Un retour sur les célébrations du 400e anniversaire de fondation de l’Acadie s’avère des plus pertinents pour en apprendre davantage sur le rôle joué par le gouvernement fédéral dans l’organisation des fêtes du 400e de Québec. Nous y avons découvert avec stupéfaction la volonté entêtée de l’État canadien de se fabriquer une histoire nationale au détriment de l’Acadie et du Québec, confirmant ainsi les critiques les plus virulentes à l’égard de la façon dont les fêtes de 2008 se sont tenues.
Sheila Copps punit les Acadiens
Dès l’an 2000, la Société nationale de l’Acadie embauche une coordonnatrice pour harmoniser les célébrations du 400e anniversaire de ce que l’organisme considère comme le moment fondateur de l’Acadie. Son rôle consiste à s’assurer que les événements prévus dans chacune des quatre provinces du Canada atlantique se complètent et ne se retrouvent pas en duplication. Chaque organisation acadienne dans chacune des quatre provinces jouit d’une grande autonomie pour organiser les fêtes dans sa communauté.
La coordonnatrice, Chantal Abord-Hugon, soutient qu’ils ont eu l’entière liberté de concevoir les fêtes comme ils l’entendaient, que ce soit pour les thèmes des événements de la programmation, les communications ou le logo identifiant les célébrations. Même que chaque communauté dans chacune des provinces était entièrement libre d’élaborer sa propre image distinctive. Selon elle, il aurait été difficile de passer sous silence le caractère historique des fêtes comme ce fut le cas à Québec, car l’objet de la fondation de l’Acadie relevait d’un acte royal signé par le roi Henri IV, le 8 novembre 1603, dans lequel il donnait le titre de lieutenant-général au pays de la Cadie à Pierre Dugua, Sieur de Mons. Cette date fut d’ailleurs choisie comme le meilleur moment pour lancer officiellement les célébrations en grande pompe, simultanément des deux côtés de l’Atlantique, dans une reconstitution tenue au château de Fontainebleau au sud de Paris.
C’est pour le financement que les choses tourneront moins rond. Les attentes étaient grandes, déclare la coordonnatrice. Patrimoine Canada a d’abord rencontré les organismes acadiens des quatre provinces et rien ne semblait indiquer que le financement serait difficile à obtenir. «On attendait 60 millions de dollars, affirme madame Abord-Hugon, mais finalement on a eu 10 millions à se partager entre les quatre provinces». «Sheila Copps ne voulait rien savoir», affirme-t-elle, avec encore de l’indignation dans la voix. «On a eu l’impression que le fédéral avait peur d’incommoder les Québécois», soutient-elle. Évidemment, Patrimoine Canada n’est nullement responsable de ce qui pouvait alimenter une certaine animosité des Acadiens à l’égard des Québécois…
Finalement, après six mois d’attente, Sheila Copps se rend à Caraquet pour assister aux célébrations de la fête nationale du 15 août 2002 et annonce que son gouvernement s’engage pour la somme de… 10 millions de dollars à financer l’organisation d’activités spéciales «pour souligner l’établissement des Français en Amérique du Nord en 1604». Elle déclare alors que, par «cette contribution, le fédéral souhaite, d’ici la tenue des célébrations de 2004, remettre en perspective le passé des francophones et promouvoir l’Acadie». On sait maintenant que la promotion de l’Acadie s’est faite… en Acadie et que «la remise en perspective du passé des francophones» s’est faite à l’ambassade du Canada à Paris. Nous y reviendrons. Ce que la ministre passe alors sous silence, c’est que la moitié du montant provient de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique (APÉCA), un organisme du gouvernement fédéral dont le budget à l’époque était d’environ 140 millions de dollars pour soutenir les entreprises de la région. Détail important, le ministre responsable de l’agence est Robert Thibault, un Acadien d’origine et député libéral de Nova Ouest en Nouvelle-Écosse où se trouve Baie-Sainte-Marie, foyer d’une importante communauté acadienne. La coordonnatrice des fêtes est formelle : «Robert Thibault a été un excellent allié, c’est grâce à lui qu’on a d’abord eu 5 millions». Pour l’autre 5 millions, accordé par Patrimoine Canada, on peut présumer que Sheila Copps a été fortement invitée à lâcher un peu de lest.
La coordonnatrice des fêtes se dit alors que ce montant servira de levier pour aller chercher d’autres fonds. Mais les choses ne se passeront pas ainsi. C’est que madame Copps n’aime pas comment les Acadiens envisagent de célébrer leur fête. «Patrimoine Canada avait tendance à parler du 400e du Canada. C’était inacceptable pour nous», affirme Chantal Abord-Hugon. «Il fallait toujours se battre pour que le mot Acadie soit présent. Patrimoine Canada s’organisait toujours pour que le mot Acadie disparaisse.»
À l’été de 2003, à six mois du début de l’année anniversaire, les organisations acadiennes montent le ton. C’est qu’elles en ont assez des embûches que leur pose Patrimoine Canada. «Elles éprouvent de la difficulté à répondre aux critères du ministère», rapporte pudiquement Radio-Canada Atlantique. Les affaires se corsent.
Un important producteur d’événements culturels, le directeur du théâtre Capitol de Moncton, Marc Chouinard, déclare : «La façon dont la gestion du fonds est faite, c’est qu’il va y avoir quelques projets, peut-être une douzaine, qui seront acceptés pour des sommes quand même assez importantes et tous les autres ne seront pas considérés. Donc, c’est dommage».
De passage à Moncton, la ministre Copps déclare qu’elle n’a pas l’intention d’ajouter de l’argent aux sommes déjà promises. Arrogante, elle ajoute que si le Nouveau-Brunswick en veut plus, le premier ministre n’a qu’à piger dans le fonds que son gouvernement accorde annuellement aux organismes. «La madame n’était pas contente» et les Acadiens se demandent encore qu’est-ce qu’ils ont bien pu lui faire. Même le premier ministre du Nouveau-Brunswick de l’époque, Bernard Lord, Acadien à Caraquet, Québécois à Québec et Canadien dans les cercles très sélects de Toronto, n’y comprend rien. «La vraie question que les gens se posent, déclare-t-il, c’est pourquoi le gouvernement fédéral a choisi d’investir deux fois plus en France qu’il n’est prêt à le faire ici, dans les provinces de l’Atlantique, pour un événement qui a eu lieu ici. C’est ça qui surprend les gens». Indeed, Bernie. Quelques mois plus tôt, en mars, le gouvernement du Nouveau-Brunswick avait accordé deux millions de dollars pour «encourager l’organisation d’activités et d’événements auxquels participeront le plus de communautés possible», avait déclaré Paul Robichaud, ministre responsable de la Francophonie, pour ménager les susceptibilités de la communauté anglophone.
En septembre 2003, une sénatrice libérale, d’origine acadienne, l’honorable Rose-Marie Losier-Cool, présente une proposition pour que le gouvernement du Canada reconnaisse 2004 comme l’Année de l’Acadie. Sheila Copps n’est plus seule pour étendre ses filets dans les eaux acadiennes.
Pendant ce temps, à l’ambassade du Canada à Paris, on dispose de plus de 19 millions de dollars pour «remettre en perspective le passé des francophones». Deux fois plus que ce dont disposent les Acadiens pour organiser les fêtes dans quatre provinces. Si une image vaut mille mots, le logo adopté par le Canada pour souligner l’année 2004 nous épargne bien des explications. Certains Québécois ont été scandalisés de voir le drapeau fleurdelisé remplacé par un logo de guirlandes orange, verte et fuchsia ? Ils n’ont rien vu. Sur ce logo, on lit d’abord l’inscription : Canada-France 1604-2004, confirmant ainsi que le gouvernement fédéral tenait à faire disparaître systématiquement le mot Acadie. Mais, le clou de ce logo, c’est la tour du CN de Toronto surmontée d’une feuille d’érable entourée de figures géométriques multicolores. Qu’est-ce que la tour du CN a à voir avec l’Acadie ? Rien, bien sûr, mais l’idée n’était pas non plus de démêler les Français en géographie du Canada. Ni même de leur faire connaître la francophonie canadienne si chère à Sheila Copps.
Faut-il en rire ou en pleurer, mais on peut penser que c’est l’ambassade du Canada à Paris qui a financé la série d’émission diffusée sur TF1 et TF2 à l’été de 2004, intitulée «Quatre siècles d’amitié franco-canadienne». Chacune des régions du Canada était présentée sous un angle anecdotique. Par exemple, en Saskatchewan, l’émission portait sur les dispositifs installés dans les hôpitaux pour la désinfection des mains. À Toronto, on a parlé des difficultés à démarrer son automobile les matins d’hiver !
Sur le site internet créé par l’ambassade pour la circonstance et toujours accessible, on peut lire : «En 2004, la France et le Canada compteront 400 ans de relations continues depuis que le Sieur Dugua De Mons s’est installé à l’île Sainte-Croix en 1604 avec le célèbre cartographe Samuel de Champlain, 400 ans pendant lesquels les Français et Canadiens ont su développer des liens exceptionnels[1].» Et l’an prochain, bien sûr, le 250e anniversaire de la bataille des Plaines d’Abraham sera une occasion rare pour célébrer un autre épisode des 400 années de relations continues et de liens exceptionnels entre la France et le Canada.
On y apprend aussi que le Canada a eu des origines très vertueuses. «Un pays nouveau naît de la première rencontre pacifique entre les nations Micmac [sic], Malécites [sic], Abénakis [sic], et un équipage de navigateurs Français [sic] conduit par Pierre Dugua de Mons et le cartographe Samuel de Champlain. Ce désir de rencontre et de solidarité qui définit l’origine du Canada restera inscrit dans ses valeurs fondamentales jusqu’à nos jours». Une rencontre pacifique animée du désir de solidarité ! Tant qu’à y être, pourquoi ne pas dire que le Canada est né de l’Immaculée-Conception !
Grain de sable dans la machine à fabriquer l’histoire
Patrimoine Canada privilégiera les célébrations à l’île Sainte-Croix, lieu de la première tentative d’établissement des Français en Amérique. Situé aujourd’hui en territoire étasunien, ce lieu correspondait davantage à l’objectif de l’agence fédérale de souligner les débuts de la francophonie canadienne plutôt que les fêtes communautaires qui visaient à célébrer l’identité acadienne. On reconnaît ici la même logique qui a prévalu pour l’organisation des fêtes de 2008. Célébrer la formation du Canada plutôt que l’histoire réelle.
Le 12 mai 2004, Patrimoine Canada publie un communiqué pour annoncer les célébrations qui se tiendront le 26 juin 2004 à Bayside au Nouveau-Brunswick, face à l’île Sainte-Croix. C’est tout comme si, entre temps, un coup d’État s’était produit au Canada. En effet, on peut lire : «Le gouvernement du Canada organisera une cérémonie de commémoration internationale du 400e anniversaire de l’Acadie, du premier établissement français en Amérique du Nord à l’île Sainte-Croix et de la rencontre des peuples acadien et autochtone durant la journée du 26 juin 2004, à Bayside au Nouveau-Brunswick».
Puis, plus loin : «C’est de l’île de Sainte-Croix, en Acadie, qu’a été lancée la colonisation du Canada et de l’Amérique du Nord, a déclaré la ministre Chalifour- Scherrer. L’identité canadienne tire donc une part importante de sa source de la culture acadienne. Les artistes et artisans acadiens ont non seulement produit des travaux et des œuvres qui ont enrichi les arts et la culture de notre pays, mais ils ont laissé l’empreinte d’un peuple chaleureux, authentique et vibrant d’énergie qui persiste à vivre selon ses traditions et dans sa langue».
Beaucoup de choses se sont passées au Canada pour que les Acadiens n’aient plus à surveiller les mots employés par Patrimoine Canada. Le 13 décembre 2003, Paul Martin succède finalement à Jean Chrétien. Sheila Copps, qui fut candidate dans la course à la direction libérale contre Martin, est remplacée à la tête de Patrimoine Canada par une proche du nouveau premier ministre, Hélène Chalifour-Scherrer, députée de la circonscription de Louis-Hébert à Québec. Robert Thibault, fidèle allié des organisateurs des fêtes, ne fait plus partie du cabinet, mais il a l’avantage d’avoir appuyé Paul Martin lors de la course à la direction.
Que s’est-il passé pour que Patrimoine Canada découvre soudainement que 2004 était l’anniversaire de la fondation de l’Acadie ? Tous les scénarios peuvent être imaginés, mais on peut quand même observer que si le ministre acadien éconduit n’a pu obtenir une augmentation des budgets, c’était la moindre des choses qu’on lui accorde une victoire morale.
À la veille de la fête nationale des Acadiens en 2004, le sociologue acadien Joseph-Yvon Thériault déclare au journaliste du Devoir que les Acadiens ont réussi à se réapproprier le sens de ces fêtes.
«Lorsque le gouvernement fédéral a commencé à parler de l’idée d’un 400e […], plusieurs ont vite compris ce qu’il voulait faire : montrer que «l’Amérique française avait été fondée en 1604», dit Thériault. La fête, à laquelle les États-Unis et la France devaient participer, visait au fond à «faire comprendre que l’aventure française en Amérique, ce n’est pas le Québec, mais le Canada».
Quant aux fêtes du 400e, une conjonction de facteurs, parmi lesquels «le départ de Sheila Copps, les élections et les changements qui se sont produits par la suite», a empêché le fédéral de s’occuper plus étroitement de la fête. «Reste que les budgets étaient là et l’Acadie en a profité pour se réapproprier le sens de cette commémoration[2]».
Les Acadiens ont eu la chance de leur côté pour enrayer la machine fédérale à trafiquer l’histoire. Chance que les Québécois n’ont pas eue avec un gouvernement fédéraliste à Québec et une mairesse aussi fédéraliste que le gouvernement fédéral lui-même. Patrimoine Canada a joyeusement obtenu son match revanche avec Québec 2008. Tchin ! Tchin !
La chaîne de production de l’Histoire du Canada
Il n’est pas évident de savoir exactement comment fonctionne la machine à fabriquer l’histoire, mais il se pourrait bien qu’il s’agisse en fait d’une chaîne de production où s’emboîte l’un dans l’autre le travail de plusieurs machines. Voici comment cela pourrait fonctionner.
Le cerveau qui structure la pensée canadienne en matière d’histoire pourrait bien se retrouver au sein de Patrimoine Canada, plus précisément à la Direction des célébrations, commémorations et apprentissages. Selon leur site internet, leur mandat est «d’assurer une approche fédérale intégrée et dynamique en matière de célébrations, de commémorations et d’apprentissage».
Ainsi ont-ils défini les grandes lignes pour les célébrations de l’Acadie en 2004 et de Québec en 2008 : «2004 : Acadie : Premiers dialogues (la rencontre de deux mondes) commémorera les milliers d’années de présence et de culture autochtone en Amérique ainsi que le voyage de Pierre Dugua, Sieur de Mons, de Samuel de Champlain et de leurs compagnons à l’île-Ste-Croix, en 1604.
Rien de très explicite sauf pour cette «rencontre des deux mondes» où l’on retrouve l’idée de cette «rencontre pacifique animée du désir de solidarité…» Quelqu’un, plus loin sur la chaîne de production, a développé l’idée émise par Patrimoine Canada.
«2008 : Québec : La première ville canadienne (un coup d’œil sur nos origines et un regard tourné vers l’avenir). Le 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec et le centenaire de la Commission des champs de bataille nationaux constitueront les principaux jalons de 2008». Pas la capitale de la nation québécoise, mais une ville canadienne. Là encore, d’autres plus loin sur la chaîne de production, ont complété le travail. Enfin, on retrouve le «coup d’œil» qui s’est traduit par les très brefs clins d’œil faits à l’histoire tout au long des célébrations.
L’autre chaînon de la machine à fabriquer l’histoire pourrait être l’agence Parcs Canada. Elle tire son mandat, entre autres, de la Loi sur les lieux et monuments historiques du Canada. Sur son site internet, on apprend que : «La Direction générale des lieux historiques nationaux de Parcs Canada est responsable du programme fédéral de commémoration historique qui sert à reconnaître les endroits, les personnes et les événements d’importance nationale. Ces désignations sont faites par le ministre de l’Environnement sur les conseils de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada.»
Et que fait cette commission ? «La Commission des lieux et monuments historiques du Canada a pour mandat de conseiller le ministre de l’Environnement et, par son entremise, le gouvernement du Canada, sur la commémoration d’aspects de l’histoire du Canada qui revêtent une importance nationale.»
Reste à voir qui fait quoi, ce qui dépasse largement l’objet de cet article. Mais une nouvelle récente devrait suffire à nous mettre la feuille d’érable à l’oreille. Une dépêche de la Presse canadienne nous informe que «L’agence Parcs Canada prévoit se livrer à un exercice de revalorisation de son image de marque dans le but de contrer la stagnation du nombre de visites dans les parcs et lieux historiques du pays et d’attirer plus de visiteurs[3]». On nous apprend également qu’une firme de consultants de Halifax «a été embauchée pour redorer l’image terne de l’organisme, qui a le castor pour emblème et dont les fondements datent du XIXe siècle». Le castor du XIXe siècle ? Mais c’est notre castor ! Celui que les Anciens avaient adopté comme symbole de la vaillance et de la ténacité qui les caractérisaient et que les Canadians nous ont volé ! Ils veulent maintenant s’en débarrasser ? Dehors, fini le castor !
Le plus inquiétant, c’est que le journaliste écrit qu’il a obtenu cette information grâce à la loi d’accès à l’information. Tiens donc ! Le sort du castor qui devient un secret d’État. Mais le meilleur est à venir. On nous apprend également que la firme de consultants de Halifax propose que «Parcs Canada table désormais sur le domaine florissant de l’écotourisme, en promettant aux visiteurs de «stimuler leur instinct d’explorateur» et de «découvrir leur Canadien intérieur». Suggestion à Parcs Canada pour un nouveau slogan qui recevra immédiatement l’approbation de la gouverneure générale : «Découvrez le Canada de vos émotions».
Québec 2008 : «Goaler» à la presque perfection
Dans le numéro de mai/juin 2008 de L’Action nationale, Christian Gagnon écrit : «La propagande fédérale sur le 400e comporte néanmoins trois éléments «la fondation de Québec, c’est la fondation de l’État canadien», «le français est la langue fondatrice du Canada» et enfin, «le 400e anniversaire de Québec, c’est la fête de tous les Canadiens[4]». Si le gouvernement fédéral avait connu des ratés avec les célébrations de l’Acadie en 2004, il ne pouvait pas se permettre de rater son coup à Québec en 2008. Pourquoi ? Parce que l’Acadie n’a jamais été vue comme une menace pour le Canada, ce qui n’est pas le cas du Québec.
Les décorations des célébrations de l’Acadie étaient à peine enlevées que le premier ministre Paul Martin annonçait, le 11 avril 2005, que le gouvernement fédéral investirait 110 millions de dollars, dont 40 millions iraient à la Société du 400e et 70 millions dans divers projets d’infrastructures. Le gouvernement du Québec, pour sa part, investira le même montant et la Ville de Québec 5 millions. La table était mise et le gouvernement fédéral entendait bien en avoir pour son argent.
Dans une entrevue accordée au journaliste du Devoir, Réginald Harvey, l’historien Denis Vaugeois déclare : «C’est une affaire qui a été pensée à Ottawa depuis très longtemps, tellement qu’on avait, dès les années 2000, prévu de souligner avec insistance la fondation et la naissance de l’Amérique française à partir de l’Acadie. On a mis de l’argent là-dedans, on a organisé des activités concrètes, on a soutenu plein de projets, et de très beaux livres sont parus à l’occasion de la célébration du 400e de l’Acadie (1604-2004) : c’était cela qui était reconnu comme la naissance de l’Amérique française. Une fois rendu en 2008, on a mis en place des gens qui avaient comme instruction de souligner l’aspect festif de l’année, donc d’avoir de l’argent pour la fête et ne pas en avoir pour tout ce qui était des projets à caractère historique».
L’historien rappelle : «Depuis 1995, le Canada a vécu un référendum qui lui a causé un grand effroi. Là-bas, ils ont des comités qui scrutent toutes ces questions-là. Ils ont vu venir le 400e de Québec et ils se sont organisés pour aller dans le sens où les événements se sont déroulés». Outre Outaouais, selon lui, on a tout simplement eu peur de raviver la flamme nationaliste. En conclusion, il distribue sa note d’appréciation au gouvernement fédéral : «Pour le 400e, on ne peut parler d’une note de zéro en matière de contenu historique, c’est 10 sur 10 qu’ils ont obtenu, parce qu’ils n’en voulaient pas. Ils ont réussi à «goaler» à peu près à la perfection tout rappel historique[5]».
[1] http://www.canada-2004.org/menu.php?langue=FR
[2] Robitaille, Antoine, «Les Acadiens se réapproprient leur 400e anniversaire, Le Devoir, 14 août 2004.
[3] « Parcs Canada veut rafraîchir son image de marque», Presse canadienne, Le Devoir, 27 octobre 2008.
[4] Gagnon, Christian, « Québec 2008 : Le double langage canadien en exergue», L’Action nationale, mai/juin 2008
[5] Harvey Réginald, « Le 400e de Québec et l’histoire», Le Devoir, samedi 27 septembre 2008. Cahier spécial, p. h2