La CPDQ et le RRQ: des institutions au cœur du modèle québécois de la retraite

Les confrontations entre les deux solitudes ont jalonné l’histoire de ce qu’on appelle aujourd’hui le Canada. Que ce soit entre le Bas-Canada et le Haut-Canada, ou plus près de nous avec les deux référendums sur la souveraineté, les aspirations politiques du Québec ont façonné les institutions du Québec, mais aussi celles du Canada. Au cours de la Révolution tranquille, une nation en ébullition a créé deux institutions relatives à l’épargne-retraite qui devaient poursuivre et concilier les objectifs de développement social et économique du Québec. La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et le Régime de rentes du Québec (RRQ) ont été conçus ensemble et mis en œuvre par le gouvernement progressiste de Jean Lesage afin que les Québécois aient une meilleure maîtrise de leur développement. La création de ces institutions a requis de la détermination et de l’ingéniosité, puisque le geste d’affirmation politique qui les sous-tendait a rencontré beaucoup d’adversité de la part du gouvernement fédéral et de l’industrie financière.

Le présent texte vise à revenir sur le contexte, les motivations, ainsi que les actions déployées par le gouvernement Lesage pour créer la CDPQ et le RRQ. Nous verrons que ces deux institutions donnant à l’épargne-retraite des fonctions financières et économiques essentielles ont été l’occasion d’affirmer les intérêts du Québec face au syndicat financier de la rue Saint-Jacques, ainsi que face au gouvernement du Canada. Ce dernier s’est d’abord farouchement opposé à la création de ces institutions, avant qu’il n’accepte finalement de négocier. Un bref retour en arrière est donc essentiel afin de bien comprendre et actualiser les raisons pour lesquelles la CDPQ et le RRQ ont été institués.

Les politiques en matière de vieillesse avant 1960

Vers la moitié du XIXe siècle, le Québec connaissait des transformations socio-économiques de fond. La modernisation économique intensifiait le rôle du travail salarié dans la société ; l’expérience des travailleurs âgés n’était plus autant valorisée, laissant place aux impératifs de productivité et d’efficacité dans les secteurs davantage industrialisés. C’est dans ce contexte que les préoccupations à l’égard des conditions économiques des personnes âgées sont apparues. Il fallut attendre 1870 pour que les employés du gouvernement fédéral et 1876 pour que ceux du gouvernement du Québec puissent bénéficier d’un régime de retraite1.

En 1905, le Congrès des métiers et du travail du Canada a recommandé au gouvernement de mettre en place un programme d’aide pour les pauvres et les nécessiteux, y compris les personnes âgées. En 1908, le gouvernement d’Ottawa a adopté une loi concernant les rentes viagères sur l’État, qui permettait d’acheter des rentes directement auprès du gouvernement avec des taux d’intérêt et des avantages plus intéressants que ceux proposés par les assureurs privés. Cependant, les compagnies d’assurance ont fait pression progressivement, mais constamment pour que le gouvernement réduise la générosité de cette formule, ce qui a finalement conduit à la disparition de ces rentes gouvernementales, devenues peu attrayantes2.

Après la Première Guerre mondiale, les formes d’entraide traditionnelles ne sont plus suffisantes pour répondre aux besoins des personnes âgées. Lorsque ces dernières n’ont pas les moyens de contribuer ou d’assurer leur autonomie financière, elles sont de plus en plus considérées comme des fardeaux pour les familles. En 1924, la Commission royale sur les pensions et le rétablissement a recommandé la création d’un système de pension de vieillesse. La Loi sur la Pension de sécurité de vieillesse a été adoptée en 1927. Il s’agissait d’un programme d’assistance très modeste (avec une limite de 240 dollars par an), financé à parts égales par les gouvernements fédéral et provinciaux pour les personnes de 70 ans et plus. C’est à ce moment que le gouvernement fédéral a revendiqué d’être le principal responsable des politiques sociales pour les personnes âgées partout au Canada. Ce à quoi s’est opposé pendant plusieurs années le gouvernement du Québec, qui a refusé d’appliquer ce programme par crainte de perdre son autonomie. À cette époque, une proportion importante de personnes âgées n’avait pas d’économies, ayant connu une baisse de salaire ou le chômage pendant les années 19303.

L’adoption de la Loi sur la sécurité de la vieillesse de 1951 a remplacé la loi désuète de 1927. Le nouveau programme comprenait un régime universel à partir de 70 ans avec un volet assistance des personnes de 65 à 70 ans. Le niveau des prestations demeurait très modeste, soit 480 dollars par année. Au cours des années 1950, les initiatives dans le domaine social proviennent essentiellement du gouvernement fédéral ; dans ce domaine comme dans plusieurs autres, l’État québécois n’intervient que peu ou prou. À cette époque, seuls quelques organismes et entreprises offrent des régimes de retraite à leurs employés, comme le remarque André Marier, initiateur du Régime de rentes du Québec, dans un texte décisif écrit au début des années 1960 :

Le régime actuel des caisses de retraite privées profite à un très faible pourcentage des travailleurs québécois. En fait, il semble qu’en 1951, à peine 30 % des travailleurs québécois aient été participants à des caisses industrielles de retraite. Aujourd’hui, bien que près de la moitié des travailleurs soient engagés dans des secteurs dits couverts, de nombreuses personnes ne sont pas admises à y participer, soit qu’on les juge trop jeunes ou trop vieilles, soit que leur période de service avec leur employeur n’ait pas été suffisamment longue, etc4.

À cette époque, la politique sociale au Québec est une combinaison de mesures disparates, introduites à différentes époques et pour des raisons souvent différentes. Aucun programme cohérent ne garantit la sécurité financière des retraités. Les grandes compagnies d’assurance nord-américaines telles que Metropolitan Life Insurance, Prudential et Sun Life considèrent la retraite comme une opportunité commerciale. Les produits d’assurance qu’elles vendent sont assortis de conditions variables et parfois arbitraires. Ces compagnies, dont les intérêts sont étrangers au Québec, ont pour objectif d’obtenir le meilleur rendement pour leurs produits. Également, il n’y a pas de coordination des plans individuels, de sorte qu’un travailleur qui change d’emploi perd son régime de retraite. De plus, l’employeur gère les fonds et établit les règles selon ses intérêts et non ceux des employés. Par exemple, plus le fonds gagne en intérêts, moins l’employeur y met de ses propres ressources. L’employeur a donc intérêt à obtenir un rendement élevé, c’est-à-dire à prendre des risques aux dépens des employés. Enfin, comme c’est la compagnie qui élabore les règles d’attribution, il arrive qu’un employé soit congédié avant même que ces règles ne s’appliquent5.

Les déficiences en matière de développement socio-économique au Québec et les réponses du gouvernement Lesage

À l’instar des politiques sociales, les outils de développement économique sont limités dans le Québec des années 1950. En effet, le développement économique est notamment orienté par les investissements directs américains, principalement pilotés par des filiales canadiennes de multinationales américaines. L’élite économique québécoise, y compris dans les franges les moins nationalistes, prend graduellement conscience de sa situation de subordination. Le capital québécois, pendant et après la guerre, est un capital régional présent dans des entreprises de petite taille, le plus souvent familiales. Cette élite constate que fort peu de Québécois réussissent à se tailler une place dans les ligues économiques majeures de l’industrie et de la finance, où règnent les détenteurs de capitaux américain et canadien6. Cette situation de subordination économique est généralisée : rappelons qu’en 1961, le revenu moyen des Québécois francophones est de 35 % inférieur à celui des Canadiens anglais7.

La pression monte à partir de la moitié des années 1950, alors que l’intervention de l’État québécois est de plus en plus sollicitée par cette élite économique. Élu en 1960 sur la base d’un programme audacieux, le gouvernement libéral de Jean Lesage reprend l’initiative sur ces questions. Il annonce des mesures structurantes afin que le gouvernement du Québec soit à la fois le mandataire et l’organisateur en matière de sécurité sociale et de développement économique. Sur le front de la retraite, il remet en question la gestion privée des mesures d’assistance pour les personnes âgées, en plus de proposer l’adoption d’une loi québécoise distincte du gouvernement fédéral sur les personnes âgées, qui s’adressera à l’ensemble de la société8. L’État québécois fait rapidement face aux limites des ressources financières qu’il peut mobiliser, à titre d’entité provinciale, pour réaliser ses ambitions. Ces considérations ne feront cependant pas obstacle longtemps à la détermination des artisans du gouvernement Lesage.

Dès la fin de 1961, le gouvernement ravive le Conseil d’orientation économique du Québec (COEQ), créé en 1943 sous le gouvernement libéral d’Adélard Godbout et mis en veilleuse sous le règne de Duplessis. Le premier ministre Jean Lesage charge alors le COEQ, dirigé par René Paré, d’élaborer un plan d’aménagement économique complet. L’idée de créer une institution destinée à financer la modernisation du Québec germe au sein de ce comité. Le projet d’une « caisse » est précisé dans une ébauche datée d’août 1963 :

La caisse opérerait à la manière d’une banque dont le champ d’action se limiterait aux cadres gouvernementaux. Les services et départements qui les administrent les déposeraient à la caisse au fur et à mesure de leur accumulation […] À même les dépôts, la caisse centrale effectuera ses placements selon les normes établies en conformité avec les priorités du Plan9.

Cette « caisse centrale », ce sera la Caisse de dépôt et placement du Québec. En 1963, le gouvernement Lesage publie un rapport qui précise le fonctionnement de la CDPQ. Cette institution regrouperait les sommes d’environ 400 millions de dollars déposés dans les comptes de l’État, et gérés par différents organismes sans cadre financier cohérent et intégré. En confiant ces fonds à un gestionnaire unique comme la CDPQ, l’argent pourrait être investi et générer des bénéfices. En retour, cette institution pourrait faciliter le financement de la modernisation de l’économie du Québec, notamment par le biais de l’acquisition d’obligations gouvernementales. Cela dit, les instigateurs de cette initiative ont tôt eu fait de réaliser l’écart entre le niveau des actifs qui seraient gérés par la Caisse et les énormes besoins de financement à court et moyen terme. Une autre source de capitalisation devait être trouvée afin d’être à la hauteur du potentiel de cette institution.

Parallèlement à cela, durant les mêmes années, le gouvernement Lesage a créé un comité dirigé par l’avocat Wheeler Dupont pour étudier les régimes de retraite et établir les forces et faiblesses des régimes existants. L’intérêt de groupes socio-économiques, dont les organisations syndicales, pour un régime de retraite public fort était alors bien connu. Membre actif du comité Dupont, André Marier a rédigé le document « Vers une politique de la vieillesse » dans lequel il recommandait la mise en place d’une assurance vieillesse québécoise. Selon Marier, cette assurance vieillesse devait être une mesure de caractère social, et cohérente avec une politique sociale globale afin de répondre à la situation économique particulière du Québec, principalement constituée de petites entreprises10. En effet, loin d’être un argument défavorable à la création d’un régime public, la forte présence de petites et moyennes entreprises au Québec, où les régimes d’employeurs sont rares, incitait le gouvernement à aller de l’avant avec la création d’un régime public.

C’est ainsi que le RRQ sera mis sur pieds en 1965. Régime contributif, ce régime s’appuie sur une caisse où sont versées des cotisations d’employeurs et d’employés. L’originalité du RRQ réside alors dans la proposition d’une caisse de retraite dotée d’un dispositif de capitalisation des cotisations au sein d’une réserve. Tout en constituant une mesure de solidarité sociale, le RRQ allait aussi exercer une fonction financière déterminante pour la maîtrise de l’économie du Québec.

L’affirmation face aux syndicats financiers

Lorsque l’« équipe du tonnerre » de Jean Lesage a pris le pouvoir en 1960, l’un des principaux obstacles à la reconquête de l’économie était l’élite financière anglophone établie à Montréal. Organisée en un monopole surnommé le « syndicat de la rue Saint-Jacques », les firmes composant ce syndicat financier pesaient très lourd dans les opérations de financement du gouvernement du Québec. Si lourd qu’elles dictaient les conditions d’emprunt. C’est avec le projet de nationalisation de l’hydro-électricité que les choses vont changer.

Réélu en 1962 à l’occasion d’une élection portant spécifiquement sur ce projet, le gouvernement Lesage est entré en conflit direct avec le syndicat financier, qui s’y opposait. Plusieurs raisons combinées expliquaient cette opposition. L’une d’elles est la présence d’intérêts contradictoires : la plus puissante des compagnies d’électricité, la Shawinigan Water and Power, appartenait en effet aux financiers de la rue Saint-Jacques. Plus largement, ces derniers refusaient d’abandonner la position dominante qu’ils exerçaient sur les choix de développement du Québec.

Cherchant à financer l’opération de nationalisation, le gouvernement du Québec s’est alors buté à une fermeture des marchés de Montréal et de Toronto. Plutôt que de renoncer, le gouvernement s’est plutôt retourné vers les États-Unis, où des firmes de courtage de Wall Street ont accepté de former un groupe financier concurrent. C’est en forçant le jeu de la sorte et en générant de nouvelles options que le syndicat de la rue Saint-Jacques a été contraint d’abdiquer et que l’opération de financement a pu avoir lieu11.

Cet épisode décisif a convaincu l’état-major du gouvernement Lesage de doter le Québec de son propre instrument financier d’envergure. C’est ainsi que la CDPQ a été créée en 1965. Cette institution financière a été conçue, dès les tout débuts, afin de poursuivre deux missions, soit de générer du rendement pour ses actifs et de contribuer au développement économique du Québec. Grâce à cela, la Caisse a joué un rôle important dans la modernisation économique du Québec, mais aussi dans le développement d’entreprises détenues par des Québécois francophones. De telle manière qu’un « Québec inc. » puisse se déployer, là où il était auparavant entravé dans sa volonté d’accéder aux marchés financiers et aux réseaux d’affaires d’envergure12. Ce « Québec inc. » n’aurait certainement pas connu un tel essor si la Caisse, conjointement avec l’État québécois, n’avait adopté des politiques de placement à cette fin.

Avec l’instauration du RRQ et de la CDPQ, ce n’est pas seulement l’amélioration de la sécurité financière des personnes retraitées qui était visée : c’était aussi de donner au Québec une extraordinaire capacité à accroître son autonomie vis-à-vis des organisations financières de l’époque.

L’affirmation nationale face au gouvernement du Canada

En plus du syndicat financier de la rue Saint-Jacques, le gouvernement de Jean Lesage a aussi eu à se lever face au gouvernement canadien, dirigé à l’époque par Lester B. Pearson. Convaincu de l’importance et de la pertinence du modèle québécois de la retraite en émergence, le gouvernement Lesage a dû faire face à l’approche centralisatrice du gouvernement fédéral et des institutions canadiennes de la retraite.

Dans des négociations avec le gouvernement fédéral qui ont débuté en mai 1963, Lesage a fait du RRQ son principal objet de discussion. Bien au fait de l’ambition du Québec de créer le RRQ, le gouvernement fédéral avait alors annoncé la mise en place d’un régime de retraite pancanadien, exigeant la participation de toutes les provinces. Un nouveau bras de fer s’enclenchait alors entre les deux États.

Une lutte constitutionnelle avec Ottawa a alors porté sur la question du régime public de retraite, en prenant appui sur l’article 94a de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Même si le domaine de la sécurité sociale relève théoriquement des provinces, cet article inséré dans la Constitution canadienne en 1951 permet au gouvernement fédéral de légiférer dans le domaine des pensions13. Or, les gouvernements de Lesage et de Pearson n’interprétaient pas l’article de la même manière : pour Lesage, la loi québécoise prévalait en cas de conflit, alors que pour Ottawa, l’article signifiait que tant qu’une loi fédérale ne venait pas contredire une loi provinciale, le gouvernement central était libre de légiférer. Pour Lesage, le problème n’était pas strictement juridique, mais bien politique : c’est celui qui occuperait le terrain le premier qui gagnerait la bataille14.

En juillet 1963, Judy LaMarsh, la ministre fédérale de la Santé et du Bien-être social, publiait un Livre blanc décrivant les caractéristiques du régime canadien des pensions. Ce régime fonctionnerait sur le principe du « pay as you go », excluant ainsi toute forme de capitalisation. Les prestations seraient versées en fonction des cotisations perçues et aucune accumulation de capitaux n’était prévue. Cette proposition ne convenait pas au Québec, qui souhaitait avoir une composante de capitalisation afin de permettre, notamment, à la CDPQ de disposer d’actifs substantiels. Face à cela, la ministre LaMarsh a alors déclaré que le projet du RRQ représentait une menace pour le Canada : il impliquait une accumulation de fonds trop importante pour le Québec, qui pouvait dès lors utiliser ce levier pour asseoir ses propres intérêts. Le gouvernement de Lesage rejeta fermement ce Livre blanc15.

La Conférence dite « de la dernière chance » s’est ouvert à Québec le 31 mars 1964. Lesage apportait un texte complet sur le RRQ. La rigueur du travail qui y était présenté, la cohérence des mesures qui y étaient proposées, mais surtout la volonté politique de mettre de l’avant une politique sociale audacieuse et propre au Québec ont levé les objections d’Ottawa. La proposition québécoise était nettement plus avantageuse, complète et claire que celle d’Ottawa. Le gouvernement fédéral a même reconnu la supériorité du régime québécois16. Après une suite de réunions secrètes, le règlement de l’ensemble des points litigieux s’est effectué :

Dans le domaine des caisses de retraite, Ottawa accepte l’ensemble du régime de pension proposé par Québec et lui en laisse l’entière administration. Toutefois, afin de rendre les deux régimes compatibles, Québec doit sacrifier quelques points de son projet initial : par exemple, la période de transition prévue pour le paiement du plein montant des pensions est ramenée de vingt à dix ans. Il s’agit d’une concession importante, car elle limite la croissance du fonds de placement du Québec17

L’accord du 20 avril 1964 a mis fin à la crise. En plus de résoudre les problèmes techniques, cet accord a eu une portée symbolique importante. Le gouvernement fédéral y reconnaissait la compétence du Québec en matière de retraite. De plus, en adaptant son programme au Québec, Ottawa acceptait que l’État québécois ait le pouvoir de légiférer sur les retraites. Ce succès politique a confirmé la position du Québec. Le gouvernement fédéral reconnaissait le RRQ, tandis que les neuf autres provinces adoptaient le régime fédéral. Cette reconnaissance a institutionnalisé la position particulière du modèle québécois en matière de retraite : Québec allait gérer les modalités de son propre régime public de retraite, et allait développer un instrument financier de premier plan destiné à gérer les fonds accumulés.

Le gouvernement du Québec a fait des compromis importants concernant la conception et la mise en œuvre du RRQ. L’un d’entre eux concerne la conception du régime. Bien que le Québec ait initialement souhaité mettre en place un régime de retraite pleinement capitalisé, il a finalement accepté de se conformer aux demandes fédérales. Les deux régimes seraient donc principalement basés sur un mécanisme de répartition, avec une réserve de stabilisation de deux à trois ans. Une autre différence portait sur l’utilisation de la réserve : le Régime de pensions du Canada prêterait de l’argent aux provinces sous forme d’obligations de 20 ans, tandis qu’au Québec, la Caisse de dépôt et placement investirait ces fonds en obligations et en actions afin d’assurer un rendement et de contribuer au développement économique du Québec. En conséquence, la Régie des rentes du Québec a été créée en juillet 1965, peu de temps avant l’entrée en vigueur officielle du RRQ en 196618.

Conclusion

Le développement des politiques publiques suit des parcours uniques et singuliers selon les groupes sociaux et économiques. Très timides jusqu’à la moitié du XXe siècle, les politiques offrant des revenus aux aînés ont graduellement pris de l’ampleur sous l’impulsion du gouvernement fédéral. Afin d’offrir des programmes plus généreux pour l’ensemble des Canadiens, le gouvernement fédéral souhaitait, au tournant des années 1960, offrir un régime obligatoire par répartition afin de bonifier les rentes des retraités. Y voyant une intrusion dans le champ de compétence des provinces et souhaitant plutôt un régime par capitalisation afin de disposer de capitaux pour moderniser le Québec, le gouvernement de Jean Lesage a opté pour la création de deux instruments financiers : la CDPQ et le RRQ. Leg inestimable, ces deux institutions sont toujours au cœur du développement économique et de la sécurité du revenu à la retraite pour les Québécois.

Ces deux institutions ont été créées ensemble afin de doter la CDPQ des fonds nécessaires pour la modernisation sociale, économique et culturelle du Québec. Cela a permis à une classe d’affaires francophone de se constituer, au gouvernement du Québec de pouvoir avoir une meilleure gestion de ses obligations et de pouvoir racheter les compagnies d’électricité qui deviendront Hydro-Québec. Encore aujourd’hui, la CDPQ a une double mission : faire fructifier les actifs de ses déposants et contribuer au développement de l’économie du Québec. Ses actifs étaient de 402 milliards en 2022 et elle investit dans plus de 70 pays. Quant au RRQ, il permet depuis 1966 aux cotisants de jouir d’un revenu garanti, viager et indexé à l’IPC, faisant de lui un véhicule d’épargne plus avantageux que plusieurs autres.

Bibliographie

Bluteau M.– A., Côté, L. et Tanneau V. (1990). Préparer l’avenir : histoire de la Régie des rentes du Québec. Québec : Régie des rentes du Québec, Direction des communications.

Bryden, K. (1974). Old Age Pensions and Policy-Making in Canada, Canadian Public Administration Series, Montréal : The Institute of Public Administration of Canada/McGill Queen’s University Press.

Descheneau-Guay, A. (2017). Le Régime de rentes du Québec : aux origines d’un régime solidaire et structurant, Observatoire de la retraite, 2017. En ligne : http://observatoireretraite.ca/wp-content/uploads/2017/01/Dossier-RRQ_Janvier-2017.pdf

Descheneau-Guay, A. (2019) La Caisse de dépôt et placement du Québec : aux origines d’une institution de premier plan, Observatoire de la retraite, 2019. En ligne : https://observatoire-retraite.s3.ca-central-1.amazonaws.com/site/dossiers/les-Dossiers-de-lObservatoire-No3-fevrier-2019-1.pdf

Duchesne, P. (2001). Jacques Parizeau. Tome 1 : Le Croisé. Montréal : Éditions Québec Amérique.

Hanin, F. (2016). « Fondements institutionnels et évolution de la gouvernance de la Caisse » dans F. Hanin (dir.), La Caisse de dépôt et placement à l’épreuve de la financiarisation. Québec : PUL.

Lacoursière, J. (2008). Histoire populaire du Québec.Tome 5 : 1960-1970. Québec : Septentrion.

Lévesque, B., Malo, M.-C. et Rouzier, R. (1997), « The Caisse de dépôt et placement du Québec and the Mouvement des Caisses populaires et d’économie Desjardins », Annals of Public and Cooperative Economics, vol. 68, p. 485-501.

Linteau, P.A, Durocher, R., Robert, J.C et Ricard, F (1989). Histoire du Québec contemporain, Tome 2, Le Québec depuis 1930. Montréal : Boréal.

L’Italien, F. (2016). « La Caisse de dépôt et placement et la transition énergétique du Québec » dans : F. Hanin (dir.), La Caisse de dépôt et placement à l’épreuve de la financiarisation. Québec : PUL.

Marier, A. (1963). Vers une politique de la vieillesse. Disponible à la BANQ. Fonds André Marier Contenu : 2009-03-005\42-8

Marier, A. (2006, publié en 2016 à titre posthume). La genèse de la Caisse de dépôt et placement (1961-1965). Montréal : Groupe d’études et de recherche sur l’international et le Québec (GERIQ). En ligne : https://cirricq.org/wp-content/uploads/2015/04/Note-recherche_2015-avril.pdf

Morin, D. et Megas, S. (2012). « Caisse de dépôt et placement du Québec : Je me souviens », Revue Administration publique du Canada, 55 (1), p. 91-123.

Vaillancourt, Y. (1988). L’évolution des politiques sociales au Québec, 1940-1960. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.


1 Descheneau-Guay, Amélie (2017), Le Régime de rentes du Québec : aux origines d’un régime solidaire et structurant, Observatoire de la retraite. En ligne : http://observatoireretraite.ca/wp-content/uploads/2017/01/Dossier-RRQ_Janvier-2017.pdf

2 Bryden, K. (1974), Old Age Pensions and Policy-Making in Canada, Canadian Public Administration Series, Montréal : The Institute of Public Administration of Canada. McGill Queen’s University Press.

3 Descheneau-Guay, A. (2017). Le Régime de rentes du Québec : aux origines d’un régime solidaire et structurant, En ligne : http://observatoireretraite.ca/wp-content/uploads/2017/01/Dossier-RRQ_Janvier-2017.pdf

4 Marier, A. (1963), Vers une politique de la vieillesse, pp.3-4. En ligne : http://www.geriq.com/docs/archives/archive_vers-politique-vieillesse_1963.pdf

5 Descheneau-Guay, A. (2017), Le Régime de rentes du Québec : aux origines d’un régime solidaire et structurant, En ligne : http://observatoireretraite.ca/wp-content/uploads/2017/01/Dossier-RRQ_Janvier-2017.pdf

6 Vaillancourt, Y. (1988), L’évolution des politiques sociales au Québec, 1940-1960. P57. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.

7 Duchesne, P. (2001), Jacques Parizeau. Tome 1 : Le Croisé, Montréal : Éditions Québec Amérique, p. 217.

8 Bluteau M.– A., Côté, L. et Tanneau V. (1990), Préparer l’avenir : histoire de la Régie des rentes du Québec. Québec : Régie des rentes du Québec, Direction des communications, pp.17-18

9 Marier, A. (2006, publié en 2016 à titre posthume), La genèse de la Caisse de dépôt et placement (1961-1965), Montréal : Groupe d’études et de recherche sur l’international et le Québec (GERIQ), p.7 En ligne : https://cirricq.org/wp-content/uploads/2015/04/Note-recherche_2015-avril.pdf

10 Marier, A. (1963), Vers une politique de la vieillesse, Fonds André Marier, disponible à la BANQ. Contenu : 2009-03-005\42-8

11 Descheneau-Guay, A. (2019), La Caisse de dépôt et placement du Québec : aux origines d’une institution de premier plan, Observatoire de la retraite, 2019. En ligne : https://observatoire-retraite.s3.ca-central-1.amazonaws.com/site/dossiers/les-Dossiers-de-lObservatoire-No3-fevrier-2019-1.pdf

12 Lévesque, B., Malo, M.-C. et Rouzier, R. (1997), « The Caisse de dépôt et placement du Québec and the Mouvement des Caisses populaires et d’économie Desjardins », Annals of Public and Cooperative Economics, vol. 68, pp. 485-501.

13 Bluteau M.– A., Côté, L. et Tanneau V. (1990), Préparer l’avenir : histoire de la Régie des rentes du Québec. Québec : Régie des rentes du Québec, Direction des communications. p.22

14 Marier, A. (1963), Vers une politique de la vieillesse, Fonds André Marier, disponible à la BANQ. Contenu : 2009-03-005\42-8

15 Descheneau-Guay, A. (2017), Le Régime de rentes du Québec : aux origines d’un régime solidaire et structurant, En ligne : http://observatoireretraite.ca/wp-content/uploads/2017/01/Dossier-RRQ_Janvier-2017.pdf

16 Lacoursière, J. (2008), Histoire populaire du Québec. Tome 5 : 1960-1970, Québec : Septentrion, p. 60

17 Bluteau M.– A., Côté, L. et Tanneau V. (1990), Préparer l’avenir : histoire de la Régie des rentes du Québec. Québec : Régie des rentes du Québec, Direction des communications. p.30

18 Descheneau-Guay, A. (2017), Le Régime de rentes du Québec : aux origines d’un régime solidaire et structurant, En ligne : http://observatoireretraite.ca/wp-content/uploads/2017/01/Dossier-RRQ_Janvier-2017.pdf

* Observatoire de la retraite.