Le démantèlement de la nation (chronique 8)

Nation to Colony

La période couverte s’étend du 5 juin au 23 août 2015 (environ deux mois et demi)1.

En 1946, Arthur M. R. Lower publiait Colony to Nation, qui devint immédiatement un classique. L’universitaire ontarien y proposait de lire l’histoire du Canada comme celle d’un territoire passé progressivement de colonie à nation. Une seule nation, bien sûr. Au mieux, pour lui, les Canadiens français étaient-ils une « nationalité », au sens de groupe ethnique2. Le système politique canadien accréditait pourtant alors l’idée des deux nations, ou des deux « peuples fondateurs » ; après tout, en 1867, les Canadiens français n’avaient-ils pas réussi à obtenir un État provincial ? C’est ainsi que deux nations au sens de deux peuples pouvaient alors cohabiter politiquement, quoiqu’inégalement, dans une seule nation au sens d’État souverain.

Nation to Colony

La période couverte s’étend du 5 juin au 23 août 2015 (environ deux mois et demi)1.

En 1946, Arthur M. R. Lower publiait Colony to Nation, qui devint immédiatement un classique. L’universitaire ontarien y proposait de lire l’histoire du Canada comme celle d’un territoire passé progressivement de colonie à nation. Une seule nation, bien sûr. Au mieux, pour lui, les Canadiens français étaient-ils une « nationalité », au sens de groupe ethnique2. Le système politique canadien accréditait pourtant alors l’idée des deux nations, ou des deux « peuples fondateurs » ; après tout, en 1867, les Canadiens français n’avaient-ils pas réussi à obtenir un État provincial ? C’est ainsi que deux nations au sens de deux peuples pouvaient alors cohabiter politiquement, quoiqu’inégalement, dans une seule nation au sens d’État souverain.

En 2006, la Chambre des communes s’est souvenue d’Arthur Lower moyennant un accommodement de vocabulaire ; elle a adopté une motion selon laquelle « les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni ». Ici, le mot « nation » n’est employé ni au sens d’État ni même au sens de peuple ; plutôt au sens de groupe ethnique, pour parler des « francophones de souche ». Cette interprétation ethnique du mot « Québécois », en français même dans la version anglaise, a été confirmée à l’époque par le ministre Lawrence Cannon. Simultanément, avec une détermination que rien ne freine plus, Ottawa délégitime et contourne ce qui reste de pouvoir provincial. Il semble donc que le Québec est en voie rapide de passer, dans le système politique canadien, de nation à colonie.

D’autant que le gouvernement Couillard, on le voit de mieux en mieux, a furieusement entrepris de mettre cet outil collectif qu’est l’État québécois hors d’état de servir notre intérêt national. Ce qui reste de ses ressources et de celles des institutions publiques ou parapubliques est mis ouvertement à la disposition des proches. Notre État et nos institutions ressemblent à un immeuble dont la façade, encore relativement intacte, masque mal l’éventrement.

Les compressions libérales sont une véritable déclaration de guerre contre les fragiles acquis des femmes. Véronique de Sève, de la CSN, fait la synthèse des attaques répétées contre celles-ci (26 juin). Les compressions jettent les pauvres dans la misère (la réforme de l’aide sociale, 28 juin), accentuent la fracture politique et sociale, anémient notre vie nationale et nous laissent sans bouclier contre l’impérialisme fédéral. Il faut le dire et le répéter. Néanmoins, dans cette chronique, je vais plutôt désormais repérer la violence de la domination qu’exerce Ottawa sur le Québec. Parallèlement, chaque fois que les journaux le permettront, je montrerai aussi que la frénésie de saccage qui possède le gouvernement Couillard épargne le plus souvent les municipalités, établissements de santé, établissements d’éducation et autres institutions anglophones.

Il serait vraiment temps d’accorder aux réalités actuelles nos représentations de la place que le Canada consent au Québec ; et de celle que le gouvernement libéral provincial est prêt à laisser à la majorité francophone.

Une logique d’occupation

Enfermer le Québec. Au premier débat, organisé en anglais par Maclean’s et auquel ne fut pas convié Gilles Duceppe, chacun des chefs fédéraux s’est employé à démontrer qu’il était le mieux placé pour mater les Québécois et les empêcher de sortir du Canada même en cas de décision majoritaire (21 juillet ; www.macleans.ca/national-leaders-debate/).

Avoir le pouvoir de déterminer nos frontières. « Le Québec a quelque chose d’assez particulier en Amérique, c’est le seul État dont la majorité des frontières n’est pas établie », rappelle le géographe Henri Dorion, récipiendaire du Prix Léon-Gérin 2004 (26 juillet) et auteur avec Jean-Paul Lacasse de Le Québec : territoire incertain (Septentrion, 2011). 80 % des frontières du Québec sont floues. Le Conseil privé de Londres a amputé notre territoire en 1927 pour en donner une partie à Terre-Neuve ; depuis 2011, le gouvernement fédéral s’est imposé comme arbitre dans la délimitation de la frontière avec Terre-Neuve dans le golfe du Saint-Laurent ; la frontière entre le Québec et le Nunavut a été établie par le fédéral et dépend des marées. Un territoire dont les frontières sont définies par un pouvoir qui s’exerce au-delà de lui-même est un territoire colonial.

Imposer le passage du pétrole albertain. Tom Mulcair a réaffirmé son appui au développement du pétrole des sables bitumineux et à leur transport par oléoduc, par train et par bateau à travers le Québec ; les spécialistes estiment que les conditions qu’il y met sont loin d’assurer la sécurité de nos terres et de nos eaux (10 et 15 août). Les partis fédéraux, sauf le Bloc, veulent faire du Québec une voie de passage. Les chefs rappellent que la décision appartient exclusivement à l’État fédéral (14 août). Le Québec n’a de pouvoir de réglementation ni sur le transbordement depuis les ports, qui appartiennent au fédéral, ni sur le transport ferroviaire interprovincial (Claude Bariteau, 25 juillet ; 14 août).

Se désintéresser de la sécurité environnementale du Québec. L’Office national de l’énergie a demandé des essais hydrostatiques pour tester la sécurité de l’oléoduc 9B, mais en excluant 90 % de la portion québécoise du tuyau (19 juin). La Coalition vigilance oléoducs fait pression pour que l’ONE exige des essais sur l’ensemble des installations d’Enbridge. Québec solidaire demande au gouvernement Couillard de faire pression lui aussi sur l’ONE (Radio-Canada, 21 août). Silence de ce côté pour l’instant.

Refiler aux provinces, dont le Québec, des infrastructures vétustes. Après avoir laissé se détériorer ses quais, ponts et certains ports, le gouvernement fédéral est prêt à nous les vendre tels quels, sans réfection préalable. À noter que ces infrastructures ont été installées parfois pour répondre à des besoins qui n’étaient pas les nôtres (ex. la hauteur du pont Champlain a entraîné un surcoût, alors qu’elle était nécessaire seulement pour que les gros navires puissent se faire décharger en Ontario plutôt qu’à Montréal) (7 août).

Imposer son programme d’infrastructures. Les investissements réservés en prévision du 150e de la Confédération sont déterminés sans considérer les priorités du Québec. Le ministre Jean-Marc Fournier s’avoue « extrêmement déçu » (30 juin).

Faire fi des consensus québécois. Le nouveau pont Champlain coûtera 4,2 milliards $ et il y aura un péage. Ainsi en a décidé le gouvernement fédéral contre les avis unanimes de l’Assemblée nationale, de Montréal et des banlieues, des milieux du transport et des autres voix économiques québécoises. Le pont sera exploité par une entreprise privée pendant 30 ans, puis le gouvernement fédéral en prendra possession (21 juin). Rappelons qu’il a fallu une mobilisation générale de longue haleine, simplement pour empêcher Ottawa de changer unilatéralement le nom de ce pont.

Faire fi des consensus québécois. « Ottawa n’accommodera pas Québec » sur la question des travailleurs étrangers temporaires (7 juillet). Tant pis pour l’unanimité de l’Assemblée nationale, qui demande de tenir compte de la réalité particulière de notre économie ; tant pis pour les ministres Kathleen Weil et Sam Hamad, qui craignent pour les secteurs de la transformation alimentaire, des technologies de l’information et des jeux vidéo notamment. Le journaliste écrit que le ministre Pierre Poilievre n’est prêt à « aucune concession » et que la ministre Weil est sortie « résignée » de sa rencontre avec lui (8 juillet).

Faire fi de l’esprit de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Dans un article de la page Idées, le professeur Louis-Philippe Lampron montre que la Cour suprême impose le filtre du multiculturalisme même dans des litiges qui ne concernent que la Charte québécoise. « L’interculturalisme, écrit-il, n’a aucune existence juridique réelle et ne pourra pas en avoir tant que les règles découlant de la Charte canadienne s’imposeront pour réguler la mise en œuvre de la Charte québécoise » (3 juillet).

Faire fi des pouvoirs locaux. Le geste controversé du maire Coderre, qui a brisé au marteau-piqueur une dalle coulée par Postes-Canada, ne devrait pas faire oublier que cette société de la Couronne a décidé d’installer ses boîtes à lettres sur des terrains appartenant aux municipalités sans consulter celles-ci ni leur demander d’autorisation (14 août).

Faire fi de la Loi 101. Les banques à charte sont de juridiction fédérale, alors pourquoi s’encombrer de respecter une simple loi provinciale ? Le bilinguisme fait un retour en force à l’intérieur de plusieurs succursales bancaires, note Louis Guénette (9 juillet).

Faire fi de l’esprit de la loi 101. Le Conseil canadien du commerce de détail crie victoire : le gouvernement Couillard reconnaît pleinement que les marques de commerce sont de compétence fédérale. Il se contentera donc de faire ajouter une petite décoration en français aux grandes raisons sociales comme Best Buy et autres Toys « ’R »’Us plutôt que d’exiger leur francisation. Fini le temps où des géants comme Staples avaient la délicatesse ou la pression de se franciser en Bureau en gros (18 juin).

Faire fi d’autres lois québécoises. Chaleur Terminals ne veut rien savoir d’une évaluation environnementale québécoise même si son projet suppose le passage chaque jour de 220 wagons chargés de brut sur des centaines de kilomètres à travers notre territoire habité. Le transport ferroviaire étant de juridiction fédérale, la compagnie estime ne pas avoir à se soumettre aux lois québécoises (6 juin). Du coup, le gouvernement libéral courbe l’échine : il n’y aura aucune consultation au Québec sur le projet de Belledune (17 juillet).

Le Canada, un pays multinational qui refuse de se reconnaître comme tel et prend les moyens pour ne plus l’être

Les Québécois, une simple ethnie, et de plus en plus négligeable (certaines mentions s’appliquent aussi aux Francophones hors Québec). Le Canada compte désormais 338 circonscriptions, dont 78 au Québec, soit 23 %. C’est conforme au poids démographique de la province, en déclin continu. Un gouvernement majoritaire peut être élu à Ottawa même sans aucun député québécois ou presque, comme on l’a vu en 2011. Voici quelques conséquences de notre présence de plus en plus minoritaire dans ce pays :

  • Les gros bras d’Ottawa contre la Russie ont entraîné une inévitable riposte. Or, 40 % du commerce canado-russe est un commerce québéco-russe : chute vertigineuse des exportations de porc et des ventes dans le secteur aérospatial, voilà ce que le Québec et les entrepreneurs francophones, y compris Bombardier, ont récolté pour la volonté du gouvernement Harper de consolider ses votes dans la communauté ukrainienne, particulièrement présente dans l’Ouest du pays (22 août).
  • Il en aura fallu du temps et des discussions pour que finalement, un second débat en français soit prévu pendant la campagne électorale fédérale (11 août). Tous les autres se sont déroulés et se dérouleront en anglais.
  • Le retour des timbres unilingues anglais. Dans le volet 3 de la belle série « 150 ans de photographie », les timbres sont tous unilingues anglais. Par exemple Conrad Poirier, « Friends and Family and Trips in front of Simpsons, 1936 », ou Sam Tata, « Angels, Saint-Jean-Baptiste Day, Montreal, Quebec, 1962 ».
  • Une lectrice, madame Sylvie Potvin, fait remarquer que le site de Tom Mulcair et la correspondance du NPD avec les électeurs utilisent outrageusement l’anglais, y compris au Québec (22 août)
  • Bien que je traite surtout ici des actions d’Ottawa, des partis fédéraux, des sociétés de la Couronne et des médias canadiens-anglais, notons la détermination du gouvernement Couillard d’imposer aux Québécois une immigration de plus en plus nombreuse, de moins en moins francophone et à qui l’on coupe les cours de francisation (16, 20 et 25 juin). Serons-nous bientôt un simple groupe ethnique dans la ville et la grande région de Montréal ?
  • Un traitement différencié. Côté francophone, le ministre de l’Éducation, François Blais évoque l’abolition des commissions scolaires francophones, l’abolition des élections scolaires et l’instauration de conseils d’administration privés dont il nommera lui-même les membres. Aucune consultation avec la Fédération des commissions scolaires du Québec. La présidente de celle-ci, Josée Bouchard, regrette la « fermeture » du ministre (Journal de Montréal, 22 août). Côté anglophone, le ministre souhaite recevoir des propositions de la part des anglophones sur la gouvernance scolaire. Il a même mis sur pied un comité de travail présidé par l’ancienne députée libérale Marlene Jennings pour étudier différents scénarios (Métro Montréal, 11 juin).

Volonté d’assimilation des minorités francophones tant par le fédéral que par les provinces et les municipalités ; discrimination assez systématique par les partis politiques. On ne refera pas ici l’histoire des luttes continuelles et tellement ardues qu’ont dû et doivent encore mener les Francophones hors Québec pour leur survivance. Après la saga de l’école Rose-des-Vents à Vancouver, qui a duré cinq ans et s’est conclue au printemps sur une victoire déjà menacée, d’autres événements rappellent l’implacable détermination du Canada anglais à assimiler les Canadiens français et les Acadiens.

  • Une cause semblable à celle de l’école vancouvéroise oppose actuellement en Cour suprême la Colombie-Britannique et le Conseil scolaire francophone de Victoria. Voilà où on en est encore plus de 30 ans après l’adoption de l’article 23 de la Charte canadienne des droits.
  • La Ville de Halifax a présenté des excuses pour les années durant lesquelles les Acadiens ont payé une surtaxe scolaire dont le produit était en totalité reversé aux écoles anglophones. Près de 20 ans et une poursuite devant les tribunaux ont été nécessaires avant que la municipalité et la province remettent aux écoles françaises leur part de cette surtaxe que payaient tous les propriétaires fonciers (site de Radio-Canada, 15 août).
  • « Une université franco-ontarienne, oui, mais quand les finances publiques de l’Ontario le permettront » a dit la ministre déléguée aux Affaires francophones de cette province en juin (28 juin). Les droits des francophones hors Québec dépendent toujours du bon vouloir des pouvoirs provinciaux.
  • Élections Canada n’est pas assez bilingue, selon Graham Fraser, commissaire aux langues officielles. Le Directeur général des élections du Canada considère quant à lui que le bilinguisme « n’est ni raisonnablement possible ni nécessaire » (2 août).
  • Anecdotique, mais révélateur : le NPD espérait payer moins cher ses travailleurs d’élection francophones, notamment en Colombie-Britannique. Il a dû être pris deux fois en défaut pour ramener leurs salaires au niveau de celui offert aux anglophones (12 août).

Volonté d’effacement des Premières Nations

  • En août, la juge Chantal Masse, de la Cour supérieure du Québec, a de nouveau jugé discriminatoires envers les femmes, et contraires au droit à l’égalité inscrit dans la Charte canadienne des droits, les règles de reconnaissance du statut d’Indien (7 août).
  • C’est en 1851 que furent créées les réserves et que le gouvernement du Canada-Uni s’est arrogé le droit de déterminer qui pouvait bénéficier du statut d’Indien : le moins possible de personnes. 1. Perte du statut d’Indienne pour les femmes épousant un non-Indien et pour leurs enfants ; cela a duré jusqu’en ١٩٨٥. On estime que, sur ces 135 ans, cela a entraîné la non-reconnaissance du statut d’Indien pour des « centaines de milliers » d’Autochtones3. 2. Une loi de 1857 stipule que tout Amérindien instruit, de bonnes mœurs et libre de dettes pourra demander son émancipation, c’est-à-dire la perte de son statut d’Indien ; les lois de 1876 et 1884 précisent que l’épouse et les enfants d’un Indien émancipé ne sont pas reconnus comme Indiens. De 1876 à 1974, 21 000 Autochtones ont perdu leur statut par ces trois lois. 3. Par une loi de 1880, tout Indien titulaire d’un diplôme universitaire est automatiquement émancipé même s’il ne le demande pas4. 4. En 1969, le gouvernement Trudeau propose l’élimination des réserves et la suppression de toute distinction légale entre Indiens et autres Canadiens. Le tollé est tel devant ce projet d’effacement total des Premières Nations que Trudeau doit battre en retraite. 5. La lutte prend ensuite le chemin de la contestation en vertu de l’article 15 de la Charte canadienne des droits. Mais depuis 30 ans, les victoires des femmes autochtones pour conserver et transmettre leur statut d’Indiennes sont constamment partielles parce qu’interprétées le plus étroitement possible. D’où la nécessité de nouvelles poursuites : en 1989 en Colombie-Britannique et en 2009 au Québec.
  • Quant aux Métis, le fédéral s’est démené tant qu’il a pu pour leur refuser tout statut. Après plus de 100 ans d’assimilation forcée et une guérilla judiciaire qui a duré 15 ans, la Cour d’appel fédérale a finalement débouté le fédéral en avril 2014 et jugé que les Métis aussi ont le statut d’Indien. Mais cette reconnaissance n’entraîne pas d’obligation fiduciaire pour Ottawa. De plus, les Indiens non inscrits ne sont pas reconnus comme Indiens.

Je rappelle cette réalité que le Canada est un pays qui a constamment combattu sa réalité multinationale pour éviter que nous nous bercions d’illusions : notre poids démographique en déclin commence déjà à nous valoir des rebuffades, et celles-ci se feront de plus en plus nombreuses.

Le Canada, un État fédéral qui s’en va plus résolument que jamais vers un État unitaire

Prolégomènes à l’ouverture de la Constitution

  • Le Sénat. Ces dernières années, le gouvernement fédéral a cherché à le réformer unilatéralement. La Cour suprême a dû lui rappeler qu’il ne peut le faire sans l’aval unanime des Provinces. Or, le Québec est dans le chemin. Le premier ministre conservateur a donc décidé de ne plus nommer de sénateurs (25 juillet).
  • Mais le plus intéressant est certainement la position du NPD. Celle-ci montre que la réforme du Sénat n’est pas une simple toquade conservatrice : elle révèle le rapport de totale domination auquel rêve désormais Ottawa dans son rapport avec Québec. Tom Mulcair a en effet déjà bien averti son ancien collègue Philippe Couillard que notre province serait très malvenue de chercher à troquer la satisfaction de quelque revendication que ce soit contre l’abolition du Sénat. Le Québec devra abdiquer sans condition, a prévenu le député torontois Craig Scott (6 juin ; aussi 11 juin ; et X. Hubert Rioux, 24 juillet).

Fiscalité. Ottawa décide unilatéralement de baisser les impôts et d’augmenter le plafond des contributions au CELI. Disposant de moins de ressources fiscales, il diminue tout aussi unilatéralement ses paiements de péréquation et ses transferts aux provinces. Les conséquences sont multiples : trous profonds dans les budgets provinciaux, et harmonisation quasi inévitable. Ainsi, le gouvernement Couillard a annoncé qu’il montait lui aussi le plafond des CELI (18 juin, à partir d’une étude produite par l’IREC ; 19 juin). L’État québécois se prive ainsi de moyens pour agir dans notre intérêt collectif.

Justice criminelle. Le droit criminel est une compétence fédérale exclusive, c’est entendu. Mais criminaliser un nombre toujours plus grand d’infractions, comme le fait l’État fédéral depuis une dizaine d’années, n’est pas sans incidence sur les pouvoirs des provinces ni sur leurs finances publiques. Par exemple, criminaliser la délinquance juvénile, c’est la faire tomber sous juridiction fédérale, tandis que la traiter comme un problème social, c’est la laisser sous compétence des services sociaux provinciaux. Autre exemple, augmenter le nombre d’infractions criminelles et la durée des peines signifie accroître la population carcérale y compris dans les prisons provinciales… sans que le budget suive. Rien qu’entre 2012 et 2014, la population carcérale du Québec a augmenté de 11 % (22 août). Encore un exemple : il a fallu que le Québec aille devant les tribunaux pour faire valoir son droit d’accès aux données du registre fédéral, aboli, de manière à pouvoir créer le sien (22 août). L’État fédéral, dans ses champs de compétence, agit absolument seul sans considération pour l’impact probable pour les provinces.

Agriculture. Selon la Constitution, l’agriculture est une compétence partagée. Sans aucune volonté de concertation, Ottawa traite la gestion de l’offre dans le cadre des négociations du Partenariat transpacifique comme s’il avait compétence exclusive. Après les fromagers québécois dont les intérêts ont été troqués contre ceux des producteurs de bœuf de l’Ouest dans l’entente de libre-échange avec l’Union européenne, c’est au tour des producteurs de lait, d’œufs et de volaille d’être inquiets. Car cette fois encore, ce sont les producteurs de bœufs et de céréales de l’Ouest qu’Ottawa est décidé à protéger en priorité. À noter que 42 % des recettes agricoles du Québec proviennent des secteurs sous gestion de l’offre (Marcel Groleau et Bruno Letendre, 17 juillet ; aussi http ://ici.radio-canada.ca/nouvelles/politique/2015/07/29/005-partenariat-transpacifique-campagne-electorale-ottawa-elections-partis.shtml)

Enfance. La protection de l’enfance est une compétence provinciale exclusive. Mais le Québec des Couillard et Coiteux s’en occupe de plus en plus mal. Cela ouvre toute grande la porte à l’intervention fédérale.

  • Les compressions budgétaires provinciales ont entraîné très rapidement une hausse des signalements à la DPJ (16 juin). Tout pour légitimer le candidat libéral dans Notre-Dame-de-Grâce-Westmount, Marc Garneau, de vouloir créer un Commissariat fédéral à l’enfance et à l’adolescence (3 août).
  • Le NPD pour sa part veut créer un programme fédéral de services de garde. S’il gagne l’élection, il aura la partie d’autant plus facile que le gouvernement Couillard a coupé 74 millions dans les garderies (20 juin). On peut gager que les libéraux provinciaux ne s’opposeront pas à l’intrusion fédérale dans ce domaine.

Municipalités. Le programme du NPD prévoit la création d’un ministère fédéral des municipalités. Or, les municipalités sont une compétence provinciale exclusive. L’Assemblée nationale l’a rappelé récemment à l’unanimité.

Logement social. Voilà une autre compétence provinciale exclusive que veut investir le NPD (28 juin).

Santé et infrastructures. Le gouvernement fédéral a refusé net les demandes des provinces pour une bonification des transferts en santé et dans les infrastructures (13 et 15 juillet). C’est très bien, car il s’agit là de compétences provinciales exclusives. Mais alors, l’État fédéral doit céder des points d’impôt. Autrement, il étouffe les provinces et se donne les moyens d’imposer unilatéralement les conditions de sa contribution.

Valeurs mobilières. De nouveau, Québec est forcé de s’adresser aux tribunaux, cette fois pour faire tester la validité constitutionnelle du projet fédéral de créer un organisme pancanadien de réglementation des marchés de capitaux (8 juillet). Il est si rare que le gouvernement Couillard réagisse aux empiétements fédéraux qu’un ambassadeur du fédéral a été envoyé à Québec pour lui faire entendre raison (١٩ août) !

Itinérance. Ottawa n’accepte pas que son programme « Logement d’abord » soit jugé par tous les experts québécois nettement insuffisant et trop simpliste pour venir à bout d’un phénomène aussi complexe que l’itinérance. Ottawa impose son programme ou sinon, pas d’argent, et ce dans un domaine de compétence provinciale exclusive (Étienne Boudou-Laforce, 14 juillet).

L’action des groupes de pression. Dans le processus qui conduit à toujours plus de centralisation fédérale en santé, il ne faut pas négliger l’action des associations « nationales » (pancanadiennes). Déjà en ١٩١٧, l’Association médicale canadienne réclamait la création d’un ministère fédéral de la Santé, une compétence pourtant clairement provinciale.

  • Des parents commencent à réclamer que le fédéral élabore une « stratégie nationale » contre l’autisme sous le prétexte qu’on note des différences entre les programmes des provinces. (10 août).
  • L’Institut de recherche en politiques publiques, du moins par la directrice de recherche de l’un de ses programmes, souhaite une « stratégie nationale » pour les travailleurs proches aidants (3 juillet).
  • L’Union des consommateurs souhaite que le Québec se joigne à un éventuel régime public canadien d’assurance-médicaments (15 juillet).
Gouvernement Couillard : les pouvoirs du Québec, nos fonds publics et notre histoire livrés sur un plateau

Port de Québec. Le gouvernement Couillard a décidé de ne pas tenir de BAPE sur le projet d’agrandissement du port. L’État québécois renonce ainsi volontairement à son pouvoir de décision. Il se contentera plutôt d’un simple statut d’intervenant dans le processus conduit par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. C’est le ministre Heurtel lui-même qui l’a dit (12 et 13 août).

  • Selon Jean-Marie Desgagné et Michel Leclerc, la rénovation des ports fédéraux à l’aide des fonds provinciaux a plutôt l’air d’un cadeau de 9 milliards $ donné à Ottawa (5 juillet) [5 milliards d’investissements publics et 4 milliards espérés de fonds privés].
  • Ainsi du port de Cacouna. Celui-ci est devenu très encombrant depuis que les bélugas sont dignes de considération, car on ne peut plus faire grand développement portuaire par-là et c’est heureux. Du coup, Québec a laissé entendre qu’il pourrait l’acheter même si le ministre délégué aux transports, Jean d’Amour, a été bien incapable de dire ce qu’il en ferait (2 juillet).
  • Ainsi également du port de Montréal. Le fédéral a promis seulement 44 millions $ pour accroître la capacité de ce port qui lui appartient, alors que le projet nécessite des investissements de 130 millions $ ; le reste sera payé en partie par Québec. En outre, Ottawa n’a pas confirmé qu’il paierait pour la réfection du quai et de la jetée qui en ont besoin (30 juin).

Pétrole. L’entente intervenue au Conseil de la fédération canadienne signe la victoire de l’industrie pétrolière, selon Bernard Descôteaux (21 juillet). Philippe Couillard a donné son adhésion à la stratégie canadienne de l’énergie et à « l’objectif commun voulant que le Canada soit reconnu comme un chef de file mondial de la production, de l’approvisionnement et du transport » du pétrole, dixit l’entente. Le Québec est livré sans même rien réclamer (Samuel Pagé-Plouffe, 20 juillet). Le forage et les levées sismiques prévues par TransCanada vont même commencer avant les travaux du BAPE (17 juillet). Dans le projet de Chaleurs Terminal, il n’y aura carrément pas de BAPE ; belle occasion ratée de s’associer aux Micmacs, aux Innus et aux Malécites, qui s’adressent désormais aux tribunaux pour faire protéger le Saint-Laurent (7 et 9 juillet).

Pétrole. Le gouvernement Couillard a déposé au début de juillet un projet de loi qui, s’il est adopté, concrétisera la « gestion conjointe » du pétrole québécois avec le gouvernement fédéral (9 juillet). Or, les ressources naturelles sont une compétence exclusive des provinces. De plus, on en revient à la question des frontières : contrairement à tous ses prédécesseurs, Couillard est en train d’accepter que l’État fédéral ait un mot à dire sur le territoire québécois dans le golfe du Saint-Laurent.

Assurance-emploi. Le gouvernement Couillard a complètement écarté toute revendication auprès du fédéral pour améliorer ce programme que l’Institut de recherche sur les politiques publiques, un groupe de réflexion (think tank) canadien, a décrit récemment comme discriminatoire, confus et le plus complexe de tous les pays développés (23 juillet).

Enseignement de l’histoire. Le premier ministre Couillard veut que nos jeunes apprennent davantage « notre » histoire, à savoir celle du Canada, qui contient « de si beaux moments » (13 juin).

L’« effet libéral » dans l’économie québécoise

Certes, le manque de tonus de notre économie est loin de dépendre seulement de l’action du gouvernement du Québec. Tout de même, puisque les Libéraux s’estiment si compétents en ce domaine, il vaut la peine d’aller voir de plus près.

Les chiffres parlent. L’Institut de la statistique du Québec note un recul de 0,4 % du PIB du Québec en avril, contre 0.1 % à l’échelle canadienne (19 juillet). Statistique Canada note la création de 21 700 emplois au Québec en juillet, dont 18 000 cependant, soit 83 %, ne sont qu’à temps partiel. C’est le meilleur mois depuis longtemps, précise l’agence fédérale. Et pourtant, il ne compense pas la perte de 33 000 emplois essentiellement à temps partiel en juin (11 juillet ; 8 août).

Les experts se prononcent. L’économie du Québec est « vulnérable » juge l’agence torontoise DBRS : « L’équilibre budgétaire arrive cette année et le poids de la dette “semble avoir atteint son sommet”, mais cela ne signifie pas que le Québec serait particulièrement bien pourvu face à une nouvelle crise économique » (2 juillet).

Les experts se prononcent. L’éphémère crédit d’impôt LogiRenov instauré et aboli par le gouvernement Couillard n’a pas eu l’effet escompté selon Robert Sawyer, président et chef de la direction de Rona. Pour expliquer le fait, il relève que l’économie québécoise tarde à reprendre du poil de la bête (12 août).

Les experts se prononcent. Ce diagnostic posé par Robert Sawyer est confirmé par la Société canadienne d’hypothèque et de logement, qui note la faiblesse de l’activité économique au Québec. C’est même la raison pour laquelle, elle évalue faible le risque de surévaluation immobilière ici, contrairement à d’autres régions du Canada (14 août).

Les experts se prononcent. Dans le même sens, le Mouvement Desjardins a affirmé qu’il lui faudrait peut-être revoir à la baisse sa prévision du taux de croissance au Québec, en le ramenant à 1,5 % pour l’année 2015 (30 juillet). « La hausse de ١١,٨ ٪ des exportations en juin devra être suivie d’autres gains mensuels afin de dissiper les doutes concernant la contribution du commerce extérieur à la croissance économique du Québec », a ajouté l’économiste Hélène Bégin (20 août).

Les experts se prononcent. Dans le magazine L’Actualité du mois d’août, l’économiste réputé Pierre Fortin explique que l’obsession du gouvernement pour l’austérité ne correspond à aucune urgence de nature économique et que, loin d’améliorer les choses, elle risque plutôt d’entraîner des effets négatifs sur la croissance de notre économie. Gérard Filion a interrogé Pierre Fortin à ce propos : http ://ici.radio-canada.ca/audio-video/media-7330271/la-croissance-en-danger-au-quebec (18 août).

Mines. Trois compagnies minières devant 41 millions $ au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles ont fait faillite avant de verser la garantie financière exigée pour le fonds de remise en état des sites miniers. La loi québécoise permet en effet aux compagnies de verser leur garantie jusqu’à deux ans après avoir commencé leurs activités, contrairement aux lois terre-neuvienne et manitobaine correspondantes, qui exigent la totalité de la somme avant le début des travaux. Après 12 ans de gestion libérale quasi ininterrompue, le MERN a inscrit 1,152 milliard $ au volet « minier » du passif environnemental du Québec (13 août). Ce sont les Québécois qui devront payer les dégâts des minières.

Mines. Depuis l’élection de Jean Charest en 2003, les compagnies minières ont extrait pour 44 milliards $ de valeur brute. Et le Québec n’a retiré que 540 millions en recettes fiscales de l’industrie minière. Même en ajoutant 1,2 milliard au titre de l’impôt sur le revenu des travailleurs, on arrive à seulement 1,7 milliard $ de revenus nets pour Québec en 12 ans (23 juillet).

Mines. Québec n’a pas encore trouvé d’entreprises pour exploiter la Mine Arnaud sur la Côte-Nord, pourtant le projet phare (et très controversé) du Plan Nord (8 juillet). D’ailleurs, les investissements miniers ont diminué déjà en 2014, particulièrement dans cette région (23 juillet).

Stratégie maritime. Le gouvernement Couillard espère que le privé participera à sa stratégie maritime, mais il n’a pu confirmer aucune annonce au moment de la dévoiler (30 juin).

Forêts. La crise forestière sur la Côte-Nord montre que le gouvernement Couillard n’est pas à la hauteur des attentes des régions pour lesquelles la forêt est une activité économique capitale ; même la cellule de crise créée dans l’urgence n’a réussi à apaiser ni les entrepreneurs ni les travailleurs qui se sentent floués par la méthode de calcul utilisée par le gouvernement pour déterminer les coûts réels d’approvisionnement en bois et la valeur de la fibre contaminée. Sans doute les entrepreneurs cherchent-ils à tirer le maximum de leurs négociations avec Québec (22 août). Ces dernières années, sous la gouverne libérale, le secteur forestier a perdu 30 000 emplois (23 juin, 5 et 18 juillet, 19 août).

Aluminium. En fait, la seule région que le gouvernement libéral chérit un peu, c’est le Saguenay-Lac-Saint-Jean, où se trouve la circonscription du premier ministre. La stratégie de l’aluminium annoncée dans le dernier budget vise essentiellement cette région (19 juin). Du coup, la Conférence régionale des élus du coin, du temps où elle existait, a refusé d’adhérer au grand mouvement citoyen « Touche pas à ma région ». Malgré tout, l’emploi en arrache là aussi : en juillet, la cartonnerie Graphic Packaging y a fermé ses portes sans préavis (15 juillet).

Hydro-Québec. Notre entreprise publique a un mandat de soutien à l’économie régionale et locale. Or, le gouvernement Couillard est prêt à accepter la décision d’HQ de lancer un appel d’offres à l’étranger pour des pylônes que nous pouvons parfaitement fabriquer ici. Les coûts directs seraient trop élevés au Québec, soutient la société d’État, qui ne tient pas compte de l’emploi créé et de l’expertise développée en faisant appel à des manufacturiers québécois (26 juillet et 7 août).

Aéronautique. CAE va retrancher 350 emplois d’ici un an, principalement à Montréal (13 août).

Chantier naval. Le fédéral a donné une commande de 16 millions $ au chantier naval Davie, une annonce faite à la veille des élections (8 juillet). Les libéraux, pratiquement toujours au pouvoir à Québec depuis 2003, n’ont durant tout ce temps jamais obtenu pour nos chantiers navals une part équitable des contrats fédéraux. Rappelons que, seulement en 2011, des contrats totalisant plus de 30 milliards $ ont été octroyés à d’autres chantiers au Canada sans que Chantier Davie soit considéré.

Transports. Dans un article percutant, Réal Pelletier fait remarquer que les seuls développements commerciaux réellement profitables prévus dans la stratégie maritime libérale se feront vers Vaudreuil-Soulanges, dans une partie du Québec fortement anglophone et libérale. Cela s’ajoute aux décisions concernant le transport urbain, qui se développe essentiellement à l’ouest de Montréal (٦ juillet). Le train de l’ouest, dont le principal lobbyiste est l’ancien ministre libéral Clifford Lincoln est une promesse que les Libéraux ont bien l’intention de tenir. Les développements du métro à Laval passent avant le prolongement de la ligne bleue dans l’est de la ville, tandis qu’il n’y a toujours rien pour celui de la ligne jaune sur la Rive-Sud.

Industries culturelles et tourisme. Les régions sont très affectées par la disparition des conférences régionales des élus, le déclin voire la fin du soutien financier aux festivals, ainsi que par la baisse des investissements du ministère du Tourisme (18 juin et 5 juillet). La SODEC devait couper jusqu’à 12 % de l’aide accordée à des gros festivals, mais finalement, les compressions ont été moins drastiques que prévu (10 et 12 juillet). Par ailleurs, les coupes de 2,5 millions $ au Conseil des arts et des lettres du Québec (30 juin), les compressions dans les conseils régionaux de la culture, le transfert des responsabilités des conférences régionales des élus aux municipalités régionales de comtés entraînent un manque à gagner considérable pour toutes les régions. Dans la seule Montérégie, près de 2 millions $ disparaîtront de l’économie régionale d’ici 2017 (8 juillet).

L’éventrement de l’État québécois

Asphyxier la Fête nationale. Des compressions de 20 % sont décrétées pour 2016 (16 juin).

Attaquer notre mémoire et notre histoire. Bibliothèque et Archives nationales du Québec subit des compressions de 5 millions $, d’où la disparition de dizaines de postes (25 juin et 23 juillet).

Refuser d’exercer le pouvoir de l’État. Le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection est tellement insuffisant que, dans une fronde sans précédent, près de 300 municipalités réclament que l’État québécois cède moins aux intérêts des compagnies d’hydrocarbures (toutes sont proches du PLQ) (11 août).

Fermer les centres de documentation des ministères. En raison des compressions, plusieurs sont contraints de fermer leurs portes, tel celui du ministère de la Santé et des Services sociaux. Depuis la première élection d’un gouvernement libéral, en 2003, 17 centres de documentation des ministères québécois ont cessé leurs activités (16 août).

Remettre aux calendes grecques la construction de l’édifice de Revenu Québec dans l’îlot Voyageur (9 juillet). D’ailleurs, il a été suggéré par Françoise Bertrand, PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec, que le gouvernement québécois renonce à percevoir son propre impôt et demande plutôt à l’Agence de revenu du Canada de le faire à sa place… (Journal de Montréal, 1er juin). À surveiller.

Saccager le système de santé et de services sociaux pour favoriser sa privatisation.

  • Médecine familiale. Défenseurs et adversaires du système public sont d’accord au moins sur un point : le gouvernement Couillard est en train de mettre en place les mesures destinées à la privatisation de la médecine familiale sur un horizon de dix ans. Il le fait par le projet de loi 20, par les compressions, et en normalisant l’imposition de frais accessoires (17 juin). Tout ceci pousse hors du réseau public un nombre de plus en plus significatif de médecins et d’infirmières (2 et 21 juillet ; 2 août). Selon le Conseil des Canadiens, avec la Colombie-Britannique, le Québec est actuellement le champion de la privatisation en santé (13 juillet).
  • Spécialistes. Les contraintes prévues à l’origine dans le projet de loi 20 seront allégées. Les spécialistes ne seront pas obligés de répondre dans un délai rapide à une demande de consultation à l’urgence, et ils ne seront pas obligés de servir les patients dans un délai de six mois (19 juin).
  • Services sociaux. On pourrait multiplier les exemples. Quand il faut attendre quatre ans des services publics pour son enfant autiste, tout parent est prêt à beaucoup de sacrifices pour obtenir des services rapides au privé (7 juillet).

Désarticuler le système scolaire public. Le ministre François Blais en entrevue au Devoir, le 22 août. Il dit : 1. le Québec n’a pas les moyens de couper les subventions aux écoles privées, car « on n’a pas d’argent pour accueillir cette clientèle-là » à savoir les écoliers que les parents n’auraient plus les moyens d’envoyer dans des écoles moins, ou pas du tout, subventionnées. Je rappelle que certaines écoles privées subventionnées sont en fait des écoles très religieuses qui se fichent éperdument des exigences du Programme de formation à l’école québécoise ainsi que des exigences du ministère pour l’embauche des enseignants. 2. Le ministre veut « décentraliser la gestion des effectifs et des ressources ». La suite du cahier spécial du Devoir montre que : les personnels autres que les enseignants (professionnels, soutiens, cadres) sont en forte baisse et leurs services aussi, forcément. Même les bénévoles à l’aide aux devoirs sont remerciés, par souci d’économiser le salaire de l’employé chargé de fermer les lumières et les portes à la fin de la période d’étude. (Cette info m’a été communiquée de vive voix à Trois-Rivières). Le transport scolaire diminue. Il n’y aura donc bientôt plus grand-chose à décentraliser comme effectifs et comme ressources ! 3. Des coupes sombres affectent les cégeps et les universités.

Réduire la capacité de l’Observatoire de la culture et des communications du Québec en lui imposant des compressions de près de 500 000 $. L’Observatoire est une branche de l’Institut de la statistique du Québec fondé en 2000 sous un gouvernement du Parti Québécois. Il a comme mission « de regrouper en un seul guichet des données fiables et récurrentes pour les secteurs de la culture et des communications ». Il est réputé au niveau international pour l’excellence de son expertise en statistiques culturelles (Claude Martin et Serge Bernier, 10 juillet).

Continuer à laisser planer l’idée de privatiser la Société des alcools (La Presse, 8 juillet).

Laisser la Caisse de dépôt se placer dans une position potentiellement ruineuse. Selon Pierre Gouin, économiste et gestionnaire de fonds à la Caisse de dépôt et placement jusqu’en 2009, la Caisse est en train de se placer en position difficile en recherchant trop systématiquement des rendements de plus de 10 %, ce qui la conduit à investir dans des secteurs fortement spéculatifs. Or, à la différence des grandes institutions financières, qui jouent avec l’argent des autres et peuvent même se faire renflouer par les États comme on l’a vu en 2008, c’est notre argent que risque la Caisse (24 juillet).

Et… faire servir ce qui reste de l’État aux libéraux et à leurs amis.

  • La procréation assistée. Le ministre de la Santé a décidé d’imposer des restrictions draconiennes à ce programme public. Or, comme par hasard, l’empire Desmarais est aux premières loges pour profiter de la privatisation. Aux États-Unis, une des compagnies de cet empire, IntegraMed, offre en effet aux couples infertiles des prêts pour qu’ils puissent payer les programmes privés de procréation assistée ; elle les dirige aussi vers le réseau de cliniques qui appartient à son réseau Attain Fertility. C’est ce modèle que Desmarais cherche à implanter au Québec (4 août et 22 août).
  • Même si les enseignants et de nombreux experts concluent à l’échec pédagogique des tableaux interactifs, le premier ministre Couillard continue à vouloir en équiper toutes les salles de classe du Québec. Il faut dire que la compagnie qui fabrique les TBI dispose d’un lobbyiste, Martin Daraîche, qui a été membre du cabinet de Jean Charest (15 juillet).
  • WSP, anciennement Genivar, empoche le contrat de 200 000 $ pour le pétrole d’Anticosti après avoir assez grassement contribué au financement du PLQ (8 mai).
  • Les anciennes ministres Lisa Frulla et Françoise Gauthier ont été placées, l’une à la tête de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie (١٥ juillet) et l’autre, à celle de la Commission québécoise des libérations conditionnelles (23 août).
  • Nicolas Girard a été dégommé de l’AMT et remplacé par Paul Côté (19 août) ; Côté était le bras droit de Joël Gauthier, ancien président du PLQ chez qui l’UPAC est allé perquisitionner grâce à Nicolas Girard.
  • On attend de voir quel libéral sera placé au poste de président du conseil d’administration de la Société des alcools du Québec en remplacement de Sylvain Simard, qui vient d’être éjecté deux ans et demi avant la fin de son mandat (20 août).

(à suivre)

1 À moins d’indication contraire, toutes les dates font référence à l’édition du jour du journal Le Devoir (format papier).

2 Gordon O. Rothney, « Arthur R. M. Lower, Colony to Nation », Revue d’histoire de l’Amérique française, 1, 1, 1947, 143-147.

3 Wendy Moss et Elaine Gardner-O’Toole, Les Autochtones : historique des lois discriminatoires à leur endroit, Gouvernement fédéral, Division du droit et du gouvernement, Novembre 1987, révisé en novembre 1991, http ://publications.gc.ca/Collection-R/LoPBdP/BP/bp175-f.htm

4 Élections Canada, L’histoire du vote au Canada, Ottawa, Groupe Communication Canada 1997, 115 p. ; Valérie Knowles, Les artisans de notre patrimoine. La citoyenneté et l’immigration au Canada de 1900 à 1977, Citoyenneté et immigration Canada, 1977.

 

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