Pour un indépendantisme populaire et populiste

Depuis quelques années déjà, on observe en Occident ce qu’il est convenu d’appeler une vague nationaliste et populiste. Malgré la « mondialisation heureuse » prédite par certains à la fin des années 1990, de plus en plus de nations se rebiffent et disent non à cette « fin de l’histoire » qui semblait écrite à l’avance. Que l’on pense aux mouvements indépendantistes écossais et catalan ou, plus particulièrement, au rejet clair du multiculturalisme et de la supranationalité qu’ont pu incarner le Brexit et l’élection de Donald Trump en 2016, la souveraineté nationale semble être redevenue à la mode.

Depuis quelques années déjà, on observe en Occident ce qu’il est convenu d’appeler une vague nationaliste et populiste. Malgré la « mondialisation heureuse » prédite par certains à la fin des années 1990, de plus en plus de nations se rebiffent et disent non à cette « fin de l’histoire » qui semblait écrite à l’avance. Que l’on pense aux mouvements indépendantistes écossais et catalan ou, plus particulièrement, au rejet clair du multiculturalisme et de la supranationalité qu’ont pu incarner le Brexit et l’élection de Donald Trump en 2016, la souveraineté nationale semble être redevenue à la mode.

Pourtant, le mouvement indépendantiste québécois n’en finit plus de dépérir, le scrutin de 2018 ayant officialisé le pénible déclin du Parti québécois depuis l’échec référendaire de 1995. Dans le contexte québécois, c’est plutôt la Coalition avenir Québec qui a su incarner ce renouveau nationaliste, un rôle qu’aurait bien pu remplir le PQ et, à plus forte raison, le projet de pays lui-même. Pourquoi diable l’indépendance n’a-t-elle pu s’inscrire jusqu’à maintenant dans ce courant de ressac contre les promesses postnationales des élites libérales ? L’incapacité chronique des dirigeants souverainistes à articuler un discours populiste et leur élitisme parfois suffoquant y sont certainement pour quelque chose.

Populisme et élitisme

L’an dernier, le journaliste et essayiste américain Thomas Frank faisait paraître The People, NO1, un essai dédié à la rhétorique populiste aux États-Unis et à l’inaptitude des progressistes à s’en saisir au XXIe siècle. L’auteur y identifie avec justesse ce qui sépare réellement les populistes des élitistes aujourd’hui : leur conception du peuple et de la majorité, bien plus que toute position politique de fond.

En effet, ce qui caractérise tous les populistes, de gauche comme de droite, est d’abord leur vision résolument optimiste de la figure du peuple. Pour le populiste, la démocratie consiste d’abord en l’exécution de la volonté générale des citoyens qu’il suppose être suffisamment éclairés et responsables pour décider de l’avenir de la société. A contrario, l’élitiste nourrit une vision pessimiste du peuple, qu’il imagine comme une meute lyncheuse foncièrement mauvaise, gouvernée par ses « basses passions ». Le discours élitiste nourrit une crainte constante de la volonté populaire, d’où son obsession bien théorique pour une « tyrannie de la majorité » qui serait l’effet garanti de toute réelle volonté d’écouter les citoyens.

Évidemment, ces attitudes opposées se traduisent différemment dans la pratique. Si le véritable populiste donne toujours raison au peuple, il saura reconnaître sa responsabilité en cas de défaite, n’ayant su convaincre suffisamment de gens de rallier sa cause. L’élitiste, de son côté, nourrit son ressentiment envers les électeurs et blâmera leur ignorance ou quelque autre défaut moral pour son propre échec, ou tentera de faire appel à un contre-pouvoir quelconque pour annuler la décision du peuple. On devine que seul l’un des deux discours a réellement une prétention démocratique, le second préférant restreindre l’expression de la volonté populaire à chaque occasion pour favoriser ses intérêts au nom d’une moralité supérieure. Reconnaissons qu’il est fort probable que le courant populiste qui traverse l’Occident soit autant motivé par un rejet de la mondialisation et du multiculturalisme que par un ras-le-bol devant le discours élitiste de certains élus. D’où l’importance pour le mouvement indépendantiste d’adopter une perspective populiste s’il souhaite renouer avec la majorité des Québécois.

Les souverainistes aiment-ils toujours les Québécois ?

Force est d’admettre que, particulièrement depuis l’échec crève-cœur de 1995, le discours indépendantiste s’est cantonné dans un certain élitisme, ce qui explique partiellement le déclin d’une option jadis populaire. Comme s’il n’avait plus confiance en les Québécois suite à deux défaites référendaires, le camp du OUI a développé la fâcheuse tendance de blâmer les citoyens pour ses déconvenues, comme s’il s’agissait d’une voie porteuse politiquement.

Qui n’a jamais entendu un militant ou un chef indépendantiste déplorer le fameux « confort et l’indifférence », dans les mots de Denys Arcand, comme quoi les Québécois seraient tout simplement trop pantouflards, trop lâches, trop frileux pour se donner un pays ? S’ensuivent généralement les épithètes de « colonisé » et « d’Elvis Gratton » pour désigner les francophones appuyant le NON, comme si leur vote revenait de droit divin aux souverainistes. Comme si c’était de leur faute s’ils ne voyaient pas la lumière. Peu importe la véracité de cette analyse, s’en servir comme unique explication du déclin du mouvement ou comme partie intégrante de sa rhétorique électorale est un choix pour le moins douteux. Sans doute cette lunette est-elle réconfortante pour le perdant amer, qui peut au moins se dire plus courageux que ses concitoyens, faute d’être victorieux. Mais un tel discours a-t-il déjà convaincu ne serait-ce qu’un seul fédéraliste de sauter la clôture ? Particulièrement à l’ère du populisme, on gagne rarement l’appui de ceux que l’on regarde de haut.

Or, les deux plus récents chefs du Parti québécois sont loin d’être exemplaires à cet égard. Dans Qui veut la peau du Parti québécois ?, publié à peine un an après sa retraite forcée, Jean-François Lisée expliquait sa déconfiture en ayant recours à la psychopop. Selon lui, les Québécois auraient tout simplement eu trop mal suite à l’échec de 1995 et saboteraient le PQ à dessein depuis, afin d’éviter de revivre pareille douleur :

La stratégie de l’évitement est classique en psychologie. Elle est contre-productive. Plus on évite d’affronter un problème réel, plus notre peur augmente, plus le problème paraît insurmontable, plus on devient dysfonctionnel2.

Avoir recours au DSM-5 pour expliquer sa défaite électorale est une stratégie pour le moins discutable. C’est supposer que les Québécois n’ont pas voté NON en connaissance de cause, mais bien par une sorte d’aliénation mentale qui les empêcherait de voir leurs réels intérêts, connus seulement par la caste des leaders souverainistes. Malgré toutes les irrégularités survenues en 1995, qui suggèrent que la majorité légitime penchait peut-être en faveur de l’option, ce paternalisme antidémocratique est certainement nuisible pour regagner des appuis aujourd’hui. Entre « la stratégie de l’évitement » et l’aliénation que diagnostiquait Marx au prolétariat pour expliquer l’hostilité de certains ouvriers envers le socialisme, il n’y a qu’un pas.

Malgré l’intention maintes fois répétée de Paul St-Pierre-Plamondon de reconstruire le PQ sur de nouvelles bases, la pomme ne semble pas être tombée loin de l’arbre sur le plan rhétorique. Dans Rebâtir le camp du OUI, essai paru durant la dernière course à la chefferie péquiste, le nouveau chef adapte la thèse de l’aliénation à sa sauce. Depuis 1995, les Québécois seraient les innocentes victimes du plan B de Jean Chrétien et de ses suites, une stratégie libérale axée sur « une culture du mensonge et de la tricherie, tant à Ottawa qu’à Québec3 ». Savant mélange de propagande et de corruption à grande échelle, le discours libéral post-1995 aurait fait avaler au bon peuple un peu niais l’idée que la question nationale n’est qu’une « vieille chicane » dont il ne faudrait plus se préoccuper. Encore une fois, sans dire que le plan B n’a pas eu de conséquences concrètes sur l’opinion publique, cette manière déresponsabilisante et facile d’expliquer la dégringolade progressive des indépendantistes pèche par son élitisme. Comme son prédécesseur, PSPP ne peut résister à l’approche psychopop pour expliquer le comportement électoral des Québécois :

Cette forme de mensonge a un nom en psychologie : l’autotromperie fonctionnelle. C’est une stratégie qui peut être utile à court terme : le fait de se mentir permet […] d’éviter de ressentir un mal-être résultant de son échec. À long terme par contre, l’autotromperie fonctionnelle est nuisible : la personne ne prend plus de risques et développe une peur paralysante de l’échec, qui atteint son estime de soi. Au lieu de s’efforcer d’acquérir les capacités nécessaires à l’atteinte de ses objectifs, elle se fait croire que le jeu n’en vaut pas la chandelle. Or, en politique comme en toutes choses, « pelleter le problème en avant » ne règle rien4.

En résumé, les Québécois seraient politiquement immatures et se mentiraient à eux-mêmes par peur de l’échec suite à une vaste campagne de manipulation. Bien sûr, les péquistes campent toujours le rôle des valeureux incompris dans ce récit, leur tâche étant de faire voir la lumière à un peuple de peureux facilement manipulés. Un tel état d’esprit justifie le vocable de « pédagogie de l’indépendance », comme s’il fallait éduquer les Québécois sur les vertus de la souveraineté, leur rejet passé de l’option étant dû à de l’incompréhension ou à de la peur. L’idée que des citoyens puissent, en toute connaissance de cause et en toute légitimité, avoir dit non à l’indépendance par le passé est incompatible avec ce mode de pensée, comme c’est le cas de tous les élitismes.

Si les Québécois sont aussi idiots, peureux et lâches que l’avancent certains indépendantistes, on pourrait sincèrement se demander pourquoi ils tiennent tant à permettre à la nation québécoise de s’autodéterminer. Voudrait-on vraiment donner les clés d’un nouveau pays à ces ignares, qui ne semblent pas capables de grand-chose ? À ce niveau, Québec solidaire a le mérite de la cohérence : depuis sa posture antinationaliste, son projet indépendantiste a pour but de transformer radicalement le Québec, mais surtout les Québécois. Contrairement au Parti québécois, qui a toujours voulu faire du Québec un pays pour l’autodétermination de la nation et qui se désole qu’elle ne le suive pas, Québec solidaire regarde la majorité, trop conservatrice à son goût, avec tout le mépris qui est celui du progressisme contemporain. Dans sa Lettre d’un député inquiet à un premier ministre qui devrait l’être, Gabriel Nadeau-Dubois reproche à François Legault son électorat, jugé trop homogène et trop francophone pour cet apôtre de la diversité :

Socialement, toutefois, cela ne signifie pas que « le Québec » vous a porté au pouvoir, mais plutôt qu’un certain Québec l’a fait. Qu’en est-il de ce Québec ? […] En clair, les députés caquistes représentent, en grande majorité, des comtés fortement francophones « de souche ». […] ce sont les banlieues et les « régions » qui ont porté la CAQ au pouvoir, plus précisément des banlieues et des régions socialement et économiquement homogènes5.

Essentiellement, la CAQ serait le parti du « basket of deplorables » québécois, pour reprendre les mots d’Hillary Clinton. Pour Québec solidaire, il n’est pas question de faire un pays pour consolider la pérennité de cette nation déplorable, mais bien pour la changer de manière irréversible. Rejetant la lecture nationaliste du projet, ses porte-parole définissent plutôt l’indépendance comme un recommencement radical pour la nation québécoise, une révolution permettant de tourner la page sur le passé : « La souveraineté du Québec, ça change tout. C’est révolutionnaire ! […] [On] peut fonder un nouveau pays en terre d’Amérique pas pour prendre notre revanche sur l’histoire, mais bien pour en raconter de nouvelles : les leurs, les nôtres !6 » Ainsi, l’assemblée constituante essentielle à la démarche souverainiste de QS fait figure de table rase, d’heure zéro du nouveau pays progressiste et inclusif que proposent les solidaires pour qu’enfin les citoyens retardataires voient la lumière du progressisme qui est le leur. Martin Lemay a bien décrit ce paradoxe du souverainisme de gauche dans son essai L’Union fatale : « Quand je lis de telles assertions, je ne suis pas sans penser que les indépendantistes n’aiment pas le peuple québécois tel qu’il est. Si c’était le cas, pourquoi donc devrait-il “se transformer”, “se refonder” ?7 »

Or, QS fait la même erreur que le PQ de manière différente : plutôt que d’accepter les électeurs comme ils sont, ils se lamentent qu’ils ne soient pas aussi « courageux » ou progressistes qu’eux. C’est pourtant oublier la règle d’or de la démocratie : l’électeur a toujours le dernier mot. Rejeter la faute sur les citoyens pour les erreurs d’un mouvement qui ne sait plus leur parler n’est pas susceptible d’améliorer l’état des choses, surtout à l’ère du populisme où l’on ne supporte plus d’être pris de haut. Qui choisit de gronder les électeurs pour ses choix électoraux en admirant sa propre valeur morale ne veut pas gagner, seulement avoir raison. Or, ce n’est pas en ayant raison que l’on progresse politiquement, mais en ralliant une majorité derrière un discours populaire. Voilà une leçon qu’ont apprise François Legault et la Coalition avenir Québec, et qui explique largement le succès que connaît aujourd’hui le nationalisme caquiste, bien plus que toute aliénation mentale.

Un nationalisme populaire et populiste

Contrairement à ceux qui se plaisent à regarder les citoyens pour qui ils souhaiteraient faire un pays de haut, François Legault aime sincèrement les Québécois et n’hésite pas à le rappeler. En fondant son nationalisme sur la question identitaire, endossant des enjeux populaires comme la laïcité ou une baisse des seuils d’immigration, il parvient à se positionner comme un chef d’État traduisant politiquement la volonté de la majorité des Québécois, ce qui lui procure une aura de confiance et de légitimité indéniablement liée à son succès. Lorsqu’il affirmait triomphalement qu’« au Québec, c’est comme ça qu’on vit » dans la foulée de l’adoption de la loi 21, il jouissait de la certitude morale d’avoir la majorité derrière lui. Cette attitude le rend non seulement moins vulnérable aux attaques des adversaires, elle galvanise les Québécois et est largement derrière la « fierté retrouvée8 » qui est sur toutes les lèvres depuis le 1er octobre 2018.

Surtout, cette rhétorique est devenue un atout incomparable pour reprendre l’offensive face aux libéraux, qui bénéficiaient de la certitude morale d’avoir la majorité derrière eux en ayant recours au fameux « épouvantail référendaire ». À partir de l’élection partielle de Louis-Hébert en 2017, on a pu entendre le chef caquiste pourfendre les « donneurs de leçons » libéraux sur les questions identitaires, leur multiculturalisme dégoulinant d’élitisme agissant comme repoussoir pour la quasi-totalité des francophones. Certain de prêcher la bonne parole de la tolérance et de l’ouverture à l’autre à une tribu arriérée souffrant « d’une mentalité d’assiégés », Philippe Couillard s’est retrouvé dépourvu face aux attaques d’un Legault refusant de blâmer les électeurs pour leurs préférences légitimes : « Philippe Couillard a fait la leçon aux Québécois sur leur tolérance face à l’immigration, et ça, je pense que ça va se retourner contre lui et dans l’élection de Louis-Hébert, c’est lui qui va se faire donner une leçon9. » Ce qui devait arriver arriva.

Durant le débat sur la loi 21, la Coalition avenir Québec est parvenue à envoyer les « donneurs de leçons » dans les cordes, en leur faisant porter l’odieux d’affronter quotidiennement la majorité à coup d’insultes et de snobisme. Pour dénoncer un projet de loi appuyé par environ 2 Québécois sur 3, les fédéralistes et les multiculturalistes les plus hardis n’ont eu d’autre choix que de recourir au vocabulaire de l’élitisme, repoussoir électoral par excellence en notre ère. Frédéric Bérard a donc dû balayer la volonté populaire du revers de la main pour justifier son opposition : « Comme si la seule loi du nombre revêtait en soi une sagesse ou une pertinence quelconque. Comme si la volonté populaire constituait systématiquement la résultante d’une réflexion sociétale juste et porteuse10. » Entre autres, François Cardinal a aussi rejoint le club des démocrates à temps partiel en disant redouter les dérapages du « pouvoir du nombre » et de la « loi du plus fort », autant de synonymes de la tyrannie de la majorité qui hante les cauchemars des élitistes11. Curieusement, cette clique est toujours prête à s’appuyer sur la loi du nombre pour déclarer la mort du projet souverainiste, comme quoi on est démocrate lorsque ça nous sert.

Concrètement, le discours populiste et populaire de la CAQ fait ressortir chez les adversaires du nationalisme québécois la détestable argumentaire dont Pierre Elliott Trudeau faisait l’étalage dans Cité libre. Pour ce « grand démocrate », les Québécois constituaient une tribu arriérée n’ayant pas fait l’apprentissage de la démocratie et étant constamment traversée par une tentation autoritaire visant à instrumentaliser leur État pour opprimer les minorités. Rejetant l’idée d’un État-nation francophone au Québec, il a toujours compté sur les tribunaux canadiens pour « civiliser » les Québécois, incapables de suivre la bonne parole libérale si on leur laissait le choix12. Malheureusement, alors que leurs adversaires basculent dans cet élitisme méprisant, les indépendantistes apparaissent encore aux yeux de beaucoup comme des « donneurs de leçons ». Pourtant, le projet de pays jouit d’un potentiel populiste formidable en notre ère, où de plus en plus de nations occidentales expriment politiquement leur volonté de demeurer plutôt que de succomber sous le rouleau compresseur du multiculturalisme et de la supranationalité.

Réconcilier populisme et indépendance

S’ils aspirent à reprendre l’offensive, les souverainistes n’ont d’autre choix que de chercher à traduire la volonté populaire plutôt que d’éduquer des citoyens inadéquats depuis leur tour d’ivoire. La grande force du nationalisme de la CAQ, et ce qui lui permet de ratisser aussi large, est sans contredit son usage de l’imaginaire conservateur. Dans la dernière campagne électorale, François Legault disait craindre que ses petits enfants ne parlent plus français en raison des seuils d’immigration libéraux13, touchant une corde sensible qui traverse notre histoire et qui a constamment su rallier une majorité de Québécois : la volonté de demeurer. Dans la mesure où la portée du discours caquiste est limitée par son autonomisme, les indépendantistes auraient tout avantage à endosser ce nationalisme populaire aux accents plus conservateurs pour le mettre au service du projet de pays vers lequel il pointe naturellement à mesure que l’indifférence et le mépris d’Ottawa se font sentir malgré un appui populaire solide.

Pendant ce temps, les souverainistes endossent le vocable révolutionnaire et déplorent que les Québécois soient trop conservateurs et attachés à leur confort pour faire « le grand saut » vers l’indépendance. Pourtant, la raison fondamentale de faire du Québec un pays aujourd’hui n’est pas de changer le Québec tel qu’on le connaît, mais de lui permettre de durer dans le temps. Même Paul St-Pierre-Plamondon l’a compris dans Rebâtir le camp du OUI : « Au cours des dernières années, j’en suis venu à conclure que l’indépendance était une question de survie linguistique et culturelle pour le Québec14. » Face à un Canada postnational déterminé à effacer sa propre histoire et endossant pleinement l’idéologie woke et toutes les dérives antidémocratiques qu’elle entraîne, l’indépendance apparaît comme le meilleur moyen pour les Québécois de maintenir leur identité propre, une culture commune et une certaine cohésion sociale en endossant fermement le modèle de l’État-nation. Telles sont les motivations qui traversent aujourd’hui le courant populiste occidental, et telles sont les pistes du renouveau pour l’option indépendantiste. Cela commence par retrouver confiance en les Québécois.

 

 


1 Thomas Frank, The People, NO, New York, Metropolitan Books, 2020, 307 p.

2 Jean-François Lisée, Qui veut la peau du Parti québécois ?, Montréal, La boîte à Lisée, 2019, p. 78

3 Paul St-Pierre-Plamondon, Rebâtir le camp du OUI, Montréal, VLB, 2020, p. 43

4 Ibid., p. 80-81

5 Gabriel Nadeau-Dubois, Lettre d’un député inquiet à un premier ministre qui devrait l’être, Montréal, Écosociété, 2019, p. 55-56-57.

6 Manon Massé, Parler vrai, Montréal, Écosociété, 2018, p. 153.

7 Martin Lemay, L’Union fatale, Montréal, Accent Grave, 2014, p. 70.

8 Alec Castonguay, « François Legault : Fierté retrouvée », L’Actualité, 4 décembre 2019.

9 Patrice Bergeron, « Couillard le donneur de leçons va se faire donner une leçon, selon Legault », La Presse, 24 août 2017.

10 Frédéric Bérard, « La majorité n’a pas toujours raison », Journal Métro, 10 octobre 2018.

11 François Cardinal, « Projet de loi sur la laïcité : la majorité a-t-elle toujours raison ? », La Presse, 30 mars 2019.

12 Voir Pierre Elliott Trudeau, « De quelques obstacles à la démocratie au Québec », dans Le fédéralisme et la société canadienne-française, Montréal, Éditions HMH, 1965, pp. 105-128.

13 Martin Croteau, « Legault craint “que nos petits-enfants ne parlent plus français” », La Presse, 6 septembre 2018.

14 Paul St-Pierre-Plamondon, op. cit., p. 7.

* Étudiant au baccalauréat en philosophie et science politique à l’Université Laval.

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