Pays-Bas. Histoire et conséquences des succès récents de l’extrême droite

Ph. D. Sociologie, Université de Trèves

Aux Pays-Bas, la droite populiste est depuis 2006 représentée au parlement par le Parti pour la liberté (Partij voor de vrijheid–PVV). Cette formation politique est née du mécontentement de Geert Wilders à l’endroit de son ancien parti, le Parti populaire libéral et démocrate (Volkspartij voor Vrijheid en Democratie—VVD). Ces derniers, alors favorables à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, poussent Wilders en 2004 à siéger comme indépendant. Le politicien dissident forme alors rapidement son propre parti, le Groupe Wilders (Groep Wilders), qu’il renommera le PVV pour les élections de 2006. Lors de ce scrutin, la formation politique fait élire neuf députés sur 150. Depuis cette première entrée au parlement, le parti de Wilders, sans jamais officiellement participer au gouvernement, a non seulement grandement influencé le débat politique néerlandais, mais a aussi contribué à façonner certains projets de loi, notamment ceux liés à l’immigration. Comment cette formation a-t-elle pu connaitre une ascension aussi fulgurante dans un pays qui, encore au début des années 90, était perçu par plusieurs (Bruquetas-Callejo et coll., 2011 : 3, Maas, 2010 : 227) comme l’un des seuls États européens à avoir appliqué des politiques publiques reflétant un engagement concret envers le multiculturalisme ?

C’est dans cette perspective que cet article se penche sur le succès électoral du PVV, les conséquences de cette formation sur la scène politique néerlandaise, ainsi que les racines de son idéologie. Dans un premier temps, l’origine et l’évolution des idées d’extrême droite aux Pays-Bas seront dépeintes. Dans un deuxième temps, les circonstances de l’entrée de la droite populiste au parlement néerlandais, en 2002, seront éclaircies. Dans un troisième temps enfin, les récents accomplissements du PVV seront circonscrits, notamment quant à l’influence qu’il exerce dans le débat public ainsi que sur la législation néerlandaise.

Un État multiculturel et européen avant la
lettre

Le PVV, comme plusieurs partis populistes d’extrême droite en Europe, est résolument eurosceptique. Pourtant, les Néerlandais, avec leurs voisins belges et luxembourgeois, sont à la base de la formation de l’Union européenne. Formée en 1958, l’Union Benelux, en plus d’être une union économique réunissant la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, se voulait précisément précurseur à l’Union européenne (Benelux, 2008 [1958] : art. 2). L’apport néerlandais à l’Union européenne est indéniable. Or les citoyens des Pays-Bas, comme il en sera question plus loin, sont désormais ambivalents face à ce super-état. La rhétorique eurosceptique du PVV, néanmoins, n’est pas aussi « payante », électoralement parlant, que ses positions anti-immigration. L’immigration, un autre thème cher aux partis populistes européens, a ainsi pris toute la place lors des élections néerlandaises de 2017. Encore une fois pourtant, les Pays-Bas ont une longue tradition migratoire, spécifique à leur histoire coloniale, mais aussi à leur configuration sociétale ancrée dans le système de pilarisation1. Cette configuration sociale avait pour but d’accommoder la différence, entre autres confessionnelle. Ce système aura aussi engendré une approche décrite par plusieurs universitaires comme libérale à l’égard de l’immigration, jusqu’au début des années 1980 (Bruquetas-Callejo et al., 2011 : 29, Oers, 2008 : 41 ; Prins et Sahorso, 2010 : 73).

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce système encourage les nouveaux arrivants – principalement des travailleurs étrangers venus des pays de la Méditerranée, de la Turquie, du Maroc et des colonies néerlandaises telles que le Suriname, les îles Moluques et les Antilles néerlandaises2 (Stevens et coll. 2011 : 9, Zorlu et Hartog, 2002 : 4) – non pas à s’insérer au sein des piliers existants, mais à ériger leurs propres organisations, à l’image des piliers néerlandais (Schover, 2010 : 335). Cette incitation à se réunir et à s’organiser autour d’une communauté culturelle visait à faciliter le retour de ces travailleurs dans leur pays natal une fois leurs contrats terminés (Entzinger 2006 : 179, Prins, 2002 : 366, Prins et Sahorso, 2010 : 73). D’ailleurs, dans un rapport publié en 1970 au sujet des travailleurs étrangers, le ministère des Affaires sociales et de la Santé publique (Ministerie van Sociale Zaken en Volksgezondheid) déclare que les Pays-Bas ne sont pas et ne doivent pas être un pays d’immigration (Ministerie, 1970), repoussant dès lors tout débat politique sur le sujet, et du coup toutes mesures législatives3. Ce « laissez-faire », voire cette promotion du pluralisme, est souvent décrit comme le reflet d’une attitude inspirée d’une approche multiculturelle avant la lettre (Bruquetas-Callejo et al., 2011 : 16, Veldhuis et Van Der Maas, 2011 : 53).

À l’instar de plusieurs pays européens, la grande majorité des immigrants invités à venir travailler aux Pays-Bas afin de soutenir l’essor industriel de l’après-guerre s’y établit de façon permanente. Contrairement à la France ou à l’Allemagne, aucune mesure n’est adoptée pour inciter les immigrants à retourner dans leur pays d’origine (Bruquetas-Callejo et coll., 2011 : 6). Ce n’est qu’en 1983, dans le rapport sur les minorités (Minderhedennota) du ministère des Affaires intérieures (Ministerie van Binnenlendse Zaken), que les instances gouvernementales conviennent et acceptent le fait que les immigrants et citoyens d’anciennes colonies établis au pays sont là pour de bon (Ministerie, 1983). Cette reconnaissance ouvre la porte aux premières politiques sur la question immigrante. Par conséquent, des restrictions en matière de sélection des candidats à l’immigration apparaissent dans le but, notamment, de réduire les demandes d’asile et de réunions familiales.

Ces premières réponses politiques portant sur le sujet de l’immigration proviennent principalement des recommandations d’un rapport émis par le Conseil scientifique4 pour les politiques gouvernementales (Ministerie, 1979). Ces politiques sur l’immigration, dans leur première mouture, s’inscrivent davantage dans l’esprit de l’État providence. Elles proposent des mesures visant à stimuler l’égalité et l’équité afin de venir en aide aux groupes considérés comme vulnérables5 (Bruquetas-Callejo et coll., 2011 : 12, Penninx, 2005 : 38, Veldhuis, 2011 : 35). Par ailleurs, ces discussions portant sur la population immigrante et leur intégration ne sont pas politisées. Autrement dit, elles ne font pas l’objet de débats politiques parlementaires et ne sont à aucun moment au programme des partis (Penninx, 2005 : 39). Ce type de questions est plutôt traité par les gouvernements en tant que problèmes scientifiques ou administratifs (Penninx, 2005 : 39). Ces politiques relatives à l’immigration, néanmoins, ne tardent pas à être l’objet de critiques acerbes.

Moins de six ans après l’entrée en vigueur de la première loi sur les minorités ethniques, un nouveau rapport du Conseil scientifique pour les politiques gouvernementales (1989) critique les politiques issues de ce premier projet de loi. Il affirme que trop peu de progrès ont été réalisés dans deux domaines cruciaux : le marché du travail et l’éducation (Bruquetas-Callejo et coll. : 16, Penninx, 2005 : 41, Veldhuis, 2011 : 38). Selon les conclusions de ce document, trop d’accent aurait été mis sur l’aspect culturel de l’intégration. Il est alors recommandé d’abandonner l’approche influencée par le multiculturalisme et de se pencher davantage sur l’aspect structurel et participatif de l’intégration, en attribuant non seulement des droits et des facilités aux immigrants, mais aussi des obligations (Bruquetas-Callejo et coll. : 17, Entzinger, 2014 : 697, Penninx, 2005 : 41). En réaction à ce rapport, tous les partis politiques s’entendent sur la création de mesures visant à améliorer l’intégration socioéconomique des immigrants. Néanmoins, en 1991, Fritz Bolkenstein, alors leadeur des libéraux conservateurs (VVD) dans l’opposition, s’élève au-dessus de la mêlée et avance que l’intégration des immigrants doit être gérée avec fermeté (Prins, 2002 : 367). C’est avec cette première prise de position partisane que commence véritablement la politisation de la question immigrante aux Pays-Bas.

Au milieu des années 90, la nouvelle politique sur l’immigration et l’intégration6 marque un tournant décisif dans l’approche de la question immigrante. Plutôt que de s’intéresser aux groupes culturels et religieux, les instances gouvernementales se penchent désormais directement sur les individus issus des communautés ethniques. Ce faisant, elles souhaitent diminuer leur dépendance face aux organisations immigrantes, mais du coup aussi, l’influence que celles-ci peuvent exercer sur les individus issus de l’immigration. L’État, dès lors, se dissocie du maintien et de la promotion de la culture des nouveaux arrivants et insiste sur le fait que ces derniers doivent participer aux institutions de la société d’accueil (Bruquetas-Callejo et coll., 2011 : 17, Entzinger, 2014 : 697, Veldhuis, 2011 : 38). L’individu immigrant devient, aux yeux du gouvernement, responsable de son intégration (Duyvendak et coll., 2009 : 9, Oers, 2008 : 44).

Au moment où ces politiques plus « fermes » à l’égard de l’immigration, que plusieurs auteurs qualifient de républicaines (Bruquetas-Callejo et al., : 17, Penninx, 2006 : 247), sont mises en place au fil des années 90, le nombre de demandes de naturalisation monte en flèche. Les chrétiens-démocrates (Christen-Democratisch—CDA) et les libéraux conservateurs (VVD) sont alors convaincus que l’acquisition de la citoyenneté néerlandaise est trop facile. De plus, ces partis s’indignent du fait que les immigrants demandent la citoyenneté néerlandaise pour des raisons pragmatiques, et non pas parce qu’ils se sentent Néerlandais (Oers, 2008 : 44). Bien que ce motif aurait pu être à l’origine de l’élaboration de la nouvelle loi de 1998 visant à rendre obligatoires les cours d’intégration civique – sans examens – il est plutôt évoqué que la mauvaise intégration socioéconomique des immigrants est due à un manque de connaissance de la société néerlandaise et de sa langue, d’où l’obligation de prendre désormais part à une « formation citoyenne » (Prins et Sahorso, 2010 : 76). C’est ainsi que certains auteurs décrivent cette nouvelle approche comme le début d’une tendance assimilationniste, et non plus multiculturelle, de la gestion de la question immigrante aux Pays-Bas (Veldhuis et Van Der Maas, 2011 : 39).

Au début des années 2000, un nouveau type de discours émerge alors aux Pays-Bas : un discours hargneux dont l’auteur prétend parler au nom de la majorité néerlandaise et de la vérité que cachent les discours dominants. Il est décrit par Prins comme faisant partie du courant du « nouveau réalisme » (Prins 2002, Prins et Sahorso, 2010). Les acteurs issus de ce courant s’opposent à l’élite politique progressiste soi-disant porteuse d’une approche relativisant la valeur des différentes cultures. Ils se disent francs, directs et réalistes, des caractéristiques qu’ils attribuent à l’identité néerlandaise (Prins 2002, Prins et Sahorso, 2010). Le politicien Pim Fortuyn, issu de la droite populiste, est le représentant typique de ce discours, bien qu’il s’agisse, dès 2001, d’un discours ambiant au sein de la classe politique aux Pays-Bas (Reekum, 2016).

L’émergence d’une droite populiste sur l’échiquier électoral

Lors de la campagne électorale de 2002, Fortuyn adopte un discours dans la même veine que celui de Bolkestein et de Scheffer à l’égard de l’immigration et de l’intégration des nouveaux arrivants7. Son approche et ses idées ne sont pas nécessairement nouvelles. Ses critiques du multiculturalisme sont depuis quelque temps déjà bien implantées dans le discours médiatique et politique et, à certains égards, partagées, particulièrement par les libéraux conservateurs (Penninx, 2005 : 43, Prins, 2002 : 364). Ses positions, par contre, sont plus radicales, surtout celles portant sur les musulmans et l’Islam, qu’il qualifie de culture arriérée (Prins, 2002 : 366). Neuf jours avant les élections, Fortuyn est assassiné par un militant environnementaliste et défenseur des droits des animaux, qui reproche à Fortuyn d’utiliser la communauté musulmane comme bouc émissaire à des fins politiques (Entzinger, 2014 : 699, Veldhuis et Van der Maas, 2011 : 41).

Durant les six mois suivant cet événement, les arguments critiquant les positions de Fortuyn sont considérés comme politiquement incorrects et déplacés (Prins, 2002 : 377, Prins et Saharso 2010 : 72). Le premier ministre Balkenende (VVD), à la tête du gouvernement de coalition réunissant les chrétiens-démocrates (CDA), le parti de Pim Fortuyn (Lijst Pim Fortuyn—LPF) et les libéraux conservateurs (VVD), déclare qu’une société multiculturelle offre une base inadéquate pour l’intégration de ses nouveaux arrivants (Veldhuis, 2011 : 40). Ce gouvernement, de courte durée, est remplacé en 2003 par une nouvelle coalition sans le LPF. Le nouveau gouvernement reste tout de même fortement influencé par les convictions de Fortuyn sur l’immigration et l’intégration. Une campagne anti-immigration est alors amorcée (Entzinger, 2014 : 699, Penninx, 2006 : 250). La faillite du multiculturalisme et des mesures d’intégration s’installe dans le discours médiatique et dans l’opinion publique. Les immigrants sont alors blâmés pour la lenteur de leur intégration (Entzinger, 2014 : 699, Penninx, 2006 : 249, Prins, et Saharso 2010 : 78).

Le décès de Fortuyn en 2002 marque ainsi un tournant pour la droite populiste et le discours sur l’immigration aux Pays-Bas. Après cet épisode, il devient politiquement correct et acceptable d’opposer une culture dite « rétrograde » appartenant exclusivement aux nouveaux arrivants—surtout aux musulmans – à celle des Néerlandais, dite progressiste puisqu’issue des Lumières (Oudenampsen, 2013 : 203-204). Ce nouveau discours constitue la naissance d’un mouvement politique qui auparavant n’avait jamais connu de succès électoraux aux Pays-Bas. L’extrême droite, telle qu’elle existe dans plusieurs États européens, était faible, voire inexistante jusqu’aux années 2000. Elle souffrait d’une absence de base solide ou de tradition, ainsi que de la fragmentation du vote et du système des piliers, dans lequel elle n’était pas représentée (Voerman, 1992 : 51).

Alors que de nombreux États d’Europe se retrouvent aux prises avec des mouvements et des partis politiques antisystèmes au début du XXe siècle, les Pays-Bas sont à l’époque épargnés par de telles manifestations (Ignazi, 2003 : 162). Les quelques adhérents de l’extrême droite collaboreront avec l’occupant nazi pendant la Seconde Guerre mondiale, mais ils seront rapidement plus tard jugés sévèrement, empêchant ainsi quelque véritable renaissance d’un parti antisystème (Ignazi, 2003 : 162). Des années 60 jusqu’aux années 90, les quelques partis d’extrême droite acceptent en effet l’idée de la démocratie, mais rejettent tout de même les valeurs libérales et le multiculturalisme, s’affichant ouvertement contre l’immigration (Voerman, 1992 : 52 ; Ignazi, 2003). Ils remportent dans tous les cas peu de succès électoraux. Une fois le système des piliers affaibli vers la fin des années 80 toutefois, le vote devient plus volatil, profitant d’abord à la gauche, puis finalement à la droite à la fin des années 90 et à partir des années 2000 (Ignazi, 2003 : 169).

Si la droite populiste et l’extrême droite semblent abruptement s’imposer en ce début de millénaire sur la scène politique néerlandaise, cela tient plutôt à une lente ascension d’idées ambiantes qu’à un changement de garde rapide. Selon Oudenampsen (2013 : 205), il s’agit en effet d’une culmination et d’une consolidation de discours basés sur l’identité nationale et l’immigration qui entretiennent une double opposition : la tolérance néerlandaise issue des Lumières contre l’islamisme rétrograde incompatible avec les sociétés occidentales ; puis un discours nationaliste péremptoire de la nouvelle droite populiste contre une élite gauchiste multiculturaliste et déconnectée de la réalité. C’est dans cette optique que la coalition de 2003, formée par les chrétiens-démocrates (CDA) et les libéraux conservateurs (VVD), aborde la question immigrante.

Dès lors, une nouvelle loi portant sur le processus de naturalisation est discutée. Elle vise à faire de la citoyenneté néerlandaise le point final du processus d’intégration ou, selon la ministre libérale conservatrice (VVD) Verdonk, un « prix », renversant ainsi le principe qui prévalait jusque-là : celui où la citoyenneté, en raison du renforcement du statut légal qu’elle offre à l’immigrant, était entrevue comme un outil favorisant l’intégration (Oers, 2008 : 45). Cette loi met en place un test de naturalisation pour lequel le candidat n’a pas les moyens de se préparer, puisque la connaissance de la société néerlandaise ne peut être acquise qu’en pratique, et non pas dans des manuels (Oers, 2008 : 47). L’entrée en vigueur de ces nouvelles mesures conduit à une baisse significative des demandes de naturalisation, mais aussi de l’immigration qui, entre 2004 et 2007, n’aura jamais été aussi faible en 40 ans (Entzinger, 2014 : 699, Oers, 2008 : 49).

La ministre Verdonk s’attire par ailleurs les critiques de la Cour européenne des droits de l’homme et de Human Rights Watch en voulant forcer les demandeurs d’asile et les individus éligibles au programme de réunion familiale à passer des examens de connaissance de la société néerlandaise et de la langue néerlandaise avant même leur entrée sur le territoire (Bruquetas-Callejo et al., 2011 : 9, Prins et Saharso, 2010 : 80-81, Veldhuis et Van der Maas, 2011 : 41). Ce dernier épisode n’empêche cependant pas le gouvernement de continuer à imposer ses nouvelles mesures. Un consensus quant à l’immigration s’installe au parlement. À la suite du meurtre du réalisateur Théo Van Gogh8 en 2004, le programme de la grande majorité des partis politiques invoque l’urgente nécessité d’intégrer la population immigrante, surtout celle d’origine musulmane, en dépit de quoi l’identité néerlandaise pourrait être menacée (Penninx, 2006 : 250). C’est aussi en cette fin d’année 2004 que Geert Wilders quitte le VVD afin de protester contre l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, à laquelle son parti était favorable.

La politique néerlandaise sous l’influence de l’extrême droite

En 2005, Wilders publie sa plateforme électorale pour les élections de l’année suivante. Il réitère sa position sur la Turquie, en précisant que l’introduction du pays, ou tout autre élargissement au sein de l’Union européenne, provoquerait une sortie des Pays-Bas (2005). L’adhésion à l’Union européenne, ajoute-t-il, fait en sorte que les Pays-Bas ont perdu leur identité, que le pays n’est désormais qu’une province de l’Europe parmi tant d’autres, que leur souveraineté n’est plus et que la zone euro, en tant que pacte stabilisateur, est une bévue. Il suggère d’ailleurs que l’Union européenne se transforme en union de libre échange, citant l’ALENA en exemple (PVV, 2005). L’immigration, bien sûr, est aussi au centre de ce document. Elle est d’ailleurs fortement liée à l’euroscepticisme du parti. En plus d’avancer que les Pays-Bas ne devraient jamais se faire dicter par un fonctionnaire de Bruxelles combien d’immigrants ils devraient accepter, il est dit qu’un nouvel arrivant, mais aussi les immigrants vivant aux Pays-Bas depuis plusieurs années, devrait prouver son intégration à l’aide d’examens, sans quoi il serait renvoyé (PVV, 2005). Ces idées, bien que le PVV n’obtienne que 9 sièges sur 150 aux élections de 2006, se retrouveront bien dans les lois portant sur l’immigration, notamment celles sur les tests obligatoires.

Les débats parlementaires sur l’immigration mènent à la création de la loi sur l’intégration (Wet Inburgering). Elle est adoptée en 2007 par un gouvernement de coalition à nouveau dirigé par le chrétien-démocrate (CDA) Balkenende. Il est, cette fois-ci, appuyé par le Parti des Travailleurs (PvdA). Issues d’un gouvernement plus progressiste, ces nouvelles mesures sont moins inspirées par une approche néolibérale que par une approche communautaire, en ce sens qu’elles mettent davantage l’accent sur l’importance de la cohésion sociale, des obligations civiles et des valeurs familiales (Prins et Saharso, 2010 : 84). Elles utilisent, de plus, des termes ethniquement neutres, favorisant ainsi les notions de citoyenneté, tout en délaissant celles de minorités ethniques et de groupes culturels (Prins et Saharso, 2010 : 84). Néanmoins, ce qui est au cœur de cette loi, soit l’obligation de réussir des tests dits « d’intégration » afin de pouvoir résider aux Pays-Bas, demeure : l’argument gouvernemental est alors que ces mesures permettront aux immigrants de mieux prendre soin d’eux-mêmes et de mieux s’intégrer (Oers, 2008 : 52). Le but derrière la loi sur l’intégration de 2007, semble-t-il, est de forcer quiconque désirant s’installer et vivre aux Pays-Bas à s’intégrer puis à démontrer cette intégration. C’est seulement après avoir réussi à s’acquitter de cette tâche qu’un immigrant obtiendra sa résidence et éventuellement sa citoyenneté. Les modifications de la loi à venir ne feront que renforcer ce processus. Outre la classe universitaire, l’opposition politique ou civile au sujet de ces questions est marginale.

Le meilleur résultat électoral du PVV, en 2010, lui donne ensuite 24 sièges et en fait le troisième parti du parlement. Lors des négociations en vue de la formation du gouvernement, le parti populiste négocie un accord avec la coalition en devenir. Sans faire partie du gouvernement, le PVV conclut une entente selon laquelle il appuie le gouvernement de coalition minoritaire VVD-CDA, sous la condition que des mesures plus restrictives en ce qui a trait à l’immigration soient implémentées. En leur retirant cet appui deux ans plus tard, le PVV refusant l’austérité imposée par Bruxelles, le gouvernement doit se reformer à la suite d’élections anticipées sous la forme d’une coalition VVD-PvdA. Le PVV, avec 15 sièges, retourne dans l’opposition. Certaines de ses positions sur l’immigration semblent néanmoins avoir façonné les dernières modifications de la loi sur l’intégration de 2007, entrées en vigueur le 1er janvier 2015. Bien que cette loi n’aille pas aussi loin que ce que désiraient les députés du PVV (leurs plateformes indiquent qu’ils banniraient toute immigration issue des pays musulmans, refuseraient toute aide sociale aux immigrants lors de leurs dix premières années aux Pays-Bas, et n’accepteraient qu’un individu obtienne sa citoyenneté qu’après avoir travaillé dix ans aux Pays-Bas [PVV, 2010 ; 2012]) – elle semble tout de même inspirée par les succès électoraux du parti et par son appui au gouvernement.

Selon la loi sur l’intégration, il est désormais obligatoire pour un citoyen non néerlandais de s’intégrer aux Pays-Bas dès son arrivée. Cette mesure inclut aussi les individus résidant au pays depuis plusieurs années. Les immigrants récents et ceux ne détenant pas la résidence ou la citoyenneté néerlandaise qui sont âgés entre 16 et 65 ans reçoivent une lettre du Service à l’éducation (Dienst Uitvoering Onderwijs) pour les en aviser et leur faire part du délai dont ils disposent pour s’acquitter de cette tâche. Il s’agit du délai, autrement dit, dont ils disposent pour réussir leurs examens d’intégration. Les individus sont informés des objectifs et de la marche à suivre : « vous devez apprendre le néerlandais et vous devez apprendre comment les Néerlandais vivent et travaillent. Si vous en avez assez appris, vous faites alors l’examen » (Ministerie, 2015). Depuis 2013, les immigrants ont trois ans pour démontrer la maîtrise de ces matières.

L’État construit, à l’aide de cette loi, sa vision de la vie communautaire néerlandaise (Poitras, 2018). Pour le candidat à l’immigration, à la résidence ou à la citoyenneté, l’acquisition et la compréhension de ces représentations, qui agissent entre autres comme marqueurs d’une identité collective néerlandaise, deviennent obligatoires. La citoyenneté et la résidence aux Pays-Bas, ce faisant, ne sont alors plus seulement un instrument étatique comprenant les droits et les obligations mutuelles entre l’État néerlandais et ses citoyens ou ses résidents, mais deviennent aussi dans les faits un marqueur national. Elles garantissent que l’individu ayant réussi les examens d’intégration a acquis les valeurs prétendument néerlandaises, puis a compris ce que signifie être Néerlandais et vivre aux Pays-Bas9. La détention de la citoyenneté et de la résidence néerlandaise se veut ainsi garante de la possession de – ou du moins de la compréhension des – qualités proprement néerlandaises telles que définies par l’État. En apposant au processus d’intégration obligatoire les marqueurs d’une identité collective, la résidence et la citoyenneté, dont peut par la suite se prévaloir l’immigrant, acquièrent une valeur et une connotation culturellement néerlandaise, et non seulement civique.

Malgré toute cette politisation, 50 % des Néerlandais considèrent que les immigrants sont insuffisamment intégrés, alors que 78 % pensent que le gouvernement ne gère pas bien les questions liées à l’intégration (GMF, 2014 : 11 et 19). Après toutes ces années de débats publics sur l’immigration, portés par moment par des discours voulant que la culture néerlandaise soit menacée, 33 % des Néerlandais croient que cela est effectivement le cas (GMF, 2014 : 26). Selon Entzinger (2006, 2015), la population croit encore à tort que les politiques inspirées par le multiculturalisme sont la cause du manque d’intégration des immigrants, de même que de l’affaiblissement de l’État providence aux Pays-Bas, causé par le drainage des ressources financières publiques. Ce dernier point reflèterait pourtant davantage une tendance commune aux démocraties européennes qu’un effet indésirable des politiques inspirées par le multiculturalisme (Entzinger, 2006 ; 2015).

Il est dès lors plus facile de comprendre pourquoi aux dernières élections législatives de 2017, le PVV semble s’être plutôt concentré sur ses positions anti-immigration qu’eurosceptiques. D’ailleurs, ces positions eurosceptiques entremêlées de positions économiques, qui étaient centrales lors de leur campagne de 2012, leur ont valu un faible résultat électoral. Comme le remarque van Kessel (2015, 2017), le PVV mobilise davantage ses partisans lorsqu’il se concentre sur des thématiques culturelles liées à l’immigration. Après une plateforme de campagne (PVV, 2012) intitulée « Leur Bruxelles, nos Pays-Bas » (Hùn Brussel, òns Nederland), dans laquelle il se concentrait davantage sur l’Union européenne et sa mauvaise gestion de la crise financière, le PVV de 2017 en revient à un discours anti-immigration avec un accent antimusulman particulièrement prononcé (2017). Il n’existe pas de sondage fiable quant au soutien qu’accordent les Néerlandais à l’Union européenne. Certains chiffres semblent laisser entendre que près de la moitié des citoyens des Pays-Bas serait prête à voter pour un « Nexit », alors que d’autres affirment qu’il ne s’agit que d’une minorité. Force est de constater que ces chiffres, cependant, ne se traduisent pas en appuis auprès des partis politiques eurosceptiques : en 2017, le PVV obtient 20 sièges et le Forum pour la démocratie (Forum voor Democratie), un nouveau parti eurosceptique fondé en 2016, en obtient 2 sur 150.

***

D’un État à l’attitude de « laissez-faire » semblant prédisposé à accommoder le pluralisme jusque dans les années 80, les gouvernements successifs des Pays-Bas ont depuis les années 90 activement politisé le débat entourant la question immigrante. Celle-ci coïncide avec l’entrée des partis populistes sur la scène politique néerlandaise, d’abord avec Pim Fortuyn, puis avec Geert Wilders et le PVV. C’est d’ailleurs sur le terrain de l’immigration que ces partis connaîtront un succès électoral. C’est sous leur poids politique, aussi, que les Pays-Bas imposeront de sévères lois quant au droit à la résidence et à la citoyenneté néerlandaises. Bien que le PVV soit fondamentalement eurosceptique, il est à parier que cet euroscepticisme, dans l’avenir, portera davantage sur la souveraineté culturelle du pays, notamment sur les questions liées à l’immigration, que sur sa souveraineté économique. Une nouvelle crise économique, néanmoins, pourrait les inciter à rejouer cette carte éventuellement.

 


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1 La pilarisation d’une société signifie que la vie sociale y est organisée autour de piliers érigés sur la base d’une religion ou d’une idéologie. Dans les cas des Pays-Bas, il s’agit des piliers du Calvinisme, du Catholicisme, du Libéralisme et du Socialisme. Les écoles, les journaux, ou encore les partis politiques sont ainsi érigés et représentés selon ces piliers. Cependant, depuis l’affaiblissement de ce système dans les années 80, de nouveaux partis sont apparus.

2 Les Antilles néerlandaises, contrairement au Suriname et aux îles Moluques, font toujours partie du Royaume des Pays-Bas en tant que territoires d’outre-mer. Il s’agit, depuis 2010, des municipalités à caractère particulier de Bonaire, Saint-Eustache et Saba, ainsi que des États autonomes Aruba, Curaçao et Saint-Martin.

3 Conformément à cette idée, il est même dit des individus issus des colonies qu’ils sont des rapatriés temporaires, et non des immigrants (Penninx, 2005 : 37). À cette époque, le rapport à l’immigration est encore pensé dans l’horizon d’un héritage colonial avec lequel les Pays-Bas jonglent difficilement. À la suite d’une guerre entre les Pays-Bas et les ïles Moluques qui entache la réputation du pays l’extension de la citoyenneté néerlandaise aux Antilles néerlandaises et au Suriname est principalement pensée dans l’optique d’un geste symbolique permettant de redorer l’image des Pays-Bas aux yeux de la communauté internationale, mais surtout de l’Organisation des Nations unies (Oostindie et Klinkers, 2003 : 64-88). Ce droit à la citoyenneté pour tout individu issu des colonies néerlandaises provoque un phénomène auquel la métropole ne s’attendait pas : un exode des nouveaux citoyens d’outre-mer vers les Pays-Bas. En 1975, le Suriname déclare son indépendance. Pour préserver leur citoyenneté néerlandaise, un grand nombre de Surinamiens quitte le pays en direction des Pays-Bas tout comme, pour des raisons économiques cette fois, le font plusieurs Antillais (Sharpe, 2005 : 294). L’octroi de la citoyenneté à des populations situées outre-mer, un geste qui se voulait symbolique a priori, se bute rapidement à la réalité des politiques migratoires néerlandaises qui ne sont pas confectionnées pour recevoir un nombre aussi grand d’immigrants.

4 À cette époque l’État privilégiait la communauté universitaire lorsque venait le temps de réfléchir aux politiques à mettre de l’avant quant aux questions portant sur l’immigration. Dès la politisation de cet enjeu au début des années 90, le monde académique est mis de côté et devient le principal critique de la classe politique en la matière.

5 Cela est fait de façon relativement maladroite, les politiques identifiant des groupes ethniques. Comme les autorités ne s’entendent pas sur la définition à donner à ce terme, une liste de ces minorités est créée. Celle-ci ne cible cependant pas tous les groupes ethnoculturels d’immigrants et de nouveaux arrivants, mais seulement ceux perçus comme étant « problématiques » : les Marocains, les Turcs, les Surinamiens, les Moluques, les Roms, mais non, par exemple, les Chinois (Penninx, 2006 : 243 Schover, 2010 : 345). En visant les groupes qui combinent des facteurs de dépravations économiques et de différenciations culturelles, les autorités néerlandaises ne développent ainsi pas tant une politique sur les immigrants ou la citoyenneté (Penninx, 2006 : 243) qu’une politique visant à combattre la pauvreté des groupes perçus comme ne faisant pas partie de la majorité néerlandaise. Les Moluques et les Surinais, après tout, sont des citoyens néerlandais issus de l’héritage colonial. Ainsi, les citoyens néerlandais d’outre-mer sont dans bien des cas considérés comme des étrangers avec un passeport néerlandais (Sharpe, 2005 : 292). Si la délimitation d’ethnies devient problématique au fil du temps, puisqu’elle stigmatise les groupes immigrants et crée un climat se rapprochant d’une structure où l’institutionnalisation du racisme prévaut (Vasta, 2007 : 735-736), certaines mesures sont paradoxalement avant-gardistes, notamment celles portant sur le statut légal des immigrants. En effet, l’intégration à cette époque passe non seulement par l’émancipation culturelle, mais aussi par la naturalisation. La participation politique, entre autres le droit de vote grâce à l’acquisition de la citoyenneté, est ainsi perçue comme un outil à l’intégration et un pas vers l’intégration complète (Oers, 2008 : 42, 2007 : 340). Bien qu’il existe un test de naturalisation, qui consiste en un court entretien permettant de vérifier le niveau de néerlandais d’un candidat à la citoyenneté, aucun de ces derniers n’aura été refusé sur la base de l’échec de cet examen (Oers, 2008 : 42).

6 Celle-ci est principalement issue du rapport du ministère des Affaires intérieures sur La politique d’intégration des minorités ethniques (Contourennota Integratiebeleid Ethnische Minderheden) (Ministerie, 1994), commandée par un gouvernement de coalition entre le Parti des Travailleurs (Partij van de arbeid—PvdA), les libéraux conservateurs (VVD) et les libéraux sociaux (Democraten 66 — D’66).

7 En 2000, Paul Scheffer, un ancien député du Parti des Travailleurs (PvdA), mais aussi un journaliste et professeur, amorce l’abandon d’un discours valorisant le – ou simplement s’accommodant du – multiculturalisme avec son essai La tragédie du multiculturalisme (Het multiculturele drama). Son point de départ consiste à affirmer que toutes les données disponibles sur la question immigrante mènent à l’inéluctable conclusion qu’aux Pays-Bas le chômage, la pauvreté, le décrochage scolaire et la criminalité sont majoritairement portés par les minorités ethniques (Scheffer, 2000). Les politiques inspirées du multiculturalisme sont, à ses yeux, trop passives et font la promotion d’une trop grande liberté, au détriment d’une prise en charge qui protège et fait la promotion des valeurs propres à la société néerlandaise. Une société qui se désavoue, comme celle des Pays-Bas de l’avis de Scheffer, n’a ainsi rien à offrir à ses nouveaux arrivants, en ce sens qu’une majorité qui refuse de se comporter en majorité ne pourra jamais comprendre ce que peut signifier l’intégration (Scheffer, 2000). Il propose ainsi que l’apprentissage de la culture, de l’histoire et de la langue néerlandaise soit pris plus au sérieux, sans quoi l’État continuerait à ignorer, tolérer ou relativiser les problèmes liés à l’immigration, menaçant du coup la paix sociale (Scheffer, 2000). Par ailleurs, à cette époque apparait aussi un nationalisme « antinationaliste » en réaction aux propos de Scheffer. Bien que marginale, cette forme de nationalisme, surtout portée par les intellectuels, se veut progressiste et inclusive, en distinguant le « bon » nationalisme du « mauvais », au lieu du Néerlandais « d’origine » des « immigrants » (Kešić et Duyvendak, 2016).

8 Théo Van Gogh produisait à l’époque un documentaire sur Ayaan Hirsi Ali, alors députée du Parti pour la liberté et la démocratie (centre droit). Cette dernière était reconnue pour tirer autant sur l’islam que sur la gauche et le multiculturalisme qui, à ses yeux, relativise les questions culturelles et affaiblit le statut de la femme. Pour cet engagement, Van Gogh est assassiné par un musulman néerlandais d’origine marocaine.

9 Être Néerlandais et la spécificité de vivre aux Pays-Bas, évidemment, sont des notions floues. Je décris ces notions, à l’aide de documents ministériels, dans un collectif à paraitre en 2018. Brièvement, j’en viens à la conclusion que la vie communautaire néerlandaise, dotée d’une démocratie et d’un État de droit la rendant libre, égalitaire et solidaire, est souvent dépeinte comme étant portée par un groupe d’individus, les Néerlandais, des citoyens libres de dire, de penser, de croire et de faire ce qu’ils veulent, de choisir leur propre style de vie, leurs partenaires et leur orientation sexuelle. Les autorités tentent constamment d’accoler un certain aspect progressiste aux Néerlandais ou du moins une représentation identitaire valorisée et considérée comme bienfaisante qui serait potentiellement absente chez les non néerlandais. En dépeignant ces comportements comme étant la norme aux Pays-Bas, mais surtout comme étant typiquement néerlandais, les instances gouvernementales construisent une vie communautaire homogène et distincte légitimant, semble-t-il, la mise en place d’un discours visant à « éduquer » ceux qui envisagent de s’installer aux Pays-Bas.

 

Ph. D. Sociologie, Université de Trèves

Aux Pays-Bas, la droite populiste est depuis 2006 représentée au parlement par le Parti pour la liberté (Partij voor de vrijheid–PVV). Cette formation politique est née du mécontentement de Geert Wilders à l’endroit de son ancien parti, le Parti populaire libéral et démocrate (Volkspartij voor Vrijheid en Democratie—VVD). Ces derniers, alors favorables à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, poussent Wilders en 2004 à siéger comme indépendant. Le politicien dissident forme alors rapidement son propre parti, le Groupe Wilders (Groep Wilders), qu’il renommera le PVV pour les élections de 2006. Lors de ce scrutin, la formation politique fait élire neuf députés sur 150. Depuis cette première entrée au parlement, le parti de Wilders, sans jamais officiellement participer au gouvernement, a non seulement grandement influencé le débat politique néerlandais, mais a aussi contribué à façonner certains projets de loi, notamment ceux liés à l’immigration. Comment cette formation a-t-elle pu connaitre une ascension aussi fulgurante dans un pays qui, encore au début des années 90, était perçu par plusieurs (Bruquetas-Callejo et coll., 2011 : 3, Maas, 2010 : 227) comme l’un des seuls États européens à avoir appliqué des politiques publiques reflétant un engagement concret envers le multiculturalisme ?

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