La question linguistique au Québec accompagne de près les enjeux sociaux, politiques et économiques. Le contexte de la mondialisation ainsi que le statut de minorité linguistique au sein du grand ensemble canadien multiculturel et de langue anglaise font de l’enjeu identitaire québécois un véritable défi.
L’aspect économique de la question linguistique est incontournable, car la situation de la nation québécoise au milieu de courants financiers qu’elle ne contrôle pas influence étroitement l’usage du français dans l’entreprise. C’est sur cette question que nous nous pencherons dans l’étude suivante. Nous dresserons tout d’abord un portrait du Québec et de la francophonie dans le cadre d’un monde globalisé. Puis, nous nous intéresserons aux politiques linguistiques qui prévalent au sein des entreprises québécoises. Finalement, une partie importante de notre recherche sera consacrée aux entreprises à charte fédérale, s’agissant d’une problématique fort peu analysée.
Le cas mondial
Débutons par le rappel d’une évidence : les deux guerres mondiales ayant sauvagement ravagé une partie du monde au cours du XXe siècle ont décapité la francophonie. Il a résulté des conflits mondiaux une montée des États-Unis, d’abord sous le signe de l’isolationnisme après la Première Guerre mondiale, puis à travers l’expansionnisme de la nouvelle surpuissance au sortir de la Seconde. La première puissance mondiale allait, à la suite du Royaume-Uni qui venait de lui céder sa place, toujours être anglophone, mais avec cette fois-ci une capacité de pénétration culturelle qui surpassait, et grandement, celle de Londres avant elle.
L’autre grand phénomène issu de la Seconde Guerre mondiale est celui de la décolonisation. Des mouvements de libération ont traversé l’ensemble des colonies françaises pour que ces dernières se constituent en États-nations. Les exemples de guerres de décolonisation les plus marquants pour l’imaginaire collectif, notamment en raison de leur violence, furent bien entendu celles de l’Indochine et de l’Algérie. Au sortir des grandes vagues de décolonisation, de nouvelles entités étatiques étaient bien entendu apparues. De ce fait, de nouveaux pays où la langue française détenait une place primordiale (ou jouissaient carrément du statut de langue officielle) étaient nés. Mais la multiplication des gouvernements de langue française n’était pas uniquement porteuse de bonnes nouvelles pour la francophonie, dans la mesure où la fragmentation de cette dernière crée des complications d’ordre numérique. La négociation d’égal à égal n’est que rarement exempte de difficultés d’ordre diplomatique et commercial.
Parallèlement à cela, l’idéologie communiste détenait une place prépondérante dans le débat public français, alors que la culture marxisante pénétrait profondément des couches entières de la société française. Alors que les racines latines de cette nation ne favorisent pas une prédisposition au commerce, le socialisme d’inspiration soviétique n’ajoutait pas un facteur bénéfique. Yves Montenay affirme au sujet du marxisme, qu’il accuse d’être responsable d’une auto-exclusion française du monde des affaires :
Il est une des causes de notre retard dans l’économie et les affaires, ce qui a considérablement nui à l’usage du français. En outre [il fut] un grand ennemi de la francophonie avec non seulement le massacre des noblesses et bourgeoisies francophones de Russie puis d’Europe centrale et orientale, mais aussi avec l’écroulement vietnamien, le retard guinéen, le demi-échec sénégalais et surtout l’aspiration des élites et des militants dans le camp de l’échec économique. Ainsi, il est navrant de voir nos brillants esprits, Sartre en tête, aussi bien que nos modestes enseignants, se donner tant de mal et employer autant d’intelligence à saper nos bases économiques et celles des pays qu’ils ont influencés (de l’Algérie à Madagascar), ce qui a eu pour effet d’en faire fuir les cadres francophones[1].
La massification de l’enseignement secondaire a joué un rôle prépondérant dans l’anglicisation des classes moyennes. Parallèlement à cela, un basculement démographique mondial se produit, alors qu’on assiste, après le baby-boom, à un effondrement des naissances dans la partie occidentale du monde, communément appelée « nord ». Bien entendu, l’Europe en a été une des principales victimes. La France a alors repris légèrement un poids démographique intéressant par rapport à l’Europe – car la chute a été plus brutale dans le reste du continent –, mais ce dernier n’en recule pas moins par rapport au reste du monde alors que la fécondité reste forte aux États-Unis[2].
La disparition du bloc communiste met fin à la bipolarité du monde. Plus rien ne freine l’anglais dans son affirmation non seulement comme langue des échanges et des affaires, mais comme expression d’une certaine culture faisant l’envie de nombreuses gens de par le monde, culture impliquant l’espoir d’une vie meilleure, d’une mobilité sociale, de chances et d’une démocratie où tous peuvent librement s’épanouir. Christian Dufour, professeur à l’École nationale d’administration publique (Montréal), estime que l’affaiblissement mondial de la langue française remonterait plutôt au dix-septième siècle et distingue six grands évènements marquants. La révocation de l’édit de Nantes en 1685 aurait d’abord causé la fuite massive de dynamiques protestants français menacés de persécution. Puis, la dérive se serait poursuivie en 1714, avec le traité d’Utrecht (fin de l’hégémonie mondiale de la France), en 1763, avec le traité de Paris (perte pour la France des Indes et de l’Amérique du Nord – deux continents passant ainsi sous hégémonie britannique et marquant le début de la suprématie de cette dernière à l’échelle planétaire) et en 1815, avec la défaite de Waterloo. Par la suite, la proclamation de l’Empire allemand à Versailles en 1871 consacre la domination germanique sur le continent européen et l’isolement de la France. Finalement, l’obtention de justesse du statut de langue officielle à l’ONU illustre bien, selon Dufour, le « reflux linguistique et culturel » du français[3].
Les défis de la francophonie sont donc immenses, tout comme le sont ceux du Québec dans un pareil contexte.
Le principal défi de la francophonie est évidemment de maintenir une certaine cohésion entre ses acteurs et de développer un point de vue sur le monde qui traduise adéquatement une vision authentiquement française, exprimant donc les pratiques inhérentes à l’ensemble des cultures francophones des cinq continents.
Le Québec, dans un tel monde, a l’immense défi de tirer son épingle du jeu. Pour sortir du cadre économique étroit du Canada, le Québec a opté, dès les années 1980, pour l’approche libre-échangiste, laquelle constituait une voie de sortie. Ce fut d’ailleurs le calcul des souverainistes[4] que de jouer les États-Unis contre le Canada pour désamorcer les craintes économiques des Québécois par rapport à l’indépendance. Il était désormais beaucoup plus difficile pour Ottawa de laisser planer des difficultés financières pour un éventuel Québec souverain si le contrôle de l’État fédéral sur l’économie québécoise lui échappait de plus en plus et que le Québec appartenait désormais à un grand marché continental. La stratégie n’en était pas moins à double tranchant étant donné tous les risques connus pour l’État nation et la capacité de ce dernier de s’affirmer comme réel acteur de la cohésion sociale. L’autre grand danger est la dissolution du milieu des affaires du Québec dans le magma de la mondialisation. J’ai d’ailleurs moi-même procédé à une critique de la posture des souverainistes en la matière dans le numéro précédent de la revue L’Action nationale.
La mondialisation montre d’indéniables signes d’essoufflement depuis la crise financière de 2008. Dans un tel contexte, la réaffirmation de l’État nation pourrait s’inscrire comme un simple retour du balancier suite à une tentative de négation des frontières et des autorités gouvernementales qu’on qualifie allègrement de dépassées. Pourtant, l’exemple de l’Europe – laquelle nous témoigne présentement les limites de la tendance à la centralisation croissante dans laquelle elle s’est engagée – nous montre qu’on ne peut faire fi de l’authenticité des différentes cultures nationales et de leurs souverainetés.
Le Québec tente tant bien que mal de préserver sa spécificité depuis qu’il s’est constitué une entité politique capable de soutenir un tel dessein. On qualifie son peuple de « petite nation » au sens où Milan Kundera l’entendait :
Ce qui distingue les petites nations des grandes, ce n’est pas le critère quantitatif du nombre de leurs habitants ; c’est quelque chose de plus profond : leur existence n’est pas pour elles une certitude qui va de soi, mais toujours une question, un pari, un risque ; elles sont sur la défensive envers l’Histoire, cette force qui les dépasse, qui ne les prend pas en considération, qui ne les aperçoit même pas[5].
Cela ne signifie évidemment pas qu’un retour à l’État nation soit incompatible avec le développement d’un point de vue québécois sur le monde, ni avec la mise en place d’un réseau de collaboration internationale. Bien au contraire : une des stratégies du Québec pour préserver sa différence consiste précisément au développement de relations privilégiées avec la francophonie, dont, en premier lieu, la France. Ces dernières sont des composantes essentielles d’une personnalité internationale encore incomplète en raison du statut provincial de l’État québécois. Les relations internationales du Québec sont véritablement nées au cours de la Révolution tranquille avec – notamment – la création des délégations générales du Québec à l’étranger, la doctrine Gérin-Lajoie et la visite du général de Gaulle à l’occasion de l’exposition universelle de 1967. Ce dernier évènement officialisa la relation privilégiée que la France et le Québec ont nouée dès le tournant des années 1960. Pour Jean-Marc Léger, précurseur québécois de l’établissement d’une Francophonie mondiale, c’est-à-dire d’un rassemblement collaboratif de l’ensemble des nations de langue française, une telle mission internationale reposait sur des considérations pourtant résolument nationalistes : « [N]ous, québécois-français, ou de souche, nous sommes non seulement francophones, nous sommes des Français, issus des Français, comme il en va, par exemple, des Wallons ou des Romands[6] ». Il affirma également que « notre peuple n’a pas que trois ou quatre siècles d’existence, ce qui déjà ne serait pas négligeable. Notre histoire n’a pas commencé en 1608 ni même en 1534. Nos ancêtres, arrivant en Acadie ou sur les bords du Saint-Laurent, ne représentaient pas un phénomène de génération spontanée. Ils avaient quelques siècles, voire un bon millénaire derrière eux ; ils avaient contribué à écrire l’émouvante chronique de la construction de la France et de la formation de son peuple[7] ». C’est donc un attachement civilisationnel qui est à la base de l’engagement de nombreux pères québécois de la francophonie, à l’instar d’Yves Michaud, ex-délégué général du Québec à Paris, qui qualifie la langue française comme étant sa patrie, celle en qui il retrouve « [s]es racines, [s]es repères, [s]es lieux de mémoire, la fidélité à [s]es luttes, [s]es plages de débarquement et [s]on chemin dans l’indéchiffrable et insolent chaos du monde[8] ».
Un tel portrait nous indique la difficile recherche d’un équilibre entre d’un côté un État de langue française cherchant, dans la mesure du possible, à protéger l’authenticité de la culture nationale de ses commettants, et de l’autre, un marché mondialisé absorbant les entreprises – incluant celles qu’on pourrait qualifier de « nationales » – dans une anglicisation croissante.
En France même, les entreprises connaissent un phénomène d’anglicisation des plus considérables. Au premier regard, cela pourrait sembler aller de soi dans un contexte de mondialisation et de multiplication des partenaires commerciaux. Cependant, l’anglicisation ne repose pas toujours sur des motifs rationnels. Comme Montenay nous le souligne, elle ne se limite pas aux états-majors des filiales françaises d’entreprises américaines ou étrangères ; elle s’est également étendue aux entreprises à capitaux et direction français qui détiennent des filiales à l’étranger sous prétexte que, là-bas, il ne faut pas perturber les dirigeants locaux s’ils ne maîtrisent pas la langue de Molière :
Chez Renault, « l’Alliance » avec le constructeur japonais Nissan, il y [sic] cinq ans, travaille en anglais. Tous les cadres de l’« Alliance » ont désormais obligation d’obtenir une note minimale du Toeic (test of English for international communication), et les comptes rendus de nombreuses réunions, à commencer par les comités de direction hebdomadaires, sont publiés en anglais. L’anglicisation a gagné ensuite ceux qui avaient un ou plusieurs partenaires étrangers, comme les AGF, Alcatel, Altadis ou Aventis. Et enfin de « purs » français comme AXA, Danone, Thompson ou Faurecia. Bref, le rouleau compresseur anglophone semble progresser inexorablement dans les entreprises françaises[9].
Cette anglicisation a outrepassé les limites de ce qui est nécessaire, amalgamant la négociation avec les clients, l’élaboration de textes d’informations destinés à ces derniers, les allocutions dans des congrès professionnels et la production de mémos internes[10]. Il en résulte une situation où des francophones – même ceux qui se situent en bas de la hiérarchie – en viennent à échanger en anglais entre eux et plus gravement encore, est entérinée l’idée que le français ne constitue pas une langue de communication internationale. L’anglais devient dès lors la langue du travail au sein des entreprises françaises. Alors que l’on croit que la direction patronale d’une entreprise est par définition rationnelle et procède par évaluation sévère dans le but que chaque dépense soit un réel investissement, la voici prise dans des coûts de traduction faramineux.
Alors qu’une langue est en général porteuse d’une vision culturelle et pratique qui lui est propre, est-ce à dire que l’utilisation de l’anglais en vient, au sein de l’entreprise, à imposer des normes internes, des stratégies commerciales et des modes de fonctionnement propres à des valeurs et concepts anglo-saxons ? Sans répondre à cette question, elle mérite au passage d’être posée à la lumière du débat sur l’homogénéisation du monde.
Dans un tel contexte, le Québec, comme « petite nation » telle que conceptualisée précédemment, a tenté de préserver le français comme langue du commerce et du travail. Il est cependant aux prises non seulement avec les dangers du village global, mais aussi avec ceux qui résident dans l’appartenance à un grand ensemble.
La Charte de la langue française, l’entreprise et le milieu du travail
En 1977, après bien des réticences du caucus péquiste et du premier ministre Lévesque lui-même, après avoir tempéré son projet par certains compromis et après avoir convaincu la population du bien-fondé d’une législation linguistique coriace, le docteur Camille Laurin parvenait à faire adopter par l’Assemblée nationale la Charte qui deviendra plus connue sous le nom de loi 101. Lors de son adoption, Laurin a indiqué clairement que sa loi s’inscrivait dans une continuité historique, celle de l’affirmation croissante de la nation québécoise – précédemment canadienne-française, doublée d’une volonté de conservation d’un héritage identitaire acquis au fil du temps[11]. On sait par ailleurs que pour le psychiatre qu’était Laurin l’adoption de la loi 101 s’inscrivait dans une logique thérapeutique : il fallait introduire un électrochoc puissant à la collectivité québécoise pour qu’elle regagne confiance en ses moyens[12]. En cela, la loi 101 visait donc une transformation en profondeur du paysage politique, social, économique, culturel et identitaire.
Un nombre important des dispositions de la nouvelle Charte touchaient évidemment le commerce et le travail.
Pour commencer, l’article 2 du chapitre 2 (consacré aux droits linguistiques fondamentaux) fait de la communication en français dans les diverses entreprises situées au Québec un droit, tandis que l’article 4 faisait de même avec les activités des travailleurs en français. L’article 5 faisait quant à lui également de l’octroi d’information et de services en français aux consommateurs de biens et services un droit fondamental[13].
Le Chapitre VI de la Charte concerne la langue du travail. Il y est affirmé, notamment : que l’employeur doit rédiger dans la langue officielle les communications qu’il adresse, de même que les offres d’emploi ou de promotion, les conventions collectives, les documents en cas de grief ; que les entreprises de cinquante employés et plus doivent se doter d’un certificat de francisation et, dans le cas contraire, établir un programme ou un comité de francisation ; qu’il est interdit à un employeur de congédier, de mettre à pied, de rétrograder ou de déplacer un membre du personnel sur la base de la méconnaissance ou de l’ignorance d’une autre langue que le français ; qu’un employeur ne peut exiger la connaissance de cette autre langue pour l’accès à un emploi – à moins de démontrer auprès de l’Office de la langue française que la connaissance de cette autre langue est nécessaire à la réalisation des tâches de l’employé. Bien entendu, un certain nombre de dispositions pénales sont prévues en cas de non-respect des articles évoqués[14].
C’est dans une même volonté de transformation profonde des rapports économiques que s’inscrit le chapitre VII, consacré à la langue du commerce et des affaires. Il y est stipulé, notamment, que : toute inscription sur un produit, sur son contenant ou sur son emballage doit être rédigée en français (d’autres versions linguistiques sont permises à condition qu’aucune de celles-ci ne prédomine en format sur celle de langue française) ; que les catalogues, brochures et dépliants doivent également se plier aux mêmes conditions ; même son de cloche en ce qui a trait à la langue dans laquelle sont rédigés les contrats d’adhésion, les formulaires de demande d’emploi, les bons de commande, les factures, les reçus et quittances ; quant à l’affichage public et la publicité commerciale, ils doivent être exclusivement en français (à l’exception de quelques établissements) ; au niveau des raisons sociales, elles doivent être uniquement en français pour être reconnues juridiquement au Québec, mais peuvent se doter d’une autre version linguistique en cas d’occasions d’affaires à l’étranger (seule la raison sociale de langue française peut néanmoins être utilisée au Québec)[15].
Il est à noter que l’article concernant la langue de l’affichage public et de la publicité commerciale a depuis été amendé, suite à l’arrêt Ford de la Cour suprême du Canada, qui conclut en 1988 que cette disposition va à l’encontre des libertés fondamentales[16]. Cette dernière a plutôt été mutée afin d’exiger au commerçant une « claire prédominance du français » plutôt que l’exclusivité pure et simple. Nous y voyons, avec Christian Dufour, la fragilisation de l’appareil politique québécois en matière linguistique :
L’accord du Lac-Meech n’a pas été constitutionnalisé ; vingt ans ont passé. En 2008, la prédominance du français au Québec ne se rattache pas à une disposition constitutionnelle spécifique, alors que la mise sur le même pied des deux langues représente, elle, l’une des principales institutions juridiques d’un Canada qui inclut le Québec. […] Enfin, il existe une vulnérabilité identitaire chez certains Québécois qui leur rend difficile d’imposer la prédominance du français quand c’est nécessaire. […] Pour qui est capable d’anticiper le long terme, la principale lacune du système politique canadien à l’égard du Québec est ce manque de dispositions constitutionnelles permettant d’imposer la claire prédominance du français[17].
La dynamique des langues a indéniablement été transformée et le paysage économique québécois a été modifié à la lumière de l’établissement de la culture de langue française comme creuset de la société québécoise. Cependant, avec le recul et dans le contexte contemporain, on constate que les succès de la loi 101 se sont heurtés à certaines limites.
Les changements linguistiques au sein de l’entreprise sont le plus souvent des changements organisationnels de plus ou moins grande envergure. Raymond Breton et Gail Grant citaient, dès 1981 et ainsi bien avant l’avènement de la mondialisation exacerbée, une étude pour énoncer quatre facteurs déterminants la francisation d’une entreprise : 1) le maintien de bonnes relations avec les employés ; 2) la nécessité de placer des francophones à tous les niveaux, incluant la gestion, dans le but d’utiliser efficacement leurs capacités ; 3) les exigences du marché québécois ; 4) celles des gouvernements, qui exercent certaines pressions sociales[18]. En revanche, quatre facteurs peuvent également pousser à l’utilisation de l’anglais : 1) recherche d’un personnel qualifié pour les fonctions techniques et de gestion ; 2) les sources de la technologie ; 3) accès aux marchés extérieurs ou au marché anglophone du Québec ; 4) communication avec les départements, bureaux ou succursales de l’entreprise situés en dehors du Québec[19].
On se doute que ces derniers facteurs sont considérablement amplifiés par la mondialisation des marchés et l’interdépendance croissante entre les économies nationales.
La situation ne semble d’ailleurs pas des plus reluisantes aujourd’hui. Les études de Charles Castonguay, professeur à la retraite de l’Université d’Ottawa en mathématiques, indiquent que l’anglais est devenu un meilleur gage pour l’obtention d’un emploi et d’un meilleur salaire[20] : « qui s’anglicise s’enrichit », affirme-t-il[21]. Castonguay va même jusqu’à qualifier l’anglais de « langue commune du travail[22] » à Montréal. Les études de Castonguay sont également intéressantes en ce qui a trait au rôle du cégep dans le développement du réseau social de l’individu, lequel se fera donc dans la langue de son enseignement collégial, et sera tout naturellement porté à se diriger ensuite vers des études universitaires et vers une carrière dans cette même langue, d’où la pertinence de la proposition d’appliquer les dispositions de la loi 101 à ce niveau[23].
Dans un contexte où le français est actuellement en recul partout au Canada, y compris au Québec (et en particulier sur l’Île de Montréal), les fronts d’attaque d’une éventuelle et nécessaire offensive linguistique sont nombreux. Dans une telle perspective, les entreprises passerelles nous semblent mériter une attention plus adéquate.
La problématique des entreprises à charte fédérale
Il y a actuellement au Québec 300 000 personnes qui travaillent dans des entreprises dites à Charte fédérale, relevant du Code du travail canadien et où seul le bilinguisme officiel s’applique. Cela signifie bien entendu que les dispositions prévues par la législation québécoise, la Charte de la langue française, ne s’appliquent pas aux dites entreprises, impliquant qu’en cas d’insatisfaction un consommateur ne peut pas se référer à l’Office de la langue française. On compte notamment, parmi ces entreprises à Charte fédérale, les banques, ports, aéroports, comptoirs de Postes Canada, télécommunications, radiodiffusion ainsi que certaines ONG québécoises internationales. Sans oublier non plus les employés de la fonction publique fédérale au Québec qui vivent sous le règne du bilinguisme officiel.
Il existe aussi ce qu’on appelle les entreprises de juridiction fédérale. Dans ces cas-ci, il s’agit de celles qui ont été jugées, par le parlement canadien, comme étant d’intérêt national. L’extraction de l’uranium, par exemple, en fait partie.
Le 24 novembre 2011, le gouvernement fédéral a annoncé la création d’un comité[24] chargé d’évaluer l’état du français dans les sociétés québécoises régies par le Code canadien du travail. Notons au passage qu’un an plus tard il n’a toujours pas vu le jour[25]. Le ministre conservateur Christian Paradis a donc fait cette annonce à la Chambre des communes après que des médias eurent fait état de « situations problématiques ». Cela résultait d’une certaine colère à l’égard de l’unilinguisme révélé de certains cadres de la Banque Nationale et de la Caisse de dépôt. Cinq jours plus tôt, La Presse nous apprenait qu’un haut dirigeant de la Banque Nationale ignorait totalement la langue française, faisant en sorte que toutes les communications dans son service devaient se faire en anglais[26]. Pourtant, les conservateurs, à l’instar des libéraux d’ailleurs, ont constamment rejeté tous les projets de loi déposés par le Bloc qui visaient à assujettir ces entreprises aux règles de la Charte de la langue française et qui auraient ainsi pu nous assurer que ces « situations problématiques » n’adviennent pas.
En novembre 2006, les partis fédéralistes à la Chambre des Communes clamaient pourtant haut et fort en français que les Québécois formaient une nation dans un Canada uni, et en anglais que la motion adoptée n’avait aucune portée juridique… Ils ne croyaient pas si bien dire. Au Québec, le français est bien entendu notre langue nationale. Or, qui dit langue ne dit pas uniquement moyen de communication. Enfermer la langue dans une simple définition utilitaire nous apparaît futile. Considérer la langue comme un simple moyen de communication nous expose à une défense bien faible par rapport au phénomène de l’anglicisation croissante, pour la simple raison que l’anglais sera toujours une langue davantage parlée au niveau planétaire que le français en plus d’être presque exclusivement employée dans les échanges commerciaux et les communications mondiales. Autrement dit, l’anglais sera toujours un moyen de communication plus utile que le français, raison pour laquelle il faut voir notre langue nationale comme l’expression d’une culture nationale et d’une identité. Le français est pour les Québécois contemporains l’héritage précieux de leurs prédécesseurs, qui doit être entretenu et protégé pour en faire de même et le transmettre à ceux qui les succèderont. Ainsi, il nous apparaît impossible d’entretenir un rapport convenable à notre langue sans posséder un certain sens de l’histoire. Si la langue française demeure une donnée insuffisante pour définir notre nation – parce qu’elle ne nous distinguerait pas, mis à part certaines variances au niveau du vocabulaire et de la prononciation, des Français, des Belges, des Suisses ou des Algériens –, elle n’en demeure pas moins un pilier indispensable.
Le français étant donc indissociable de l’identité nationale des Québécois, la reconnaissance officielle de cette dernière devrait impliquer un certain nombre d’engagements. Au Québec, les lois linguistiques sont généralement vues comme de belles réussites qui méritent d’être défendues et respectées. La Charte de la langue française a été et reste – malgré les nombreux amendements – un document incontournable.
À l’époque où Stephen Harper tenait des promesses d’établissement d’un « fédéralisme d’ouverture » – par opposition à la vision centralisatrice du Parti libéral du Canada et à l’option souverainiste du Bloc québécois – l’étiquette de « nation dans un Canada uni » n’impliquait, et on le voit dans toutes les actions du régime canadien, aucune conséquence réelle, et l’exemple des entreprises à Charte fédérale en témoigne avec éloquence.
Lors des dépôts des différentes propositions du Bloc québécois et du NPD visant à corriger la situation – que nous analyserons par la suite –, le PLC et le PCC se positionnèrent contre. L’opposition des libéraux paraît compréhensible dans la mesure où le PLC reste le parti de Trudeau, c’est-à-dire entièrement converti aux grands mythes du bilinguisme officiel et du multiculturalisme.
Venant des conservateurs, cela peut sembler plus surprenant : À l’époque du Reform Party, plusieurs haut placés de cette formation politique avaient flirté avec le concept de territorialité linguistique, qui aurait aboli le bilinguisme officiel et aurait fait du français la langue du Québec et l’anglais celle du reste du Canada. Mais, realpolitik oblige, les conservateurs ne peuvent se permettre de se mettre à dos la majorité canadienne d’autant plus qu’ils ne doivent rien au Québec, où la récolte électorale fut des plus faibles. Quant au NPD, nous parlerons un peu plus tard son jeu bien particulier par rapport à cette question.
Dès 2001, le rapport Larose recommandait que
[l]a francisation des lieux de travail au Québec concerne aussi les lieux de travail du gouvernement fédéral et ceux de juridiction fédérale. C’est pourquoi le gouvernement du Canada devra prendre les mesures nécessaires pour que ces milieux de travail respectent la législation linguistique lorsqu’ils sont sur le territoire du Québec[27].
Évidemment, ce n’est toujours pas le cas, ce qui signifie essentiellement trois choses : tout d’abord que la Loi sur les langues officielles, héritage de Pierre Eliott Trudeau, est la seule qui soit en vigueur dans les services fédéraux. Or, cette dernière prône le bilinguisme et nie de fait qu’au Québec il ne puisse exister qu’une seule officielle. Deuxièmement, les entreprises sous juridiction fédérale œuvrant sur le territoire québécois ne sont évidemment pas soumises à la Charte de la langue française et ne sont pas tenues de la respecter en ce qui a trait aux raisons sociales, soit le nom des sociétés civiles devant figurer dans les statuts de la société en question. Troisièmement, pour ces mêmes entreprises sous juridiction fédérale, les dispositions de la loi 101 quant à la langue du travail sont évidemment nulles et non avenues. De fait, comme nous le disions précédemment, les plaintes de travailleurs québécois à l’Office de la langue française seraient ainsi caduques. Heureusement, plusieurs entreprises se convertissent dans les faits aux normes de la Charte de 1977, mais rien ne les y oblige.
Il y eut trois tentatives de la part du Bloc pour assujettir les entreprises fédérales à la loi 101. Les trois fois, les projets de loi successifs travaillaient essentiellement sur trois fronts :
1) En amendant le préambule de la Loi sur les langues officielles afin que le gouvernement fédéral reconnaisse que le français est la langue officielle et la langue commune au Québec ; plus encore, le corps de la loi en question serait également modifié en intégrant un certain nombre d’engagements du fédéral à ne pas entraver les objectifs de la Charte de la langue française. Rien par ailleurs n’empêche la mention d’une loi provinciale dans un texte de loi fédéral ; c’est le cas par exemple du salaire minimum fédéral qui est fixé en fonction de celui des provinces[28].
2) En modifiant la loi sur les sociétés par actions pour que les entreprises sous juridiction fédérale soient soumises à la loi 101 en ce qui concerne la raison sociale ; plus de 1400 plaintes ont été enregistrées concernant les raisons sociales depuis 2000. La Charte de la langue française garantit que le nom d’une entreprise puisse être assorti d’une version dans une autre langue que le français pourvu que le nom de langue française figure de façon au moins aussi évidente. Selon les objectifs du Bloc, cette disposition serait ainsi appliquée aux entreprises de juridiction fédérale.
3) En amendant le Code canadien du travail afin que les entreprises sous juridiction fédérale soient également soumises à la loi 101 lorsqu’elles opèrent au Québec. Cet amendement serait intégré à la partie 1 du Code. Depuis 2000, plusieurs centaines de dossiers de plaintes ont été fermés à l’Office de québécois de la langue française parce que cette dernière ne peut s’en prendre à des entreprises dont le statut juridique permet de s’en tirer impunément.
Au Québec, seules les entreprises de cinquante employés et plus doivent être inscrites auprès de l’Office de la langue française et sont tenues de fournir une analyse de leur situation et par la suite de franciser si nécessaire. L’adoption par la Chambre des Communes du projet de loi du Bloc aurait contraint les entreprises à Charte fédérale à se plier aux conditions de la loi 101, quels qu’en soient les amendements futurs, car le libellé renvoie au texte intégral de la Charte de la langue française.
Voilà donc, dans tous les cas, un projet de loi des plus cohérents. Le Bloc québécois a commis de nombreuses erreurs depuis sa création et n’était pas exempt de contradictions. Le résultat de l’élection du 2 mai 2011 n’est pas advenu par le fruit du hasard, et son chef actuel, Daniel Paillé, semble avoir bien compris la nécessité d’une transformation de l’offre politique du parti. Il reste que ce projet de loi appuyait parfaitement l’objectif fondamental du parti, car son adoption impliquerait le recul des lois fédérales et le retrait partiel d’Ottawa au profit de l’État du Québec et de son appareil législatif.
Le 14 mai 2008, le projet de loi du Bloc, C-482[29], a été évidemment battu. Les libéraux – dont les députés du Québec – ont voté contre le projet de loi. Leur chef, Michael Ignatieff, un des premiers à avoir prôné l’idée d’une reconnaissance de la nation québécoise, s’est absenté lors du vote. Du côté des conservateurs, tous leurs députés québécois s’y sont opposés.
Le 10 février 2009, le Bloc a tenté à nouveau sa chance avec le projet de loi C-307[30]. Une fois de plus, la Chambre des Communes lui a offert une fin de non-recevoir, tandis que ni Stephen Harper ni Michael Ignatieff n’étaient présents lors du vote.
La dernière tentative, qui n’est étonnamment pas encore morte au feuilleton, remonte au 4 octobre 2011. Le projet de loi C-320 a alors été déposé[31], et ce dernier a passé le test de la première lecture. Nous verrons bien ce qui arrivera de ce dernier, mais nous ne nous faisons pas trop d’illusions sur son adoption potentielle.
Revenons maintenant sur le NPD. Au mois d’octobre 2009, il a déposé un projet de loi (C-455)[32] qui visait à donner le droit aux employés francophones de travailler et de communiquer dans leur langue. Les communications écrites et les conventions collectives devant être disponibles en français, et les offres d’emploi devant être publiées simultanément dans des quotidiens des deux langues officielles. Le libellé expliquait que « les exigences prévues (…) n’ont pas pour effet d’exclure une langue autre que le français ; l’usage de cette autre langue ne doit cependant pas l’emporter sur l’usage du français ». Thomas Mulcair affirmait à l’époque que l’objectif était tout simplement de donner le droit de réclamer le français. Le projet de loi du NPD ne visait donc aucunement à soumettre les entreprises à la loi 101 et retirait les outils nécessaires à la francisation effective des milieux de travail. Il ne touchait d’ailleurs qu’au Code canadien du travail en ne s’attardait ni à la loi sur les langues officielles ni à la loi sur les sociétés par actions. Les néodémocrates ont alors choisi de faire quelques emprunts à la Charte de la langue française sans renvoyer au texte de cette dernière dans son ensemble, et ne démontraient aucune volonté d’accorder la légitimité décisionnelle à l’Assemblée nationale. Par exemple, si le projet de loi du NPD avait été adopté, les employés voulant porter plainte seraient tenus de se référer au Conseil canadien des relations de travail plutôt qu’à l’Office de la langue française. De plus, les recours prévus sont cités d’une manière très vague dans le texte. Actuellement, la Charte stipule que les entreprises de cinquante personnes doivent produire un rapport sur leur état linguistique et l’Office remet par la suite, si la situation est jugée convenable, un certificat de francisation. Dans le cas inverse, l’entreprise est forcée de se soumettre à un programme de francisation. En maintenant l’enjeu sous juridiction fédérale, aucun outil de la sorte ne peut être inclus dans le projet de loi du NPD.
Après être parvenu à charmer le Québec en 2011, le NPD est revenu à la charge, mais avec un projet de loi encore plus édulcoré. Le député de Trois-Rivières, Robert Aubin, a déposé le projet C-315[33], qui ne s’attarde une fois de plus qu’à l’aspect du Code du travail canadien et n’inclut que certaines dispositions de la loi 101, à l’instar de celui qu’ils ont déposé en 2009. Mais cette fois-ci, le gouvernement aurait la latitude de soustraire des entreprises aux quelques obligations contenues dans le projet de loi. On pourrait donc s’attendre à ce que le lobbyisme agisse alors au maximum pour en exempter des secteurs entiers. Par un simple règlement, le gouvernement pourrait donc empêcher l’application du projet de loi du NPD et ainsi nier aux travailleurs québécois le droit de travailler en français. Les députés néodémocrates montrent par ailleurs leur mépris de la lutte nationale des Québécois pour leur existence sur le long terme lorsque ses députés s’expriment en anglais. Cette situation est d’ailleurs venue à l’attention du public en décembre 2011. Le Forum Jeunesse du Bloc québécois, alors présidé par l’auteur de ces lignes, avait dénoncé l’intervention en anglais du député de Chicoutimi – circonscription presque exclusivement composée de Québécois – Dany Morin sur un sujet qui relevait par ailleurs des juridictions provinciales. Les médias se penchèrent ensuite sur la question, révélant que les néodémocrates du Québec étaient nombreux à s’exprimer dans la langue de Shakespeare à la Chambre des Communes[34]. La réponse d’Alexandre Boulerice fut très claire : son caucus s’exprimerait encore davantage en anglais au nom d’une prétendue représentativité…
Il n’est pas surprenant, dès lors, que le NPD ait ensuite aboli, au sein de ses structures internes, son aile québécoise.
Conclusion
La problématique reste donc entière. Cette situation peut-elle être imputable aux partis politiques d’obédience fédéraliste ? Oui, mais nous aurions tort de les blâmer, dans la mesure où ceux s’inscrivent dans la logique du régime canadien, laquelle repose sur le pouvoir absolu de la nation majoritaire. Sur la question linguistique, et outre les renvois du gouvernement des juges qui n’ont pour effet que de fragiliser davantage nos outils collectifs, de nombreuses autres politiques visent l’établissement d’une dynamique linguistique tendant vers le bilinguisme – dont le résultat n’est que l’affaiblissement de la situation de notre langue. Par exemple, nous n’avons qu’à observer la nature des subventions fédérales en matière d’enseignement de l’anglais comme langue seconde, ou le surfinancement de la recherche universitaire provenant d’établissements anglophones. Cinq ans après la reconnaissance de notre nation, et à mesure que la région métropolitaine s’anglicise, Ottawa continue de financer à coups de millions le Quebec Community Groups Network (QCGN), successeur d’Alliance Québec (dont Thomas Mulcair a déjà été l’avocat) depuis 1995. Le Quebec Community Groups Network est le plus puissant des groupes de pression anglophones, regroupant pas moins de 38 organisations. Pour ne citer que quelques exemples du type de prises de position du réseau, il appelait en 2007 à la mise en place d’un système de discrimination positive dans l’embauche d’anglophones au sein de la fonction publique québécoise. De plus, le 22 janvier 2009, le réseau se réjouissait de l’invalidation de la loi 104 sur les écoles passerelles par la Cour suprême du Canada. En 2006, la ministre Josée Verner a affirmé avoir accordé une aide financière de 13,5 millions de dollars au QCGN pour trois ans et y a ajouté une subvention d’un demi-million en 2008. Dans son rapport annuel pour 2006-2007, le QCGN remerciait d’ailleurs Santé Canada pour son coup de main, lui permettant de faire élire des anglophones à des conseils d’administration d’hôpitaux. Depuis le scandale des commandites, nous savons qu’Ottawa n’a jamais craint de s’ingérer au sein de la démocratie québécoise. Nous ne pouvions cependant pas nous douter que même de simples élections au sein des établissements de santé n’étaient pas à l’abri des fonds fédéraux.
On le voit bien, la loi 101 est véritablement devenue une grande loi canadienne comme s’en félicitait Stéphane Dion. Elle en a du moins été des plus canadianisées avec le temps. Le régime canadien est nocif pour la nation québécoise, il n’y a plus aucun doute. Que les partis fédéralistes encouragent un tel emploi des fonds publics, qu’ils endossent les jugements de la Cour suprême du Canada ou qu’ils permettent que 300 000 employés puissent fonctionner dans des règles contraires à celles que les Québécois se sont fixés démocratiquement, cela s’inscrit dans la logique de base de la dynamique majoritaire-minoritaire. Les fédéralistes n’en demeureront pas moins très mal placés pour demander au peuple québécois de conserver son statut de province.
ERRATUM
Dans le numéro de février 2013 de L’Action nationale, je signais le texte « Les souverainistes et la mondialisation : l’enthousiasme internationaliste ». J’y affirmais que le maintien du Québec au sein de l’Accord de libre-échange serait une chose somme toute assez facile à assurer advenant l’indépendance du Québec. Un lecteur de la revue – et je l’en remercie – m’a invité à une plus grande précision. Il n’y avait pas dispositions spécifiques dans l’ALE. Dans l’ALÉNA qui lui succéda en 1992 avec l’ajout du Mexique se trouve l’article 22.04 qui établit que :
- « Tout pays ou groupe de pays pourra accéder au présent accord, sous réserve des conditions convenues entre ce pays ou groupe de pays et la Commission et après approbation conformément aux procédures d’approbation applicables de chaque pays.
- Le présent accord ne s’appliquera pas entre une partie et tout pays ou groupe de pays qui y accède si, à la date d’accession, l’un ou l’autre ne consent pas à son accession »
Cet article laisse entendre que la reconnaissance du Québec au sein de l’ALÉNA relèvera bien davantage des circonstances politiques que de la garantie juridique. Cela veut dire que des négociations devront avoir lieu et que l’acceptation du Québec ne se ferait qu’à la condition que les signataires y reconnaissent un intérêt au fonctionnement général de l’entente.
[1]Montenay 2005 p. 54-55
[2]Ibid p. 57
[3]Dufour 2006 p. 63-64
[4] Pour une explication de l’enthousiasme des souverainistes québécois envers le libre-échange, voir Parizeau 2009 p.47-54
[5] Kundera. Le Rideau, essai en sept parties. Paris : Gallimard, NRF, 2005, p. 47
[6] Jean-Marc Léger, Vers l’indépendance. Le pays à portée de main. Montréal : Leméac. 1993. P. 61
[7]Ibid. p. 131
[8] Yves Michaud, Les raisons de la colère. Montréal : Fides. 2005, p. 363
[9]Montenay 2005 p. 100-101
[10] Ibid p. 102
[11] Le discours est reproduit dans Laurin, Camille. 1977. Le français, langue du Québec. Montréal : Éditions du Jour (p.105-111)
[12] Il suffit, pour s’en convaincre, de lire le chapitre que lui consacre Jean-Claude Picard dans sa biographie de Camille Laurin.
[13] Laurin 1977 p. 167
[14] Ibid p. 174-175
[15] Ibid p. 176-179
[16]http ://www.oqlf.gouv.qc.ca/charte/reperes/reperes.html
[17] Dufour, Christian. Les Québécois et l’anglais. Le retour du mouton. Montréal : LER. P. 84
[18] Berton-Grant 1981 p. 42
[19] Ibid
[20] Castonguay 2008 p. 45-56
[21] Ibid p. 57
[22] Ibid p. 89
[23]Castonguay 2010
[24]http ://www.ledevoir.com/politique/canada/336843/ottawa-cree-un-comite-sur-le-francais-dans-les-entreprises-de-juridiction-federale
[25]http ://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2012/11/18/001-comite-francais-ottawa.shtml
[26]http ://www.lapresse.ca/actualites/201111/19/01-4469596-un-patron-unilingue-anglophone-a-la-banque-nationale.php
[28] L’article 178. 1 du Code canadien du travail stipule que : Sauf disposition contraire de la présente section, l’employeur doit payer à chaque employé au moins : a) soit le salaire horaire minimum au taux fixé et éventuellement modifié en vertu de la loi de la province où l’employé exerce habituellement ses fonctions, et applicable de façon générale, indépendamment de la profession, du statut ou de l’expérience de travail ;
Disponible en ligne : http ://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/L-2/
[29] Disponible sur le site du Parlement du Canada : http ://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx ?DocId=3118879&Mode=1&Language=E&File=4
[30] Idem : http ://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx ?DocId=3661337&Language=f&Mode=1&File=27
[31] Idem : http ://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx ?Language=F&Mode=1&DocId=5154056
[32] Idem : http ://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx ?DocId=4330120&Mode=1&Language=F&File=24
[33] Idem : http ://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx ?Language=F&Mode=1&DocId=5151660
[34] On lira par exemple Guillaume Bourgault-Côté dans Le Devoir : http ://www.ledevoir.com/politique/canada/338432/monsieur-le-president-mister-speaker