À l’automne 1966, dans l’autobus en direction de l’Université de Montréal, j’ai discuté avec un homme d’un certain âge sur l’indépendance du Québec. Cette idée m’animait. Cet homme partageait mon enthousiasme. Me regardant droit dans les yeux, il m’a dit :
Si vous vous rendez à mon âge, j’ai 64 ans, vous aurez probablement la chance de voir naître le Québec. Ça ne se fera pas avant quarante ans. Au début du XXIe siècle. Peut-être, mais pas avant. Comme l’opposition sera forte, il faut que cette idée s’enracine. Oui. S’enracine. Puis, une idée comme celle-là doit mûrir, se répandre, cheminer, devenir incontournable, mais surtout demeurer l’affaire de tous ceux qui veulent un pays. C’est seulement comme ça qu’elle aboutira.
Ces paroles m’ont ramené sur terre. Vingt-sept ans plus tard, en 1993, Charles Taylor m’a aussi ramené sur terre. Au café Loft, à Québec, interrogé sur la façon d’aborder le mouvement sécessionniste du Québec, l’auteur de la théorie de la reconnaissance avança qu’il faut d’abord considérer ses promoteurs comme des ennemis. Ce soir-là, je n’ai pu fermer l’oeil. Je découvrais que la reconnaissance canadienne m’obligeait à être complice de mon assujettissement. Si j’osais affirmer le contraire, je devenais un ennemi.
Dans ce texte, je propose une démarche sécessionniste basée sur l’enracinement et le combat pour fonder le pays. Avant de la présenter, j’entends montrer que les quatre postulats de la démarche adoptée par le Parti québécois (PQ) en 1974 sont caducs. Le PQ n’est plus le bateau amiral qu’il fut dans les années 1970. Dans une société démocratique comme le Québec, lier projet de pays et projet de société est une erreur magistrale si on veut fonder un pays. Le recours à un référendum n’est pas, mais pas du tout, le moyen usuel pour faire sécession. Gouverner une province en attendant qu’une fenêtre s’ouvre pour tenir un référendum conduit à enfermer dans la gouvernance un mouvement dont l’objectif est de fonder le pays du Québec.
Depuis l’adoption de la loi C-20, la tenue d’un référendum est devenue le cheval de Troie du Canada pour faire dérailler la marche du peuple québécois. La privilégier encore, c’est l’exposer inutilement. Le Québec n’a pas les pouvoirs d’un État souverain et le peuple québécois n’a pas de droit à l’autodétermination externe. Pour accéder au statut d’État souverain après avoir fait sécession du Canada, il serait plus sage d’opter pour une démarche qui contourne cette loi et est aussi légitime qu’un référendum. C’est la thèse que j’avance. Pour fonder le pays, il faut prendre le pouvoir seulement si les parlementaires élus avec une plate-forme indépendantiste reçoivent plus de 50 % des votes exprimés. Un pacte à cet effet entre partis et groupes indépendantistes peut y conduire.
À propos de référendums
Le Parti québécois est né en octobre 1968 d’une fusion entre le Mouvement Souveraineté Association (MSA) et le Ralliement National. Le Rassemblement pour l’indépendance national (RIN) n’ayant pu s’entendre avec René Lévesque, devenu le chef du PQ, Pierre Bourgeault invita ses membres à joindre les rangs du PQ et dissout le RIN. Aux élections de 1970 et de 1973, le PQ obtint 23 % et 30 % des votes exprimés et ne fit élire que sept et six députés.
Lors de la campagne de 1973, René Lévesque révéla que l’élection de son parti déboucherait sur une déclaration de principe de la souveraineté, celle-ci étant suspendue jusqu’au référendum portant sur un projet de constitution. Entre-temps, il y aurait maintien du statut de province, mais activation de dossiers stratégiques. À l’occasion de ces élections, plusieurs chefs de file du PQ furent défaits, dont René Lévesque et Jacques Parizeau. Entre ces élections et le Congrès prévu à l’automne de 1974, René Lévesque chercha à sortir, son parti et lui-même, de cette position inconfortable en modifiant la plate-forme électorale.
Des réflexions, en particulier celles de Robert Marceau rendues publiques par Québec-Presse (1974) et de Claude Morin, ont préparé le terrain. Au Conseil national tenu à Mont-Joli, en septembre 1974, Robert Marceau préconisa de lier la promotion de l’indépendance à celle de la social-démocratie pour que les Québécois et Québécoises voient mieux où les conduirait l’indépendance et de procéder par étapes en dissociant l’élection du référendum. Quant à Claude Morin (1991), il peaufina diverses versions d’un texte pour le Conseil exécutif national dans lequel il fit valoir l’idée, qu’il tenait de hauts fonctionnaires du gouvernement fédéral, de tenir un référendum sur une question.
Ces deux réflexions ont amené le Conseil exécutif et l’aile parlementaire à proposer, au Congrès de novembre 1974, une démarche axée sur la prise du pouvoir, une gouvernance sociale-démocrate et la tenue d’un référendum en fin de mandat portant sur une question. Les délégués l’adoptèrent à 630 votes contre 353. Le PQ devint alors plus un parti politique que le véhicule d’un mouvement de libération. Pour André d’Allemagne (1974), il s’agissait d’« un acte inutile et même dangereux, bref, une erreur ». Depuis, le projet de pays est enferré dans un carcan référendaire sous prétexte qu’un référendum serait plus démocratique, tranchant et légitime alors qu’il est plus fréquent et tout aussi démocratique, tranchant et légitime, selon Viva Ona Barktus (1999), d’enclencher un processus conduisant à la sécession en recourant à la voie électorale. Voyons d’abord ce point.
En 1974, les promoteurs d’un référendum ont peu étayé leur argumentation à la lumière de cas montrant que sa tenue était la voie royale pour accéder au statut d’État souverain. Ils ont plutôt questionné la faible progression de leur projet de « souveraineté-association » et la fragilité démocratique du processus mis au point en 1973, et ce, même s’il s’inspirait de celui, propre au parlementarisme britannique, utilisé lors de la création du Canada en 1867 et auquel ils avaient ajouté un référendum sur un projet de constitution dans le programme de 1973.
Devant ces interrogations, les délégués se sont confortés à l’idée de tenir un référendum en fin de mandat. Ce faisant, ils ont décidé de procéder comme l’avait fait Terre-Neuve pour quitter la Grande-Bretagne, qui ne s’y opposait pas, et pour adhérer au Canada, qui le souhaitait. Ce changement de cap a sûrement été influencé par le renversement, en 1973, du gouvernement Allende au Chili et, en 1974, par le projet d’occupation du Québec par l’armée canadienne dévoilé par Gil Courtemanche (1974). Implicitement, ce projet d’occupation annonçait que le Canada refuserait de négocier à la suite d’une déclaration de principe de souveraineté de la part d’un gouvernement n’ayant pas le soutien majoritaire de la population.
Au moment de cette décision, sur la scène internationale, plusieurs colonies accèdent au statut d’État souverain à la suite d’une déclaration des Nations Unies octroyant aux peuples colonisés un droit à l’autodétermination externe (Nations Unies, 1960). De l’avis de Jean Charpentier (1984), la majorité des colonies ont procédé au moyen d’une négociation entre la puissance coloniale et des institutions locales représentatives ou un mouvement de libération reconnu comme un interlocuteur représentatif de la volonté populaire. Parmi ces colonies, certaines ont tenu un référendum, notamment lorsqu’il y avait de l’opposition de la part de l’État colonial.
Avant cette date, la tenue d’un référendum pour enclencher un processus sécessionniste n’est pas habituelle. En fait, l’Islande fut le seul cas de sécession rendue effective après un référendum en 1944. Il l’est parce que l’Acte d’union de 1918 entre l’Islande et le Danemark prévoyait sa révision, 25 ans plus tard, par un référendum. Or, lorsque le moment fut venu, le maintien de l’union aurait lié l’Islande à un pays sous occupation allemande alors que les forces américaines venaient de chasser les Allemands de l’île. Dans ce contexte, il eut été surprenant que les Islandais veuillent demeurer unis au Danemark. Ils ont décidé, en référendum à 98 %, de devenir un État indépendant.
Deux autres cas sont fréquemment cités : la Norvège et les îles Féroé. Dans le premier, le référendum, demandé par le roi de la Suède, a confirmé le vote unanime au Storting. Ce parlement norvégien avait mis fin à l’union en enlevant tout pouvoir au roi de Suède, ce qui rendit de facto la Norvège indépendante. Aux îles Féroé, où vivent 46 000 Féroïens, le Danemark a refusé de négocier l’indépendance à la suite d’un référendum en 1946 donnant 50,72 % des votes valides exprimés avec un taux de participation de 66,4 % (1). Devant l’expression de tensions internes, le roi a dissous le parlement et invité les Féroïens à élire un nouveau gouvernement. Les partisans du maintien de l’union, vainqueurs aux élections, ont négocié par la suite l’entente de 1948. Elle assura une grande autonomie au parlement féroïen. Récemment, un projet d’indépendance, voté au Løgting, le parlement féroïen, par les membres d’une coalition a été présenté au gouvernement danois. Le retrait d’un des partis de la coalition eut pour conséquence de surseoir au référendum prévu le 26 mai 2001 à la faveur d’une négociation avec le Danemark.
Ces dernières quinze années, plusieurs États souverains sont apparus sur la scène internationale dans le sillage de la dissolution de la Tchécoslovaquie, de l’éclatement de la Yougoslavie et de l’implosion de l’URSS. En Tchécoslovaquie (2), il y eut une entente entre les parlementaires pour dissoudre la fédération et créer deux États indépendants liés par une union douanière et monétaire. Les parlementaires des deux parlements ont pris cette décision après avoir constaté l’impossibilité de s’entendre sur un projet commun. Au parlement slovaque, c’est une coalition entre députés partageant une même vision qui prit cette décision.
En Yougoslavie (3), le recours au référendum fut généralisé avant de proclamer unilatéralement l’indépendance. La constitution permettait la sécession, mais exigeait la tenue d’une consultation populaire. Après les pressions militaires exercées par Slobodan Milosevic sur la province du Kosovo, ce à quoi s’opposèrent la Bosnie, la Macédoine, la Slovénie et la Croatie, les dirigeants de ces États ont décidé de se retirer de la fédération et ont tenu des référendums pour consolider leur décision. D’autres référendums furent tenus pour finaliser la dissolution de la Yougoslavie après que les parlementaires aient pris position.
En URSS, certains pays (Tadjikistan, Moldavie, Ouzbékistan, Kirghizistan, Kazakhstan) furent créés à la suite de l’implosion par un vote du parlement et sans référendum. Lorsqu’il y en eut (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Turkménistan), ils venaient ratifier une déclaration unilatérale basée sur l’existence d’un État souverain avant la constitution d’une république sous l’égide de l’URSS. Ce fut aussi le cas des pays baltes (l’Estonie, la Lituanie et la Lettonie) où il y eut des proclamations d’indépendance par un vote majoritaire des élus entre 1988 et 1990, que l’URSS n’a pas reconnu. Les dirigeants des pays baltes ont toutefois refusé de tenir des référendums portant sur leur autodétermination, car c’eut été admettre leur sujétion à l’URSS. Selon Yves Plasseraud (1992), ils acceptèrent plutôt de tenir, sous contrôle international lors d’une élection, des « sondages » officiels qui ont révélé un soutien en faveur de l’indépendance de 90,4 % en Lituanie, de 73,7 % en Lettonie et de 77,8 % en Estonie. Ce n’est qu’après l’implosion de l’URSS et leur reconnaissance par la Fédération de Russie, qui succéda à l’URSS, qu’ils furent reconnus par les Nations Unies.
Il y eut d’autres cas ces quinze dernières années. En Érythrée, après l’écrasement de l’armée éthiopienne en 1988, un gouvernement provisoire érythréen fut instauré et l’Érythrée devint de facto indépendante, ce que confirma un référendum tenu en 1993. Le cas du Timor-Leste est plus connu. Ayant déclaré son indépendance en 1975, ce pays fut envahi par l’armée indonésienne. S’ensuivirent des années de résistance. Peu après la destitution du président Suharto, les événements s’accélérèrent. Un accord fut signé le 5 mai 1999 entre le Portugal et l’Indonésie pour tenir un référendum sous la supervision des Nations Unies. Le résultat fut 78,5 % en faveur de l’indépendance. La Namibie, ancienne colonie allemande devenue territoire occupé par l’Afrique du Sud, fut placée sous la tutelle des Nations Unies après la Deuxième Guerre mondiale. Cette occupation engendra des affrontements majeurs avant qu’un cessez-le-feu intervienne après les accords de Brazzaville octroyant l’indépendance de la Namibie en échange du retrait des troupes cubaines de l’Angola. En 1989, il y eut l’élection d’une Assemblée constituante. La South West Africa People’s Organization (SWAPO) recueillit 57,5 % des voix dans un scrutin tenu sous l’égide des Nations Unies. Il n’y eut pas de référendum.
Des cas cités, il ressort que le processus qui conduit à une sécession démarre après une déclaration d’indépendance à la suite d’un vote de parlementaires qui ont ce mandat. Cette déclaration enclenche des négociations conduisant à la sécession. Le recours au référendum n’est utilisé qu’occasionnellement et, lorsqu’il l’est, c’est pour valider la décision de parlementaires ou mettre de la pression sur l’État d’origine. Autre point important à retenir : dans tous les cas cités, il y eut toujours un appui majoritaire de plus de 50 % lors d’une élection ou d’un référendum.
Il en ressort aussi que, depuis 1974, le PQ navigue à contre-courant du processus le plus couramment suivi. Il y a là un paradoxe. Il explique, à mon avis, la lente progression du projet comme aux îles Féroé. En optant pour un référendum comme déclencheur, le PQ a inscrit sa démarche au sein d’une entité politique, la province de Québec, qui n’a ni le statut d’un État souverain, ni les pouvoirs à cet effet. Ne les ayant pas, ses lois étaient sujettes à des débordements de la part du Canada s’il voyait d’un mauvais œil le démembrement de son territoire. C’est ce qui s’est produit au référendum de 1995 comme l’ont révélé Charles Guité et des témoins de la commission Gomery.
Lorsqu’un référendum se tient pour enclencher un processus sécessionniste au sein d’un État souverain, celui-ci sera toujours passible de perturbations de la part de l’État dont le territoire risque d’être démembré. C’est ce qui explique que la décision de faire sécession est plutôt le fait de mouvements de libération ou de parlementaires au sein des institutions auxquelles se rattachent les promoteurs de la création d’un État souverain. La décision prise, un référendum, s’il s’avère nécessaire, va en général dans le même sens, ce que révèlent les cas cités.
En misant sur un référendum comme déclencheur, les dirigeants péquistes ont confondu une démarche d’association avec une démarche de sécession. Dans une démarche d’association, un référendum n’annihile pas le statut d’État souverain et ne modifie pas le territoire. Il peut de plus avoir un caractère exécutoire en vertu des lois des pays qui y recourent. C’est ainsi qu’ont procédé des États souverains pour adhérer à l’Union européenne (UE). Cette façon de procéder n’a pas été jugée nécessaire dans la majorité des associations supranationales, dont l’ALÉNA. Un référendum qui enclenche une démarche sécessionniste est d’une nature autre. Par définition, il n’est pas exécutoire même si tel est le souhait du parlement qui y recourt. Il n’est qu’un témoignage du choix d’un peuple à la suite duquel peut s’enclencher un processus menant à une sécession après une négociation avec l’État d’origine ou, si ce dernier refuse de négocier, à une demande de reconnaissance par des États tiers.
La portée est donc fort différente. Dans le premier cas, ce sont des États associés qui acceptent l’État demandeur; dans le second, en vertu de l’intégrité territoriale des États souverains, il revient au peuple qui aspire à se doter d’un État souverain de convaincre l’État dont il est originaire d’accepter son affranchissement. Cette acceptation est déterminante dans la reconnaissance du nouvel État par les Nations Unies.
En 1974, cette confusion pouvait s’expliquer. Le projet en était un de « souveraineté-association ». En 1995, ce n’était pas le cas. La souveraineté pouvait se réaliser sans partenariat. Sa visée était sécessionniste. Malgré les risques inhérents à tenir un référendum pour enclencher le processus de sécession, risques maintenant connus, celui de 1995 a failli conduire à une victoire du OUI. On sait aujourd’hui que le gouvernement Chrétien en fut profondément ébranlé. Moins d’un an après, il chercha à encadrer tout référendum portant sur la sécession d’une province en vue de recouvrer des marges de manœuvre pour contrer toute sécession.
S’il a procédé de la sorte, c’est qu’au référendum de 1995, Jacques Parizeau, alors premier ministre du Québec, eut l’heureuse initiative de présenter, le 7 septembre 1995, un Projet de loi sur la souveraineté du Québec. Ce projet, en plus d’expliquer comment se ferait la souveraineté (4), indiquait qu’il serait adopté « advenant un vote majoritaire pour le OUI au référendum », ce qui ouvrait la voie à la proclamation de la souveraineté du Québec « dès que le traité de partenariat aura été approuvé par l’Assemblée nationale ou dès que cette dernière aura constaté, après avoir demandé l’avis du comité d’orientation et de surveillance des négociations, que celles-ci sont infructueuses » (Parti québécois, 2005).
De l’avis de Jacques Parizeau, la loi C-20 fut la réplique fédérale à ce projet de loi. Pour justifier cette loi, le gouverneur en conseil posa des questions à la Cour suprême sur l’existence d’un droit de sécession octroyé au Québec en vertu de la constitution canadienne ou du droit international et sur la primauté d’un droit sur l’autre. Si la cour s’en était tenue aux questions, les réponses auraient été très courtes et il n’y aurait pas eu de loi C-20. Le Canada n’a pas inscrit dans sa constitution un droit à la sécession et, au niveau international, seul est reconnu le droit des peuples à l’autodétermination dans le respect de l’intégrité territoriale des États souverains, l’exception étant le droit à l’autodétermination externe des peuples colonisés ou assujettis à des pratiques jugées inacceptables, ce qu’ont expliqué de nombreux spécialistes, dont James Crawford (1997), Antonio Cassese (1995) et Alain Pellet (1995).
En fait, en ne se limitant pas à répondre aux questions posées, la Cour a invité le Canada à définir les règles auxquelles serait astreint le peuple québécois s’il voulait faire sécession à la suite d’un référendum. Elle a donc laissé savoir que le peuple québécois doit d’abord exprimer clairement que tel est son désir lors d’un référendum portant sur une question claire. Ensuite, il devra négocier avec le Canada et ses composantes dans le respect des principes et des règles particulières au constitutionnalisme canadien, ce qui pourrait être long et l’amener éventuellement à revoir sa décision.
Ce faisant, la Cour suprême a retourné la balle au gouverneur en conseil en lui traçant un cadre général pour la tenue d’un référendum tout en lui soufflant à l’oreille qu’« il reviendra aux acteurs politiques de déterminer en quoi consiste “une majorité claire en réponse à une question claire” ». Comme le Québec avait déjà défini ce qu’il considèrait une majorité claire, soit 50 % + 1 des votes exprimés, et répété qu’il entendait être le responsable de la clarté de la question posée, la Cour a invité les acteurs politiques canadiens à clarifier leur position.
Le parlement canadien attrapa la balle au bond et vota la loi C-20. Avant cette loi, le Canada pouvait être invité à négocier le départ du Québec à une table commune. Depuis, si le Québec tient un référendum, il revient au parlement canadien de décider s’il accepte qu’il y ait, sur sa patinoire, un face-à-face au terme duquel il risque de perdre. Comme ce risque est réel, ce parlement s’est donné les moyens pour décréter la qualification des équipes qu’il accepterait de rencontrer, pour vérifier si elles savent bien ce qu’elles font et pour tester l’appui de leurs partisans. Si une équipe franchit ces barrières, le Canada pourrait alors accepter le face-à-face en autant qu’il délimite les règles du jeu, soit le nombre de joueurs qu’il entend placer sur sa patinoire, choisisse l’arbitre et définisse la durée de la partie.
L’intervention de la Cour suprême a préparé le terrain pour installer la patinoire canadienne. En l’installant, les parlementaires canadiens se sont attribués un droit de regard sur la question et se sont octroyés le pouvoir d’évaluer l’importance du soutien lors d’un référendum. Ces pouvoirs subordonnent le peuple québécois au peuple canadien et vont à l’encontre du principe de l’égalité des droits des peuples, qui est un élément incontournable du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Qui plus est, la loi C-20 annonce une ouverture du Canada à des demandes de rattachement venant de portions de la population du Québec. Ce faisant, ces parlementaires se font les propagandistes du morcellement du territoire québécois, ce qui va aussi à l’encontre, dans les cas de sécession, des pratiques en droit international, ce qu’ont avancé Thomas M. Francz, Rosalyn Higgins, Alain Pellet, Malcolm N. Shaw et Christian Tomuschat (1992) dans leur avis sur l’intégrité territoriale du Québec dans l’hypothèse de l’accession à la souveraineté.
Il y a plus. Avec cette loi, les parlementaires ont fait en sorte que ces contournements soient soustraits à tout regard externe. Au Québec, ce point a suscité peu d’attention. Or, il est précisément celui qui rend cette loi si importante parce qu’avec elle, si le Canada ne constitutionnalise pas le processus de sécession à l’instar de l’Éthiopie(5), il reconnaît une sécession possible, en délimite le processus et, ce faisant, accentue sa capacité de neutraliser les interventions d’États tiers sensibles à la démarche québécoise. Là se trouve la véritable portée de cette loi.
Il n’y a que deux voies pacifiques pouvant conduire une nation politique à parvenir à la reconnaissance des Nations Unies après s’être déclarée souveraine. La première a pour base la reconnaissance de l’État d’origine, en l’occurrence le Canada, tandis que la deuxième consiste en la reconnaissance d’un ou de plusieurs États tiers à la demande d’un État, ici le Québec.
Avec la première voie, des États tiers peuvent faire des pressions si l’État d’origine tergiverse. Or, le Canada s’est précisément doté de marges pour justifier ses tergiversations, ce dont il fera part aux États tiers en leur demandant de respecter le processus légal institué au Canada. Quant à la deuxième voie, elle est assujettie à une contrainte majeure : l’impératif de courtoisie internationale. Sa particularité est d’inciter les États tiers à la retenue lorsqu’il s’agit précisément de la création d’un nouvel État souverain. Aussi cette voie, parfois utilisée avant la Deuxième Guerre mondiale, est-elle devenue exceptionnelle depuis l’adoption de la Charte des Nations Unies en 1945. Le motif est fort simple. En matière de sécession, les États tiers attendent que l’État d’origine reconnaisse le nouvel État avant de le faire eux-mêmes et n’interviendront que dans des cas où il y a des preuves accablantes allant à l’encontre du droit des peuples à l’autodétermination. Comme il serait surprenant que le Canada déploie des comportements de ce genre, l’impératif de courtoisie imposera le silence aux États tiers auxquels s’adressera le Québec pour réclamer leur reconnaissance devant un excès de tergiversations de la part du Canada.
Actuellement, à l’échelle internationale, il y a de nombreux exemples#6 de retenue. Pensons à Taiwan, l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud, le Somaliland, la République arabe sahraouie démocratique, la République turque de Chypre du Nord, la Palestine, le Haut-Karabagh et la Transnistrie moldave. C’est ici que la loi C-20 prend tout son sens. En l’adoptant, le Canada s’inscrit parmi les rarissimes pays à posséder une procédure d’accès à la souveraineté. D’ailleurs, partout où il a des ambassades, le Canada fait valoir que la démarche québécoise doit se conformer à la loi C-20 et que les États tiers doivent respecter le droit du Canada à son intégrité territoriale.
Ce processus va bien au-delà d’un référendum. Il comprend la négociation — après l’acceptation, par le Canada, du résultat du référendum — et la reconnaissance de l’État du Québec par le Canada. C’est ainsi que la loi C-20 enferme le peuple québécois dans un univers étanche aux interventions des États tiers. Ces derniers, y compris la France, ne pourront que noter l’expression, lors d’un référendum, d’une volonté, chez les Québécois et les Québécoises, d’accéder au statut d’État souverain, guère plus. Dès lors, pour le peuple québécois, tenir un référendum consiste maintenant à accepter les règles canadiennes et à se couper d’un recours politique sur la scène internationale.
À mon avis, mieux vaut chercher une autre façon d’affirmer notre volonté de nous doter d’un État souverain, notamment en nous inspirant des peuples baltes. Ces derniers ont refusé de tenir un référendum parce qu’ils contestaient les règles référendaires de l’URSS votées sans leur accord. Puisque la loi C-20 est postérieur aux référendums de 1980 et de 1995 et qu’une majorité de députés du Québec, tant à la Chambre des communes qu’à l’Assemblée nationale, s’y sont opposés, il est tout à fait légitime de chercher une voie plus favorable à l’expression du droit du peuple québécois à l’autodétermination.
Stopper l’errance
Comme il y a des limites à l’aveuglement, il m’est difficile de penser que les dirigeants péquistes ne soient pas conscients du double piège de la loi C-20 : 1) piège qui rend improbable une victoire sur la patinoire canadienne; 2) piège qui permet aux parlementaires canadiens de se soustraire des regards externes. Il y a plus. En reprenant le contrôle du jeu avec leur loi, ces parlementaires savent pertinemment qu’ils peuvent désormais, ce qu’ils pouvaient difficilement faire en 1995, présenter une contre offre comme l’a fait l’URSS, en 1989, face aux demandes des pays baltes.
Tout cela explique que le Canada et les Canadiens respirent mieux après vingt-cinq ans passées sur le qui-vive, soit depuis la prise du pouvoir par le PQ en 1976. Maintenant, ils sont tellement mieux que leurs dirigeants, notamment ceux du PLC, sont devenus arrogants à l’égard des souverainistes et du Québec. Pour eux, les Québécois et les Québécoises doivent rentrer dans le rang. S’ils ne veulent pas, ils se rendront vite compte qu’ils doivent plier l’échine, car ils n’ont plus le gros bout du bâton.
Cette loi en poche, le Canada maîtrise le jeu à l’interne et sur la scène internationale. Le promoteur de cette loi, Stéphane Dion, ne s’en est pas caché. Partout où il a séjourné entre 1998 et 2003 (en Israël, en Autriche, en Islande, en Argentine, en Allemagne, en Inde, en Espagne, en France, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, au Mexique et en Russie), il a dit que le Canada est l’un des seuls pays au monde à s’être doté d’une loi encadrant un processus sécessionniste et a signalé, surtout en France, mais aussi en Grande-Bretagne et en Espagne, qu’il ne saurait être question que des États tiers s’immiscent dans les affaires qui relèvent du Canada comme relève de la Grande-Bretagne la question écossaise et de l’Espagne la question catalane.
Dans les circonstances, je n’arrive pas à comprendre que des dirigeants péquistes tiennent mordicus à un référendum. Le contexte actuel n’est plus celui de 1980, ni celui de 1995. Tenir un autre référendum serait actuellement inviter le peuple québécois à foncer tête première sur les armes contondantes que la Cour suprême, selon Jacques-Yvan Morin (1998), a laissées aux mains du pouvoir fédéral qui s’en est emparé à la « vitesse grand V ».
J’ai néanmoins cherché à comprendre. Après avoir jonglé avec plusieurs hypothèses, il y en a deux qui m’ont permis de comprendre. La première renvoie à la propension, chez les dirigeants péquistes, à concevoir le Québec et le peuple québécois porteurs d’attributs que seuls des États souverains détiennent. La seconde est le refus de ces mêmes dirigeants à questionner la démarche référendaire parce que s’ils le faisaient, ils seraient obligés de questionner les trois autres postulats : la prise du pouvoir,« le projet de société pour y arriver et le bateau amiral que serait le PQ. Voyons d’abord la propension.
Il n’y a pas que les dirigeants péquistes qui déforment les pouvoirs du Québec et du peuple québécois. Bien d’autres politiciens l’ont fait et, comme d’autres Québécois, je l’ai fait. Tout membre d’un peuple minorisé a tendance à se lire autrement qu’en minorisé. Construire une démarche sur cette propension n’est toutefois pas la meilleure façon de procéder pour sortir de la minorisation. J’ai en tête deux exemples qui mettent en relief cette propension.
Le premier renvoie à l’idée, maintes fois avancées par des péquistes, des libéraux et des adéquistes, que l’Assemblée nationale serait une institution appartenant en propre au peuple québécois et, l’étant, ce dernier peut reprendre les pouvoirs qu’il aurait délégués au Canada. Robert Bourassa a tenu de tels propos à la suite de l’échec de l’Accord du lac Meech et Lucien Bouchard a fait de même lors de l’adoption de Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec, loi qu’a appuyée Mario Dumont.
Selon Will Kymlicka (1998), si les nations minoritaires, en particulier celles membres d’une fédération de plusieurs nations, ont tendance à tenir ce genre de propos, cela n’en fait pas pour autant des nations souveraines. C’est précisément le cas de la nation québécoise. Comme l’a précisé Stephen A. Scott (2002), la province de Québec n’a jamais eu les pouvoirs d’un État souverain et ses habitants n’ont jamais exercé des pouvoirs supérieurs à ceux qu’ils détiennent ou ont détenu en vertu des constitutions canadiennes de 1867 et de 1982.
Les pouvoirs du Québec se limitent à ceux qui lui furent consentis par le parlement britannique lors de la création de la confédération à la suite de l’accord manifesté par les élus de la section Canada-Est, y compris ceux étiquetés « franco-canadiens ». Ces pouvoirs leur ont été octroyés dans le cadre de la « Grande coalition » entre des députés du Canada-Ouest et du Canada-Est. Avant la création de la confédération, le Canada-Est était une entité membre du parlement créé par l’Acte d’Union de 1840 et n’avait de pouvoirs que ceux accordés par la Grande-Bretagne. Les deux unités fédérées n’ont jamais délégué des pouvoirs qu’elles détenaient antérieurement. Elles ont seulement accepté d’opérer avec les pouvoirs que leur octroyait la Grande-Bretagne. Elles ne peuvent pas reprendre ce qu’elles n’ont jamais eu.
Dès lors, déclarer avoir de tels pouvoirs est sans effet. Une telle déclaration ne pourra être faite seulement à la suite de l’indépendance du Québec et sa reconnaissance par le Canada ou des États tiers. Selon l’ordre constitutionnel canadien, l’Assemblée nationale n’appartient pas en propre au peuple québécois. Elle est uniquement une institution au sein de laquelle ce peuple peut s’activer en autant qu’il le fasse en vertu des seuls pouvoirs que lui confère la constitution canadienne ou sur des sujets tolérés par le Canada. Si le Québec déborde ces limites, le Canada a les pouvoirs pour le ramener à l’ordre.
Le deuxième exemple concerne le droit à faire sécession qu’aurait le peuple québécois. Cette idée, développée surtout par Daniel Turp (1979, 2002), est complémentaire à la précédante. Dans ses écrits, Turp soutient, à l’aide d’arguments divers, que le peuple québécois a un droit à l’autodétermination et que ce droit comporte celui de faire sécession. Sa thèse s’appuie sur l’existence du peuple québécois et le droit à l’autodétermination reconnue aux peuples minorisés par les Nations Unies, droit qui fut, depuis 1945, réaffirmé dans différentes conférences internationales.
S’il est vrai que le peuple québécois possède un droit à l’autodétermination interne, ce que reconnaissent des juristes internationaux, ce droit n’a rien en commun avec le droit à l’autodétermination externe octroyé par les Nations Unies aux peuples colonisés. Sous cet angle, la thèse de Turp est sans fondement légal. De l’avis d’Antonio Cassese (1995), la constitution canadienne n’accorde pas un droit à l’autodétermination externe au peuple québécois et le peuple québécois n’entre pas dans la catégorie des peuples colonisés définie par les Nations Unies. Tous les experts qui se sont penchés sur le cas du Québec, y compris ceux qui ont fourni un avis sur l’intégrité territoriale du Québec, ont confirmé l’absence d’un tel droit détenu par le peuple québécois.
Ce sont de telles prétentions qui incitent les dirigeants péquistes à refuser de concevoir que la loi C-20 ait porté un coup fatal à la tenue d’un référendum manière 1995. À leur avis, pour contourner cette loi, le gouvernement du Québec, en tant qu’institution propre au peuple québécois, n’a qu’à renforcer la loi sur les consultations populaires, faire appel à des observateurs étrangers ou chercher l’aval d’États tiers si le Canada se révèle mauvais joueur sur une patinoire protégée de tout regard étranger.
Or, le Québec n’a pas les pouvoirs pour contrer les débordements canadiens et limiter les interventions du Canada à l’occasion d’un référendum à moins d’un consentement de ce pays ; le Canada n’est pas assujetti aux lois québécoises; le Québec ne saurait l’empêcher d’activer la loi C-20 votée précisément pour interférer avant, pendant et après la tenue d’un référendum; le peuple québécois n’étant pas reconnu un peuple colonisé tels que le furent les peuples timorais et namibien, il ne serait obtenir l’aval d’organismes internationaux pour superviser la tenue d’un référendum à moins d’un accord du Canada, ce qui m’apparaît peu probable puisqu’en votant la loi C-20, il cherchait précisément à extraire du regard extérieur la démarche sécessionniste québécoise; quant à l’intervention éventuelle d’États tiers, passons, car c’est ce qu’a voulu contrer la loi C-20.
Ce sont ces prétentions qui bloquent tout questionnement. Elles conduisent même à imaginer équivalent un référendum menant à une sécession et un référendum en vue de s’associer à d’autres États souverains alors qu’il s’agit de référendums dont la portée est totalement différente et les entités qui les réalisent des États aux statuts diamétralement distincts.
Autant d’assurance surprend. Personnellement, je ne pense pas que cette assurance résulte seulement de la propension à imaginer des pouvoirs et des droits qu’aurait le peuple québécois. Elle s’explique aussi par l’intérêt qu’ont les dirigeants actuels d’avancer que le processus référendaire mis en place en 1974 demeure toujours valable et ne saurait être questionné. Alors, quel est cet intérêt? C’est cette question qui m’a conduit à ma deuxième hypothèse : le refus de questionner les trois autres postulats.
Le postulat référendaire exclu, les trois autres sont la prise du pouvoir, le projet de société réformiste et le bateau amiral. Après la tenue du premier référendum, le PQ s’est retrouvé devant l’impossibilité d’activer de nouveau la démarche de 1974 parce qu’il est absurde de tenir des référendums à répétition. Aussi, en optant pour cette démarche, les délégués auraient dû prévoir la réviser au terme d’un premier mandat. Évidemment, si le référendum avait été gagné, c’eut été inutile car le virage aurait été consacré la trouvaille du siècle. Dans le cas contraire, les délégués auraient fait les constats suivants : 1) le référendum a permis que soit reconnu qu’il appartient au peuple québécois de décider de son avenir; 2) les péquistes de la faction Lévesque ont pu mener à terme des réformes que le PLQ n’aurait jamais réalisées; 3) la gouvernance provinciale contient des limites par rapport à celle d’un État souverain.
Ce n’est pas ce qui s’est passé. Le référendum perdu, le PQ, René Lévesque en tête, a misé sur l’attente d’une conjoncture favorable et une bonne gouvernance permettant de maintenir le cap sur des réformes.
L’attente d’une conjoncture favorable contenait des effets pervers. L’un d’eux est de penser que seuls des événements externes peuvent provoquer un sursaut de ferveur en faveur de la souveraineté. Cette idée, très répandue chez des dirigeants péquistes, incite à imaginer, comme l’a fait René Lévesque avec le « beau risque », des stratagèmes qui provoqueraient ces événements. Un autre est l’émergence d’une pensée politique ciblée sur les erreurs des adversaires politiques provinciaux alors que le principal adversaire est le Canada contre lequel il importe d’approfondir des dossiers propres à un pays.
L’attente d’une conjoncture favorable a conduit le PQ à miser sur la bonne gouvernance et, pour la réaliser, à mettre au point un programme provincial pour courtiser les électeurs et les électrices entre deux référendums. Comme ses dirigeants savaient que cet exercice mobiliserait peu les indépendantistes, ils ont inventé toute sorte d’entourloupettes pour lier le projet de pays avec un projet de société et pour rassurer les porteurs du Pays qu’un jour une fenêtre s’ouvrira pour un autre référendum.
Ainsi, dès 1980, le PQ, de bateau amiral qu’il fut, était devenu un parti réformiste en quête de pouvoir. Il n’y a rien d’anormal à ce que des indépendantistes soient aussi réformistes, sociaux-démocrates ou altermondialistes. Toutefois, c’est erré magistralement si on prétend que le pays du Québec verra le jour seulement avec ces indépendantistes, à l’exclusion de ceux et de celles qui sont libéraux, féministes, socialistes ou conservateurs.
Dans une société démocratique, lier le projet de pays à un projet de société pour fonder un État souverain, c’est ouvrir la porte à l’existence d’un parti unique et d’une idéologie politique unique, ce qui est aux antipodes de ce qu’il faut faire. Dans une telle société, fonder un pays consiste plutôt à instituer des règles qui favorisent le débat public grâce à la présence des diverses tendances politiques. Jacques Parizeau et Lucien Bouchard l’ont clairement affirmé au référendum de 1995. Ce point est majeur. J’y reviendrais.
L’accent mis sur la gouvernance provinciale eut d’autres impacts. Avec elle, le militantisme en faveur de l’indépendance fut minimisé à la faveur d’activités conçues pour prendre le pouvoir. Dans ce contexte, comme l’avait pressenti André Le Corre (1974), une deuxième génération de péquistes est apparue. Composée de militants et de candidats, elle s’est manifestée davantage prête au compromis et à la recherche de la voie la plus facile. Pour Le Corre, dès que cette deuxième génération se manifeste, « la troisième génération, celle des profiteurs que seul le pouvoir intéresse, n’est pas loin ».
Investi de la sorte, le PQ s’est transformé en une machine électorale et ses dirigeants, en stratèges plus à l’aise au sein d’un appareil bureaucratique ou avec des organisateurs politiques qu’auprès des porteurs du Pays. Dans l’attente d’une conjoncture favorable, les dirigeants sont alors devenus obsédés par le pouvoir et eurent tendance à se persuader qu’il était la clé pour faire avancer les choses. Dès lors, le parti a stagné. C’est ce qui s’est produit entre 1980 et 1988 et reproduit de 1996 à aujourd’hui. Durant ces périodes, penser l’essentiel est devenu secondaire.
Avant 1976, les choses ne se passaient pas ainsi. La pensée scintillait. Les militants mettaient l’épaule à la roue, travaillaient les dossiers en y associant des spécialistes qui s’impliquaient bénévolement. C’est ce que réactiva Jacques Parizeau quand il a pris la direction du PQ en 1988. Ce parti est redevenu un lieu de bouillonnement au sein duquel fut préparé minutieusement le terrain et, lorsqu’il prit le pouvoir après s’être engagé à tenir un référendum en début de mandat, car la conjoncture s’y prêtait, il avait en main des dossiers bien étoffés.
Aujourd’hui, tout ça n’est plus. Le PQ mise sur les erreurs de ses adversaires et consacre le meilleur de ses énergies à huiler sa machine électorale, à suivre des dossiers au quotidien, à inclure dans son programme des éléments nouveaux venant consolider le projet de société et à hausser la popularité d’un chef contraint à un vote de confiance. Quant à l’essentiel, qui est de mettre à jour l’argumentaire et les dossiers qui conduiront au pays, il est banalisé : les débats de fond traitent du moment d’enclencher le référendum; des précisions sur le projet de pays risquent d’être extraites du programme, ce sur quoi le RIQ (2005 a et b) a attiré l’attention; des concepts vagues définissent la souveraineté; la souveraineté recherchée pourrait être celle que le chef actuel a toujours privilégié : une souveraineté dans une union confédérale.
Tout ça n’est plus parce que les porteurs du pays ne sont pas invités à le construire. Le PQ attend plutôt de cueillir le fruit des erreurs de leur principal adversaire et s’active, à l’aide d’organisateurs politiques, à miner l’ADQ pour reprendre le pouvoir. L’enjeu principal est le pouvoir. Ce n’est qu’au pouvoir qu’ils entendent établir des passerelles avec ce parti et activer la réflexion sur les dossiers clés de la souveraineté en donnant des contrats aux penseurs, amis du parti. Entre-temps, la promotion de la souveraineté a été confiée en sous-traitance au Conseil de la souveraineté à la condition que celui-ci ne sorte pas du cadre défini par le parti.
Cette logique d’action, déployée dans un univers politique provincial, est en porte-à-faux de ce qu’il faut mettre de l’avant pour fonder un pays. Éric Schwimmer (2003) a montré qu’en s’adonnant à la gouvernance provinciale, tout gouvernement souverainiste sera invité à collaborer avec le Canada parce qu’un rejet systématique de ses propositions peut hausser l’attrait de l’indépendance. Les dirigeants canadiens ont composé avec les gouvernements Lévesque, Bouchard et Landry. Il en a découlé des ententes sur différents dossiers, ce qui a donné l’impression que la souveraineté était moins urgente que l’installation d’un mode de collaboration entre les deux niveaux de gouvernement. Il y a une contradiction entre ces pratiques et le projet d’indépendance qui envisage de les rompre.
Une autre contradiction est la dépense d’énergie, de temps et de ressources à la mise au point de ces ententes comme à la recherche de solutions aux problèmes dans les champs de juridiction de la province de Québec. Plus d’une douzaine de députés et ministres péquistes m’ont fait part que leur temps et leur pensée, lorsqu’ils sont au pouvoir, en sont quotidiennement accaparés au point de ne plus trouver des moments pour réfléchit à la souveraineté, pourtant la raison fondamentale de leur entrée en politique.
Par ailleurs, comme les décisions qu’ils prennent et les lois qu’ils votent sont génératrices d’insatisfactions, ils se doivent de mettre de l’avant des politiques qui ne feront pas de vague, ne mineront pas le projet d’indépendance et permettront de conserver l’appui des électeurs et des électrices. Il s’ensuit un glissement vers le centre de l’échiquier politique. Gilles Gagné et Simon Langlois (2002) ont montré que c’est précisément ce glissement qui explique la chute du soutien à la souveraineté de la part des personnes actives sur le marché du travail. Puis, comme ces mesures engendrent des critiques venant de la droite comme de la gauche, elles contribuent à la montée de la gauche et de la droite sur l’échiquier politique québécois.
Ces contradictions sont autant de handicaps à la réflexion sur la souveraineté, à sa promotion et à sa préparation. Accepter d’être un gouvernement provincial, c’est aussi accepter les règles du parlementarisme de type britannique et se plier au décorum de l’exercice du pouvoir provincial, y compris la reconnaissance du lieutenant-gouverneur. Le temps aidant, les élus s’habituent à penser en provinciaux, à réfléchir en provinciaux et à envisager en provinciaux l’avenir du Québec.
En s’adonnant à la gouvernance provinciale, les députés péquistes sont devenus, malgré eux, les émules des députés conservateurs du Canada-Est qui ont accepté, en 1864, le projet de confédération. Comme eux, ils sont aussi devenus hostiles au rayonnement des idées républicaines et à l’implantation d’un régime politique contrôlé par le peuple et pour le peuple. Peu de députés péquistes ont fait valoir l’intérêt de mettre en place un régime républicain à l’occasion des travaux du Comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques. Il y a là un paradoxe. Le fait que le PQ n’ait pas sérieusement questionné le régime politique du Québec l’explique et permet de mieux comprendre que seuls des correctifs au régime en place aient vu le jour et que l’implantation d’une proportionnelle fut rejetée pour des raisons électoralistes alors que sa pertinence est reconnue dans un régime républicain.«
L’approche de 1974, qui a failli réussir en 1995, a permis de révéler les capacités des péquistes à gérer à l’intérieur des limites inhérentes au pouvoir provincial. Dès qu’ils les ont débordées, le parlement canadien a remis les pendules à l’heure. Le processus référendaire est désormais sous tutelle canadienne, les lois québécoises sont maintenant enrégimentées par le pouvoir de dépenser du Canada et les capacités innovatrices du Québec, financièrement asphyxiées. Le bilan n’est pas très positif : l’errance référendaire a banalisé la priorité des priorités et le PQ a amélioré ce qu’il rejetait, valorisé ce qu’il voulait changer et concouru à la dispersion des porteurs du Pays dans divers partis politiques alors qu’il cherchait initialement à les rassembler. Il y a manifestement là une dérive. Son constat oblige à rouvrir le débat pour corriger cette inversion des priorités.
Réaliser un pacte
Rouvrir le débat, c’est ce que refuse de faire le Conseil exécutif national du PQ. Au congrès de juin 2005, il propose de conserver la démarche référendaire de 1974, appliqué en 1980 et renforcé en 1995 par le Projet de loi sur la souveraineté du Québec. Seuls quelques correctifs sont envisagés : une question courte, une offre d’accord économique plutôt qu’un partenariat, une constitution initiale, un renforcement de la loi québécoise sur les consultations populaires et une invitation faite à des observateurs internationaux. Les autres éléments prévus, soit la création d’un Secrétariat à la souveraineté et la mise au point d’une coalition sous l’égide du Conseil de la souveraineté, s’apparentent, malgré leurs différences, au défunt Ministère de la Restructuration et aux Partenaires pour la souveraineté.
En fermant le débat, la proposition du Conseil exécutif national fait du projet de pays l’affaire d’un parti plutôt que celle de ceux et celles qui le portent. Or, les porteurs ne sont pas tous dans ce parti. Plusieurs sont actifs ailleurs. Dès lors, cette proposition a, une fois de plus, le défaut d’emprisonner les indépendantistes dans la démarche électoraliste du PQ. Elle le fait d’ailleurs sans dire clairement et simplement le genre de pays dont le PQ entend doter le Québec et sans que ce parti se soit assuré de l’étanchéité du processus avant de déployer l’arsenal référendaire contre lequel s’est prémuni le parlement canadien avec la loi C-20.
Tout cela m’inquiète. Lorsque la tenue d’un référendum est ainsi en joue, donner l’ordre de marche m’apparaît hautement imprudent. La loi C-20 a transformé la démarche référendaire du PQ en une affaire canadienne. Le Canada évaluera la portée de la question, soupèsera les résultats du référendum et définira les règles d’une négociation que la Cour suprême a prévu plutôt longue. Avec cette loi, le Canada a fait de la sécession à la suite d’un référendum une question interne et a invité les États tiers à une retenue exceptionnelle. Dans un tel contexte, il me semble élémentaire de se doter d’atouts imparables ou difficilement parables.
Fonder un pays ne sera jamais de tout repos parce que le peuple, qui en fait son objectif, veut par définition s’extraire du régime politique au sein duquel il s’active. Il s’oppose donc aux forces sociales de ce régime, à leurs institutions et à leurs politiques. Dans tous les cas de sécession, les promoteurs du pays doivent alors relever un double défi : 1) obtenir un soutien solide du peuple; 2) convaincre l’État dont ils veulent s’extraire de négocier un accord de sécession à défaut duquel ils devront s’en remettre aux États tiers.
Depuis l’adoption de la loi C-20, le Canada a renforcé son contrôle sur la reconnaissance externe, le deuxième défi. Cette reconnaissance externe est de loin l’enjeu principal de l’accession au statut d’État souverain. Il importe de ne jamais l’oublier. L’expression d’une majorité de Québécois et de Québécoises favorables à la création du pays du Québec ne sera qu’une reconnaissance interne. Sans une reconnaissance externe, en priorité celle du Canada, cette expression sera sujette aux aléas de tests politiques. C’est là que devient importante la solidité de la décision prise par le peuple québécois.
Comme les dirigeants péquistes persistent toujours à déployer la démarche de 1974, plusieurs porteurs du pays, dont je suis, y ont vu un risque réel que ce parti s’apprête à faire encourir au peuple québécois. C’est ce qui explique leur recherche d’alternatives dont les objectifs consistent à reprendre l’initiative, à minimiser les risques et à relever les nombreux défis que soulève une sécession.
En novembre 2003, à l’occasion de la première assemblée citoyenne du RIQ, Robert Laplante (2004) a proposé de tenir un référendum sur une constitution qui serait élaborée par une Commission spéciale de l’Assemblée nationale. Avant la tenue de ce référendum, il y aurait cependant promulgation d’une constitution provisoire inspirée de la loi 99 à laquelle s’ajouteraient une définition de la citoyenneté, la création d’une Cour suprême et la mise sur pied d’une commission spéciale dédiée à la rédaction de la Constitution du Québec. Cette constitution provisoire identifierait aussi les balises québécoises d’une entente à venir avec le gouvernement du Canada sur le partage des biens et de la dette et sur la dévolution des pouvoirs. Si le référendum sort gagnant, il devient exécutoire.
En mai 2004, l’Union des forces progressistes (UFP)#7 a adopté une position analogue. Après la prise du pouvoir, la préparation d’un projet de constitution serait confiée à une Assemblée constituante dont les membres seraient élus au suffrage universel, direct et proportionnel avec une représentation égale d’hommes et de femmes. Ce projet serait soumis par la suite à la ratification lors d’un référendum. Gagné, il devient exécutoire.
Puis, coup de théâtre : en août 2004, Jacques Parizeau (2004) relance l’idée de Robert Laplante mais en modifie un peu le tir. Plutôt qu’un référendum sur une constitution, il prône d’en tenir un, décisif, sur un cadre constitutionnel, qu’il a qualifié de provisoire au sens où ce cadre baliserait le travail d’une Assemblée constituante qui préparerait un projet de constitution que le peuple québécois serait invité à approuver après qu’il se soit doté d’un État souverain. Pour Parizeau, un référendum gagné portant sur ce cadre permettrait de proclamer l’indépendance et d’enclencher rapidement des négociations avec le Canada.
D’une certaine façon, les propositions de Parizeau et de l’UFP sont des reformulations de l’approche du PQ dans son programme de 1973 alors que celle de Laplante va plus loin en préconisant des gestes de rupture préalables à la tenue du référendum afin de reprendre l’initiative. Si ces propositions permettent d’éviter que le Canada évalue la question, elles ouvrent toutefois la porte à des questionnements sur le sens du vote puisqu’il porterait à la fois sur une constitution ou un cadre constitutionnel et sur un accord en faveur de la création du pays. Ce point est cependant secondaire. Avec ces propositions, l’évaluation des parlementaires canadiens du soutien obtenu demeure. De plus, l’intervention d’États tiers, ce que cherche à contrer la loi C-20, reste toujours hautement problématique parce que ces propositions, en optant pour un référendum, s’inscrivent dans la mire de cette loi.
Ces propositions ont eu certains échos dans le cadre de La saison des idées du PQ. Aucune n’a toutefois été retenue par le conseil exécutif national. La proposition de Robert Laplante, considérée attaquable sur le plan constitutionnel, fut rejetée par Bernard Landry. Quant à la proposition de Jacques Parizeau, moins vulnérable sous cet angle, elle a été peu débattue. Un sort analogue fut réservé à la proposition de l’UFP.
En régime démocratique, il y a aussi la voie électorale pour enclencher un processus sécessionniste. Cette voie était très prisée dans les années 1970. Ses adeptes préconisaient alors l’adoption d’une motion à l’Assemblée nationale par une majorité d’élus qui se sont clairement engagés à créer le pays du Québec. Cette façon de faire a été récemment réactivée par Sasha-Alexandre Gauthier (2003) et Richard Gervais et al. (2004) du Cercle Godin-Miron.
Leur approche suppose une campagne électorale au cours de laquelle des candidats et des candidates indépendantistes se font élire sous la bannière péquiste ou autrement. S’ils sont majoritaires à l’Assemblée nationale, ils procèdent. Cette approche, qui était celle PQ en 1973, s’inspire des règles propres au régime parlementaire britannique selon lesquelles le parti au pouvoir a le mandat de réaliser sa plate-forme électorale. Si celle-ci ne fait pas allusion à un référendum, il n’y est pas tenu. Comme le Canada s’est constitué sur cette base, les péquistes estimaient, comme les rinistes avant eux, légitime de procéder ainsi.
Il n’y avait pas que ce motif. À l’époque, le projet était associé à la nation canadienne française localisée au Québec. Pour de nombreux péquistes, comme l’a rappelé André Le Corre (1974), le peuple qui devait décider de son destin était de souche française. Aussi, misaient-ils sur la prise du pouvoir et s’opposaient à la tenue d’un référendum parce qu’ils y voyaient deux obstacles : 1) l’activation des fédéralistes pour déstabiliser le gouvernement et saboter le référendum à l’aide d’une propagande mensongère; 2) un vote négatif de la majorité de la population d’ascendance anglaise du Québec qui, représentant alors 20 % de la population du Québec, obligeait d’avoir l’aval de plus de 60 % de la population d’ascendance française.
Grosso modo, c’est ce qui s’est produit en 1980 et en 1995. On comprend dès lors pourquoi l’idée d’une déclaration d’indépendance après un vote d’une majorité de députés ait refait surface. Chez Gauthier, l’argumentaire évacue toutefois toute allusion aux caractéristiques ethnoculturelles des Québécois et des Québécoises. Il fait plutôt référence aux analyses de Jean Charpentier (1982) relatives aux indépendances d’ex-colonies et aux cas de la Norvège, du Canada et de l’ex-Tchécoslovaquie.
Sa proposition avance qu’un parti, qui fait élire plus de 50 % des députés, procède indépendamment du fait qu’il n’a pas l’appui de 50 % des votes exprimés. C’est aussi la position du Cercle Godin-Miron. Pour Gauthier, cette façon de faire se justifierait encore plus si les élus parviennent à rallier d’autres députés dans une coalition, comme en Slovaquie. Dans ce cas, le gouvernement du Québec serait en droit de demander au parlement canadien de négocier la sécession et, advenant un refus, de déclarer unilatéralement l’indépendance du Québec et de chercher à la rendre effective.
Bien que légale, cette proposition a le défaut d’avoir déjà été rejetée à la faveur de la tenue d’un référendum qui, entre autres, eut pour conséquence d’introduire une frontière, soit l’obtention d’un soutien au-delà de 50 % des votes exprimés, avant d’enclencher le processus menant à la sécession. Cette frontière existe aussi lorsque la voie choisie est électorale, ce qu’a rappelé Viva Ona Bartkus (1999). Aussi, le Canada pourrait-il de refuser de négocier tant qu’elle n’a pas été franchie.
En fait, une proposition de ce genre peut conduire à une négociation rapide seulement s’il y a entente préalable entre le Québec et le Canada pour procéder. C’est ce qu’ont fait les Tchèques et les Slovaques avant de dissoudre la Tchécoslovaquie. C’est aussi ainsi qu’est né le Canada. La Grande-Bretagne, qui était l’autorité politique souveraine à l’époque, a donné son aval à cette naissance. Sans lui, le Canada ne se serait pas né en 1867. Lors du rapatriement de la constitution en 1982, la Grande-Bretagne a aussi donné son aval.
Les propositions Gauthier et du Cercle Godin-Miron ont été indirectement critiquées. En commentant les propositions de Laplante et de Parizeau, des critiques de la politique québécoise ont présumé qu’elles suggéraient de procéder sans l’obtention d’une majorité absolue des votes exprimés, ce qui, à leurs avis, leur enlevait toute légitimité. Or, Laplante et Parizeau n’ont jamais dit cela. Ils ont plutôt avancé que le processus serait enclenché après la tenue d’un référendum sur une constitution ou un cadre constitutionnel. Seuls Gauthier et le Cercle Godin-Miron ont proposé de procéder sans l’appui d’une telle majorité.
Par leurs propos, ces critiques ont implicitement reconnu la légitimité d’un processus activé après une élection au cours de laquelle des candidats et des candidates, prônant l’indépendance du Québec, obtiennent une majorité absolue des votes exprimés. Ce point est très important. Si le chef actuel du PQ banalise une telle élection, Jacques Parizeau et Jean-François Lisée m’ont signalé que l’obtention d’une majorité absolue lors d’une élection de ce type serait une voie royale, mais qu’il est très difficile de s’y engager dans un système électoral qui pousse les candidats et les candidates à s’affronter pour se faire élire sous la bannière de partis prônant des projets de société.
Rompre avec la logique électoraliste, qui est le piège dans lequel fut enlisé le mouvement souverainiste avec le virage de 1974, est ce à quoi invite un pacte entre partis et groupes qui prônent l’indépendance du Québec. J’ai esquissé cette idée avec André Campeau (Claude Bariteau et André Campeau, 2004). D’autres, dont Patrice Boileau (2004), en font la promotion. Elle a ses opposants, principalement les personnes qui questionnent la valeur d’un mandat obtenu lors d’une élection et celles qui estiment irréaliste cette idée dans un système électoral au sein duquel le tripartisme tend à s’implanter.
Le premier argument ne tient pas la route si la plate-forme électorale fait de la création du pays la priorité des priorités. Dans un tel cas, je ne vois pas comment on peut prétendre que les électeurs et les électrices ne seraient pas bien informés. Un référendum n’est pas nécessairement plus clair. Andrée Lajoie (2000) a signalé qu’une question demandant aux Québécois et Québécoises s’ils veulent que le Québec devienne un pays n’est pas exempte d’ambiguïté, le terme « pays » ayant plus d’un sens.
Le deuxième argument est valable dans un contexte où le tripartisme est implanté ou si des partis, favorables à l’indépendance du Québec, ne s’entendent pas pour présenter une plate-forme commune. Dans un système à trois partis, si chacun d’eux présente un projet provincial de société et qu’un seul y accole un projet de pays, il n’est pas déraisonnable d’imaginer que le parti qui prône le projet de pays n’obtienne pas 50 % + 1 des votes exprimés, car des indépendantistes peuvent refuser de voter pour le projet de société du parti qui prône le projet de pays. Dans un contexte multipartiste où plus d’un parti s’affiche indépendantiste, les résultats seraient probablement les mêmes, c’est-à-dire qu’aucun parti n’aurait plus de 50 % des votes exprimés, mais il y aurait peut-être une majorité absolue en faveur de l’indépendance. C’est ici qu’un pacte prend son sens. Il permet de transformer l’élection provinciale en un mandat donné aux candidats et candidates indépendantistes pour faire le pays.
Pour réaliser un tel pacte, il y a deux défis importants à relever. Le premier consiste à convaincre des politiciens et des politiciennes, qui s’opposent sur des projets de société et luttent pour se faire élire dans des comtés, à travailler ensemble pour édifier le pays du Québec, ce qui fut le cas lors du référendum de 1995; le deuxième, à persuader ces derniers d’accepter, le temps de fonder le pays, de s’entendre sur le choix des candidats et des candidates.
Personnellement, je pense que les arguments en faveur du pacte devraient y contribuer. L’argument le plus important est l’éparpillement actuel des porteurs du Pays dans divers partis politiques du Québec. Un récent sondage, commenté par Tommy Chouinard (2004), indique que la souveraineté est le choix de plus de 45 % des répondants et des répondantes. Ce même sondage révèle que le PQ reçoit l’appui de 22 % d’électeurs et d’électrices fédéralistes tandis que le PLQ et l’ADQ ont, respectivement, le soutien de 12 % et 54 % d’électeurs et d’électrices souverainistes. Cette situation perdure depuis 2000, année au cours de laquelle Pierre Drouilly et Pierre-Alain Cotnoir ont révélé des résultats quasi identiques dans un sondage réalisé pour la Société nationale des Québécois et Québécoises de la Capitale (2000).
Cet éparpillement avantage les opposants à la souveraineté et fait que les porteurs du pays n’arrivent pas à pressentir un mouvement en marche. Selon Jean-François Lisée, si chaque porteur du Pays était assuré que tous les autres voteraient en sa faveur, l’appui à la souveraineté dépasserait de loin 50 %. Ces propos, rapportés par Mylène Moisan (2004b), sont un argument de taille en faveur d’un pacte. Sa mise au point permettrait de révéler la marche en cours que neutralisent des divisions associées à des stratégies électoralistes.
Un troisième argument a été avancé par Lise Payette (2003). Cette dernière, après avoir rappelé que le projet de pays n’est pas l’apanage du PQ, estime qu’il aurait plus de chance de se réaliser s’il était repris autrement afin de permettre à des adéquistes et à des libéraux de s’y associer. Un pacte, à mon avis, est une façon de concrétiser cette suggestion.
Je rappelle ici que René Lévesque a jonglé, en 1974, avec l’idée d’une coalition, qu’il a jugée alors prématurée, entre le PQ et le Crédit social du Québec. Pour lui, il fallait « qu’il y ait un accord sur les objectifs de base que véhicule le PQ » (Lévesque, 1974). La coalition n’a pas vu le jour même si l’objectif de souveraineté était partagé. Trente ans plus tard, les promoteurs du pays, qui sont autour de 50 %, se divisent toujours sur des projets de société. Il y a là un problème. La tenue d’un référendum permettait de le contourner à l’avantage des dirigeants péquistes qui, le référendum gagné, se retrouvaient à la tête du pays, ce qui a toujours indisposé des indépendantistes. La loi C-20 a piégé cette démarche. En choisir une autre s’impose. Un pacte en est une en autant qu’il vise uniquement à fonder le pays, permette que des indépendantistes aux visées sociales différentes participent à son édification et évite toute fusion du genre de celle qui a conduit à la création du PQ.
À mon avis, ce pacte devrait avoir pour assise l’édification du pays, le cadre politique du « vivre ensemble », un mécanisme de sélection des candidats et des candidates et le maintien des politiques actuelles, à moins d’ententes entre les signataires pour les modifier. Après la prise du pouvoir avec plus de 50 % des votes en faveur de l’ensemble des candidats et des candidates du pacte, il y aurait le déploiement immédiat du processus législatif dotant le Québec d’un État indépendant et la création des institutions appropriées en vue du transfert des responsabilités par sécession : parlement souverain, Cour suprême, droit pénal, monnaie, citoyenneté, passeport, douanes, armée, ministère des Relations internationales, ministère des Communications et des Télécommunications, etc., ce que prévoyait le Projet de loi sur la souveraineté du Québec adopté en septembre 1995.
Pour ce qui est du parlement, le poste de lieutenant-gouverneur deviendrait celui d’un président dont les responsabilités seraient précisées. Durant la transition, il y aurait maintien du système parlementaire jusqu’à son remplacement par celui défini dans la constitution et préparation d’une constitution par une Assemblée constituante qui s’inspirerait des principes sur lesquels se sont entendus les signataires. Parallèlement à ces activités, il y aurait une négociation avec le Canada pour préciser le processus de sécession du Québec, des contacts auprès des trois États signataires de l’ALÉNA pour que le Québec en devienne le quatrième, des ententes avec des États tiers et des démarches auprès d’organismes internationaux, en priorité les Nations Unies, pour y préparer l’entrée du Québec.
Ainsi défini, ce pacte révélerait la maturité et la volonté du peuple québécois. Son principal avantage est de faire du projet de pays le centre des débats et de mettre en mode action les porteurs du pays quels que soient les projets de société qui les préoccupent. Dans cette perspective, le BQ pourrait servir d’éclaireur pour façonner les contours du pays et de conseiller pour faciliter la mise au point du pacte, tandis que le Conseil de la souveraineté aurait un rôle majeur de catalyseur.
Légitime et légalement reconnue, cette approche, si elle débouche sur une victoire des candidats et des candidates du pacte à plus de 50 % des votes exprimés, permet de transformer de facto l’Assemblée nationale et le parlement en des institutions de l’État souverain du Québec. Avec elle, le peuple québécois reprend l’initiative. Il n’y a plus d’évaluation de la question et du pourcentage des réponses. Après une déclaration d’indépendance, il y aurait demande au Canada de négocier dans les plus brefs délais la sécession du Québec, car les élus n’auraient que ce mandat. Au terme de cette négociation ou en l’absence de négociation à la suite d’un refus du Canada ou d’un comportement jugé tel par des observateurs, il y aurait promulgation de l’indépendance. Dans l’éventualité où un référendum s’avérait opportun, il serait tenu sous l’autorité du Québec en présence d’observateurs d’organismes internationaux.
Si le Canada peut refuser de négocier, il peut aussi envoyer l’armée, idée avec laquelle il a jonglé, en 1974 et en 1995, pour protéger ses biens canadiens en sol québécois, bloquer l’accès à l’Assemblée nationale ou emprisonner les élus. Je suis peu enclin à penser qu’il s’adonnera à de tels comportements, car, l’indépendance déclarée immédiatement après l’élection, l’envoi de l’armée canadienne devient un geste d’agression qui exposerait négativement le Canada sur la scène internationale.
De plus, cette approche a le mérite de placer les élus dans une position avantageuse pour faire intervenir divers acteurs. Le Québec — c’est reconnu — peut faire de la monnaie canadienne sa monnaie officielle. Son économie est liée à celle des États du nord-est des États-Unis, où il vend plus qu’il n’achète, et à celle de l’Ontario, où il achète plus qu’il ne vend. Enfin, le Canada est associé aux États-Unis dans le cadre du NORAD et est membre de l’ALÉNA. Ce sont là des atouts. Il y en a d’autres. À l’échelle internationale, les mesures de sécurité et l’intégration économique contribuent, selon Viva Ona Bartkus, à la viabilité(8) de l’indépendance des petites nations celles des Catalans et des Québécois et favorisent des déblocages lorsqu’un État d’origine refuse de négocier de bonne foi, ce qui, dans le cas du Canada, consisterait à nier, selon cette auteure, les principes sur lesquels furent créées ses propres institutions.
Il y a quatre autres avantages à mettre en place un tel pacte. Le premier est l’élaboration d’un argumentaire commun pour faire la promotion du pays. Le deuxième est le dévoilement de l’univers politique dans lequel s’établira et s’ajustera le « vivre ensemble » québécois. Le troisième est la multiplication des promoteurs dans tous les milieux au sein desquels s’activent actuellement les futures citoyennes et les futurs citoyens du Québec. Le quatrième, le plus important, est l’entente qui en découlera, car, avec elle, il y aura enracinement du projet de pays chez les Québécois et Québécoises de toutes origines et de tous milieux.
Conclusion
Si un tel pacte avait eu lieu en 1968, le virage de 1974 ne se serait pas produit, ni la liaison entre le projet de pays et un projet de société. En proposant un pacte, mon but est de rouvrir un débat qui a conduit à des choix aujourd’hui questionnables. Ils le sont à cause principalement de la présence de la loi C-20 et de l’éparpillement des porteurs du pays dans différents partis politiques au moment où près de 50 % d’entre eux veulent un pays. Dans un tel contexte, reconduire ces choix serait, à mon avis, faire preuve d’une grande imprudence.
Il n’y a pas de recette pour fonder un pays. Chaque peuple en invente une en fonction des contextes politiques. Inspirée des trajectoires des pays devenus récemment souverains, ma proposition invite au regroupement des porteurs du Pays. Avec elle, l’alignement est clair; l’action, immédiate; la précision du pacte, un travail urgent; la conclusion du pacte, une question de temps; l’engagement, fortement enraciné; la prise du pouvoir, un renversement de l’ordre politique; la création d’institutions d’un État souverain, des décisions légitimes; la négociation de la sécession, une démarche recevable au Canada; l’intervention de tiers États, grandement facilitée; la signature de traités avec le Canada, quelque chose d’acceptable au Canada; la transition, une gestion collective sous le regard des porteurs du Pays; la proclamation de l’indépendance, un moment solennel associé à la reconnaissance du Québec par les Nations Unies.
En 1988, il n’était écrit nulle part que la détermination de Jacques Parizeau conduirait au seuil de la fondation du Québec. Il n’est écrit nulle part que la mise au point d’un pacte ne suscitera pas une profonde réactivation du mouvement. Si des hommes et des femmes, de tendances politiques opposées, tous promoteurs de l’indépendance du Québec, parviennent à dessiner les contours d’un pacte, ils traceront le chemin à suivre. Ce type de rapprochement, toutes les propositions le préconisent. Avec ma proposition, la différence est de le faire maintenant pour sortir des sentiers battus et d’inviter les porteurs du Pays, de tout horizon, à une trêve pour faire l’essentiel : le pays du Québec.
Le Canada cherchera à contrer ce pacte et, s’il prend forme, à le déstabiliser. Il a procédé de la sorte en 1973. Il a fait de même en 1976 et en 1980. Il a agi ainsi en 1994 et en 1995. En 1998 et en 2003, il a poursuivi son action en vue de bloquer tout rapprochement entre les Québécois et les Québécoises de toutes origines et de tous milieux afin de les empêcher de faire de grandes choses ensemble. C’est à ce jeu auquel Bob Rae (2005) invite le Canada en lui disant de supporter Jean Charest, car, quand il place les séparatistes sur la défensive, il remplit à son meilleur le rôle qui lui convient. Le Canada peut acheter tout ce qui s’achète et soudoyer tout ce qui se soudoie. Là n’est pas le problème. Il réside plutôt dans la difficulté qu’ont les porteurs du Pays de se voir comme les conçoivent les propagandistes du Canada, soit des ennemis, et de voir ainsi les opposants à leur projet. Charles Taylor n’a pas tort. Les sécessionnistes sont des ennemis. Leurs opposants en sont aussi. Alors, plus le projet de sécession s’enracinera, moins il aura d’ennemis. S’affirmera plutôt un peuple pour se libérer du régime qui l’asservit. C’est sur cette base que des peuples se dotent d’un État souverain. Sinon, ils disparaissent, vaincus.
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