Saint-Étienne-de-Lauzon, 5 avril 2006
Le cumul des genres journalistiques (texte d’opinion et couverture journalistique) pratiqué par le Journal de Québec dans le dossier Rabaska est condamné par le Conseil de presse.
Le Conseil de presse donne raison à Luc Archambault, artiste et opposant au projet de port et terminal méthanier Rabaska à Lévis en face de l’Île d’Orléans, en ce qui concerne un élément essentiel de sa plainte déposée en août dernier contre le Journal de Québec, madame Annie Saint-Pierre, journaliste, et monsieur Jean-Claude L’Abbée, éditeur et chef de la direction du JdQ.
En effet, le Conseil de presse est d’avis que la pratique instaurée au JdQ pour la couverture journalistique du dossier Rabaska est caractérisée par le cumul des genres journalistiques sur un même sujet par la journaliste Annie Saint-Pierre, ce qui est un manquement déontologique établi et sanctionné depuis longtemps par sa jurisprudence. La journaliste Annie Saint-Pierre et le Journal de Québec sont déclarés conjointement responsables de ce manquement déontologique.
Malgré les protestations de nombreux intervenants, malgré le fait que la jurisprudence déontologique du Conseil de presse proscrive un tel cumul des genres journalistiques, le Journal de Québec persistait à considérer cette pratique comme étant parfaitement normale. Il ne s’agissait pas d’une faute circonstancielle mais d’une politique assumée sur une longue période. En effet, Annie Saint-Pierre, qui avait pris position dans un texte d’opinion en avril 2005 contre les opposants à Rabaska, était toujours assignée à la couverture journalistique de ce même dossier en mars 2006. C’est ce que vient de sanctionner le Conseil de presse de façon on ne peut plus claire, puisqu’un tel cumul des genres journalistiques dans un même dossier par une même personne risque de « porter atteinte à sa crédibilité professionnelle et à la validité de son information ».
Si le JdQ respecte cette décision et n’interjette pas appel, il ne devrait plus à l’avenir assigner la journaliste Annie Saint-Pierre à la couverture journalistique du dossier du projet de port et terminal méthanier Rabaska à Lévis. Madame Saint-Pierre pourrait toujours néanmoins émettre son opinion à cet égard dans les pages du JdQ ou ailleurs.
D’autre part, Luc Archambault compte interjeter appel concernant d’autres éléments de sa plainte qui n’ont pas été retenus par le Comité des plaintes et de l’éthique de l’information du Conseil de presse. Notamment celui ayant trait aux accusations de mauvaise foi portées en éditorial par l’éditeur du JdQ, M. Jean-Claude L’Abbée. De graves accusations qui portent atteinte à sa réputation d’homme public et d’artiste. Luc Archambault persiste à croire que la « riposte » invoquée par le Conseil de presse ne justifie pas que des journalistes puissent mettre en doute la bonne foi des lecteurs sans motif grave, ce qui n’a pas été le cas en l’occurrence. Il ne voit pas en quoi le fait qu’il soit question de riposte, atténuerait la portée de telles accusations. D’autant que M. L’Abbée s’appuyait sur le fait que les griefs du plaignant étaient sans fondement, ce qui contredisait la jurisprudence déontologique, et ce que contredit le Conseil de presse dans sa présente décision.
On peut comprendre, qu’après avoir retenu un grief essentiel de la plainte de Luc Archambault, le Conseil de presse n’ait pas voulu accabler davantage le JdQ et son éditeur M. L’Abbée, qui est par ailleurs membre du CA du Conseil de presse. On aura voulu le ménager, comme on le fait dans le communiqué relatif à la décision qu’on peut trouver sur le site Internet du Conseil et qui ne mentionne pas le nom de M. L’Abbée à titre de mis-en-cause…
Conseil de presse Décision D2005-06-100
M. Luc Archambault, plaignant et les mis-en-cause
Mme Annie Saint-Pierre, journaliste, M. Jean-Claude L’Abbée, éditeur et chef de la rédaction, Le quotidien Le Journal de Québec
Décision publiée le 2006 04 03 Extraits
« Le plaignant reprochait aussi à la direction du Journal de Québec d’avoir assigné Mme Saint-Pierre au traitement de ce dossier [Rabaska] à titre de « journaliste », après qu’elle ait pris fait et cause pour les promoteurs de Rabaska dans son article d’opinion du 1er avril. Selon la jurisprudence du Conseil de presse, le cumul des genres journalistiques dans un même produit, dans la même émission par exemple, est reconnu comme un manquement. Il en va de même pour ce qui est du passage d’un genre journalistique à l’autre, quand il s’agit d’un même sujet.
« Même si le journalisme d’opinion et le journalisme d’information sont deux formes de pratique professionnelle qui reviennent de droit au journaliste, ce dernier peut difficilement, selon le Conseil, passer librement d’un genre journalistique à l’autre sur un même sujet sans risquer de porter atteinte à sa crédibilité professionnelle et à la validité de son information.
« Par conséquent, même si Mme Saint-Pierre n’a pas pris position sur le fond du dossier du port méthanier mais sur le référendum touchant le projet, le Conseil a considéré que ce passage d’un genre journalistique à l’autre sur un aspect du sujet déjà couvert par la journaliste, constituait un manquement déontologique et a retenu le grief. De plus, comme l’affectation de la journaliste relevait ultimement de la direction, celle-ci est conjointement responsable de ce manquement. »
« […] Dans le même article, le plaignant déplorait que l’éditeur et chef de la rédaction l’ait accusé de faire preuve de mauvaise foi. Après examen, le Conseil a constaté que l’accusation constituait une riposte à la lettre ouverte du plaignant. Cette riposte a été exprimée dans le cadre d’un texte d’opinion. Comprise dans son contexte de riposte, l’accusation n’avait pas la portée que lui reproche le plaignant et le grief n’a pas non plus été retenu. »