Louise Harel tente sa chance. Une nouvelle reine pour Montréal ?

La course à la mairie de Montréal s’annonce peu banale. Une indépendantiste et sociale-démocrate veut accéder à la mairie d’une ville comptant une forte minorité d’anglophones ! Compte tenu des difficultés de son adversaire, il semble même qu’elle aurait des chances réelles de l’emporter. Or ce dernier disposait, en 2005, de solides appuis même dans les districts francophones. Les élections du 1er novembre prochain seront vraisemblablement beaucoup plus serrées, laissant peu de place à l’erreur.

On ne peut toutefois douter que, pour l’emporter, Louise Harel respectera l’apartheid si caractéristique de la politique montréalaise, refaisant des francophones de Montréal les sacrifiés de la bonne entente, ainsi qu’elle l’a déjà fait dans le passé. Concrètement, ses chances de gagner varient selon l’enjeu en cause : la course à la mairie pourrait se solder par des résultats différents de ceux du conseil municipal ou des conseils d’arrondissement. Selon les circonstances, la surconcentration et la sous-concentration des francophones peuvent diminuer les chances d’élection de l’ex-ministre péquiste. Tout dépend du vote des groupes linguistiques – notamment les francophones et les néo-francophones –, de la répartition de leurs effectifs et de leur taux de participation, du nombre de partis en lice, des modes de scrutin utilisés, etc. En attendant d’en être au grand soir, quelques simulations laissent présager des résultats à venir. On en conclut que la venue de Mme Harel à la mairie ne pourra se faire qu’au prix de l’aliénation de l’électorat souverainiste et nationaliste.

Une indépendantiste et sociale-démocrate qui fait le saut à Montréal !

L’envie de plonger en politique municipale montréalaise de Louise Harel ne date pas d’hier. Simple citoyenne, Mme Harel a des idées. Elle est souverainiste et sociale-démocrate. Engagée, elle est avocate, puis attachée politique et députée du Parti québécois à partir de 1981. Ministre, elle est notamment chargée des Affaires municipales. Lucien Bouchard lui donne pour mission de réaliser les fusions municipales. Après plus de 25 ans de vie publique, la députée d’Hochelaga-Maisonneuve s’est fait un nom auprès des Montréalais, qu’ils soient francophones ou anglophones.

On aurait cependant pu croire qu’elle aurait fait le saut avec un parti plus proche de ses idéaux politiques et sociaux. Un parti plus social-démocrate, plus soucieux de l’environnement et du développement durable, un parti engagé envers la justice sociale et la démocratie. Un tel parti existait en Projet Montréal, dirigé par Richard Bergeron. Qui plus est, ce dernier avait sérieusement examiné, au début de juin dernier, la possibilité de collaborer avec l’ex-ministre et même… de lui offrir, sous certaines conditions, son poste de chef.

Mais Mme Harel a préféré se jeter dans l’arène municipale avec les coudées franches. C’est ainsi qu’elle s’est jointe aux « restes » de Vision Montréal, le parti de l’ex-maire de Montréal, Pierre Bourque. Son nouveau parti, Vision Montréal, était alors dirigé par l’ex-président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Benoît Labonté. Libéral fédéral et ultrafédéraliste, ce dernier s’est quant à lui montré pleinement disponible pour l’aventurière. Le 3 juin 2009, Mme Harel sautait officiellement dans l’action. Plus aucun obstacle ne la séparait d’une lutte avec le titulaire du poste de maire de Montréal, Gérald Tremblay. Il ne lui restait plus qu’à livrer le combat de sa vie.

Au royaume de Gérald Tremblay

Mme Harel s’est jetée dans l’aventure municipale comme elle a réalisé les fusions en 2000-2001. Forte de ses expériences politiques, elle s’est avancée sûre d’elle-même, croyant dur comme fer qu’une solide organisation et une bonne campagne partisane sont capables d’avoir raison de tout adversaire, si expérimenté soit-il.

La nouvelle chef de Vision Montréal souffre cependant de handicaps de taille. Tout d’abord, les élections de 2009 ne lui offrent pas de victoire facile puisque, à la sortie des élections du 6 novembre 2005, Gérald Tremblay était on ne peut plus en contrôle de l’appareil municipal, et cela à toutes les échelles de représentation du pouvoir montréalais (tableau 1). Élu maire en disposant d’une solide majorité des voix exprimées (17 % de plus que Vision Montréal), il a remporté 49 sièges des 65 sièges du conseil municipal de Montréal (incluant le sien). Il a également remporté 17 des 19 postes de maires d’arrondissement et a obtenu le contrôle de 15 des 19 arrondissements, n’en laissant que trois aux mains de l’équipe de Pierre Bourque et un aux mains d’une équipe d’indépendants menée par l’ex-maire de l’ex-ville d’Anjou, Luis Maranda.

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2005 : le vote des Montréalais et l’appartenance aux anciennes municipalités de banlieue

La réussite de M. Tremblay tient à quelques facteurs que l’on peut faire émerger de l’analyse du comportement électoral des Montréalais aux élections de 2005. Ces facteurs sont d’autant plus importants qu’ils permettent de comprendre comment s’annoncent les résultats des élections du 1er novembre prochain. En 2005, les résultats électoraux des différents quartiers s’expliquaient essentiellement par trois facteurs structurels : l’appartenance ou non des districts à la banlieue; la proportion de francophones de chaque quartier et; le niveau de scolarité de chaque quartier (tableau 2). L’appartenance des différents quartiers aux ex-villes de banlieue fusionnées en 2001 ou à l’ancienne ville de Montréal est effectivement le premier des facteurs : après avoir vaincu dans tous les sièges des ex-municipalités de banlieue en 2001, à l’exception de Westmount, M. Tremblay renouvelait le coup en 2005 en triomphant dans 50 des 55 sièges, contre 5 pour l’équipe d’indépendants de l’ex-maire de la municipalité d’Anjou Luis Miranda et aucun pour l’équipe de Pierre Bourque, Vision Montréal.

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Cette opposition entre banlieues et ville centrale recouvre une réalité concomitante, soit celle de populations installées en banlieue dans le but de se soustraire aux obligations financières qui auraient accompagné leur appartenance à la ville centrale. Elle recouvre également le désir des populations anglophones de se soustraire au pouvoir politique exercé par les francophones. En une sorte de repli sur leurs municipalités, une forte majorité des anglophones cherchait en effet à construire et fortifier des lieux de résistance à l’encontre de la ville centrale comme à l’encontre du gouvernement québécois lui-même. À l’échelle du Québec, le mouvement des défusions municipales a d’ailleurs enregistré ses succès les plus éclatants dans les municipalités anglophones de la banlieue de Montréal[1]. Or, l’intense cour réalisée par les politiques locaux auprès des décideurs durant des campagnes référendaires sur les défusions municipales a amené un mouvement de décentralisation des pouvoirs, offert en guise de compensation pour les municipalités et même… pour les quartiers anglophones (Notre-Dame-de-Grâce-Snowdon) demeurés avec la ville centrale.

En 2009, les candidats auront toujours à faire face à cette dimension essentielle de la réalité montréalaise : des populations anglophones désireuses de se soustraire à la majorité et hostiles à toute forme de reconstruction de la ville centrale que produirait une recentralisation des pouvoirs et des ressources. Ces populations hostiles à l’entraide sociale sont demeurées au fil du temps désireuses de vivre en développement séparé et de se tailler quelques royaumes à l’écart du reste des Montréalais et, en bombant encore un peu le torse, à l’abri du gouvernement québécois.

Grâce à leur impact électoral démographique et économique démesuré au sein de la nouvelle ville de Montréal issue des défusions, la centralisation des pouvoirs au sein de la nouvelle ville de Montréal ne pourra se faire de l’intérieur. Elle devra être imposée par le reste de la population québécoise, par le biais du gouvernement de Québec. Compte tenu des problèmes permanents reliés à la décentralisation, on ne s’attend pas à ce que ce premier facteur du comportement montréalais ait disparu avant plusieurs élections. Gérald Tremblay en tirait déjà, en 2005, 23 de ses 49 conseillers siégeant au conseil municipal de Montréal (sur ses 65 membres, dont le maire de Montréal), 9 des 17 mairies d’arrondissement qu’il avait remportées et, enfin, le contrôle de 9 des 15 arrondissements qu’il avait remportés. La seule note clairement discordante est celle de Montréal-Nord[2]. L’appui accordé à l’équipe de Gérald Tremblay semble s’y être effondré, traduisant l’intense mécontentement des populations locales à la suite des événements tragiques (la mort de Freddy Villanueva) qui ont déclenché les désastreuses émeutes d’août 2008 et le cafouillage entourant les enquêtes subséquentes.

2005 : le vote des Montréalais, la langue et la scolarité

Après avoir conclu à la persistance du facteur « anciennes villes de banlieues contre ancienne ville centrale », les résultats électoraux de 2005 s’expliquent en deuxième lieu par le facteur linguistique. Sur le territoire de l’ancienne ville de Montréal, seuls affectés significativement par la variable linguistique, 22 des 25 sièges francophones à moins de 67 % (selon la langue parlée le plus souvent à la maison après répartition des langues multiples) ont été remportés par le parti de Gérald Tremblay, ce qui n’en laissait que trois seulement pour le parti de Pierre Bourque. Dans les sièges francophones à 67 % ou plus, les partis se sont partagés à peu près également les sièges : on comptait ainsi 10 sièges pour Gérald Tremblay contre 13 pour Pierre Bourque et 1 pour le parti de Richard Bergeron, Projet Montréal.

Francophones et non-francophones ont donc voté de manière distincte, pas totalement opposée, mais distincte. Il est particulièrement étonnant de voir le facteur linguistique être aussi important dans l’explication des comportements électoraux des Montréalais en 2005. Premièrement parce que la langue n’a pas été un enjeu de ces élections. Avec des partis où se sont entremêlés francophones et anglophones, il était difficile pour chacun d’eux de défendre des positions défiant le statu quo linguistique. Deuxièmement, l’importance de facteur est également étonnante parce que l’on affirme sans cesse que la politique municipale n’a rien à voir avec la politique provinciale et fédérale et que, par conséquent, les clivages observés sur ces scènes politiques ne débordent théoriquement pas vers l’arène municipale. Cette affirmation d’une grande naïveté ne s’harmonise évidemment pas avec les réalités politiques élémentaires. Aucun parti provincial n’a intérêt à prôner l’indifférence envers une municipalité qui élit un maire fédéraliste plutôt que souverainiste et vice versa.

Aussi, même si chacun des partis a tenté de gommer, en 2001 et en 2005, ses appartenances premières en allant chercher quelques vedettes du clan adverse – Gérald Tremblay, par exemple, s’est appuyé sur un trio d’organisateurs bien connus au PQ (Louis-Philippe Bourgeois, Alain Lupien et Martin Tremblay) ainsi que sur André Lavallée, figure de proue du Rassemblement des citoyens de Montréal (le parti de l’ex-maire Jean Doré). M. Lavallée était lui-même un ex-chef de cabinet de Mme Harel et, appuyé par Chantal Bertrand, ex-chef de cabinet de la ministre péquiste Rita Dionne-Marsolais (Mme Bertrand est devenue directrice générale adjointe d’Union Montréal), s’est hissé au saint des saints et est devenu le numéro trois du comité exécutif du maire Tremblay en plus de détenir le poste de maire de l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie.

Pierre Bourque s’est de son côté associé à des proches d’Alfonso Gagliano (Tony Mignacca, Serge Gosselin, des dix acteurs du scandale des commandites bannis du Parti libéral fédéral par l’ex-premier ministre Paul Martin) et autres travailleurs libéraux notoires (Serge Paquette, Irène Marcheterre) pour réaliser ses campagnes. Clairement, les clivages fédéral et provincial ont débordé vers le municipal, reproduisant une opposition non pas totale mais tout au moins partielle entre groupes linguistiques, les anglophones appuyant un candidat, Gérald Tremblay, les francophones favorisant davantage Pierre Bourque mais se divisant davantage entre les partis. Ces comportements linguistiquement différenciés ont conséquemment produit un seuil linguistique lors des élections municipales de Montréal de 2005, un seuil à toutes fins utiles du même ordre que ceux observés lors des élections fédérales et provinciales.

Quand on parle de langue, les opinions politiques sur l’avenir du Québec et sur les politiques à adopter pour défendre les droits des francophones ne sont jamais bien loin. De fait, l’analyse du comportement électoral montre que le clivage dominant au Québec n’est pas que linguistique mais bien linguistico-constitutionnel. Ainsi, même là où il n’y a pas d’anglophones, les populations francophones se divisent entre souverainistes et fédéralistes. Ce clivage est non seulement primordial par rapport à tous les autres clivages mais aussi permanent à travers les époques. Ainsi, la politique québécoise met aux prises les anglophones contre les francophones, les élites financière, administrative et commerciale contre les élites ouvrières, sociales et intellectuelles. Quel que soit le milieu de référence, les quartiers concentrant les premiers s’opposent de manière virulente aux quartiers concentrant les deuxièmes[3]. Langue (française et anglaise), identité et nation (canadienne et québécoise), nationalisme (et ultranationalisme) et indépendantisme (fédéralisme) vont de pair.

Après les clivages entre banlieue et ville et entre groupes linguistiques, le troisième clivage actif lors des élections de 2005 a opposé les quartiers selon leur degré de scolarité. Il va sans dire que la scolarité recouvre très étroitement l’opposition entre classes sociales puisque les différences entre ces dernières et le degré de scolarité sont légères et peu significatives. En guise d’explication, précisons que les médias n’accordent qu’une importance médiocre à la vie démocratique municipale, que la politique municipale dans son organisation même du pouvoir est globalement de très bas niveau, qu’elle abhorre la mobilisation des citoyens et méprise l’intelligence de ces derniers. Ces facteurs favorisent – à la marge, bien entendu – un clivage selon la scolarité plutôt qu’un clivage selon les classes sociales. Pierre Bourque, en particulier, a largement puisé dans les quartiers de scolarité inférieure en 2005 : outre sa vénalité bien connue, ses innombrables infractions à la loi sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales, l’ex-horticulteur a poursuivi son œuvre de confusion auprès des électeurs en confiant sa campagne de 2001 à des intimes et autres associés du ministre libéral fédéral Alfonso Gagliano pour ensuite tenter sa chance à titre d’électron libre avec l’Action démocratique du Québec lors des élections provinciales de 2003, pour finalement revenir en tant que chef d’Équipe Bourque/Vision Montréal aux élections de 2005. Il va sans dire que sa crédibilité était on ne peut plus faible en 2005.

Élections 2009 : Louise Harel contre l’apartheid

La beauté des trois clivages qui ont produit les résultats électoraux de 2005 réside dans leur intime interconnection. Banlieusards, anglophones et classes scolarisées et supérieures, réunis dans des quartiers typiques des élites financière, administrative et commerciale de la bourgeoisie canadienne anglaise de Montréal, se sont ainsi opposés aux quartiers plus francophones, de scolarité moindre, nettement moins fortunés mais bien intégrés dans la ville centrale, leur milieu de vie. À ces lieux se sont ajoutés d’autres faubourgs francophones et militants, composés de travailleurs plus scolarisés mais moins rémunérés, appartenant aux élites sociales (des secteurs de la santé et des services sociaux), aux élites ouvrières et intellectuelles (artistique et juridique). Enfin, l’intégration linguistique des immigrés en faveur des francophones se produisant par le bas de l’échelle sociale, au contraire de la communauté anglophone, ce modèle du vote tend à respecter l’apport immigré dans l’électorat de Vision Montréal.

S’il est une chose que Mme Harel ne changera pas[4], c’est l’importance du premier facteur dans le comportement électoral des Montréalais, soit la protection de l’autonomie des quartiers contre toute tentative de centralisation des pouvoirs et des ressources[5]. La chose est particulièrement vraie dans les anciennes villes et dans les quartiers les plus anglophones et les plus favorisés. Si l’on en juge par le discours qu’elle a tenu jusqu’à présent en matière de centralisation/décentralisation, Mme Harel apparaît avoir fort bien capté le message des élections de 2005, prolongement des défusions et du vote de 2001. Malgré l’évidence de déséquilibres existants dans le financement des arrondissements, la chef de Vision Montréal n’a jamais fait montre de quelque intention de procéder à des révisions du financement des revenus et des dépenses des arrondissements, ceci passant notamment par le renforcement de la ville centrale. Mme Harel a, semble-t-il, la ferme intention de laisser intactes les iniquités qui font des routes, des tuyaux et des services de certains arrondissements quelques hameaux dignes de quartiers du tiers monde et d’autres, doux et quiets ghettos dorés de la haute société canadienne anglaise.

Mme Harel demeure du reste largement identifiée à la ministre souverainiste qui a réduit l’autonomie des enclaves de resquilleurs qui encerclent Montréal. Les témoignages pris sur le vif demeurent clairs : son rôle d’initiatrice des fusions municipales demeure à jamais inscrit dans la culture politique des Anglo-montréalais. Et quand Mme Harel tente de baragouiner un anglais médiocre, elle offre juste ce qu’il faut pour faire injure aux Anglo-montréalais. On peut bafouer outrageusement la langue de la majorité de la population, mais on n’injurie pas impunément les locuteurs de la lingua franca. En somme, en plus de s’être attaquée aux potentats de banlieue et à l’autonomie des communautés anglophones locales, Mme Harel a le malheur d’être unilingue française et souverainiste :

Un anglophone qui, à l’époque, a suivi de près la marche vers les fusions se rappelle d’un passage de la ministre au Mail Cavendish. ‘ Elle a été huée, les gens criaient : ‘ Fuck off ! Get out of my city ! ’ ’ relate-t-il. Sa candidature à la mairie, cette semaine, a rouvert ces vieilles cicatrices. Louise Harel est décrite comme ‘ un monstre ’, ‘ une idiote ’, ‘ une sorcière ’ par les lecteurs de la Gazette. ‘ Seul Mom Boucher pourrait faire mieux paraître Gérald Tremblay ’, décrète le même journal en éditorial[6].

Et :

[…] il est bien évident que, pour les fédéralistes et surtout pour les anglophones de Montréal, l’allégeance souverainiste de Mme Harel est, à elle seule, une raison de ne pas voter pour elle. C’est précisément ce que soutenait le quotidien The Gazette dans son éditorial du matin après l’annonce de sa candidature. Une candidature que le journal qualifiait d’affreuse (dreadful)[7].

Une telle hostilité en page éditoriale constitue une offense à l’intelligence des citoyens et une dérive dangereuse contre la liberté d’opinion. Elle crée un climat répressif à l’endroit de tous ceux qui, anglophones en particulier, ont le désir légitime de se prononcer favorablement envers la candidature de Mme Harel. En outre, cette attitude de The Gazette cautionne et banalise la corruption et en fait une partie légitime de la vie démocratique montréalaise. C’est ainsi, en scellant les consciences avec la menace séparatiste (sic) que le régime Chrétien a pu tenir après des records de corruption. Il va sans dire que l’idée de coexistence des communautés au sein d’une même entité politique, la ville en l’occurrence, est tout à fait étrangère à la ligne défendue par le journal. Au contraire, ce dernier milite en faveur du développement séparé, l’apartheid, chose que les communautés francophone et anglophone connaissent déjà au Québec tant dans la vie municipale que dans l’éducation, les services de santé et les services sociaux.

Les enjeux : la mairie, le conseil municipal, les maires et les conseils d’arrondissement

Par l’emporter, il faut ici comprendre que le poste le plus important est celui qui attire le plus les chefs de parti : devenir le maire de Montréal est le but ultime de chaque chef. Puisqu’il est possible d’avoir une administration de couleur opposée et de quand même gouverner la ville, remporter la mairie reste indépendant des succès au conseil municipal ou dans les arrondissements. De toute façon, gouverner avec un conseil municipal de majorité opposée ne pose pas de véritable problème puisqu’autant le parti de Gérald Tremblay que celui de Mme Harel n’a pas de programme[8].

En effet, hormis les relations douteuses avec la mafia, il est à peu près impossible de les différencier pour qui n’a pas l’œil d’un expert ayant suivi l’actualité municipale 25 heures sur 24 depuis au moins les 36 dernières élections. Les deux partis sont pragmatiques, inféodés aux groupes d’intérêts qui dirigent la ville, l’un baignant dans la corruption, l’autre offrant sa probité… et ses promesses de ne point en faire autant. Une petite différence est notable : Gérald Tremblay compte sur l’aide d’un « numéro 2 » expérimenté en matière de corruption. Il est réellement ironique de voir Claude Dauphin, président du comité exécutif de la ville et responsable du dossier de la sécurité publique, claironner le 10 septembre 2009 la fierté de son administration alors qu’elle pourchasse « avec succès » la corruption en son sein, cependant que lui-même a bénéficié des largesses d’Option Canada lors de la campagne référendaire de 1995. M. Dauphin est le même qui a contribué à voiler les enquêtes subséquentes sur Option Canada.

Le deuxième enjeu du pouvoir est le conseil municipal de Montréal. Ce dernier est composé de 65 élus, soit les 64 conseillers de ville plus le maire de Montréal. Le contrôle du conseil municipal permet au maire de faire passer les politiques et le budget qu’il défend auprès de l’opinion publique. Lorsque le contrôle du conseil municipal lui échappe, le maire n’est pas nécessairement dépourvu, à l’exemple de l’ex-mairesse Andrée Boucher de Québec, il est tout au plus « ralenti » dans ses projets. Le troisième enjeu est le contrôle des 19 mairies d’arrondissement, chacune permettant de relayer les projets du maire dans les arrondissements, tandis que le contrôle des conseils d’arrondissement constitue le quatrième et dernier enjeu. Pour le maire, le contrôle des arrondissements permet d’asseoir encore plus solidement son pouvoir, notamment par leurs pouvoirs de nomination dans les diverses instances locales (établissements scolaires, de santé et de services sociaux, CLSC, culture et environnement). Au niveau des arrondissements, 105 élus se disputent les faveurs des électeurs, soit le maire de Montréal, les 64 élus conseillers de ville, dont les 19 maires d’arrondissement, et 40 conseillers d’arrondissement.

La clé du succès : courtiser francophones et néo‑francophones ?

Mme Harel peut-elle l’emporter en s’en tenant aux appuis francophones souverainistes disponibles dans la ville de Montréal ? Puisque le clivage anciennes villes de banlieue/ancienne ville de Montréal prime sur le clivage linguistique, il va de soi qu’il lui faudrait tout d’abord surmonter ce clivage. Repousser au loin le désir d’équité dans le financement des arrondissements. Sur ce plan, Projet Montréal n’est pas apparu être la voie pour Mme Harel. Sans doute par calcul politique, celle-ci a plutôt considéré que Projet Montréal était tout juste bon à occuper une partie de l’intelligentsia francophone, mais cela sans qu’elle n’ait de prise en dehors du centre de la métropole et dans les milieux populaires. À l’occasion des municipales de 2009, Mme Harel a donc laissé au vestiaire ses revendications sociales, démocratiques et nationalistes au profit de l’exercice du pouvoir. Elle s’est miraculeusement transformée en une sorte de Guy Chevrette ou de Jacques Brassard féminin. Cette métamorphose réglée, le premier clivage « banlieue/ville centrale » ne disparaitrait pas pour autant. Rien ne permet de croire que le désir d’apartheid aurait subitement diminué entre 2005 et 2009. Ce premier clivage demeurerait donc vigoureux en 2009.

Mme Harel devrait ensuite surmonter le clivage linguistique, relatif au statut constitutionnel du Québec. Dans les premières semaines de septembre, deux sondages ont montré l’existence de comportements différenciés selon la langue (maternelle), transposant au municipal montréalais les acteurs habituels de la politique provinciale et fédérale, c’est-à-dire les francophones, les anglophones et les allophones (tableau 3). Bien sûr, la chef de Vision Montréal conserve toujours la conviction qu’elle peut vaincre, à défaut de quoi elle ne se serait évidemment jamais lancée dans la course à la mairie montréalaise. Il y a chez l’aspirante à la mairie la croyance qu’une majorité de francophones est potentiellement acquise – peut-être même dans certaines ex-municipalités de banlieue –, et que les allophones sont désormais plus favorables aux francophones que par le passé, et que leurs effectifs sont dorénavant suffisamment nombreux pour permettre une victoire.

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L’élément frappant de ces sondages est le pluralisme marqué des intentions de vote des allophones, contrairement au vote bloc des anglophones. Par rapport aux sondages réalisés depuis 40 ans, les intentions de vote des allophones envers le parti de Louise Harel sont dissociées plus que jamais de celles des anglophones : les allophones présentent un vote situé presque exactement à mi-chemin entre celui des anglophones et celui des francophones. Pour expliquer de tels changements dans les comportements électoraux, il faut en revenir aux définitions. Ainsi, tandis qu’une bonne partie des immigrés allophones demeure imperméable aux débats des francophones, une partie d’entre eux est passée au français, incluant des immigrés de première génération et des « enfants de la loi 101 », qui sont de deuxième et, souvent, de première génération. Depuis le début de la prise en mains de l’immigration par le Québec, à la fin des années soixante, ces deux clientèles ont crû en effectifs, si bien qu’après des décennies d’efforts en intégration, immigrés et descendants d’immigrés foisonnent en nationalistes et en souverainistes. Compte tenu de la faiblesse de la majorité des effectifs francophones – 52 % selon la langue maternelle, ce qui n’est après tout qu’une faible majorité ! –, le pari de Mme Harel tient aussi à l’appui de ces clientèles.

Las ! les fruits électoraux de cette percée sont sans doute plus modestes que la non-intégration (à la majorité francophone) des communautés, massivement favorable au camp fédéraliste. En premier lieu, la non-intégration déborde de beaucoup les effectifs datant d’avant l’adoption de la Charte de la langue française, en 1977. Depuis cette date, le Québec a admis sur son territoire plus d’un million d’immigrés[9], amplement de quoi renflouer les communautés faiblement intégrées en nouveaux effectifs. Leur arrivée au Québec s’est de plus réalisée dans un contexte de libre-échange et de mondialisation et de démission des élites politiques et de l’État, des facteurs d’affaiblissement du français comme langue de travail, des communications entre citoyens et d’intégration des immigrés.

En deuxième lieu, en dehors du poste de maire de Montréal, l’un des effets pervers du mode de scrutin majoritaire est de donner à chaque vote une valeur différente. Ainsi, le mode de scrutin majoritaire valorise les groupes non intégrés qui votent en bloc par opposition aux groupes qui votent de manière divisée, conformément à leur intégration à la majorité francophone. Ainsi, pour équivaloir à 10 électeurs d’une communauté X qui votent en bloc pour le parti X, il faut au bas mot 80 électeurs se divisant à 45-35 pour le parti Y. Par une simple règle de trois, on peut calculer que, pour 50 000 électeurs non intégrés au groupe francophone qui votent en bloc pour un parti prônant le multiculturalisme, il faut environ 350 000 autres électeurs intégrés au groupe francophone et divisés à 200 000 pour Mme Harel contre 150 000 pour Gérald Tremblay pour dégager une majorité équivalente de 50 000 voix. Or la taille des communautés intégrées et non intégrées est plutôt équivalente : chez les allophones, on trouve davantage de communautés qui votent en bloc (16 %) que de communautés divisées (4 %). Outre le temps de séjour, le portrait global dépend finalement du degré d’intégration de chaque communauté (et de chaque individu) à la majorité francophone ou à la majorité anglophone et de la taille de chacune de ces communautés.

En troisième lieu, l’inégalité de vote entre citoyens est pire encore dans le cas du mode de scrutin plurinominal que la ville de Montréal utilise dans 16 districts des anciennes municipalités, dont 12 conseillers de ville, et 10 districts de l’ancienne ville de Montréal, tous conseillers de ville[10]. La Cour suprême des États-Unis a jugé discriminatoire ce mode de scrutin à l’endroit des minorités du fait qu’il réduit à dessein la représentation de celles-ci. En l’occurrence, la représentation des groupes souverainistes, basée sur le vote des francophones, qui sont justement divisés comme toute majorité, est grandement diminuée voire annihilée par les effets combinés du mode de scrutin plurinominal et du vote bloc des groupes non intégrés[11].

En quatrième lieu, lorsque Mme Harel compte contrebalancer ces difficultés en présentant des candidats des communautés capables de drainer avec eux le vote de leur communauté, elle oublie que de telles associations sont plutôt rares, partielles et limitées à quelques communautés, arrivées de fraîche date ou particulièrement repliées sur elles-mêmes. En tout et pour tout, la portée du vote des communautés pour un des leurs est près de zéro. Bref, plus de trente ans après l’adoption de la Charte de la langue française (loi 101), largement à cause du mode de scrutin majoritaire, l’importance du vote du groupe des « immigrés et de leurs descendants immédiats » risque fort de passer inaperçue.

Gagner

On peut formuler différentes hypothèses pour prédire les résultats électoraux de 2009. Dans tous les cas de figure, on doit considérer que les ex-municipalités de banlieue n’éliront vraisemblablement que des candidats de l’équipe de M. Tremblay. Cela dit, l’appartenance au groupe francophone devient le second paramètre du vote à venir sur le territoire de l’ancienne ville de Montréal. Ces deux facteurs suffisent à la construction de scénarios.

La définition du facteur linguistique est importante quant aux perspectives d’élections de Mme Harel. On peut tout d’abord définir le groupe francophone par la langue parlée le plus souvent à la maison, ce qui chiffre la proportion de francophones à 57 % de la population. Cet indicateur apparaît plus approprié que la langue maternelle, où les francophones comptent pour 52 % de la population, en ce qu’il reflète plus précisément l’état des frontières actives du groupe francophone. Les analyses ont en effet montré que l’appartenance active à une communauté prend le pas devant l’héritage maternel ou ethnique. Traditionnellement, l’on augmente la proportion de francophones de ces deux indicateurs en leur ajoutant une partie des réponses multiples (soit par la redistribution des réponses multiples au prorata des réponses mentionnées par les répondants). Grâce à cette redistribution, la proportion de francophones de langue parlée à la maison dans la population passe alors à 59 %.

L’utilisation du critère de la langue d’usage public (LUP) ou de la première langue officielle parlée (PLOP) fait de nouveau augmenter la proportion de francophones. On ajoute alors à ceux-ci d’autres locuteurs allophones qui n’ont pas le français ou l’anglais pour langue parlée le plus souvent à la maison, mais qui le parlent le plus souvent au titre de langue première de leurs échanges (au titre de consommateur ou de citoyen) avec le reste de la population. Ces indicateurs souvent confus ou construits artificiels éloignent cependant de la réalité du monde du travail, certainement le facteur le plus influent dans les choix linguistiques réalisés par les nouveaux arrivants. Il reste néanmoins possible de redistribuer les effectifs allophones selon leur degré d’appartenance à l’univers francophone ou anglophone, que l’on peut établir grâce aux substitutions linguistiques de chacun des groupes linguistiques allophones.

Le procédé que nous avons suivi à cet effet est décrit en Annexe A. Nous avons rajouté des locuteurs « néo-francophones » à la proportion de francophones, ce qui résulte en une proportion de francophones supérieure à celle découlant de l’usage de la langue parlée à la maison ou de la langue maternelle. Ainsi, au lieu de trouver 59 % de francophones, 20 % d’anglophones et 21 % d’allophones, on compterait plutôt 64 % de francophones, 24 % d’anglophones et 12 % d’allophones. La hausse n’est pas, on en conviendra, renversante, mais elle rapproche le parti de Mme Harel d’une zone susceptible d’être payante électoralement, a fortiori quand on affirme que les enjeux sont moins tranchés que ceux retrouvés sur les scènes politiques provinciale et fédérale. Cela est vrai en particulier auprès des nouveaux locuteurs francophones, les « néo-francophones », qu’apparemment rien ne distingue des autres francophones[12].

En ne s’en tenant qu’aux seuls les francophones, Mme Harel peut compter sur une majorité. Cependant, ces derniers ne comptent pas tous sur Mme Harel pour défendre leurs intérêts. Les intérêts des francophones sont en effet multiples, leurs clivages le sont également, si bien qu’ils ne votent pas en bloc. Constituant une majorité, les francophones se comportent comme tels et se divisent, affichant le comportement attendu pour toutes les majorités. Ils se divisent comme ils le font au provincial, au fédéral, et même… dans les plus petites municipalités outaouaises[13]. Ils le font en fonction du clivage linguistique et constitutionnel, forçant les minorités anglophones et allophones à s’y positionner. Mme Harel ne peut donc compter sur un appui bloc des francophones pour face au vote bloc des non-francophones. Elle ne peut espérer que des appuis partiels et l’emporter là où les francophones comptent une proportion suffisamment importante de l’électorat, laissant Gérald Tremblay triompher en deçà de cette proportion. Les sondages de septembre 2009 laissent d’ailleurs entrevoir ce type de résultats. Rappelons qu’en 2005, dans l’ancienne ville de Montréal, Vision Montréal n’a pratiquement rien gagné là où les francophones comptaient pour moins de 67 % de la population (cette proportion grimpe à 72,5 % selon la définition augmentée de l’Annexe A), cependant qu’elle se partageait les sièges plus francophones avec Union Montréal. Ce seuil très bas n’a cependant été obtenu que grâce à l’intervention d’autres facteurs que ceux affectant un bipartisme pur : l’appui divisé de groupes non francophones, l’existence de tiers partis, la présence d’une forte abstention, etc.

À force d’examen des résultats électoraux depuis 1970, certaines régularités ont acquis le statut de faits indiscutables : les seuils linguistiques les plus favorables des scènes provinciales ou fédérales, en situation de bipartisme pur, s’élevaient à environ 80 % de francophones, descendant à quelques points de pourcentages en moins dans le centre de l’agglomération montréalaise. Dans l’ancienne ville de Montréal, autant ou davantage de francophones que cette proportion permettait l’élection d’un candidat souverainiste ou nationaliste tandis que moins entraînait l’élection de candidats fédéralistes. Un tel seuil de 80 % en situation de bipartisme pur signifie qu’une majorité de 62,5 % de francophones appuierait les souverainistes, ne laissant que 37,5 % aux fédéralistes (et 0 % pour les tiers partis compte tenu de l’hypothèse de strict bipartisme). Ces seuils indiquent déjà un clivage extrêmement favorable aux troupes souverainistes. Historiquement, d’ailleurs, la plupart des clivages montréalais ont été plus élevés que 80 %, notamment en banlieue. Quant aux seuils hors Montréal, les plus faibles enregistrés depuis 1970 tournaient aux alentours des 90 % de francophones.

En retenant ce seuil de 80 % de francophones, déjà exceptionnel, les projections (tableau 4) montrent que, dans la mesure où M. Tremblay l’aurait remporté dans tous les districts de banlieue sauf Montréal-Nord et que Mme Harel l’aurait emporté dans tous les sièges comptant au moins 80 % de francophones, 1) elle aurait été pratiquement à égalité avec Gérald Tremblay pour la mairie de Montréal; 2) mais elle n’aurait disposé au mieux que de l’appui de 11 des 64 autres membres du conseil municipal (soit des conseillers de ville et des maires d’arrondissement); 3) elle n’aurait eu l’appui que de 2 des 19 maires d’arrondissement; 4) et le contrôle de seulement 2 des 19 arrondissements. Mme Harel aurait ici autant besoin de forts appuis parmi les électeurs discrets que de percer chez les allophones plus ou moins francisés. Il lui aurait fallu des taux de participation favorables et ne pas trop souffrir des tiers partis.

2009octobreSerre-4

Dans le cas où le seuil serait de 65,2 % grâce : soit à l’appui d’une proportion plus forte de francophones; soit à des appuis pour Vision Montréal plus élevés que prévu chez les anglophones et les allophones; soit à des taux d’abstention favorables, c’est-à-dire plus élevés chez les anglophones et les allophones, Mme Harel : 1) aurait obtenu à peu près le même vote que M. Tremblay; 2) aurait obtenu une minorité de conseillers au conseil municipal, soit 29 élus sur 64; 3) aurait remporté 8 des 19 mairies d’arrondissement; 4) et aurait disposé du contrôle que de 4 des 19 arrondissements. Pour l’emporter aussi au conseil municipal, il faudrait que Mme Harel abaisse le seuil à 61,8% de francophones pour : 1) possiblement remporter la mairie; 2) obtenir une majorité au conseil municipal, avec 33 des 64 sièges; 3) obtenir une majorité de mairies d’arrondissement, soit 10 sur 19 et; 4) n’obtenir le contrôle que d’une minorité d’arrondissements, soit 6 sur 19.

Dans ce cas de victoire de Mme Harel à la mairie et au conseil municipal, un seuil de 61,8 % équivaudrait à des appuis de 80,9 % chez les francophones pour son parti et de 19,1 % pour le parti de M. Tremblay. Il s’agit alors d’une majorité de 61,8 % chez les francophones en faveur de la première. Or l’atteinte d’une telle majorité, très proche de l’unanimité en fait, n’est autre qu’un vote bloc, plutôt improbable chez une communauté majoritaire. Ceci signifie qu’il faudrait donc à Mme Harel déborder des effectifs francophones pour espérer une victoire, nécessairement percer les rangs des allophones francotropes (4 %) et des autres allophones (12 %), laissant les allophones anglotropes (4 %) et les anglophones (20 %) appuyer massivement de l’équipe Tremblay.

Ce sont effectivement les francophones qui sont les plus tentés de se diviser entre les différentes options, ici Union Montréal de Gérald Tremblay, Vision Montréal de Mme Harel et Projet Montréal de Richard Bergeron, ce que les scénarios précédents oublient. Quand on sait que les anglophones serrent les rangs dès l’approche d’une menace et que Mme Harel est clairement associée à cette menace, quand on sait également qu’aucun candidat ne saurait faire l’unanimité chez les francophones, il fort improbable qu’un climat détendu vienne à marquer la communauté anglophone et que les distinctions de comportement selon la scolarité ou les classes sociales s’affadissent à peu près complètement. Il est au contraire plutôt probable que les anglophones voteront plus en bloc qu’en 2005, ce que pourrait encourager le congédiement de l’ex-felquiste André Lavallée[14].

Du reste, si les sondages réalisés jusqu’à présent annoncent Mme Harel gagnante, les connaissances actuelles du comportement électoral des Québécois sous-estiment vraisemblablement le vote que récoltera réellement M. Tremblay. Le procédé est connu : les intervieweurs des maisons de sondages étant généralement francophones, les sondés non francophones ou francophones fédéralistes (donc minoritaires chez les francophones) hésitent à énoncer leurs couleurs réelles et préfèrent se taire ou affirmer des opinions prêtées à la majorité. Ce faisant, les sondages esquissent alors une image encore plus favorable de la situation à Mme Harel, amenant d’autres sondés fragiles ou suspicieux à recourir aux mêmes attitudes, en une véritable spirale du silence[15]. La campagne n’en est par ailleurs qu’à ses débuts, si bien que beaucoup d’éléments peuvent encore survenir et modifier en profondeur la donne. La possibilité de voir les gouvernements supérieurs aider leur poulain n’est d’ailleurs pas à écarter. Tout analyste doit demeurer modeste devant la complexité des mouvements d’opinion et des projections de résultats électoraux.

S’allier les uns, s’aliéner les autres : les limites de la stratégie gagnante

Louis Harel, souverainiste et figure de proue de l’aile progressiste du Parti québécois, saura-t-elle convaincre les électeurs montréalais de voter pour elle et pour ses candidats ? Pour y parvenir, l’ex-ministre a choisi d’enfourcher une vieille picouille, Vision Montréal, traversée de part en part par le culte de la personnalité, les petites chicanes et les minables magouilles comme recette du pouvoir, plutôt que de s’associer à un parti en émergence, Projet Montréal, d’inspiration sociale-démocrate, écologiste et démocratique en matière de financement de ses activités. Un parti qui s’accordait a priori davantage avec les convictions qu’on lui connaissait.

Alors qu’elle était elle-même ministre des Affaires municipales, Mme Harel ne s’est toutefois jamais faite activiste dans le dossier de la démocratie municipale. À ce palier de pouvoir, croit-elle, les partis n’ont pas de pertinence du fait qu’ils n’ont pas de pérennité. Et s’ils n’ont pas de pérennité, c’est parce qu’ils n’accèdent généralement qu’un par un à la représentation, que le pouvoir y est concentré entre les mains de quelques-uns et jamais exercé en coalition. Cette caractéristique est nettement plus favorable à l’exercice du pouvoir en faveur des groupes d’intérêts les plus puissants. La démocratie municipale souffre en effet lorsque de purs incompétents, aventuriers ambitieux ou abrutis sont appelés à la défendre, notamment parce qu’ils sont généralement tous plus maniables que des citoyens formés à la chose publique et engagés gratuitement envers leur communauté. De son expérience de son passage au ministère des Affaires municipales, Mme Harel en a tiré quelque chose : elle connaît la vie municipale.

Comme la nouvelle chef de Vision Montréal sait que son allégeance souverainiste la limite dans ses appuis potentiels, elle est partie recruter du côté fédéraliste. D’abord le chef Benoît Labonté, libéral notoire ex-directeur de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, puis Brenda Paris, ex-présidente d’Union Montréal, ensuite l’ex-députée libérale provinciale de Mercier Nathalie Rochefort, et encore Christian Feuillette, ex-candidat libéral dans la circonscription de Jeanne-Le Ber aux élections fédérales de 2008, et puis Irène Marcheterre, sa nouvelle directrice des communications, qui a fait carrière avec les libéraux fédéraux, connue pour avoir été l’une des mercenaires d’Option Canada. Mme Harel a également nommé l’avocat montréalais Julius Grey au titre de responsable du chantier « éthique et gouvernance » l’un des six grands chantiers qu’elle a désignés en septembre[16]. Elle compte sur l’appui du candidat Carlo Mannarino, ex-président du Parti libéral du Québec dans Marguerite-Bourgeoys.

Gérald Tremblay a lui aussi vite compris qu’il y avait beaucoup de libéraux à bord d’Union Montréal. Il a dont travaillé fort pour recruter des souverainistes. La plus connue des nouvelles recrues de cette mouture est certes Diane Lemieux, ex-députée et ex-ministre péquiste de Bourget et, ironie, ancienne chef de cabinet de Mme Harel. À cette nouvelle candidature, à laquelle des rumeurs promettaient le poste de présidente du comité exécutif (rendant la présence de M. Lavallée superflue[17]), se sont ajoutées celles de Nicole Boudreau, ex-présidente de la Société-Saint-Jean-Baptiste de Montréal, ainsi celle d’Elsie Lefebvre, ex-députée péquiste éphémère de Laurier-Dorion. Ces trois candidates d’expérience s’ajoutent à André Lavallée, élu maire de l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie, ainsi qu’à Gilles Grondin, employé permanent du Mouvement national des Québécois. Dans le cas de M. Lavallée, numéro deux du régime Tremblay, les appuis publics des souverainistes se sont même multipliés au cours des derniers mois de l’été 2009, alors qu’il récoltait notamment ceux des députés péquistes Nicolas Girard (Gouin) et Louise Beaudoin (Rosemont), et celui du député bloquiste Bernard Bigras (Rosemont).

Au milieu de ce tournoiement d’étiquettes, l’électorat francophone, souverainiste et nationaliste en particulier, risque fort de ne plus s’y retrouver et de se lancer en nombre dans l’abstention. Quelques militants péquistes se sont d’ailleurs faits virulents à l’encontre de leur ex-collègue, qu’ils ne jugeaient pas à la bonne place :

« Plusieurs disent à tort que les péquistes sont surtout actifs dans le parti Vision Montréal ou autour de Louise Harel, mais la réalité, c’est qu’ils sont surtout à Union Montréal avec Gérald Tremblay », nous a confié une source péquiste. Les péquistes qui gravitent autour d’Union Montréal reprochent à Mme Harel d’avoir « intrigué » pour arriver à se présenter contre Gérald Tremblay. Plusieurs contestent aussi son choix d’avoir fait alliance avec Benoît Labonté, un fédéraliste du Parti libéral du Canada, jugé plus à droite que Gérald Tremblay[18].

Par contre, pour l’électorat anglophone, le choix semble relativement plus évident qu’en 2005. La barre est maintenant devenue tellement haute en 2009 que Mme Harel pourrait être tentée de prôner encore une fois, comme M. Tremblay, l’apartheid pour calmer l’électorat anglophone. Fine politique, on l’a tant et tant souligné, elle n’en serait pas à sa première opération du genre. À la fin de 1999, Mme Harel s’est d’abord opposée aux fusions municipales. Elle les a ensuite défendues quand son chef Lucien Bouchard leur a donné sa bénédiction. Or, pour mener à bien son mandat, elle n’avait à l’époque rien trouvé de mieux que de tenter de se concilier les opinions de ses opposants anglophones et bien nantis. Ainsi, les projets devant originellement comporter un fort volet de démocratisation du pouvoir local doublé d’une redistribution majeure des charges fiscales et des dépenses se sont trouvés vidés de ce qui en aurait fait des projets emballants. Lucien Bouchard avait un capital de sympathie énorme dans la population : au lieu de susciter l’adhésion, on a modestement tenté de modérer les critiques des opposants. Foin de la justice sociale, foin de la démocratisation.

En 2000-2001, elle affirmait aux péquistes qu’il suffisait de s’organiser pour s’emparer du pouvoir. Comme la scène municipale était sans lien avec la politique provinciale ou fédérale, à ses yeux, la démographie ne signifiait rien. Hors de leurs ghettos de l’ouest de l’île, les élus municipaux anglophones se comptaient sur les doigts de la main, ce qui laissait seuls les francophones à accéder au pouvoir. Ce qui compte, prétendait-elle, était l’origine ou l’appartenance culturelle du candidat, non le lien de représentation. Or bien avant que Mme Harel n’entre en politique, il était connu depuis longtemps que cette hypothèse était démentie par les faits : les élus défendent des positions conformes aux groupes qui les ont fait élire. Il était déjà bien connu que le mode de scrutin majoritaire jouait un rôle primordial dans la fabrication de l’écrasante domination des fédéralistes et des nantis sur les scènes municipales. Quelle ne fut pas la surprise des spécialistes de voir Mme Harel confier à des libéraux le soin de confectionner le nouveau mode de représentation de la nouvelle Ville de Montréal, qui inclut depuis 2001 un mode de scrutin (plurinominal majoritaire) interdit aux États-Unis.

Mme Harel ne s’est jamais engagée à renforcer l’égalité des services offerts par chaque arrondissement. À moins de surprises sorties de ses six chantiers, son parti n’entend pas se risquer à offrir quelque chose pour corriger les lacunes du système de représentation montréalais – notamment les inégalités de valeur entre chaque vote et la mise au ban des systèmes de représentation rétrogrades –, rien pour mettre fin à la surconcentration du pouvoir entre les mains du maire, rien pour améliorer la qualité du personnel politique recruté, rien pour redonner aux élus un ascendant légitime sur l’administration, des fonctions législatives et de surveillance de l’administration dignes d’une véritable séparation des pouvoirs. Enfin, pour contrer le morcellement de la ville centrale généré par la délégation de pouvoirs aux arrondissements, Mme Harel ne s’est pas engagée de manière énergique à reconstruire l’administration centrale. Son parti, Vision Montréal, est le parti du statu quo, un parti fonctionnant au culte de la personnalité. Pas davantage que Pierre Bourque ou les autres, elle ne participera à la défense des droits des citoyens, à la justice sociale et à la justice intercommunautaire.


Annexe A : définition augmentée des effectifs francophones

Une hypothèse optimiste permet de redistribuer les réponses multiples ainsi que les effectifs allophones (de langue(s) parlée(s) autre(s)) en fonction de leur degré de substitutions linguistiques en direction du français (francotropes) ou de l’anglais (anglotropes), conformément à l’hypothèse d’élargissement des groupes francophone et anglophone en fonction de l’usage des langues en public. On peut ainsi redéfinir les frontières des groupes francophones et anglophones. Le groupe francophone serait constitué de :

• 100 % des effectifs de langue française le plus souvent parlée à la maison française, plus;

• une partie des effectifs allophones selon l’importance de leurs substitutions linguistiques en direction du français ou de l’anglais[19] :

• 40 % des effectifs allophones très francotropes (dont les substitutions linguistiques[20] sont très fortement tournées vers le français);

• 20 % des effectifs allophones moyennement francotropes (dont les substitutions linguistiques sont tournées vers le français) plus les effectifs de langues multiples française-autre(s);

• 10 % des effectifs allophones moyennement anglotropes (dont les substitutions linguistiques sont tournées vers l’anglais) plus les effectifs de langues multiples française-anglaise-autre(s), plus;

• 5 % des effectifs allophones très anglotropes (dont les substitutions linguistiques sont très fortement tournées vers l’anglais) plus les effectifs de langues multiples anglaise-autre(s); les effectifs concernés correspondent à des expériences de vie individuelles qui ne vont pas nécessairement dans le même sens que celui de leur communauté de référence[21].

La définition des effectifs du groupe anglophone suit le même procédé tandis que les effectifs allophones restants constituent le groupe allophone.

Mentionnons que la méthode traditionnelle de répartition des réponses multiples « corrige » elle-même les données brutes des recensements et augmente le poids du groupe francophone d’environ 2 % puisqu’on ne trouve que 57 % de francophones dans la population totale avec le français pour langue parlée le plus souvent à la maison.

 


[1] Pierre Drouilly et Alain-G.Gagnon (2004), « Démocratie à la carte. Les référendums de dimanche remettent en question la cohésion sociale qui caractérise le Québec », dans La Presse, 17 juin.

[2] Voir le sondage TVA-Léger-Le Journal de Montréal dans l’édition du 14 septembre 2009; on y donnait une estimation des intentions de vote pour chacun des arrondissements de Montréal.

[3] Cela est valable non seulement à Montréal ou à Québec mais dans toutes les autres régions métropolitaines et agglomérations de taille supérieure à 15 000 habitants. Voir Piroth, Scott, Serré, Pierre, Lublin, David (2005), « Francophone Bilingualism, Inter-group Contact and Opposition to Quebec Sovereignty among Quebec Francophones », dans Nationalism and Ethnic Politics, no. 11, automne.

[4] À titre d’exemple, seuls des événements extrêmes pourront avoir changé le vote dans Montréal-Nord. La possible défaite d’Union Montréal dans Lachine concernerait peut-être la publicité négative reçue par le titulaire du poste de maire de l’arrondissement, Claude Dauphin, ainsi que le dossier de l’hôpital Lachine.

[5] Les résultats du sondage publiés dans Le Journal de Montréal témoignent en effet de la persistance de ce facteur dans les intentions de vote. La domination de l’équipe de M. Tremblay ne faiblit que dans Montréal-Nord, Lachine et Outremont. Voir les résultats du sondage TVA, Léger et Le Journal de Montréal, 14 septembre 2009.

[6] Voir Cyberpresse, « À la manière de Louise Harel », 6 juin 2009

www.cyberpresse.ca.

[7] Michel C. Auger, « Les Carnets », Radio-Canada, 4 juin 2009.

[8] On sait que, pour pallier à ce problème, Mme Harel avait mis en place six grands chantiers chargés de diagnostiquer les problèmes de Montréal et de formuler des solutions adéquates. À la fin de septembre, nul ne sait ce qui devrait sortir de ces chantiers ni ce que Mme Harel entendrait réaliser une fois élue.

[9] Citoyenneté et Immigration Canada, Grant of Citizenship, 1952-1997; Institut de la statistique du Québec,

www.stat.gouv.qc.ca/donstat/demogra/migration/602.htm;

Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, publications, recherches et statistiques, 1998 à 2009 :

http://www.micc.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/Immigration-Quebec-1998-2002.pdf

http://www.micc.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/Immigration-Quebec-1999-2003.pdf

http://www.micc.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/Immigration-Quebec-2000-2004.pdf

http://www.micc.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/Immigration-Quebec-2001-2005.pdf

http://www.micc.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/Immigration-Quebec-2002-2006.pdf

http://www.micc.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/Immigration_Qc_2003-2007.pdf

http://www.micc.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/Immigration-Quebec-2004-2008.pdf

http://www.micc.gouv.qc.ca/publications/fr/planification/Plan-immigration-2009.pdf

[10] Le mode plurinominal signifie que, dans les districts où il est appliqué, chaque électeur dispose par exemple de trois votes pour trois postes à combler provoquant presque toujours un résultat de trois à zéro.

[11] Abigail M.Thernstrom (1987), Whose Votes Count? Affirmative Action and Minority Voting Rights, Cambridge, Harvard University Press, p. 193-194.

[12] Pierre Serré et Nathalie Lavoie (1999), « Le comportement électoral des Québécois d’origine immigrante dans la région de Montréal, 1986-1998 », dans Robert Boily (dir.), L’année politique au Québec 1997-1998, Montréal, Presses de l’Université de Montréal.

[13] Luc Bouvier avait ainsi trouvé des seuils linguistiques dans les municipalités de l’Outaouais au cours des années cinquante. Voir Luc Bouvier (2002), Les sacrifiés de la bonne entente. Histoire des francophones du Pontiac, s.l., L’Action nationale éditeur, 172 p.

[14] Un peu de politique fiction : M. Lavallée dit avoir tenté à plusieurs reprises d’amener les journalistes à aborder cet aspect de sa vie privée qui s’est produit en 1970. Il avait alors été, à 19 ans, complice du vol des recettes (31,90 $) d’une soirée de bingo dans le but de financer des activités du Front de libération du Québec. Le coup avait été conçu et projeté par une informatrice de la police, si bien que M. Lavallée fut arrêté, jugé et condamné à 25 $ d’amende. Mme Harel a nié catégoriquement avoir dénoncé son ex-chef de cabinet auprès de la presse. Cette dénonciation suivie d’un congédiement aiderait sans doute le maire Tremblay à consolider sous sa protection sa base fédéraliste. Voir La Presse et Le Devoir, 18 septembre 2009.

[15] Elizabeth Noelle-Neumann (1984). The Spiral of Silence: Public Opinion. Our social skin, Chicago, University of Chicago Press.

[16] Dans la foulée de sa nomination publique, M. Grey perdit immédiatement son contrat de représentation de la municipalité de Hampstead auprès des tribunaux, à la suite de l’adoption d’une résolution de destitution du conseil municipal. Le maire a alors utilisé son droit de veto pour casser la résolution (voir La Presse, 19 juillet 2009).

[17] Voir Rue Frontenac, 4 septembre 2009.

[18] Mathieu Thurbide, « Louise Harel, les analyses », dans Le Journal de Montréal, 5 juin 2009. Cité aussi dans Méchant blogue :

http://mechantblogue.canoe.ca/2009/06/.

[19] Charles Castonguay (1994), L’assimilation linguistique : mesure et évolution 1971-1986, Québec, Conseil de la langue française, 243 p.

[20] Statistique Canada, données du recensement de 2006 sur les « transferts linguistiques ».

[21] Nathalie Lavoie et Pierre Serré (2002), « Du vote bloc au vote social : le cas des citoyens issus de l’immigration de Montréal, 1995-1996 », Revue canadienne de science politique, vol. XXXV, no. 1.

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