La laïcité est une idée neuve au Québec où pendant des siècles l’idéologie cléricale a dominé sans partage. Le Québec, dans la foulée de la Révolution tranquille, s’est libéré progressivement de l’emprise de la religion catholique sans pour autant développer une pensée alternative bien structurée. La séparation de l’Église et de l’État, la déconfessionnalisation du système scolaire et du système de santé et la sécularisation des institutions se sont faites de façon graduelle sans être balisées par un système de valeurs républicaines. Pas étonnant dès lors qu’il ait fallu tant de projets de loi pour en arriver à l’adoption de la loi 21 qui soulève encore bien des débats acrimonieux. Autrement dit, il n’y a jamais eu de pédagogie de la laïcité comme valeur fondamentale du vivre ensemble de sorte que circulent de fausses idées sur ce que signifie un État laïque.
L’adoption de la loi 21 par l’Assemblée nationale n’est pas le fin mot de l’histoire. Même si ce projet de loi est important parce qu’il pose un socle juridique au principe de la laïcité, il faut bien reconnaître qu’il a une portée limitée aux personnes qui exercent des fonctions d’autorité et qu’il laisse en friche de nombreuses questions comme le financement public des écoles à vocation religieuse ou encore les avantages fiscaux accordés par l’État aux religions. S’ajoutent à cela les contestations juridiques qui veulent faire invalider la loi 21 par les tribunaux au nom de l’autorité de la Charte canadienne des droits et libertés.
Il y a aussi une lacune importante dans la loi 21, car le législateur a omis de prévoir la création d’un organisme-conseil qui pourrait aider le gouvernement à mettre la loi en application et à assurer une meilleure compréhension de la laïcité dans la société. Comme cela s’est produit pour d’autres enjeux primordiaux comme la protection de la langue française ou l’établissement de l’égalité homme femme qui ont obligé l’État québécois à adopter diverses mesures législatives, le gouvernement du Québec a créé le Conseil supérieur de la langue française et le Conseil du statut de la femme pour le conseiller dans le suivi et l’application de ces législations. Le gouvernement du Québec s’est doté au fil des ans d’un grand nombre d’autres conseils ; mentionnons à titre d’exemple : le Conseil de la famille et de l’enfance, le Conseil des aînés, le Conseil de la science et de la technologie, etc. Alors pourquoi ne le ferait-il pas pour un enjeu aussi important que la laïcité ?
Le Conseil de la laïcité du Québec serait un organisme consultatif chargé de conseiller le gouvernement en matière de mise en œuvre et de développement de la laïcité au Québec. Il aurait aussi pour mandat de faire la pédagogie de la laïcité dans toutes les sphères de la société québécoise. Il permettrait à tous les citoyens et citoyennes d’exposer les problèmes qu’ils constatent dans la mise en œuvre de la laïcité. Il aurait pour mandat de préparer un rapport annuel sur l’application de la loi 21.
Il pourrait aussi servir d’organisme-conseil auprès des administrations publiques, des entreprises privées et des groupes de citoyens qui ont besoin de ressources pour mettre en œuvre la politique de la laïcité.
Il pourrait entre autres proposer des formations à la laïcité pour les fonctionnaires de l’État, les professionnels qui sont en relation de service avec la population et le public en général.
Le Conseil pourrait à cette fin organiser des colloques, des journées d’étude et décerner des prix pour souligner les initiatives exemplaires. Il s’agirait de fournir des outils pédagogiques aux individus et aux groupes qui veulent défendre et promouvoir le principe de la laïcité et de favoriser une meilleure compréhension de sa contribution à l’exercice de la liberté de pensée.