Les intellectuels doivent se rendre visibles

Paru sous le titre «Indépendance du Québec. Les intellectuels doivent se rendre visibles»

La personnalité créatrice doit penser et juger par elle-même, car le progrès moral de la société dépend exclusivement de son indépendance.
–Albert Einstein (1879 -1955)

J’ai vécu l’indépendance de mon pays d’origine. Je rêve de vivre celle de mon pays d’adoption, mais le Québec étant une province du Canada, les grandes décisions le concernant se prennent ailleurs qu’à Québec. Le jour où le pays sera indépendant, j’en serai heureux et c’est son peuple qui décidera de son devenir. Mais pour y parvenir que faut-il encore faire ?

Une des réponses réside dans l’apport des intellectuels, leur rôle et leur contribution à l’effort de vulgarisation de la pensée et de l’expression d’idées nouvelles qui sensibiliserait la société toute entière à l’indépendance. Il est bien entendu que cet apport est perçu différemment par les uns et par les autres, au point où grâce, entre autres, à des médias complaisants, ceux qui sont contre sont plus visibles parce que leurs idées n’encouragent pas le réveil de toute ou partie de cette société, mais au contraire, la tétanisent.

Le Québec et le reste du monde

Ce que je veux dire c’est que les réflexions des intellectuels sont à même de canaliser cette quête d’indépendance qui fluctue en fonction de l’adversité. En laissant le champ libre à ceux qui sont contre au moment où les partisans de l’indépendance du Québec sont aussi imputables des dérives qui ébranlent les fondements de la personnalité, de l’identité et de la culture du Québec. C’est ainsi que s’est érigée une culture d’influence contre l’idée d’indépendance du Québec.

D’un point de vue général, le monde et le Québec sont deux espaces intrinsèquement liés. Depuis la fin du dernier millénaire, les deux ont vécu des mutations marquantes et significatives. Des changements tectoniques impactent les politiques domestiques de tous les pays. En Europe de l’Est, les Balkans ont retrouvé leur géographie initiale contre celle tracée par les Nations unies. L’Union européenne s’est fragilisée avec le Brexit, la montée des nationalismes, la problématique de la Catalogne alors que la Covid-19 remet en question tous les programmes politiques, mettant à mal les institutions supranationales et que Bruxelles tremble. De son côté le bloc de l’Est s’est restructuré. L’Allemagne s’est réunifiée. Les pays baltes se sont libérés de l’emprise de leur voisin de l’Est. L’Asie moderne émerge sur l’échiquier mondial. Le Moyen-Orient est dépecé et redécoupé. Les guerres menées par les É.-U. et leurs alliés jettent à la mer ou sur les chemins de l’incertitude des millions de réfugiés d’Asie, du Moyen-Orient et d’Afrique. L’Amérique latine se rebiffe et l’Islamisme et son terrorisme ne sont pas vaincus.

Au Québec, après avoir mis à mal l’économie, les libéraux ont tenté de se maintenir au mépris de l’avis des citoyens et ils ont été évacués sans ménagement. La Coalition avenir Québec (CAQ) tente de redresser le navire en déperdition au moment où les indépendantistes persistent dans leurs caprices et la déraison. Aujourd’hui, la Covid-19 s’est invitée en créant un tourbillon incontrôlable. Une alerte à la remise en question de soi, des institutions, des grands axes de développement de la société. Un glas qui sonne fort et rappelle à l’ordre tout le monde.

La rentabilité financière si chère aux bâtisseurs des 19e et 20e siècles montre ses limites et l’acteur principal du système, l’homme, apparaît dans toute sa vulnérabilité et remet en question l’arrogance de ses dirigeants. Pourtant, la protection de l’environnement, les insuffisances observées dans la santé, l’éducation, la justice, le vieillissement de la population ont été des avertissements qu’ils ont magistralement occultés. L’éducation et la santé avant tout, disent les anciens, mentale ou physique, c’est en elles que réside la puissance des peuples.

Une nouvelle pédagogie de la politique assistée par les intellectuels s’impose. Elle exige une convergence fine entre les citoyens et leurs institutions. Cependant, l’exigence d’une planification stratégique est d’actualité en considérant qu’il n’est pas trop tard pour y remédier avec l’option d’un retour à des frontières humaines et, pourquoi pas, dans un Québec indépendant à l’horizon 2030.

Des observations et des constats

Dans ce pays du futur, deux facteurs clés sont à réévaluer : la gouvernance devra revisiter l’organisation et le fonctionnement de tous les systèmes socioéducatifs : santé, éducation, culture, solidarité. L’apport rationnel de l’immigration doit être repensé en fonction des besoins de la société, que ce soit en matière démographique, économique, culturelle, mais aussi sociétale. La bonne approche doit être locale et matricielle et ce ne sont pas les solutions choisies par Ottawa qui conviendraient au mieux aux intérêts du Québec.

Sur un plan complémentaire, le Québec a toujours fait face à deux types de mobilité des ressources humaines. Le premiers’oriente vers la province : les immigrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile (humanitaire, politique, sécuritaire, etc.). Le secondest porté par deux vecteurs antinomiques, le premier est celui des Québécois et des immigrants qui quittent le Québec vers l’Ouest canadien ou le reste du monde ; le second est celui qui fait que quelques Canadiens, pour différentes raisons, arrivent au Québec pour améliorer leur bien-être.

Un Québec en plusieurs pôles

En ce qui a trait à la division du Québec, pour le moment il existe deux pôles, les régions et l’île de Montréal. Si l’immigration constitue une solution pour équilibrer la démographie dans les régions, Montréal présente d’autres dysfonctionnements, parmi lesquels on trouve ses loyers trop élevés, les coûts de ses transports en commun excessifs, les mauvaises dessertes des zones industrielles situées en majorité dans les périphéries, etc. C’est pourquoi la pensée managériale et la vision des organisations qui subissent des conversions majeures sont à corriger, notamment avec l’introduction des technologies de l’information et l’intelligence artificielle (IA).

Malgré des solutions pertinentes, un problème est angoissant

Quelques secteurs d’activités ont osé l’introduction de la numérisation et l’apport de l’IA alors que les mentalités professionnelles sont ancrées dans le siècle dernier. Les plus aptes à opérer le changement suivent, les autres sont distancés. Les intellectuels du management québécois gagneraient à s’impliquer pour accompagner ce changement majeur qu’est la mobilité ou la « numidité » de la main d’œuvre et ainsi démontrer que l’évolution et le progrès font partie des libertés individuelles et collectives.

Pour ce qui est de l’IA un « comité d’orientation de la grappe en intelligence artificielle » a été installé par l’Université de Montréal, à la demande du gouvernement du Québec. Il a reçu, en 2017, le mandat de faire du Québec un acteur de premier plan en IA, que ce soit en matière de recherche et d’innovation, de création d’entreprises ou d’appropriation de l’IA par les organisations. Toutefois, la composante de la direction de la grappe est incomplète ; il n’y a aucune autorité des sciences humaines, de la philosophie, de la sociologie, de la psychologie. Les intellectuels intéressés par l’indépendance doivent se rendre visibles pour aider à la compréhension de l’apport de l’IA et de ses effets sur la société. Imaginons les avancées opérées si, considérant les libertés fondamentales, le Québec était indépendant.

Les intellectuels sont une clé pour dénouer l’aliénation culturelle

Dans le volet « immigration au travail », l’obstacle majeur persiste malgré les tentatives de le rationaliser. Il s’agit du protectionnisme des ordres professionnels à l’endroit des acquis scolaires des immigrants, auquel s’ajoutent des réticences avérées de bien des employeurs, parmi lesquels la fonction publique du Québec. Qualifiés par les intéressés d’exagérés, ils constituent la barrière face à l’expression de potentiels avérés. Or, seul un Québec indépendant inciterait les institutions à une remise en question de ces obstructions.

L’engagement des intellectuels dans tout processus de libération d’un pays n’est pas une utopie, mais bel et bien un idéal vers lequel tend toute nation en devenir. Il peut être partagé avec tous les citoyens œuvrant à affranchir les idées et les pensées de toute aliénation en vue d’améliorer les conditions de vie sociale, culturelle et économique. Cela renforcerait l’identité et, par extension, la personnalité des Québécois.

Bien entendu, les conceptions réductrices de ceux qui sont contre ou ne participent pas à cet idéal ne peuvent être ignorées. La quête d’indépendance influe sur la mobilisation des masses qui doivent être en permanence sensibilisées. Au Québec, les adversaires de la souveraineté du peuple sont nombreux. Parfois, ils sont l’adversité personnifiée ; mais souvent ils le sont par une méconnaissance de leur propre identité. Leurs cultures initiales sont dépréciées et leur personnalité nationale emprunte aux caractéristiques des autres. Ils finissent par être imputables des dérives qui ébranlent les fondements identitaires et culturels du Québec. Si ce dernier reste dépendant du Canada, toutes les autres provinces s’opposent à ses actes sociétaux et le pire réside dans la pensée qu’implantent les chantres du multiculturalisme au sein de la société distincte enrichie de son immigration.

Dans un passé récent, ici et ailleurs, ce sont les efforts des intellectuels engagés, toujours fidèles aux fondements matriciels des personnalités mémorielles et fusionnées de leurs peuples qui ont mené aux indépendances de leurs pays. Les intellectuels du Québec, par des idées salvatrices, sont capables de contribuer à redonner vie aux aspirations d’indépendance des Québécois.

 

* Conférencier et formateur en intégration socioculturelle.

Paru sous le titre «Indépendance du Québec. Les intellectuels doivent se rendre visibles»

La personnalité créatrice doit penser et juger par elle-même, car le progrès moral de la société dépend exclusivement de son indépendance.
–Albert Einstein (1879 -1955)

J’ai vécu l’indépendance de mon pays d’origine. Je rêve de vivre celle de mon pays d’adoption, mais le Québec étant une province du Canada, les grandes décisions le concernant se prennent ailleurs qu’à Québec. Le jour où le pays sera indépendant, j’en serai heureux et c’est son peuple qui décidera de son devenir. Mais pour y parvenir que faut-il encore faire ?

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