes américains, on subdivisa ces deux provinces. La Nouvelle-Écosse donna naissance au Nouveau-Brunswick en 1784, puis le Québec fut divisé en Haut et Bas-Canada en 1791.

Le processus d’unification prit naissance au XIXe siècle. Il y eut d’abord le rapport de Lord Durham, qui recommanda de mettre en minorité politique et d’assimiler les Canadiens du Bas-Canada en les réunifiant au Haut-Canada. Puis l’Acte d’Union de 1840.

Mais ce nouveau régime ne fonctionna pas comme prévu, ce qui mécontenta plusieurs anglophones du Haut-Canada. Le parti anticatholique et anti-canadien-français de l’Ontarien George Brown réclama une réforme constitutionnelle.

L’ambition de plusieurs membres de l’élite politique et économique était de créer une union de toutes les colonies britanniques d’Amérique du Nord. L’ensemble ainsi constitué réduirait encore davantage le pouvoir des Canadiens (– français), tout en préservant la prépondérance du Haut-Canada (qui deviendra l’Ontario).

La première étape : incorporer les provinces maritimes, qui étaient déjà à cette époque en difficulté financière. Au terme des conférences de Charlottetown et de Québec en 1864, les premiers ministres du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse acceptèrent, par mesure d’économie, de s’unir au Canada dans une structure fédérale. Mais c’était sans compter la résistance de la population, comme nous l’avons vu.

La thèse qui a été défendue ici est que 1867 représente l’expansion du Canada-Uni créé en 1840 par l’annexion du Bas-Canada au Haut-Canada, en étendant l’emprise de ce dernier à l’ensemble de l’Amérique du Nord britannique et en soumettant les Acadiens, les Canadiens et les Autochtones jusque-là traités comme des peuples à part entière. L’histoire racontée par l’émission The Story of Us de CBC n’était, après tout, pas si loin de la réalité.

 

 


1 « La Conférence de Québec, 1864 – 150 ans plus tard », Québec, du 16 au 18 octobre 2014 ; « La Confédération et la dualité nationale », Edmonton, 27-29 avril 2017 ; « Le Canada et ses définitions de 1867 à 2017 : valeurs, pratiques et représentation », Paris, 14-16 juin 2017 ; « Voir Rouges. 150 ans après le Dominion de 1867 », Montréal, 25 et 27 octobre 2017.

2 « La Confédération canadienne 1867-2017. 150 ans de quoi, au juste ? » Argument, vol. 19, no 2 (printemps-été 2017), p. 4-218.

3 « 150e du Canada. Ce qu’on ne fêtera pas », Relations, no 791 (août 2017), p. 14-33.

4 Voir entre autres Olivier Guimond, « Louis-Joseph Papineau et le rejet de la Confédération canadienne. Regard sur un “Testament politique” et une pensée républicaine », Revue d’histoire de l’Université de Sherbrooke, 30 p. http://rhus.association.usherbrooke.ca/wp-content/articles/911.pdf (consulté le 15 octobre 2017).

5 Voir Presse Canadienne, « Ottawa veut célébrer les 200 ans de la guerre de 1812 », Le Devoir, le 12 octobre 2011.

6 Agence QMI, « Les célébrations du 150e du Canada devraient coûter 500 M$ », Journal de Montréal, le 6 janvier 2017.

7 « L’Autre 150e » était au départ une page Facebook recueillant sous forme d’éphémérides des fiches sur des événements significatifs de l’histoire du Québec sous le régime canadien. On y ajouta un site Internet et enfin, un livre publié sous la direction de Michel Sarra-Bournet et Gilles Laporte, L’Autre 150e. L’Histoire derrière l’anniversaire, Montréal, Québec Amérique, 2017, 338 p. L’ouvrage s’est mérité de Grand Prix littéraire de la Presse Québécoise 2018, décerné par le Rassemblement pour un pays souverain.

8 Toronto, University of Toronto Press, 1999, 332 p.

9 Huff Post Québec, « Le Canada n’a pas une identité unique, dit Trudeau », http://on.aol.ca/video/le-canada-n-a-pas-une-identit–unique–dit-trudeau-581ba06476a60545c5dfcddb (consulté le 10 octobre 2017).

10 En ce sens, nous rejoignons le propos du regretté Stanley-Bréhaut Ryerson dans Le capitalisme et la Confédération — Aux sources du conflit Canada-Québec (1760-1873), version refondue, corrigée et augmentée de Unequal Union : Confederation and The Roots of Conflict in the Canadas, 1815-1873 [1968], Montréal, Éditions Parti Pris, 1972, 549 p.

11 C’est nous qui soulignons. On pourra consulter le texte entier du « Rapport sur les affaires de l’Amérique du Nord » dans John George Lambton, Earl of Durham, Le Rapport Durham, nouvelle édition revue et corrigée, Montréal, Édition de L’Hexagone, 1990, 317 p.

12 Pour mieux comprendre comment la Confédération est une conséquence de l’échec de l’Union, lire Marc Chevrier, « Faire un Dominion, ou le parachèvement d’une Conquête », dans Eugénie Brouillet et al. (dir.), La Conférence de Québec de 1864, Québec, Presses de l’Université Laval, 2016, p. 49-69.

13 Traduction libre de Goldwyn Smith, Canada and the Canadian Question, Toronto, Hunter Rose and Co., 1891, p. 133.

14 Ibid, p. 275.

15 J. M. S. Careless, « BROWN, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003, http://www.biographi.ca/fr/bio/brown_george_10F.html, (consulté le 15 octobre 2017).

16 « We should have a legislative union, in fact, in principle and in practice. » Cité dans Christopher Moore, 1867. How the Fathers Made a Deal, Toronto, McCelland and Stewart, 1997, p. 143.

17 « All right!!! Confederation through at six o’clock this evening. Constitution adopted – a creditable document – a complete reform of all the abuses we complained of! Is it not wonderful ? French Canadianism entirely extinguished! » Cité par Paul Romney, « George Brown et Oliver Mowat au sujet des Résolutions de Québec et de la Confédération : mythes et réalités », dans Eugénie Brouillet et al. (dir.), La Conférence de Québec de 1864… op. cit., p. 184.

18 Toutefois, Brown termine sa lettre par un passage qui porte à interprétation et est lourd de conséquences lorsqu’on connaît la suite de l’histoire : « Tu me diras que notre Constitution porte indéniablement la marque des tories – et c’est le cas – mais nous détenons les pouvoirs… pour la faire modifier à notre guise. Hourra ! » Ibid. Contrairement aux historiens Donald Creighton et J.M.S. Careless, Paul Romney ne croit pas que Brown ait été un centralisateur, mais plutôt qu’il fût partisan de l’autonomie provinciale. Ce passage signifierait selon lui qu’il s’attendait que l’Ontario puisse modifier sa constitution interne. Ce courant interprétatif est représenté au Québec par Jean-François Caron dans George Brown. La Confédération et la dualité nationale, Québec, Presses de l’Université Laval, collection Agora canadienne, 2017, 119 p. Devant le manque d’explication, on est libre de penser qu’au contraire, il trouvait le texte de 1864 trop tiède et que le régime pourrait être renforcé dans l’avenir.

19 Marc Chevrier, op. cit., p. 49. Pour différents points de vue sur l’Union, on consultera avec profit le numéro spécial « L’Acte d’Union. La deuxième conquête », L’Action nationale, vol. cv, nos 7-8 (septembre-octobre 2015), p. 61-205.

20 Section tirée de « Médéric Lanctôt fonde un journal anti-confédération. 3 septembre 1864 », dans Michel Sarra-Bournet et Gilles Laporte (dir.), L’Autre 150e. L’histoire derrière l’anniversaire, op. cit., 2017, p. 19.

21 Section tirée de « Les libéraux du Québec s’opposent à la Confédération. 7 mars 1865 », dans L’Autre 150e. L’histoire derrière l’anniversaire, op. cit., p. 21.

22 Les résultats du vote du 10 mars 1865 à l’Assemblée législative du Canada-Uni sur le projet de « Confédération » : total, 91 pour, 33 contre ; Canada-Ouest, 54 pour, 8 contre ; Canada-Est, 37 pour, 25 contre ; députés canadiens-français 26 pour, 22 contre.

23 Globe, le 1er décembre 1864. Cité dans Stéphane Kelly, « John A. Macdonald, 1815-1891 », Les Fins du Canada selon Macdonald, Mackenzie King et Trudeau, Montréal, Boréal, 2001, p. 41.

24 Débats parlementaires sur la question de la Confédération des provinces de l’Amérique britannique du nord, p. 1002-1003, cité dans Kelly, op. cit., p. 44. Kelly indique que George Brown et Alexander T. Galt avaient déjà été tentés par cette solution.

25 A. A. DORION, et al., Représentations de la minorité parlementaire du Bas-Canada à Lord Carnarvon secrétaire des colonies au sujet de la confédération projetée des provinces de l’Amérique britannique du Nord. Octobre 1866, p. 3.

26 Ibid. p.6.

27 Section tirée de « Adoption à Londres de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. 29 mars 1867 », dans L’Autre 150e. L’histoire derrière l’anniversaire, op. cit., p.

28 Moore, op. cit., p. 184.

29 Au sujet de la position des Acadiens et la « Confédération », on lira Gaétan Migneault, « Les Canada français et la Confédération : Les Acadiens du Nouveau-Brunswick », dans Jean-François Caron et Marcel Martel (dir.), Le Canada français et la Confédération, Québec, Presses de l’Université Laval, 2016, p. 9-28.

30 Il faut se rappeler que la souveraineté externe est demeurée entre les mains de Londres jusqu’à 1931.

31 Cité dans Michael Macdonald, « Canada 150 : A lost “Golden Age” and the decline of East Coast affluence », Herald News (Halifax), le 16 mai 2017, http://thechronicleherald.ca/novascotia/1468761-canada-150-a-lost-%E2%80%98golden-age%E2%80%99-and-the-decline-of-east-coast-affluence (consulté le 15 octobre 2017). Traduction libre.

32 CBC-Radio-Canada, Le Canada, une histoire populaire, Disque 6 « Le grand projet (1850 à 1867). 13. Trois semaines à Québec ».

33 « British Columbia joins Confederation », A Country by Consent, http://www.canadahistoryproject.ca/1871/#movie (consulté le 15 octobre 2017).

34 AJZENSTAT, Janet Ajzenstat et al. (dir.), Débats sur la fondation du Canada, Québec, Presses de l’Université Laval, 2004, 555 p.

35 « Le 150e du Canada, une célébration de l’exclusion des Premières Nations », Le Devoir, le 8 juin 2017.

36 Tiré de « Réserves, traités et pensionnats : une politique de génocide culturel à l’égard des Autochtones. 23 août 1876 », dans L’Autre 150e. L’histoire derrière l’anniversaire, op. cit.

37 Our Indian legislation generally rests on the principle that the aborigines are to be kept in a condition of tutelage and treated as wards or children of the State. The soundness of the principle I cannot admit. On the contrary, I am firmly persuaded that true interests of the aborigines and of the State alike require that every effort should be made to aid the Red man in lifting himself out of his condition of tutelage and dependence, and that is clearly our wisdom and our duty, through education and every other means, to prepare him for a higher civilization by, encouraging him to assume the privileges and responsibilities of full citizenship. Tiré de Annual report of the Department of the Interior for the year ended 30th June, 1876, p.16.

38 Section tirée de « Terre-Neuve songe à l’indépendance », et « Terre-Neuve est entrainée dans la fédération canadienne », dans L’Autre 150e. L’histoire derrière l’anniversaire, op. cit.

 

 

* Politologue et historien

Ce texte est la version complète de la conférence d’ouverture prononcée au 55e congrès de la Société des professeurs d’histoire du Québec à Valleyfield, le 19 octobre 2017.

Les 150 ans de l’entrée en vigueur de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, rebaptisé Loi constitutionnelle de 1867 en 1982, sont une bonne occasion de revisiter cet événement de l’histoire commune de la Grande-Bretagne, du Canada et du Québec. De nombreux colloques ont été tenus, notamment à Québec, Edmonton, Paris, Montréal et j’en passe1 et des numéros spéciaux ont été publiés, dont ceux d’Argument2, de Relations3 et de la Revue d’histoire de l’Université de Sherbrooke4.

Au-delà de ces événements scientifiques, on se serait attendu, vu le caractère éminemment politique de l’anniversaire, à des événements de commémoration et de contre-commémoration. L’occasion était trop belle de renforcer l’unité du Canada, ou de faire la critique du régime fédéral, selon ses inclinaisons. En effet, le gouvernement des conservateurs de Steven Harper était allé en ce sens il y a quelques années, en soulignant l’effet unificateur sur les Anglais, les Français et les Indiens des deux Canadas de la Guerre de 1812 avec les Américains, soulevant une polémique à laquelle des historiens ont participé5.

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