Le texte de Loyola Leroux, publié dans L’Action nationale en février 2024, présente un portrait faussé du projet de Chaire Jacques Grand’Maison. Il va sans dire qu’une entreprise aussi saugrenue que celle qui y est décrite mériterait d’être dénoncée et répudiée sans détour. Encore faudrait-il pour cela qu’elle existe.
Le projet de chaire Jacques Grand’Maison
Voici en quoi consiste le projet de Chaire Jacques Grand’Maison. S’inscrivant sous le patronage de Jacques Grand’Maison (1931-2016), professeur émérite de l’Université de Montréal, théologien et sociologue, la Chaire étudiera l’héritage, l’actualité et les transformations du christianisme en contexte québécois. Son programme de recherche portera donc sur un christianisme québécois qui est touché et profondément transformé par la sécularité et divers autres facteurs sociaux, qu’ils soient locaux ou observables à l’échelle mondiale. La chaire Jacques Grand’Maison étudiera les effets de ces facteurs sur la transformation et la transmission de la tradition chrétienne. Elle s’intéressera aussi à la manière dont le christianisme d’ici se transforme au contact de mouvances spirituelles séculières1.
À titre d’exemple de sujets pouvant faire l’objet de recherches quand la Chaire sera créée, qu’on songe aux communautés chrétiennes ethnoculturelles, à la situation du christianisme en milieux autochtones, à la manière dont l’aide médicale à mourir transforme les croyances relatives à la mort, aux réactions des communautés chrétiennes aux abus sexuels commis par des membres du clergé, à l’effet des réseaux sociaux sur les regroupements chrétiens québécois, au patrimoine des communautés religieuses, etc. Enfin, dans une perspective de formation qui est une mission première de l’Université, la Chaire contribuera aussi à former des intervenants capables de penser l’état des communautés et organisations chrétiennes de manière informée, articulée, critique et auto-critique.
Voilà le projet. On peut le louanger ou le critiquer, mais force est d’admettre qu’il est terriblement mal décrit par Monsieur Leroux.
C’est à la Chaire qu’il reviendra d’élaborer son programme de recherche, quand elle aura été créée. Pourtant, l’auteur a déjà moult détails à partager sur ce programme forcément embryonnaire à cette étape. Quoiqu’il en soit, comme on peut le voir plus haut, alors que le propos de M. Leroux dépeint une chaire basée sur le « wokisme », ce n’est pas le cas. En outre, on peut certainement débattre du multiculturalisme canadien et dans une perspective critique, mais cela n’a rien à voir avec le projet de la Chaire. Les critères EDI étant imposés par l’appareil gouvernemental canadien à l’ensemble de la vie des universités, il n’y a aucune raison de les attaquer en instrumentalisant à cet effet un projet en particulier : autant s’en prendre à toutes les activités universitaires à l’avenir. À notre connaissance, ces critères EDI n’ont jamais été évoqué à l’Université de Montréal dans les travaux relatifs à la création de cette Chaire : elle s’y conformera bien sûr, mais avec jugement et intelligence. Quant à la méthodologie pratiquée à la Chaire, elle ne se précisera pas avant que celle-ci ait été créée. Par conséquent, d’ores et déjà, elle ne peut pas correspondre à l’aberrant portrait qui en est tracé par l’auteur.
Jean-François Roussel
Professeur titulaire
Directeur – Institut d’études religieuses
Université de Montréal
1https://etudes-religieuses.umontreal.ca/index.php?id=16320#chaire-jacques-grand-maison-ier-copie-1