Les libéraux de la Révolution tranquille

Professeur de science politique, UQAC

logo100eBLEU150Depuis le début du XIXe siècle, notre société a subi des influences diverses qui ont profondément affecté le combat nationaliste. La guerre d’indépendance américaine, la Révolution française et les mouvements de libération anticoloniale en Amérique latine ont donné une couleur progressiste au nationalisme du Bas-Canada, marqué par l’idéal républicain et un certain anticléricalisme. Cette phase a culminé avec le soulèvement patriote de 1837-1838. La défaite sanglante des patriotes a permis aux forces les plus hostiles au républicanisme et à la laïcité d’imposer leur contrôle sur le Canada français, notamment par l’entremise de la formation des élites. Certes, pendant un certain temps subsisteront des Rouges, comme ceux regroupés autour de l’Institut canadien de Montréal. Il reste que le nationalisme canadien-français demeurera pendant plus d’un siècle, à quelques exceptions près, sous l’influence prédominante de l’Église catholique et de la droite intellectuelle française hostile à la révolution de 1789.

Professeur de science politique, UQAC

logo100eBLEU150Depuis le début du XIXe siècle, notre société a subi des influences diverses qui ont profondément affecté le combat nationaliste. La guerre d’indépendance américaine, la Révolution française et les mouvements de libération anticoloniale en Amérique latine ont donné une couleur progressiste au nationalisme du Bas-Canada, marqué par l’idéal républicain et un certain anticléricalisme. Cette phase a culminé avec le soulèvement patriote de 1837-1838. La défaite sanglante des patriotes a permis aux forces les plus hostiles au républicanisme et à la laïcité d’imposer leur contrôle sur le Canada français, notamment par l’entremise de la formation des élites. Certes, pendant un certain temps subsisteront des Rouges, comme ceux regroupés autour de l’Institut canadien de Montréal. Il reste que le nationalisme canadien-français demeurera pendant plus d’un siècle, à quelques exceptions près, sous l’influence prédominante de l’Église catholique et de la droite intellectuelle française hostile à la révolution de 1789.

La période soumise à l’examen constitue un moment charnière dans l’histoire du nationalisme qu’on qualifierait bientôt de québécois. En effet, cette période marque le passage d’un nationalisme défensif, axé sur le combat pour la sauvegarde de l’autonomie du Québec consacrée par une certaine interprétation du « Pacte » de 1867, à un nationalisme franchement revendicateur, exigeant de nouveaux pouvoirs, sinon l’indépendance pure et simple. Par ailleurs, il s’agit aussi de la période où les forces conservatrices perdent le monopole qu’elles exerçaient jusque-là sur la pensée nationaliste. Désormais, des courants progressistes, allant des libéraux aux socialistes, se réclameraient eux aussi de la lutte pour l’émancipation nationale, à différents degrés. Cette situation devait provoquer des étincelles entre nationalistes. L’Action nationale, dans ses analyses et prises de position au sujet du Parti libéral de Jean Lesage, allait y apporter sa contribution. La plupart ont été rédigées par le directeur de la revue au cours de cette période, l’économiste François-Albert Angers (1909-2003).

À l’époque, la revue demeurait sous l’emprise idéologique de la droite cléricale. Elle rejetait l’État-providence et la laïcité. Sa méfiance au sujet de l’intervention de l’État dans l’économie procédait d’une prise de position foncièrement hostile aux idées socialistes ou même socialisantes. Elle se réclamait des encycliques papales Rerum novarum et Quadragesimo Anno comme guides en matière de pensée économique et sociale. Même à l’aube de la Révolution tranquille, la pensée corporatiste y manifestait encore son influence. Tout cela va naturellement évoluer au cours de la période ultérieure. Mais pour celle qui nous intéresse, les positions de la revue peuvent apparaître surprenantes à la lumière de l’évolution qu’a connue la société québécoise.

Depuis la Deuxième Guerre mondiale et dans la lignée du rapport de la commission Rowell-Sirois, le gouvernement fédéral procédait à une centralisation croissante des pouvoirs, au mépris des prérogatives des provinces. Le premier ministre Duplessis avait tant bien que mal cherché à résister à cette centralisation au nom de l’autonomie des provinces reconnue dans la constitution de 1867. Néanmoins, la revue revendiquait des changements importants que le régime de l’Union nationale semblait incapable de réaliser. En ce qui concerne les richesses naturelles, on y soulignait qu’il ne fallait pas « favoriser les étrangers aux dépens des nôtres1 », en donnant l’exemple de l’Iron Ore comme échec en cette matière. Le développement économique, plaidait-on, devait favoriser les Canadiens français, en mettant notamment sur pied des institutions pour canaliser l’épargne et la réinvestir dans notre économie2, « pour que nous devenions tous ensemble maîtres de notre propre destin3 ».

L’autonomie provinciale et la victoire libérale

Avec son nouveau chef, Jean Lesage, Le Parti libéral semblait vouloir aller dans cette direction. Mais son passé récent à Ottawa comme ministre du gouvernement de Louis St-Laurent, dont les politiques centralisatrices – approuvées par Lesage – ont soulevé l’ire des nationalistes du Québec, suscitait une très grande méfiance4. Sa conversion apparente au respect des compétences du Québec laissait craindre qu’il ne s’agisse que de rhétorique à des fins électorales. Le Parti libéral s’était opposé à l’existence d’un impôt provincial sur le revenu. Cette fois, Lesage s’était engagé à mettre sur pied un front uni des provinces pour en venir à un accord avec le fédéral sur le partage des impôts. Angers saluait également la promesse de réclamer l’exclusivité de l’impôt sur les successions pour le Québec5. Il reste que si on se réjouissait du ton autonomiste du chef libéral et des progrès accomplis dans le programme de son parti dans la sauvegarde des prérogatives de l’État québécois, tout cela ne suffisait pas à rassurer. L’Action nationale allait donc rester fidèle à sa tradition – à deux exceptions près – de ne pas prendre position pour un parti politique, quoique son directeur ait a posteriori souhaité la réélection d’un gouvernement de l’Union nationale, « tout juste capable de gouverner, et ainsi forcé par une opposition puissante de se renouveler et de se purifier6 ». Entretemps, quatre années supplémentaires dans l’opposition auraient permis au Parti libéral de poursuivre sa régénération « dans ses nouvelles convictions autonomistes7 ».

Par la suite, le ton de la revue à l’égard du gouvernement libéral, élu le 22 juin 1960, a changé radicalement. Après la méfiance et le scepticisme, un certain enthousiasme commençait à s’installer. Les applaudissements au programme électoral de Lesage, considéré par Angers comme « le meilleur programme autonomiste et nationaliste dans le sens le plus positif du mot depuis les jours du Bloc populaire8 », se sont prolongés avec une intensité plus forte avec les premiers gestes du gouvernement Lesage, achevant de convaincre le directeur de la revue que l’engagement des libéraux était sincère :

Dans ces conditions, on peut considérer que l’opinion nationaliste vient de remporter l’une de ses plus grandes, de ses plus significatives victoires depuis le début du siècle. Et ce n’est pas la victoire libérale qui constitue à proprement parler cette victoire, mais la conversion du parti libéral, son retour à ses anciennes traditions d’autonomie […]9.

En effet, le PLQ reprenait à son compte le rapport Tremblay pour revendiquer de nouvelles institutions pour négocier avec Ottawa, réformer la Cour suprême, créer un nouveau tribunal constitutionnel, accroître l’autonomie fiscale du Québec. L’Action nationale se voyait donc rassurée, pendant un bon moment, par l’attitude du nouveau gouvernement face à Ottawa. Nous y reviendrons.

Les politiques sociales

Les positions de la revue témoignaient cependant d’une hostilité manifeste envers les politiques sociales du gouvernement Lesage. Sur la base de sa foi catholique, Angers s’opposait au développement d’un État-providence10. Les éléments religieux mis à part, son raisonnement ne serait pas renié par les néo-libéraux et libertariens d’aujourd’hui :

Si nous en sommes rendus à ne plus voir de différence entre la charité et l’impôt, entre ma disposition volontaire à donner pour aider mon prochain et l’obligation de remettre mon revenu à l’État pour qu’il l’utilise à des fins impersonnelles quand [sic] à chacun d’entre nous, entre le don volontaire de soi du chrétien clerc ou laïque et le fonctionnaire plus ou moins grassement payé pour administrer un service d’État, nous sommes mûrs pour l’univers concentrationnaire, car nous n’avons plus aucun sens de ce que c’est que la personne et la liberté. Car cela est assez clair pour quiconque sait réfléchir un peu en profondeur : c’est bien sûr la gratuité de soi qui conduit aux plus hauts sommets de la liberté, alors que la gratuité d’État engendre au contraire l’ingérence, la tyrannie, l’obligation de se soumettre à des normes uniformes, la mécanisation des rouages et des institutions, et finalement l’irresponsabilité dans la personne11.

Il s’opposait ainsi à l’assurance-hospitalisation, dont il réprouvait l’étatisation totale12 et qu’il comparait au régime soviétique13. « La santé, écrivait-il, est avant tout un bien personnel dont la responsabilité relève des intéressés et de leur activité, en vue précisément de sauvegarder leur autonomie et leurs libertés. » Dans l’esprit d’Angers, l’État ne devait intervenir que lorsqu’il n’était pas possible de faire autrement. Dans les autres cas, il fallait s’en remettre « aux responsabilités individuelles et familiales ». Dans le cas contraire, poursuivait-il, on « oriente la mentalité populaire vers une conception socialiste de la société14 ». L’intervention de l’État devrait donc se limiter à l’aide aux indigents.

L’opposition au rapport Parent et à la création d’un ministère de l’Éducation s’est révélée encore plus virulente. Dans son Manifeste, L’Action nationale, opposée à la laïcité et à la neutralité de l’État, lui reprochait de réduire les prérogatives de l’Église, confondues avec « nos traditions nationales ». Les institutions scolaires prévues par la réforme seraient « plus dangereuses pour notre survie, que les efforts centralisateurs des gouvernements d’Ottawa ». On y voyait « l’équivalent d’une perversion de l’esprit même de notre civilisation dans ce qu’elle a de plus profondément original15 ». Au cours des six années du gouvernement Lesage, aucune attaque de L’Action nationale n’aura été plus vive. Le numéro de septembre 1963 était entièrement consacré à une critique impitoyable du rapport Parent et des projets du ministre Gérin-Lajoie. Pendant toute la période, aucun article favorable à cette réforme n’a été publié dans les pages de la revue. Nationalisme et catholicisme s’y confondaient comme des frères jumeaux, tant chez Angers que chez les collaborateurs réguliers ou occasionnels de L’Action nationale.

L’État et l’économie

L’autre courant qui traversait le monde occidental de l’après-guerre était le keynésianisme. Dans ce cas-ci, François-Albert Angers, qui, je le rappelle, était aussi économiste, émettait un jugement plus nuancé sur l’œuvre du gouvernement Lesage, tout en faisant part de sa méfiance envers l’État. Très caractéristique du libéralisme classique, cette méfiance a amené le directeur de L’Action nationale à exprimer de fortes réticences au sujet de l’éventuelle nationalisation de l’hydro-électricité, au moment où le ministre René Lévesque entreprenait des démarches pour l’achat de la Shawinigan Water and Power16. Bien que favorable à ce qu’on mette fin au contrôle exercé par les Anglo-Saxons sur ce secteur stratégique de l’économie québécoise, Angers demeurait un partisan de l’entreprise privée, jugée plus efficace. La revue a d’ailleurs publié plusieurs articles faisant également l’apologie de la propriété coopérative des services de distribution de l’électricité. Qui plus est, l’étatisation lui faisait craindre l’amorce d’une dynamique qui s’étendrait à d’autres secteurs d’activité, menant le Québec au socialisme et au totalitarisme17. Outre les arguments fondés sur sa vision libérale de l’économie, il évoquait le risque politique de l’étatisation d’un point de vue nationaliste. Le danger, selon lui, résidait dans le fait que si la production et la distribution de l’électricité passaient sous la coupe de l’État :

[…] il suffira d’un Adélard Godbout quelconque pour régler notre sort par simple correspondance entre Ottawa et Québec, comme cela s’est déjà fait pour certains amendements à la constitution ou pour les ententes fiscales. […] L’État est peut-être l’un des nôtres, comme le prétendait dernièrement un ministre québécois. Mais c’est celui des nôtres qui nous a, au cours de notre histoire, le plus souvent trompés, le plus souvent trahis18.

Encore une fois, c’est la propriété coopérative qui éviterait un tel risque pour l’autonomie du Québec, puisque « notre situation exige que nos forces soient en même temps assez organisées pour être efficaces ; et assez diffuses pour être insaisissables19 ». Par ailleurs, il notait un paradoxe intéressant : en permettant au Québec de prendre le contrôle d’une ressource importante, l’étatisation aurait en revanche pour effet de grossir le capital anglo-saxon de plusieurs centaines de millions de dollars20.

Il reste que plusieurs mesures du gouvernement Lesage en matière économique ont été soulignées de manière positive par L’Action nationale. Depuis au moins le milieu des années 1930, la revue réclamait la création d’un Conseil d’orientation économique. À cet effet, la promesse du Parti libéral a été tenue et Angers s’en est réjoui21. L’annonce de la création de la Société générale de financement (SGF) destinée à soutenir le capital québécois, a reçu l’appui sans équivoque du directeur de L’Action nationale et d’autres collaborateurs comme Vély Leroy et René Paré. Il en attendait « rien de moins que d’ici un quart de siècle au plus, la libération économique du Québec22 ». La revue a également plaidé en faveur du développement de la sidérurgie québécoise, qui comptera parmi les réalisations de la Révolution tranquille.

L’évolution du débat constitutionnel et la critique du gouvernement Lesage

L’Action nationale, on l’a vu plus haut, s’était félicitée du virage autonomiste du Parti libéral. Elle a su, à chaque occasion, approuver les bons coups du premier ministre Lesage lorsqu’il s’est opposé à certaines initiatives fédérales, dont celles qui auraient permis à Ottawa de subventionner les universités ou de créer un réseau national (pancanadien) d’électricité. De même, après l’avoir un temps acceptée, le gouvernement a fini par rejeter la formule Fulton-Favreau d’amendement à la Constitution, trop contraignante pour obtenir des amendements favorables au Québec. L’action du gouvernement Lesage a permis l’institutionnalisation d’une Conférence des provinces, créé un Conseil des arts, un ministère des Affaires culturelles. Sur le plan économique, la fondation de la SGF s’inscrivait également dans une démarche d’autonomie. La revue considère que, du point de vue du nationalisme, ce gouvernement en a fait davantage en moins de deux ans « QUE PROBABLEMENT TOUS LES GOUVERNEMENTS PROVINCIAUX PRIS ENSEMBLE DEPUIS LA CONFÉDÉRATION23 ». Il s’agissait, écrivait Angers, d’un « nationalisme positif » qui ne se satisfaisait pas du seul respect de l’autonomie.

Mais il en reconnaissait aussi les limites. Conscient que le processus de centralisation du gouvernement fédéral et le refus du Canada anglais de reconnaître le statut particulier du Québec jouaient un rôle central dans la diminution des pouvoirs des provinces, il n’en excusait pas moins les libéraux de Lesage d’y contribuer à leur manière. Les dépenses générées par le virage keynésien et providentialiste entraînaient d’immenses besoins financiers qui ont acculé le gouvernement à accepter les intrusions du gouvernement fédéral par l’entremise de programmes conjoints et de subventions dans des domaines relevant des provinces. Cette situation, aux dires du directeur de L’Action nationale, démontrait l’échec de l’autonomisme du gouvernement Lesage et expliquait la montée du séparatisme24.

Angers insistait d’ailleurs sur ce qu’il considérait comme une contradiction du nationalisme des libéraux : les réformes adoptées ou projetées avaient pour but d’effectuer un rattrapage par rapport aux provinces anglophones, ce qui revenait, on l’a vu plus haut, à vouloir les imiter et à faire ainsi disparaître les spécificités du Québec. C’était particulièrement le cas pour la réforme de la santé, plus encore pour celle de l’éducation, accusée de renier l’un des ferments de l’identité canadienne-française. À long terme, soutenait le directeur de la revue, ces réformes auraient pour effet de faire disparaître toute volonté d’autonomie au Québec :

Car le sens positif de l’autonomie, c’est la liberté d’être soi-même, de se développer selon sa propre conception de la civilisation. Et si telle différence de conception n’existe plus, les raisons mêmes de l’autonomie disparaissent ; tout ce qu’il faut, c’est de la centralisation administrative par des gouvernements provinciaux et locaux qui peuvent alors être, qui doivent probablement être, dans une assez étroite dépendance du gouvernement central, seul gardien du bien commun25.

C’est pourquoi Angers n’hésitait pas à affirmer que le gouvernement Lesage était « en passe de devenir ainsi LE GOUVERNEMENT LE PLUS NÉFASTE DE NOTRE HISTOIRE POUR LE NATIONALISME26 ». L’adhésion de la revue à la thèse des « États associés » l’éloigna davantage de Lesage, tout en la rapprochant du ministre René Lévesque. Dans le numéro de septembre 1964, le directeur écrivait en éditorial que « l’Acte de 1867, tel qu’écrit et consenti à l’époque n’existe plus ; et personne n’en veut plus tel quel. Il nous faut donc envisager un langage nouveau et des solutions nouvelles pour des temps nouveaux27 ! » Disant rejeter le séparatisme dans l’immédiat, Angers estimait que la marche du Québec devait le conduire un jour à l’indépendance. Ce jour pourrait être rapproché si le Canada anglais refusait de satisfaire les demandes du Québec à l’horizon de l’année 1967, celle du centenaire de la Confédération. D’ailleurs, au cours des deux dernières années du gouvernement Lesage, la revue a multiplié le nombre d’articles portant sur l’indépendance28.

* * *

L’écart a donc continué à se creuser entre l’idéologie dominante de la revue et le gouvernement Lesage. Toujours marquée à droite sur le plan social, un peu moins sur les questions économiques, L’Action nationale de l’époque a évolué sur la question nationale en constatant l’échec des Pères de la Révolution tranquille en matière constitutionnelle. C’est ainsi qu’après avoir exprimé ses craintes que la réélection des libéraux, en 1962, laissait « poindre à l’horizon la possibilité que le radicalisme de gauche parvienne au pouvoir à Québec29 », François-Albert Angers exprimait sa grande satisfaction devant la défaite des troupes de Jean Lesage en 1966. Son bilan des six années de pouvoir des libéraux était foncièrement négatif. Il reprochait au gouvernement d’avoir voulu agir trop rapidement par manque de confiance envers le peuple30. La création du ministère de l’Éducation comptait parmi ces réformes radicales en rupture avec la « véritable pensée profonde de la nation31 ». En élisant l’Union nationale, la population du Québec aurait confirmé « qu’elle s’est trompée en 196032 ». Sur le plan de l’autonomie, le Québec n’aurait rien gagné de substantiel :

La conquête du droit de percevoir soi-même les deniers aux fins de les dépenser selon des standards prescrits par une loi fédérale ne fait pas du Québec un État autonome, mais une plus grande municipalité selon les vues des Pères de la Confédération les plus centralisateurs33.

De 1959 à 1966, les positions de L’Action nationale au sujet du Parti libéral ont connu de fortes variations. Jamais, au cours de son siècle d’existence, la revue n’aura été aussi séduite par l’attitude autonomiste de ce parti. Mais cela ne l’a pas empêchée d’entretenir le scepticisme nécessaire qui lui a permis de préserver son indépendance par rapport à ce gouvernement, et de voir clair dans la dynamique constitutionnelle. L’évolution ultérieure du Parti libéral, après la défaite de 1966, a entraîné le départ de son aile nationaliste. Le parti est alors devenu résolument fédéraliste. Les dissidents libéraux ont fondé un nouveau parti dont l’objectif ressemblait étrangement à celui des États associés auquel la revue avait adhéré dès 1964. Si L’Action nationale, à l’époque, ne se trouvait pas vraiment en phase avec l’évolution du monde développé en matière de pensée économique et sociale, il faut en revanche lui accorder qu’il en était autrement sur le plan des rapports Québec-Canada et que sa méfiance à l’endroit du Parti libéral du Québec était fondée.

 

 


1 François-Albert Angers, « Les grands problèmes de la politique provinciale », L’Action nationale, vol. XLIX, n3, novembre 1959, p. 169.

2 François-Albert Angers, « Le problème économique au Canada français », L’Action nationale, vol. XLIX, n3, novembre 1959, p. 171-183.

3 Ibid., p. 183.

4 François-Albert Angers, « Lesage s’engage… à quoi ? », L’Action nationale, vol. XLIX, n3, novembre 1959, p. 224-231.

5 François-Albert Angers, « Enfin ! », L’Action nationale, vol. XLIX, n8, avril 1960, p. 648.

6 François-Albert Angers, « Les élections provinciales », L’Action nationale, vol. L, n1, septembre 1960, p. 5.

7 Ibid.

8 Ibid., p. 9.

9 Ibid., p. 12.

10 François-Albert Angers, « Changement de vie », L’Action nationale, vol. L, n1, septembre 1960, p. 67-68.

11 François-Albert Angers, « Scandales de laïcité », L’Action nationale, vol. L, n9, mai 1961, p. 907-908.

12 François-Albert Angers, « Encore faut-il savoir où est le bien commun », L’Action nationale, vol. L, n4, décembre 1960, p. 365.

13 François-Albert Angers, « Législateurs inconscients ou irresponsables ? », L’Action nationale, vol. LII, n2, octobre 1962, p. 162.

14 Ibid., p. 366.

15 François-Albert Angers, Patrick Allen, Dominique Beaudin, Jean Genest été Archélas Roy, « Manifeste de l’Action Nationale », L’Action nationale, vol. LIII, n1, septembre 1963, p. 1-3.

16 François-Albert Angers, « La sempiternelle étatisation », L’Action nationale, vol. L, n2, octobre 1960, p. 199-203.

17 François-Albert Angers, « Les principes seraient-ils plus idiots que les sentiments et les intérêts ? », L’Action nationale, vol. LI, n1, septembre 1961, p. 86-90.

18 François-Albert Angers, « Cela devait arriver ! », L’Action nationale, vol. LI, n5, janvier 1962, p. 437. Angers affirme avoir toujours souscrit « à l’esprit et à la lettre » de la doctrine sociale de l’Église. François-Albert Angers, « Temps perdu toujours ! », L’Action nationale, vol. LIV, n5, janvier 1965, p. 494.

19 Ibid., p. 438.

20 François-Albert Angers, « Où sont les vrais coopérateurs ? », L’Action nationale, vol. LII, n4, septembre 1962, p. 311.

21 François-Albert Angers, « Une gaffe ou une gifle ? », L’Action nationale, vol. L, n2, octobre 1960, p. 188.

22 François-Albert Angers, « La vraie histoire de nos banques d’affaires », L’Action nationale, vol. LII, n1, septembre 1962, p. 37.

23 François-Albert Angers, « Victoire du nationalisme ? », L’Action nationale, vol. LII, n5, janvier 1963, p. 424. Les majuscules sont de F.-A. Angers.

24 François-Albert Angers, « Le séparatisme marque des points ! », L’Action nationale, vol. LI, n7, mars 1962, p. 552.

25 Ibid., p. 425.

26 Ibid. Les majuscules sont de F.-A. Angers.

27 François-Albert Angers, « Au sextant de l’Action Nationale : des États associés », L’Action nationale, vol. LIV, n1, septembre 1964, p. 11.

28 Dans sa livraison d’octobre 1965, L’Action nationale contient un grand nombre de textes prônant l’indépendance.

29 François-Albert Angers, « Élections provinciales », L’Action nationale, vol. LII, n3, novembre 1962, p. 277.

30 François-Albert Angers, « La “surprise” des élections de 1966 », L’Action nationale, vol. LVI, n1, septembre 1966, p. 5.

31 Ibid., p. 4.

32 Ibid.

33 Ibid. p. 6.

 

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