Si j’étais chef… (sans prétention aucune au poste)

Vendredi, 26 octobre 2007, au Lion d’Or, je participais avec plaisir au repas festif du quatre-vingt-dixième anniversaire de la revue L’Action nationale. Encore une fois, Jacques Parizeau m’a émerveillé par un exposé aussi précis que concis dont je retiens que « la souveraineté du Québec, dans le contexte de l’actuelle mondialisation, loin d’être le projet d’une génération est devenue une condition d’épanouissement de celles qui suivent et un tremplin pour leur rayonnement. » Et de constater « qu’à nouveau contexte, nouvelles stratégies et nouveaux porteurs de projets ». « Finis les septuagénaires malcommodes  ! » lança-t-il à la blague.

Nouveau contexte

Nouveau contexte ? Nouvelles stratégies ? Il vrai que plus rien ne ressemble à 1980. Guère davantage à 1995. L’économie s’est très largement mondialisée. La planète apparaît maintenant toute fragile. La montée des intégrismes donne froid dans le dos. L’impérialisme américain n’a jamais été aussi sanguinaire. Et chez nous, le nouveau Canada, celui de 1982, s’est beaucoup installé. Multiculturel et minorisateur. Non sans heurts. En témoigne le débat sur les accommodements dits raisonnables, fruit de la concurrence identitaire que le Canada livre au Québec par l’imposition de son modèle multiculturel coulé dans le bronze de sa constitution et de sa Charte et à qui ses tribunaux au Québec et sa Cour suprême chez lui donnent vie. Sans compter que maintenant, ce Canada dispose d’un butin de guerre. En effet, il s’est volé une santé financière sur le dos du Québec, de ses provinces et des chômeurs. Et déjà qu’il n’hésitait pas à empiéter sur les responsabilités du Québec lorsqu’il était cassé. Quels espaces n’occupe-t-il pas depuis que l’argent lui sort par les oreilles ? Y compris la conscience des Québécois qu’il a tenté d’acheter par un gigantesque programme mafieux de commandites. Résultat : dans l’ensemble canadien, le Québec n’a jamais été aussi cerné. Plus aucune marge de manœuvre pour un développement économique autonome, un développement social camisolé dans les transferts sociaux canadiens, le rayonnement culturel happé par la stratégie de canadianisation de Patrimoine Canada et la consolidation du français comme langue commune impossible, nous disent-ils, à moins d’accepter d’être discriminatoire dans le fédéralisme canadien. Pour parler crûment, ces dernières années, le Québec a été vassalisé. Nation ? Unesco ? De l’agitation  ! Des simulacres  ! Des « shows de boucane »  !

Et pourtant  !

Cependant, le Québec demeure la vingtième plus grosse économie mondiale et procure à ses citoyens le douzième plus haut revenu per capita au monde. Il est toujours collé à un très grand marché. Ses échanges se font de moins en moins suivant l’axe est-ouest et de plus en plus suivant l’axe nord-sud. À la hauteur de 80 %. Bon ou mauvais, le traité de libre-échange Canada–État-Unis–Mexique l’a sorti de la prison réglementaire canadienne. Au carrefour des grands courants civilisationnels américain et européen, il dispose d’une richesse institutionnelle française et anglaise incomparable. Sa population est plus bilingue et trilingue que n’importe quelle autre sur le continent. Les nouvelles technologies de l’information et des communications sont profondément implantées dans tous ses milieux. Sa main-d’œuvre est compétente et recherchée. Sa société civile est bien organisée. Ses économies classique, sociale et de proximité fleurissent et performent. Sa démographie est plurielle. Ses pratiques démocratiques sont exemplaires. Ses sensibilités environnementales, pacifistes et de solidarité sociale intéressantes. Il a de multiples antennes sur le monde. Sa culture rayonne. Ses entreprises aussi. Il occupe le seizième plus grand territoire. Il est le soixante troisième plus peuplé. Bref, le Québec n’est pas tout à fait le tiers-monde  ! Et aucun des cent et quelques pays nés depuis la création des Nations unies n’était plus équipé, diversifié, en paix, riche et prospère que lui. En fait, le Québec demeure une des dernières nations à avoir les pleines capacités de son indépendance tout en ne l’ayant pas réalisée.

Le contexte ayant radicalement changé, pourquoi les stratégies ne changeraient-elles pas ? Si j’étais chef, mais je n’ai aucune prétention à l’être, quelle serait ma proposition ? D’abord une posture générale sans ambiguïté. Deuxièmement, un choix précis d’axes stratégiques transformant la gouvernance provinciale en gouvernance souverainiste. Troisièmement, l’injection, dans les grandes missions de l’État et ses principales politiques, de contenus annonçant un peu mieux le type de société auquel la souveraineté permet d’aspirer.

Posture générale

L’indépendance du Québec est un très grand projet. Elle suppose un noyau de certitudes qui structurent une posture générale donnant à l’action consistance, cohérence, rigueur, clarté et crédibilité. Quels sont les éléments de cette posture ? 

D’abord se rappeler que le projet de l’indépendance nationale du Québec est un combat. Que si la majorité des pays l’ont gagnée avec des fusils, Québec, lui, entend réussir avec les urnes. Démocratique, ce combat est très exigeant. Il est à mener tous les jours, sur tous les fronts et à tous les plans, conscients que ceux qui, depuis 1982, déclinent au quotidien le Canada, agissent exactement de la sorte. Le respect des règles, cependant, leur important un peu moins qu’à nous.

Une évidence : les souverainistes ne sont pas seuls sur la patinoire  ! L’espace politique, la narration historique, les repères symboliques et le discours public sont largement occupés par les forces opposées au projet de la souveraineté. Au Québec la pensée politique est annexée, dirait Robert Laplante, directeur de L’Action nationale. Il faut donc, sur toute question, se livrer, jusqu’à en développer le réflexe, à une distanciation systématique du discours reçu pour lire et traiter la réalité sous l’angle de la souveraineté à faire ou de celle à exercer.

Troisième élément : le politique a un sens et pèse d’un poids déterminant dans la conduite des sociétés. L’indépendance du Québec est d’abord et avant tout un enjeu politique. Débattu en campagne électorale et constituant l’élément de base de l’élection d’un gouvernement souverainiste, ce projet ne peut que se retrouver au cœur de la gouvernance qui va s’en suivre et en inspirer toutes les politiques.

Aussi, les mots ayant leur sens, l’indépendance nationale concerne la nation. Lui appartient même. L’avancement du projet suppose son implication et sa réussite, la mise à contribution de toutes ses forces vives.

Enfin, faire société plus prospère, faire nation plus solidaire et faire pays exemplaire dans la conduite des affaires du monde interpellent les meilleures et les meilleurs, comme le meilleur de chacun et de chacune. L’avenir est du côté de la solidarité des petites nations dont souvent le Québec épouse le gabarit et les positions. Bref, en premier lieu, se donner une posture générale sans ambiguïté.

Les grands axes stratégiques

Le 26 octobre dernier, parlant du volet « association », Jacques Parizeau estimait que dans l’orientation générale de son projet, René Lévesque avait tracé là un axe stratégique tout à fait accordé au contexte du Québec de l’époque, enclavé qu’il était dans l’ensemble économique canadien. Ce contexte est révolu. Cet axe caduc. « 1995 marque la fin d’un cycle », concluait-il. Le contexte d’aujourd’hui est autre. L’objectif de faire du Québec un pays demeure. Quelle devrait être l’orientation stratégique d’un gouvernement souverainiste qui entend conduire le Québec à son indépendance ? Transformer la gouvernance provinciale en gouvernance souverainiste.

Comment ?

  1. Mettre le peuple dans le coup. Jamais, dans l’histoire du Canada, le cadre politique prévalant n’a été le fruit d’une décision du peuple. Toujours il s’est imposé par le haut, résultat d’une entente entre élites politiques. Celui de 1982 n’a pas fait exception, sauf que cette fois-ci, personne au Québec ne l’a avalisé, y compris les élites politiques. Dans le combat politique pour l’indépendance du Québec, la voix du peuple est déterminante. Compte tenu du poids des adversaires, comme contrepoids et autorité morale pour avancer, mettre le peuple dans le coup de la construction des pièces piliers de la souveraineté du Québec est une obligation stratégique aussi nécessaire qu’efficace.
  2. Nommer l’adversaire. En application des plans de 1982, le Canada est en construction : multiculturalisme, préséance des droits individuels sur les droits sociaux et culturels, gouvernement des juges, etc., avec comme objectif déclaré la neutralisation du Québec dans son processus d’émancipation civique et politique et sa réinscription dans le processus canadien de minorisation ethnique. La timidité à identifier la déclinaison du nation building canadien en sol québécois est injustifiée. D’autant plus que l’ampleur des ressources mises dans son déploiement est gigantesque et les effets sur la nation québécoise corrosifs, notamment au chapitre de sa cohésion démographique, sociale et culturelle. Nommer l’adversaire, ses stratégies, ses tactiques, ses alliances, ses partisans et ses relais est une exigence inhérente à la clarification du débat.
  3. Prendre et maintenir l’initiative. Collectivement, dans la période antérieure, nous avons pris nos aises par rapport à la logique de la construction du rapport de forces nécessaire à l’atteinte de l’objectif de l’indépendance nationale. Après l’étapisme et son envers dépolitisant, successivement, nous nous sommes assis dans l’attente des conditions gagnantes, puis dans le confort des certitudes morales, oubliant très allégrement que ces réalités sont d’abord et avant tout des construits sociaux résultant d’une action politique planifiée. Un autre grand axe stratégique consiste donc à prendre l’initiative, d’être à l’offensive, d’imposer son rythme, de créer le momentum et de le soutenir.
  4. Redonner au politique tout son sens et son poids. Pour imposer la Charte de la langue française, le gouvernement souverainiste du Québec de l’époque avait jeté dans la mêlée le poids de toutes les institutions : l’Assemblée nationale, les appareils d’État québécois, les politiques publiques, les relations extérieures, son parti, les mouvements sociaux et la population en général. Le résultat fut probant, fruit d’une action politique de bout en bout. Il en a été autrement du projet d’indépendance nationale. On inventa l’étapisme qui, dans le contexte précédant, s’avéra pertinent pour, notamment, permettre à des segments importants de la population d’en apprivoiser la faisabilité et l’éventualité. Cependant, il y eut un envers dramatique : la dépolitisation du projet. En effet, isolé dans le temps (d’un référendum) et réduit à une mécanique de négociation (d’un mandat), le projet de la souveraineté a été coupé de la gouvernance elle-même. À tel point que nous avons eu des gouvernements souverainistes qui, dans la poursuite de l’objectif premier pour lequel ils avaient été élus, sont allés jusqu’à s’interdire d’utiliser leur plein poids politique de gouvernement  ! Plus jamais cela ne doit-il se produire  ! La souveraineté du Québec est essentiellement un projet politique. À ce titre, elle doit totalement et pleinement réintégrer le périmètre du politique, la gouvernance au premier chef. D’ailleurs, au Canada, il en a toujours été ainsi. Le nation building canadien est une œuvre politique pleine et quotidienne.
  5. D’abord cibler systématiquement le structurant. La Révolution tranquille a sonné le réveil du fait français en Amérique. Un formidable élan y a été pris. Le Québec moderne est né. Des institutions et des grandes politiques ont vu le jour. Le « collectif » québécois s’est mis à se nommer en français et à voir ses conditions s’améliorer. Ce fut le fruit d’une approche structurante, tant au plan économique qu’aux plans social, politique, linguistique et culturel, qui a puissamment contribué à l’émergence, chez les Québécois et les Québécoises, de capacités entrepreneuriales, du sentiment d’appartenance et du plaisir à rayonner dans le monde. En dépit du bon-ententisme des gouvernements Bourassa et de la complicité du gouvernement Charest à l’égard du Canada, la revanche du fédéral n’a jamais pu annihiler ces gains structuraux. La Charte de la langue française est un cas illustrant parfaitement ce propos. La souveraineté étant pour le Québec la décision la plus structurante qu’il lui reste à prendre, la gouvernance souverainiste, de manière systématique, devra cibler des politiques et des institutions à ériger pour alimenter ce projet central, l’enraciner dans les débats, lui donner son véritable sens et accumuler de l’expérience et des acquis qui appelleront la complétion du processus.
  6. Assumer les ruptures. La plus importante, celle de 1982. Le Canada anglais s’est donné une nouvelle constitution, au prix, pour la première fois, de l’exclusion explicite du Québec. Il y a eu rupture. Il faut non seulement la constater, mais l’assumer. La constitution du Canada n’a aucune légitimité aux yeux du Québec et ne constitue pas un référent à aduler, mais plutôt un obstacle à contourner. Stratégiquement, dans la construction des dispositifs habilitants de la souveraineté du Québec, aucune réserve n’est à entretenir quant à la mise à mal et au rejet du corset constitutionnel et chartiste du Canada.

    Une deuxième rupture, interne à la famille historique française celle-là, découle des grands travaux des États généraux du Canada français qui eurent lieu dans la deuxième partie des années soixante. Un constat brutal avait été fait lors de ces assises conduisant les participants à conclure que le seul avenir possible pour le fait français en Amérique et au Canada tenait au Québec, là où les masses critiques étaient suffisantes, les institutions fonctionnelles et où l’on pouvait compter sur un État, même incomplet, pour livrer le combat de la survie, de l’épanouissement et du rayonnement. Le Québec prenait alors congé de la vision ethniciste canadienne du Canada français et du Canada anglais pour, sur son territoire, s’atteler à la constitution d’une nation civique française originale par sa composition plurielle et par la richesse des apports culturels autochtones, anglais et d’ailleurs. Ce faisant, il s’est positionné comme un acteur autonome dans la famille française du monde, s’est interdit de jouer les chaperons à l’égard des composantes françaises du reste du Canada et a convenu de développer avec eux des rapports de solidarité.

    La gouvernance souverainiste doit assumer ces deux ruptures et composer avec elles. La première pour être imaginative, audacieuse, courageuse et efficace dans la poursuite de ses objectifs et la conduite de ses opérations. La deuxième pour réussir la cohésion civique de la nation et la faire rayonner.

  7. Congédier le référendisme. Notre rêve n’est pas de tenir un référendum, mais bien de construire un pays. Nous avons fait la partie belle à nos adversaires en débattant aussi longuement de la date d’un référendum. Pire, nous avons accrédité leur thèse que sans référendum, rien ne peut être fait en direction du pays. Les nôtres évoquant le « grand jour ou le grand soir ». Les leurs parlant « de l’inconnu et d’un trou noir ». Nous en sommes arrivés à nous constituer la représentation qu’un référendum était la « mère de tous les moments »  ! Euphorique pour les uns  ! Cataclysmique pour les autres. Dramatique dans les deux cas  ! En oubliant que dans le processus d’accession à la souveraineté, le référendum n’en est qu’une modalité démocratique à laquelle d’ailleurs le Canada lui-même n’a jamais eu recours pour exister et se transformer  !
  8. Chercher un mandat de gouvernance souverainiste. En congédiant le référendisme, la quête du pouvoir se fait sur la base d’un programme exposant un ensemble d’éléments fondamentaux à la construction du Québec souverain. Issu de cet exercice et mandaté par le peuple pour ce faire, le gouvernement souverainiste déploie son programme en revenant au peuple lorsque nécessaire pour avancer et/ou compléter le processus.

Programme

L’objectif est clair : construire le Québec souverain. La méthode, rigoureuse : le faire systématiquement et avec le monde. Reste le programme. À trois volets : les mesures institutionnelles, les grandes politiques et les grands signaux. Mais avant, il faudra avoir procédé à la mise en place d’une cellule stratégique « souveraineté », sise au cabinet du premier ministre et branchée sur le comité des priorités pour jauger l’action gouvernementale à l’aune de l’objectif à poursuivre et des choix stratégiques à concrétiser.

A- Les mesures institutionnelles

Ce sont les mesures structurantes à longue portée fondant les assises du Québec souverain. Autrement dit, s’acheminant vers l’indépendance nationale, on aménage concrètement les institutions pour qu’à terme la décision finale, loin d’être gigantesque, se présente comme nécessaire et allant de soi.

  1.  D’abord une constitution. On la voudra la plus simple possible, rédigée d’une manière ouverte de telle sorte qu’elle puisse migrer dans le Québec souverain en garantissant la continuité du fonctionnement des institutions.
  2. Une citoyenneté. Sera posé un geste fort pour signifier que tous les individus du même territoire font nation : une citoyenneté québécoise accordée de facto à tous ses résidants actuels et une citoyenneté reconnue à tous ceux et à toutes celles qui choisiront le Québec comme lieu d’appartenance.
  3. La garantie de la laïcité de l’espace étatique. La Charte des droits du Québec garantira la liberté de religion totale dans la vie privée et dans la vie communautaire. L’espace étatique, à savoir les postes de service de l’État, sera dépourvu d’expressions religieuses.
  4. Le renforcement du statut de la langue française :

• Le français langue de l’État québécois. Le français sera déclaré langue de l’État du Québec, engageant que tous ses actes officiels et les relations que les personnes morales du Québec entretiennent avec lui le soient dans cette langue.

• Le droit à l’apprentissage du français. Sera inscrit dans la Charte des droits du Québec le droit à l’apprentissage du français ayant pour conséquence d’obliger l’État du Québec à fournir les services de francisation à toute personne qui en exprime le désir.

• La francisation des lieux de travail et de commerce. De nouvelles mesures seront prises pour accroître la francisation des lieux de travail dans les petites et les moyennes entreprises et les établissements de commerce au détail.

5. La reconnaissance de l’apport anglais dans la culture québécoise. Outre la protection constitutionnelle des droits de la minorité anglaise, dans la constitution et les grands textes législatifs du Québec, sera reconnue sa contribution à l’originalité de la culture québécoise.

6. L’insertion dans l’histoire nationale du Québec les histoires singulières de ses diverses composantes démographiques. Seront intégrées dans l’histoire nationale du Québec les histoires plus longues des Noirs, des Juifs, des Irlandais, etc., et les histoires plus récentes des Latinos, des Arabes, des Asiatiques, etc.

7. L’engagement à concrétiser l’autonomie gouvernementale des nations amérindiennes. Poursuivant l’élan donné dans la Paix des Braves et dans l’Approche Commune, la gouvernance souverainiste pressera la concrétisation de l’autonomie gouvernementale des nations amérindiennes sur le territoire du Québec et fera alliance avec elles aux Nations unies pour la progression de la reconnaissance de leurs droits.

8. Une régionalisation politique. Pour amorcer la restructuration des institutions territoriales dans le cadre d’un Québec souverain, il sera proposé de régionaliser les mandats de gestion des équipements éducatifs, récréatifs, touristiques, sanitaires, sociaux, environnementaux, d’aménagement du territoire et de développement économique local et régional.

9. La mise sur pied de la caisse d’assurance emploi du Québec. La Caisse d’assurance emploi du Canada ayant été détournée de sa finalité, et pour roder un dispositif essentiel au développement économique et à la régulation du marché du travail, l’État québécois constituera avantageusement avec ses propres salariés la Caisse d’assurance emploi du Québec en leur garantissant les mêmes bénéfices.

10. L’eau, propriété nationale. Compte tenu de l’enjeu social et environnemental planétaire, l’État du Québec déclarera bien public l’eau de son territoire. Celle-ci sera nationalisée.

11. Les modifications du dispositif référendaire. Trois exercices ayant fait la preuve que le Canada ne respecte pas les règles démocratiques du Québec, le dispositif référendaire sera modernisé et musclé, notamment pour intégrer des observateurs internationaux.

12. La préparation de la reconnaissance internationale. Pour permettre une bonne compréhension des politiques en cours et préparer le terrain de la reconnaissance internationale, la gouvernance souverainiste procédera, directement ou par l’intermédiaire d’organismes de la société civile, à un démarchage systématique auprès des grandes institutions internationales et de tous les pays du monde.

B. Les grandes missions

Outre les offensives institutionnelles visant à préparer concrètement le cadre de l’indépendance du Québec, la gouvernance souverainiste doit conduire les grandes missions provinciales d’une manière telle que le maximum de choix stratégiques sera fait dans le plus grand nombre de secteurs possibles afin de procurer au Québec des avantages concurrentiels certains à moyen et long termes.

En premier lieu, la jeunesse. La gouvernance souverainiste commencera par décréter une intégration beaucoup plus importante des arts dans les réseaux scolaires. Puis il livrera une lutte sans merci au décrochage scolaire. Enfin, très massivement, comme au Danemark qui, proportionnellement, en consacre cinq fois plus, l’éducation au Québec sera déclarée prioritaire. La même priorité vaudra pour le secteur hyper névralgique de la formation professionnelle qui, comme en Norvège, mettra à contribution et les entreprises et les établissements. Connexe à ces priorités, le secteur de l’insertion en emploi ou pour le retour aux études verra son moratoire levé. En n’oubliant pas de neutraliser de manière systématique la loi des jeunes contrevenants du fédéral qui favorise l’incarcération avant l’insertion.

Dans le domaine du développement économique, la gouvernance souverainiste sera extraordinairement vigilante pour mettre à l’abri les institutions québécoises d’une prise de contrôle par l’extérieur. La Bourse de Montréal, par exemple. Elle devra favoriser la territorialisation de la propriété industrielle, commerciale et financière en encourageant les fonds collectifs (Desjardins, Caisse de dépôt et de placement, fonds de travailleurs, fonds régionaux, etc.) à multiplier les prises de participation dans les entreprises des grands centres comme des régions pour avoir voix au chapitre lorsque s’y prennent des décisions stratégiques touchant leur avenir. Elle favorisera aussi l’expansion des économies non seulement privée et publique mais aussi sociale et de proximité.

Au plan environnemental, l’action devra être menée rondement, avec énergie et détermination pour un développement durable. Comme la Suède pour 2020, un objectif d’élimination totale des énergies fossiles devra être fixé. Un « Hydro-Québec des énergies renouvelables » sera constitué ayant pour mandat l’émergence et la croissance d’un secteur majeur d’énergie et d’économie vertes.

L’immigration est une extraordinaire richesse pour le Québec. La gouvernance souverainiste posera des gestes forts pour lever les barrières à l’insertion sur le marché du travail érigées par les organismes professionnels, pour établir des programmes d’accès à l’emploi et interpeller l’ensemble des acteurs sociaux dans leurs fonctions d’accueil et d’intégration des nouveaux arrivants.

Le secteur de la santé et des services sociaux sera résolument tourné vers l’action sur les déterminants de la santé, la prévention, les services de première ligne et les services de proximité. Son organisation sera régionalisée et démocratisée.

Bien que se déployant encore dans un cadre provincial, les grandes missions de l’État québécois doivent mordre dans l’avenir. Toutes les marges de manœuvre disponibles doivent y souscrire.

C Quelques grands signaux

Poursuivant résolument l’objectif de la construction concrète et quotidienne de l’indépendance du Québec, la gouvernance souverainiste non seulement additionnera les décisions structurantes et les décisions de gestion, mais enverra également un certain nombre de signaux importants pour traduire encore mieux la portée réelle du projet et la qualité des rapports qu’il induit.

1. Occupation du front canadien. La gouvernance souverainiste appuiera la poursuite de l’occupation du front canadien par le Bloc Québécois sous l’angle principal de l’intérêt du Québec à ne pas se faire représenter au Canada par des porteurs d’intérêts autres que les siens, à récupérer les 41 milliard $ qu’il expédie à Ottawa pour qu’ils servent ses priorités et à profiter de cette tribune pour démontrer la légitimité et la normalité de son projet d’indépendance et sa contribution à l’enrichissement de la diversité culturelle mondiale.

2. Élimination des reliquats coloniaux. Devant l’impossibilité constitutionnelle actuelle d’abolir le poste de lieutenant gouverneur, la gouvernance souverainiste réduira au maximum ses ressources et banalisera sa fonction en confiant au président de l’Assemblée Nationale élu par l’ensemble des députés le soin également de signer et de proclamer les lois.

3. Partenariat avec les Acadiens et les Canadiens français. Volant de ses propres ailes, le Québec s’inscrit de plein pied dans la francophonie internationale et continuera à développer des partenariats avec les Acadiens et les Canadiens français et répondra à leurs sollicitations d’appuis pour la pleine reconnaissance de leurs droits.

4. Nomination de personnalités issues de l’immigration. Pour mieux refléter la composition démographique, pour donner aux jeunes des modèles et pour servir davantage l’intégration à la société d’accueil, la gouvernance souverainiste nommera plusieurs personnalités de l’immigration à des postes importants.

5. Soutien aux médias alternatifs. S’inspirant de la Suède, pour atténuer les méfaits de l’hyper concentration de la presse, à partir d’une caisse alimentée notamment par les grands medias, un comité indépendant allouera des ressources en soutien aux medias alternatifs

6. Respect du drapeau québécois. Sur tous les édifices de l’État québécois et sur toutes les places publiques, on s’assurera qu’un drapeau québécois de qualité sera hissé.

7. Mandat du Conseil de la souveraineté. Le Conseil de la souveraineté du Québec se verra confier la responsabilité de concerter l’ensemble des organismes porteurs de la souveraineté dans des projets d’information et de mobilisation.

8. Question référendaire. Dès son entrée en exercice, la gouvernance souverainiste fera connaître la question qui sera soumise au référendum qui complètera le processus d’accession du Québec à son indépendance.

Le contexte de 2007 n’a plus rien à voir avec celui de 1980 ou de 1995. Aujourd’hui, la culture des traités économiques modernes invite les pays à accéder directement aux marchés des autres pays. C’est ainsi qu’au plan économique le Québec n’est plus prisonnier du Canada. Aussi, convenons que les bienfaits de l’étapisme ont été engrangés. En effet, plus personne de sérieux, ni même Jean Charest, ne conteste la faisabilité de la souveraineté du Québec. Par ailleurs, au quotidien, le Canada met au service de son nation building toute sa puissance politique. Malheureusement, jusqu’à ce jour, le Québec s’en est abstenu pour cause d’enfermement dans une modalité (référendaire) qui lui a fait dépolitiser le projet. Le temps est donc venu de changer de stratégie, de replacer le projet de l’indépendance nationale sous la responsabilité de la gouvernance politique et de le conduire visière levée, avec hauteur, éthique et clarté. Le ou les partis politiques qui se feront élire pour réaliser l’indépendance du Québec auront la légitimité, l’autorité et la responsabilité de déployer une gouvernance souverainiste qui l’y conduise. L’indépendance ne se quête pas. Elle se constitue. Elle se prend. Et finalement « des papiers se font ». Alors le monde entier fêtera l’arrivée d’un peuple hyper moderne, riche, dynamique, confiant, ouvert et généreux. La planète elle-même se sentira meilleure.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vendredi, 26 octobre 2007, au Lion d’Or, je participais avec plaisir au repas festif du quatre-vingt-dixième anniversaire de la revue L’Action nationale. Encore une fois, Jacques Parizeau m’a émerveillé par un exposé aussi précis que concis dont je retiens que « la souveraineté du Québec, dans le contexte de l’actuelle mondialisation, loin d’être le projet d’une génération est devenue une condition d’épanouissement de celles qui suivent et un tremplin pour leur rayonnement. » Et de constater « qu’à nouveau contexte, nouvelles stratégies et nouveaux porteurs de projets ». « Finis les septuagénaires malcommodes  ! » lança-t-il à la blague.

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