Le douloureux bilan des élections du 8 décembre 2008

Électeurs désabusés et partis en mal de légitimité

Les élections du 8 décembre ont évidemment fait des heureux, notamment les partis qui se sont partagé les restes de l’Action démocratique du Québec (ADQ), et Québec solidaire (QS), qui s’est frayé un chemin dans notre sanctuaire démocratique. Malgré toute l’attention médiatique accordée à ce rebrassage des cartes, le système de partis québécois se trouve dans une profonde crise de légitimité. Les gagnants n’ont jamais été aussi faibles, et le gouvernement, jamais aussi mal en point. L’énormité de l’abstentionnisme n’est ni bonne ni mauvaise, mais elle témoigne de la faible adéquation entre les aspirations populaires et l’offre de l’ensemble des partis. À la décharge de ceux-ci et des abstentionnistes, il faut ajouter que cette offre est présentée par des médias qui appuient ouvertement certaines options politiques et socio-économiques et qui étouffent aussi discrètement que sûrement l’acheminement du message des formations politiques les plus dynamiques en direction des électeurs.

Comme en 2007, les élections de 2008 ont vu les non-francophones exercer une influence considérable dans l’élection du Parti libéral du Québec (PLQ), dans la constitution du gouvernement et dans l’obtention des ministères les plus importants. Sur l’île de Montréal et à Laval, l’impact est saisissant : très peu de changements d’allégeance partisane, et une dynamique électorale entièrement tournée vers les régions où s’exerce une véritable compétition entre les partis. Montréal et ses problèmes complexes reliés à l’immigration et au développement économique, l’Outaouais et l’emprise économique ontarienne de plus en plus prononcée sur son territoire – et l’anglicisation qui vient avec – sont structurellement délaissés par les partis.

L’état des choses : recul de tous les partis de 2007 à 2008

Au premier coup d’œil, le Parti libéral du Québec (PLQ) et le Parti québécois (PQ) ont été les grands gagnants des élections provinciales du 8 décembre 2008. Jean Charest, chef du PLQ, a réussi à décrocher un gouvernement majoritaire et à améliorer les résultats du parti par rapport aux élections du 26 mars 2007, autant en termes de part du vote exprimé que de part des 125 sièges disponibles. Pauline Marois a pour sa part réussi à obtenir le statut d’opposition officielle avec tous les avantages reliés à ce statut, grâce à une performance apparemment supérieure à celle de son prédécesseur, André Boisclair. Grâce à cette performance imprévue, on l’a immédiatement déclarée bien en selle à la barre du parti, du moins jusqu’aux prochaines élections.

L’un et l’autre se sont d’autre part partagé la dépouille de l’Action démocratique du Québec (ADQ) de Mario Dumont. Par rapport à 2007, les résultats de l’ADQ indiquent une forte régression, tant en termes de sièges que de vote populaire. Enfin, Québec solidaire (QS) améliore aussi ses positions à l’issue du scrutin grâce à l’élection du candidat Amir Khadir dans la circonscription de Mercier.

Le portrait réel est cependant plus nuancé. En vertu d’un taux de participation extrêmement bas, 57,3 % – le plus bas de l’histoire électorale contemporaine du Québec – et d’une légère augmentation du nombre d’inscrits (+1,92 %), ce sont en réalité tous les partis qui ont connu des reculs de 2007 à 2008 (tableau 1).

Tableau 1 : Résultats comparés des élections provinciales
du 26 mars 2007 et du 8 décembre 2008, Total Québec

 

PLQ

PQ

ADQ

QS

Inscrits

Abstention

Sièges remportés (en nombres absolus)

2007

48

36

41

0

2008

66

51

7

1

Variation
2007-2008

+18

+15

-34

+1

Sièges remportés (en % du total des 125)

2007

38%

29%

33%

0%

2008

53%

41%

6%

1%

Variation
2007-2008

+14%

+12%

-27%

1%

Votes obtenus (en nombres absolus)

2007

1 313 664

1 125 546

1 224 412

144 418

5 630 567

1 619 876

2008

1 362 801

1 139 185

529 925

123 061

5 738 811

2 448 612

Variation
2008-2007

+49 137

+13 639

-694 487

-21 357

+108 244

+828 736

Variation
2008-2007

+3,7%

+1,2%

-56,7%

-14,8%

+1,9%

+51,2%

Vote en % des votes valides

2007

33,1%

28,3%

30,8%

3,6%

2008

42,1%

35,2%

16,4%

3,1%

Variation 2007-2008

+9,0%

+6,8%

-14,5%

-0,5%

Vote en % des inscrits

En 2007

23,3%

20,0%

21,7%

2,6%

28,8%

En 2008

23,7%

19,9%

9,2%

2,1%

42,7%

Variation 2007-2008

+0,4%

-0,1%

-12,5%

-0,4%

+1,92%

+13,9%

Source : DGEQ, Résultats officiels du scrutin, sauf pour Shefford, toujours en recomptage judiciaire au 12 décembre 2008.

Le PLQ : performance chétive, gouvernement de faible légitimité

De 2007 à 2008, le PLQ a effectivement connu une augmentation du nombre de ses députés (de 48 à 66), disposant dorénavant une majorité de sièges (53 %) à l’Assemblée nationale. Cette majorité si mince soit-elle n’est pas insignifiante puisqu’elle confère à M. Charest la prérogative de former un gouvernement majoritaire pour les quatre prochaines années.

La majorité de sièges récoltée par le PLQ n’a cependant pas été appuyée par une majorité aux voix. En fonction des votes valides, le PLQ a remporté 42,1 % du total, en augmentation de 9,0 % par rapport à 2007. Ce pourcentage reste encore loin de la majorité absolue de 50 % +1. La majorité de sièges des libéraux est donc une pure création du mode de scrutin, lequel a converti une minorité aux voix en une majorité aux sièges.

Malgré ce rebrassage majeur des votes entre les partis, les libéraux n’ont pu faire mieux que d’augmenter leurs votes de 49 137. Compte tenu de l’augmentation du nombre d’électeurs inscrits (+108 244 électeurs), compte tenu de l’effondrement de l’ADQ, cette augmentation des voix de 2007 à 2008 est extrêmement très faible (0,4 %) si l’on s’en reporte au calcul du vote libéral en fonction des électeurs inscrits. Les appuis du PLQ passent de 23,3 % en 2007 à 23,7 % en 2008. Ces pourcentages signifient également que moins du quart de l’électorat a appuyé les libéraux en 2008. Tout au moins depuis 1960, les libéraux n’ont jamais été aussi faibles qu’en 2007 et en 2008. La même chose vaut pour le gouvernement lui-même : depuis le début de la Révolution tranquille, aucun gouvernement n’a été formé d’un parti aussi faible dans l’ensemble de l’électorat.

Sur le plan régional, la députation du PLQ dispose d’une bonne majorité des élus de l’Île de Montréal (20 sièges sur 28), de Laval et de l’Outaouais (5 sièges sur 5 chacune), ainsi que d’une majorité des élus de la rive sud du Saint-Laurent, allant de l’Estrie à la Gaspésie, en passant par Chaudière-Appalaches, Québec et le Bas-Saint-Laurent (70 %, 16 sur 23). Le sud du Québec compte donc une écrasante majorité des sièges libéraux; avec 49 sièges, l’Ouest et l’Est de l’Île de Montréal, Laval, la Montérégie, l’Outaouais et l’Estrie ainsi que la Capitale nationale ont près des trois quarts des 66 élus libéraux (74 %). Les 17 sièges restants, qui forment environ le quart des élus libéraux (26 %), sont situés dans des régions comptant près de 40 % des sièges du Québec (49/125). La sous-représentation de ces régions, notamment les régions ressources, englobant l’Abitibi-Témiscamingue, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la Côte-Nord, le Bas-Saint-Laurent, le Centre-du-Québec, la Mauricie, les Laurentides et Lanaudière, sera marquante dans l’ensemble de la députation libérale.

Si le PLQ a su augmenter ses appuis de 49 137 électeurs, il est malgré cela un groupe de 43 circonscriptions où le parti a plutôt vu ses appuis diminuer de 2007 à 2008. Dans l’ensemble de ces circonscriptions, le PLQ a reculé de 71 170 voix, soit une moyenne de -1 655 voix. Pour la quasi-totalité d’entre elles (42 sur 43), les reculs se sont produits dans des circonscriptions qui n’ont pas enregistré de changement d’allégeance partisane. Dans les 82 autres circonscriptions, le PLQ a augmenté sa part du vote de 120 317 voix (ce qui donne des augmentations de 1 467 voix en moyenne). Les gains ont été plus faibles dans les sièges libéraux et péquistes qui n’ont pas changé de mains en 2008 (respectivement 915 voix et 1 039 voix en moyenne), mais plus élevés dans les circonscriptions adéquistes et péquistes en 2007 passées au PLQ en 2008 (respectivement 2 039 voix et 1 552 voix en moyenne), dans celles de l’ADQ passées au PQ (1 878 voix) ou celles demeurées adéquistes (1 772 voix en moyenne).

Le PQ : une performance à peine équivalente à 2007

Comme le PLQ, le PQ a aussi amélioré sa position en Chambre. Obtenant le statut d’opposition officielle, le PQ a augmenté son nombre de sièges de 36 à 51, soit 15 de plus qu’en 2007. Dorénavant, le PQ représente la majorité des sièges de Lanaudière, des Laurentides, de la Montérégie, de l’Est de Montréal, de l’Abitibi-Témiscamingue, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord (41 sièges sur 51, soit 80 %).

Aux voix, cependant, le PQ n’a augmenté le nombre de ses partisans que de 13 639. L’augmentation est microscopique. Apparemment, c’est-à-dire en référant à la proportion des votes valides, la campagne de 2008 s’est soldée par une amélioration des positions du parti dans l’électorat et par une performance honorable de sa chef : la part obtenue par les péquistes est passée de 28,3 % à 35,2 %, soit 6,8 % de plus. Et comme pour le PLQ, la magie du mode de scrutin majoritaire a encore frappé : 35,2 % des votes valides se sont métamorphosés en un 41 % des sièges. Comme le PLQ, le PQ a aussi bénéficié de la main invisible qui procède à la répartition de sièges. Ce sont l’ADQ et les tiers partis qui ont d’abord souffert de sous-représentation : l’écart entre les voix et les sièges est de 16,3 %, partagés entre le PLQ (+10,7 %) et le PQ (+5,6 %).

Cependant, la réalité se situe bien en-deçà des commentaires triomphalistes qui ont fusé à la tombée des résultats. Par rapport aux inscrits, le parti a plutôt reculé de 0,1 % pour se situer dorénavant sous la barre des 20 %. Pas plus que le PLQ, le PQ n’a réussi à canaliser vers ses filets les 700 000 électeurs dépités de l’ADQ. L’un et l’autre s’en sont grosso modo tenus aux électeurs qu’ils représentaient déjà en 2007. L’un et l’autre ne sont même pas revenus à leur niveau d’appui de 2003. Pour le PQ, en nombre absolus, il faut retourner à 1973 pour trouver une performance inférieure à celles de 2007 et de 2008, tandis que pour le PLQ, il faut retourner à 1976, au moment de la dramatique scission d’origine linguistique qui déchirait le parti, ou aux élections de 1970 ou celles des années soixante pour trouver moins d’électeurs les appuyant. Mais l’électorat comptait alors presque deux millions et demi moins d’électeurs !

Par rapport au PLQ, l’augmentation des partisans du PQ a donc été un peu plus modeste. La moitié des circonscriptions ont vu le PQ régresser (62 sièges enregistrant des pertes de 43 764 voix, soit -706 voix en moyenne) tandis que l’autre moitié l’a vu progresser (62 sièges et 57 403 voix d’ajoutées, 911 en moyenne). Par région, le PQ a globalement progressé dans les banlieues montréalaises (le 450) et la Mauricie, mais a régressé partout ailleurs, plus particulièrement dans l’Est de Montréal, sur la Côte-Nord et dans Chaudière-Appalaches (des reculs moyens respectifs de 789, 1 096 et 759 voix). Les pertes ont été particulièrement sévères dans les circonscriptions perdues aux mains des libéraux ou de QS (-913 voix en moyenne dans 5 circonscriptions pour les premiers, -1 437 voix dans Mercier), et plus légères dans les circonscriptions adéquistes demeurées à l’ADQ ou remportées par le PLQ (respectivement -301 voix en moyenne dans les 7 sièges adéquistes et -170 voix en moyenne dans les 13 sièges adéquistes passés aux libéraux). Les gains se sont surtout produits dans les circonscriptions adéquistes passées aux péquistes (+998 voix en moyenne pour ces 21 sièges).

Ces régressions et progressions du PQ indiquent une évolution en trou de beigne. Alors que la structure régulière du vote péquiste s’articule depuis de l’Île de Montréal (son épicentre), puis des régions ressources, suivies des banlieues du 450 et du Québec français, la progression du PQ de 2007 à 2008 s’est plutôt effectuée dans le 450. Or ce dernier n’a jamais été reconnu pour être l’avant-garde du mouvement souverainiste. Son attachement au PQ et PLQ est plus modéré et le comportement de ses électeurs y est plus versatile. Au lieu de voir le PQ être tiré par le 514 et les régions ressources (lesquelles comptent sur l’action collective – gouvernementale – pour contrer les lacunes de l’économie de marché), comme il l’a été depuis ses débuts en 1968, les élections de décembre 2008 sont les conséquences du marketing électoral auprès des hordes de banlieusards. La segmentation de l’électorat aurait donc permis de percer dans le 450, mais elle n’a pas su raccrocher le parti à son moteur naturel qu’est le 514. Les gains enregistrés en 2008 semblent d’autant plus fragiles.

L’ADQ : des pertes de 700 000 électeurs

Pour l’ADQ, la campagne électorale de 2008 s’est soldée par une catastrophe. D’abord aux sièges : l’ADQ a reculé de 41 en 2007 à 7 sièges en 2008, soit de 33 % des sièges à 6 %. Elle a par ailleurs terminé en deuxième place à neuf reprises, à chaque fois derrière le PLQ, et cela dans d’anciennes circonscriptions adéquistes huit fois sur neuf.

Aux voix, l’ADQ a reculé de 694 487 électeurs de 2007 à 2008, une perte de 56,7 %. De 1,2 millions d’électeurs en 2007, le parti n’a plus que 529 000 électeurs en 2008. On trouve davantage d’électeurs adéquistes de 2007 qui n’ont pas appuyé le parti que d’électeurs qui ont appuyé le parti en 2008. De 30,8 % des voix exprimées en 2007, le parti est passé à 16,4 % en 2008. En proportion des inscrits, la descente est plus abrupte : le parti est passé de 21,7 % en 2007 à 9,2 % en 2008. Moins d’un électeur sur dix a appuyé l’ADQ en 2008.

Bien sûr, aux sièges, le recul de l’ADQ a nécessairement profité aux autres partis, nommément les PLQ et PQ. Le premier a augmenté de 13 le nombre de ses sièges, le second, de 21. Mais comme il l’a été montré précédemment, le recul du parti aux voix n’a profité qu’à la marge au PLQ et au PQ. En effet, là où l’ADQ détenait un siège en 2007, le recul total s’élevait à 314 427 voix (-7 669 voix en moyenne). Le PLQ y progressait modestement de 74 986 voix (+1 829 voix en moyenne) et le PQ, de 16 641 voix (+406 voix en moyenne). Dans les 84 autres circonscriptions détenues par les libéraux et les péquistes en 2007, l’ADQ se contractait de 380 060 voix en 2008, alors que le PLQ et le PQ reculaient tous deux respectivement de 25 849 et 3 002 voix. Les tiers subissaient eux aussi un recul; Québec solidaire reculait de 16 544 voix et les Verts, de 65 517 voix. Dans ces sièges où les votants étaient moins nombreux de 484 111, les abstentionnistes ont progressé à peu près d’autant, soit 533 758 électeurs. Comme l’électorat de l’ADQ était massivement francophone, il va de soi que le parti reculait davantage dans les circonscriptions détenues par le PQ (-8 436 voix en moyenne dans 21 sièges) que dans celles détenues par le PLQ (-6 929 voix en moyenne dans 13 sièges, une moyenne semblable au recul moyen – -6 740 voix – enregistré dans les sièges demeurés adéquistes en 2008). Bref, dans les 41 sièges adéquistes de 2007, les reculs de l’ADQ ont bénéficié à la marge d’abord au PLQ, tandis que dans les 84 autres sièges, l’abstentionnisme bénéficiait du recul enregistré par chacun des partis.

QS : une percée fragile malgré un recul sévère

Québec solidaire a salué avec raison l’élection de son tout premier député, Amir Khadir, dans la circonscription montréalaise de Mercier. À l’échelle nationale, QS a obtenu 3,8 % des votes valides, ce qui représentait 2,1 % des électeurs inscrits. Le parti n’a pas volé son député, mais il reste cependant toujours sous-représenté.

M. Khadir demeure par ailleurs hautement vulnérable compte tenu de ce que son élection s’est faite à la faveur d’un vote favorable de seulement 37,7 % des votants, 21,7 % des inscrits. Qui plus est, ce résultat honorable masque le fait que le parti a connu une sérieuse débandade de 2007 à 2008. Le recul s’élève en effet à 21 357 voix, soit près de 15 % d’électeurs en moins. Cela dit, les efforts électoraux de 2008 ont été beaucoup plus ciblés qu’en 2007. Si le parti a réussi à se classer deuxième une fois en 2008, soit dans Gouin, circonscription de la co-directrice du parti Françoise David, il a réussi à se classer troisième sept fois, dont six à Montréal et une à Gatineau. En 2007, QS n’a obtenu une deuxième ou une troisième place que trois fois seulement.

Du côté des Verts, les élections de 2008 ont été particulièrement difficiles par rapport à 2007. En effet, en lieu et place des 152 885 voix de 2007, le parti ne récoltait plus, après le départ controversé de son chef pour le PQ, que 70 685 voix en 2008, soit 82 200 voix en moins, équivalant à près de 54 % des voix de 2007.

L’influence du travail des organisations locales

Les résultats obtenus par le PLQ et le PQ indiquent que les décisions stratégiques prises au niveau national semblent influencer les résultats sur le terrain. En effet, lorsque les partis investissent dans certaines circonscriptions ciblées, ils en retirent des résultats positifs, soit environ 1 500 voix supplémentaires pour le PLQ, et environ 1 000 voix supplémentaires pour le PQ. À l’inverse, dans les circonscriptions délaissées, y compris celles qui leur sont déjà acquises (pensons aux reculs du PLQ dans ses propres circonscriptions – 2 144 voix en moyenne dans 28 circonscriptions – et à celui du PQ dans les siennes – 736 voix en moyenne dans 18 circonscriptions), les partis peuvent contre-performer en obtenant des résultats inférieurs d’à peu près le même ordre.

Ces voix reportées sur le total des inscrits représentent un avantage d’environ 3 à 4 % des électeurs inscrits. Toutefois, lorsque les organisations locales de tous les partis font leur travail, ces primes s’annulent et le taux d’abstention tend à baisser (il était de 6 % moindre, soit 39 % dans les 42 circonscriptions où PLQ et PQ ont progressé, contre 45 % dans les autres circonscriptions). Ce travail des organisations locales est particulièrement important lors des élections partielles, alors que la mobilisation des électeurs est plus aléatoire. La qualité du travail des organisations a alors des effets plus considérables sur les résultats.

L’influence des distorsions de la carte électorale

On comptait 22 circonscriptions dont le nombre d’inscrits s’écartait de plus ou moins 25 % de la moyenne d’inscrits des 123 circonscriptions de référence (Ungava et les Îles-de-la-Madeleine ne sont pas soumises à cette règle). Il y avait ainsi six circonscriptions en trop, une dans chacune des régions suivantes : en Gaspésie, en Abitibi-Témiscamingue, au Bas-Saint-Laurent, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, en Mauricie et dans l’Est de Montréal. Il en manquait autant en Montérégie, à Laval, dans les Laurentides, dans Lanaudière, en Outaouais et à Québec. Compte tenu des résultats réels propres à chacune de ces régions, on peut estimer à trois le nombre de circonscriptions libérales et autant de péquistes en trop dans les régions sous-représentées, et autant en manque dans les régions surreprésentées. Bref, une redistribution des sièges en fonction d’une égalité entre les régions aurait été conforme aux principes de représentation démocratique, mais elle n’aurait eu aucune incidence sur la répartition réelle des sièges.

L’hyper-abstentionnisme : le rejet des partis

Par sa hauteur démesurée, l’abstention a marqué les élections du 8 décembre. Avec 2 448 612 abstentionnistes, jamais les élections québécoises n’auront vu autant d’électeurs bouder les urnes. Par rapport à 2007, la hausse est vertigineuse : on comptait 828 736 abstentionnistes de plus, à peu près la moitié plus qu’en 2007, alors que 1 619 876 électeurs n’avaient pas voté. Avec un abstentionnisme frisant les 47 %, les taux observés dans les 48 circonscriptions détenues par le PLQ en 2007 et en 2008 étaient supérieurs de 5 % par rapport à la moyenne nationale, tandis que les circonscriptions détenues par l’ADQ en 2007, témoins de batailles plus féroces, ont suscité des taux de participation de 5 % à 6 % inférieurs à la moyenne nationale, oscillant donc aux alentours de 37,7 %.

Des taux supérieurs ont marqué les résultats dans les circonscriptions à forte composante non francophone et peu compétitives1. Dans la région métropolitaine de Montréal, les circonscriptions non compétitives présentaient des taux d’abstention supérieurs de 11,2 % par rapport aux circonscriptions compétitives; l’écart était de 7,8 % hors Montréal. Parmi les circonscriptions non compétitives, le taux d’abstention moyen était de 50,4 % sur l’Île et de 46,4 % hors Montréal.

Le caractère plus ou moins compétitif des circonscriptions

Comme c’est le cas depuis près de 40 ans, les sièges se sont distribués entre les partis d’abord en fonction de leur caractère plus ou moins francophone. Lorsqu’une circonscription est massivement non francophone, son caractère compétitif diminue d’autant, au point d’anéantir tout changement d’allégeance partisane pour la circonscription. Ces paramètres de la distribution des sièges au Québec sont permanents.

Dans le groupe des circonscriptions non compétitives, le PLQ l’emportait automatiquement, comme en témoignent ses 39 victoires sur les 39 circonscriptions du groupe (tableau 2).

Tableau 2 : Répartition des sièges selon leur caractère compétitif,
région métropolitaine de Montréal, Québec hors Montréal et
Total Québec, élections du 8 décembre 2008

Circonscriptions

PLQ

PQ

ADQ

QS

Région métropolitaine de Montréal

Non compétitives

29

0

0

0

Semi-compétitives

0

8

0

1

Compétitives

0

15

0

0

TOTAL

29

23

0

1

Québec hors Montréal

Non compétitives

10

0

0

0

Semi-compétitives

10

5

1

0

Compétitives

17

23

6

0

Total

37

28

7

0

Total Québec

Non compétitives

39

0

0

0

Semi-compétitives

10

13

1

1

Compétitives

17

38

6

0

Total

66

51

7

1

% non compétitives et semi-compétitives

74%

25%

14%

100%

Source : DGEQ, Résultats officiels du scrutin, sauf pour Shefford, toujours en recomptage judiciaire au 12 décembre 2008.

À l’opposé, dans les circonscriptions entièrement francophones, là où tous les partis étaient en mesure de s’affronter en une véritable compétition électorale, aucun vote ne pouvait être pris pour acquis par quelque parti que ce soit. En 2008, le PLQ peinait à obtenir des sièges dans cette catégorie, n’en obtenant que 17 sur les 61 du groupes, en concédant 38 au PQ et 6 à l’ADQ.

À l’échelle du Québec, 39 circonscriptions sont considérées non compétitives, 25 semi-compétitives et 61 compétitives. Aux élections de 2008, 40 circonscriptions ont changé de mains. Une seule provient du groupe des circonscriptions non compétitives, Huntingdon, qui n’a jamais élu de député péquiste et qui n’élit généralement pas d’autre député que des candidats libéraux2.

Dans le groupe des 25 circonscriptions semi-compétitives, seulement sept on connu un changement de mains de 2007 à 2008. L’une est la circonscription de Mercier, haut lieu du pluralisme idéologique au Québec, trois sont des régions ressources (Îles-de-la-Madeleine, Gaspé et Rouyn-Noranda, toutes passées aux libéraux) et trois sont situées à proximité de Montréal (Groulx, Deux-Montagnes, Saint-Jean, toutes remportées par le PQ).

Parmi les 61 circonscriptions compétitives, 32 ont changé de mains, partagées entre le PQ (18) et le PLQ (14). Du côté du PQ, la région métropolitaine de Montréal, plus précisément sa Couronne, comptait neuf de ces changements d’allégeance qui ont bénéficié au PQ. Tous étaient des gains aux dépens de l’ADQ. Neuf autres circonscriptions sont passées de l’ADQ au PQ, et toutes étaient situées dans la « Zone d’influence métropolitaine de Montréal 3».

Du côté du PLQ, six circonscriptions gagnées aux dépens de l’ADQ provenaient de la région métropolitaine de Québec. Trois autres provenaient de la zone d’influence métropolitaine de Québec. Les trois suivantes, également gagnées aux dépens de l’ADQ, provenaient de régions limitrophes de Québec, soit la Mauricie et le Centre-du Québec. Enfin, deux circonscriptions des régions ressources sont passées du PQ au PLQ.

En somme, le nombre de changements d’allégeance partisane est demeuré très peu élevé sur l’Île de Montréal, à Laval, dans l’Outaouais et dans l’Estrie. On n’y compte que deux changements seulement sur les 46 sièges du territoire (4 %). Des 38 changements d’allégeance partisane restants, 17 ont eu lieu dans le 450 (territoires qui comptaient 33 sièges), cinq seulement dans les régions ressources (territoires recouvrant 16 sièges), et 16 dans les régions de Québec, Chaudière-Appalaches, Bas-Saint-Laurent, Centre-du-Québec et Mauricie (30 sièges).

Très peu de candidats ont obtenu plus de 50 % des votes exprimées dans l’ensemble des 125 circonscriptions. Le nombre était de 10 en 2008 contre 7 en 2007 et 12 en 2003. Lorsque les majorités sont calculées par rapport aux électeurs inscrits, seulement trois élus en 2003 ont obtenu l’appui d’une majorité des inscrits, contre aucun en 2007 et en 2008. La légitimité de la quasi-totalité des élus ne reposent pas sur une majorité des électeurs.

La sur-influence électorale des non-francophones

Dans la région métropolitaine de Montréal, le groupe des circonscriptions non compétitives ou semi-compétitives comptait 38 unités. Les francophones (selon la langue maternelle) comptaient pour 56 % de la population de ces circonscriptions. Votant majoritairement pour le PQ, leur influence se limitait toutefois à 9 sièges sur les 38. Comme ils l’ont fait constamment depuis 1970, anglophones et allophones ont voté en bloc contre le PQ et en faveur du PLQ. Au sein des 38 circonscriptions à compétitivité faible ou nulle, ils représentaient 44 % des électeurs. Le groupe rassemblait par ailleurs 75 % des anglophones et allophones de la métropole.

Représentant environ 16 % des électeurs inscrits, les anglophones ont néanmoins exercé un poids déterminant dans 10 circonscriptions, assurant par leur vote bloc 10 victoires au PLQ. Du côté des allophones, lesquels comptaient pour 28 % de la population du groupe, les circonscriptions multiculturelles, c’est-à-dire sans groupe majoritaire particulier, ont vu les allophones exercer une influence déterminante dans 15 circonscriptions. La communauté italophone suivait avec 6 circonscriptions, les populations hispanophones et grecque suivaient avec une influence déterminante sur 3 et 2 circonscriptions respectivement tandis que les populations arabophones et créoles en faisaient autant dans une circonscription chacune. Dans les 28 circonscriptions que compte l’Île de Montréal, les francophones ont exercé un poids déterminant dans 8 circonscriptions (7 PQ, 1 QS), contre 7 pour les anglophones, 6 sans majorité, trois pour la communauté italophone, une chacune pour les communautés grecque, créoles, hispanophones et arabophones, pour un total de 20 victoires libérales.

Disposer d’un poids déterminant et exercer une influence réelle sont deux choses très différentes. Les communautés anglophones et allophones n’ont jamais nécessairement récolté les fruits attendus de leur vote bloc. Ensemble, elles ont néanmoins fourni un « encadrement » au PLQ, un ensemble de positions de base dont il ne peut dévier sous aucun prétexte, sous peine de voir ces communautés lui retirer leur appui. Ce phénomène a pu être observé lors des élections de 1976 et de 1989, alors que le PLQ s’était aliéné l’électorat anglophone et qu’il en subissait par la suite les contrecoups dans la répartition des sièges entre les partis. Il a pu être observé aussi dans le reste de la période, dans chacune des décisions qui ont amené le chef libéral à opter pour des positions favorables à l’unité canadienne (comme à l’époque des échecs des Accords du Lac Meech, en 1990, et de Charlottetown, en 1992) ou hostile à tout nationalisme francophone. En 2008, le vote non francophone demeure suffisamment puissant pour amener le PLQ à récuser l’indépendance comme à rejeter toute mesure visant à faire du français la langue normale de la vie publique au Québec, toute mesure visant à corriger les situations inéquitables faites aux francophones et toute mesure redonnant à ces derniers un pouvoir conforme à leur poids démographique.

Les seuils linguistiques

Comme francophones et non-francophones ont présenté en 2008 des comportements électoraux contraires, les premiers étaient divisés entre les partis tandis que les seconds votaient en bloc pour le PLQ, des seuils linguistiques ont marqué les élections de 2008. Dans la région montréalaise, les 25 circonscriptions qui comptaient moins de 75 % de francophones (langue parlée à la maison) ont toutes élu leur candidat libéral. Entre 75 % et 81 % de francophones, quatre circonscriptions ont élu un candidat libéral, trois un candidat péquiste et une le co-directeur de Québec solidaire dans Mercier. Au-delà de ce pourcentage de 81 %, le PQ obtenait 21 circonscriptions sur 21.

Hors Montréal, le portrait était semblable. Parmi les 22 circonscriptions qui comptaient moins de 95,25 % de francophones, le PLQ l’emportait 20 fois. Les 49 circonscriptions plus francophones ont donné des résultats diversifiés : le PLQ obtenait 17 sièges, le PQ 26 et l’ADQ 6.

Des mesures de structure de l’électorat libéral

Parmi les circonscriptions, 74 % des sièges remportés par les libéraux, soit 49 sur 66, provenaient de circonscriptions marquées par l’influence des non-francophones. Sans égard à quelque élément développé au cours de la campagne électorale, le premier ministre Charest est donc parti à la quête d’une majorité absolue de sièges avec 39 sièges sûrs et 10 à demi-sûrs, ce qui le laissait à 13 sièges de la majorité. Dans 38 sièges, la minorité non francophone a assuré le PLQ d’une victoire, ce qui représentait 58 % des sièges libéraux. Elle manifestait d’autre part son influence dans 11 autres sièges (17 % des sièges libéraux), ce qui, additionné au groupe précédent de sièges, représentait 74 % de tous les sièges libéraux.

Les 49 circonscriptions à compétitivité nulle ou faible étaient partagées entre la région métropolitaine de Montréal, qui en comptait 29, et le Québec hors Montréal, qui en comptait 20. Dans la région métropolitaine, 14 provenaient de l’Ouest de Montréal, six de l’Est de Montréal, cinq de Laval et quatre de Montérégie. Hors Montréal, elles provenaient principalement de l’Estrie (six), de l’Outaouais (cinq), de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (trois), de Québec et de la Montérégie (deux chacun) et de l’Abitibi (un).

Les sièges des libéraux dans les circonscriptions entièrement francophones provenaient de Québec (cinq sièges), de Chaudière-Appalaches et de Mauricie (trois chacun), du Bas-Saint-Laurent et du Centre-du-Québec (deux chacun), une autre du Saguenay et une dernière d’Abitibi. Les circonscriptions compétitives remportées par le PQ se situaient pour leur part dans le rayonnement de Montréal, notamment la Montérégie (dix), les Laurentides et Lanaudière (neuf), l’Est de Montréal (trois) et des régions ressources (dix).

Le nouveau conseil des ministres annoncé le 18 décembre a confirmé l’ascendant exercé par le groupe d’élus issus des circonscriptions à influence déterminante des non-francophones ou semi-compétitif par rapport aux élus issus des circonscriptions à caractère compétitif. Alors que 74 % des membres du conseil des ministres étaient issus des circonscriptions à forte influence déterminante ou à influence notable des non-francophones, la proportion grimpait à 100 % pour les ministères les plus importants. En effet, outre le premier ministre, représentant Sherbrooke, les sept ministres les plus importants provenaient tous de circonscriptions à influence déterminante des non-francophones. Ces ministres influaient les Finances, le Développement économique, la Santé, les Services sociaux, l’Éducation, la Justice, les Relations intergouvernementales canadiennes.

Cinq des sept ministres les plus importants provenaient des circonscriptions sûres de Montréal, les deux autres, de Québec. Ces derniers provenaient d’autre part des deux seules circonscriptions de Québec présentant une composante non francophone déterminante quant au résultat final de leur circonscription respective, soit Jean-Talon et Louis-Hébert. Par rapport à 2007, le nouveau gouvernement Charest est donc, pour l’ensemble de ses ministres, moins marqué par l’influence des non-francophones (74 % au lieu de 84 %), mais les ministères les plus importants comptent une influence non francophone plus appuyée qu’en 2007 (la totalité d’entre eux sont redevables en 2008 au vote non francophone comparativement à 75 % ministres redevables à cette même clientèle et 25 % ministres dont l’élection a été marquée par leur influence).

Tableau 3 : Ministères les plus importants et leur titulaire,
conseil des ministres du 18 décembre 2008

Premier ministre
et ministres

Circonscription

Fonctions

Jean Charest

Sherbrooke

Premier ministre, Responsable des dossiers jeunesse

Monique Jérôme-Forget

Marguerite-Bourgeoys

Ministre des Finances, Ministre responsable des Infrastructures

Raymond Bachand

Outremont

Ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation, Ministre responsable de la région de Montréal

Yves Bolduc

Jean-Talon

Ministre de la Santé et des Services sociaux, Ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale

Michelle Courchesne

Fabre

Ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Ministre responsable de la région de Laval

Sam Hamad

Louis-Hébert

Ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale

Kathleen Weil

Notre-Dame-de-Grâce

Ministre de la Justice

Jacques p.  Dupuis

Saint-Laurent

Leader parlementaire du gouvernement, Ministre de la Sécurité publique, Ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Réforme des institutions démocratiques

Conclusion : crise de légitimité et résurgence du nationalisme

L’hyper-abstentionnisme de 2008 a permis au PLQ de se faufiler entre tous et de décrocher un troisième mandat gouvernemental consécutif. Il appert toutefois que le parti n’a à peu près pas amélioré son résultat de 2007, avec pour résultat que jamais, depuis 1960, un gouvernement n’a été formé sur la base d’un aussi faible appui populaire. Ces élections portent en leur sein les germes d’une crise de légitimité des gouvernants. L’électorat sans attaches partisanes est un réservoir d’électeurs critiques susceptibles de contester la gouverne sans obligation de loyauté envers le parti au pouvoir et sans fidélité envers l’un ou l’autre parti dans l’opposition. La chose est d’autant plus probable que le PLQ reste d’abord et avant tout un parti dirigé par des fédéralistes radicaux, ainsi que l’a montré l’influence des non-francophones dans tous les ministères les plus importants, un parti qui est, donc, profondément hostile aux intérêts et aux droits de la majorité francophone. Comme sa gouverne dure depuis 2003, de nombreux problèmes aggravant les iniquités qui touchent les francophones s’accumulent. À l’issue du scrutin du 8 décembre, le nationalisme québécois dort encore, mais la moindre étincelle en provoquera le réveil.

De son côté, les résultats du PQ montrent que la contre-performance du parti aux élections de 2007 ne tenait pas qu’à la personnalité du chef André Boisclair. Alors que ce dernier promettait un référendum durant son mandat, Pauline Marois mettait ouvertement la stratégie référendaire au rancart pour plutôt promettre la tenue d’un référendum sur le rapatriement de la culture d’Ottawa à Québec. Pas davantage que M. Boisclair, cette orientation de Mme Marois n’a suscité d’engouement pour le parti. Celle-ci a peut-être pu mettre fin au désordre et à la déroute du parti, elle n’en a pas moins fait une performance inférieure à celle de M. Boisclair. Par ailleurs, en ce qui concerne le virage à droite prôné par M. Boisclair, Mme Marois ne lui a accordé, au mieux, qu’une importance discrète au cours de la campagne de 2008. On ne saurait par conséquent lui imputer la responsabilité de la performance de M. Marois.

La stratégie consistant à doter le Québec d’un programme de gouvernement en attendant le retour des conditions gagnantes est ce qui a été commun aux deux chefs Boisclair et Marois. Force est de constater que cette orientation n’a pas davantage, en 2008, suscité l’enthousiasme espéré. Au contraire, en demandant l’appui de l’électorat à un projet de souveraineté dont la réalisation reste lointaine, le PQ semble prolonger sa perte de contact avec une bonne partie de son ancien électorat. Ainsi, la stratégie d’évitement face aux problèmes lourds qui affectent la société québécoise, et plus particulièrement la place des francophones au Québec et au Canada, a semblé aboutir à du surplace. Si l’ADQ a tenté de trouver réponse à ces problèmes, les multiples maladresses du chef suivies de l’effondrement du parti n’ont pourtant vu aucun des partis existants remplacer l’élan démocratique que voulait représenter l’ADQ. La soif d’une action politique conçue autrement apparaît sortir intacte des élections du 8 décembre.

 


1 Compétitives : Hors Montréal, rassemble toutes les circonscriptions comptant 96,5 % de francophones (selon la langue parlée le plus souvent à la maison) ou davantage; non compétitives : rassemble toutes les circonscriptions comptant 88,5 % ou moins de francophones. À Montréal, les circonscriptions compétitives sont celles qui comptent au moins 86,5 % de francophones sur l’Île et au moins 89,7 % dans la Couronne; les non compétitives comptent moins de 75,5 % sur l’Île et moins de 82 % de francophones en Couronne. Dans la catégorie intermédiaire, les circonscriptions sont considérées comme semi-compétitives.

2 Huntingdon est la patrie du maire de la ville du même nom, Stéphane Gendron, anti-libéral primaire. La ville présente un profil de région sinistrée après les fermetures des principales industries textiles de la ville. Le même coloré personnage songeait à remplacer Mario Dumont à la tête de l’ADQ.

3 La zone d’influence métropolitaine (ZIM) est un concept de Statistique Canada qui vise à délimiter le marché du travail élargi des régions métropolitaines et des agglomérations de recensement : elle inclut toutes les collectivités dont au moins 30 % de la population active occupée se rend dans une région métropolitaine pour y travailler. Voir Statistique Canada, Information sur la Classification géographique type (CGT) 2006, en ligne : http://www.statcan.gc.ca/subjects-sujets/standard-norme/sgc-cgt/2006/2006-intro-fin-fra.htm.