Peut-on se passer du gaz?

Ancien sous-ministre associé, ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec

Posons d’abord la question : peut-on se passer du gaz ?

Même s’il ne représente que 12 % du bilan énergétique du Québec, loin derrière l’électricité et le pétrole qui occupent chacun 38,5 % du bilan et seulement 2 % devant la biomasse, le gaz est quand même bien implanté dans le paysage énergétique québécois. Principalement utilisé dans les secteurs commercial et institutionnel ainsi que dans le secteur industriel – ces deux secteurs représentant 86 % de la consommation gazière québécoise – ce combustible occupe de surcroit certaines niches industrielles dans lesquelles il est associé à des procédés particuliers.

Cela étant, la part du gaz naturel dans le bilan énergétique demeure relativement stable, oscillant entre 10% et 14 % au gré surtout du rapport de prix avec le mazout lourd, son principal concurrent dans le marché de la chauffe. Ce dernier résiste toujours, malgré les programmes d’encouragement à la substitution mazout-gaz.

Bref, nous pouvons dire que le gaz naturel continuera d’occuper une position relativement faible, mais significative dans le bilan québécois dans l’avenir à court et moyen termes. Les plus récentes prévisions de l’Office national de l’énergie (2009) établissent, selon un scénario moyen, que la part du gaz naturel au Québec sera de 12,3 % en 2020. L’importance relative du gaz dans chacun des secteurs économiques demeurant sensiblement la même qu’au cours des dernières années, par ailleurs.

La réponse à la question « Peut-on se passer du gaz naturel ? » est donc : pas à court et moyen termes et ce, même si des programmes intensifs de dé-carbonisation de l’économie étaient implantés. La dé-carbonisation de l’économie, si elle se faisait, viserait sans doute en priorité le pétrole et ce faisant, la consommation du gaz naturel, comme celle de l’électricité, serait encouragée.

Posons maintenant la deuxième question : peut-on se passer du gaz de schiste (du Québec) ?

La réponse simple est « oui ».

Oui, parce que l’approvisionnement du marché québécois n’en dépend pas. D’autres sources existent.

Même si depuis ses débuts dans les années 1960 c’est le Bassin sédimentaire de l’Ouest canadien (BSOC) qui a été la source du gaz consommé ici, rien n’interdirait que le gaz puisse provenir d’ailleurs via l’Ontario, par exemple, puisque le réseau nord-américain de gazoducs est complètement intégré (incluant de nombreux terminaux méthaniers américains lesquels sont largement sous-utilisés). Mais avant d’en arriver là, il faudrait sans doute que la source historique d’approvisionnement montre des signes de défaillance, ce qui n’a jamais été le cas jusqu’ici. La question d’une baisse de productibilité prévue du BSOC qui se traduirait par des difficultés d’approvisionnement pour les marchés de l’Est canadien est hautement controversée. Cet argument a été utilisé par le gouvernement du Québec et les promoteurs de terminaux méthaniers au Québec pour promouvoir leurs projets ici, mais la preuve n’a jamais été faite cependant que le Québec risquait de voir ses approvisionnements gaziers menacés à moyen terme.

Quoi qu’il en soit, la situation gazière nord-américaine et l’intégration des marchés font en sorte que le Québec n’a aucunement besoin de mettre en production ses propres gaz de schiste pour assurer l’approvisionnement de son marché gazier.

La vraie question à poser est donc : les gaz de schiste du Québec devraient-ils être exploités ?

Dans l’hypothèse où toutes les questions relatives à la sécurité, à l’environnement, à l’utilisation et la pollution de l’eau, à la santé, questions fort complexes au demeurant et loin d’avoir à ce jour obtenu des réponses satisfaisantes, souvent par manque d’information indépendante, à priori la sécurité des approvisionnements serait mieux servie par des ressources intérieures que par des ressources importées, serait-ce d’une autre province canadienne. Sur cette base, il faudrait répondre oui, si l’équation économique de l’exploration et de l’exploitation est favorable. L’information dont nous disposons actuellement est loin d’être concluante cependant. Tant au niveau des emplois créés – peu important en phase d’exploitation – qu’à celui des retombées nettes (fiscalité, redevances, balance commerciale, diminuées des coûts d’infrastructures municipales, de dévaluation foncière, etc.), le bilan préliminaire est loin d’être positif et l’information crédible pour faire les analyses coûts-bénéfices requises est grandement déficiente.

Dans ces conditions, le mieux que l’on puisse faire, c’est d’analyser d’abord d’une manière transparente toutes les questions soulevées dans une véritable optique de développement durable. Seulement après que cet exercice aura été fait pourrons-nous dire si oui ou non les gaz de schiste du Québec doivent être mis en production.

 

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