25 ans de contribution essentielle à l’imaginaire collectif québécois

Le 21 juin 1995, à l’aube de la deuxième campagne référendaire sur la souveraineté du Québec, cent intellectuels québécois enfourchent la « ligne du risque » si chère à notre grand essayiste Pierre Vadeboncoeur et s’engagent dans le débat référendaire. Ils le font en lançant le manifeste Oui au changement où ils définissent leur posture en tant qu’intellectuels engagés, se réclamant de la tradition d’engagement de plusieurs intellectuels québécois dans le développement du Québec moderne et de la liberté d’esprit, d’opinion et d’expression. Les IPSO sont nés.

Le 21 juin 1995, à l’aube de la deuxième campagne référendaire sur la souveraineté du Québec, cent intellectuels québécois enfourchent la « ligne du risque » si chère à notre grand essayiste Pierre Vadeboncoeur et s’engagent dans le débat référendaire. Ils le font en lançant le manifeste Oui au changement où ils définissent leur posture en tant qu’intellectuels engagés, se réclamant de la tradition d’engagement de plusieurs intellectuels québécois dans le développement du Québec moderne et de la liberté d’esprit, d’opinion et d’expression. Les IPSO sont nés.

Depuis maintenant 25 ans, ils s’emploient solidairement auprès de leurs concitoyens à préciser, à articuler et à enrichir de leur recherche et de leur savoir une vision de l’avenir collectif du Québec. Sans cesse ils s’efforcent de faire les liens entre les aspirations collectives de la population et l’urgence d’un changement de régime politique pour lui permettre de s’épanouir pleinement.

Les OUI Québec saluent les précieuses contributions des IPSO à la réflexion sur l’avenir de la nation québécoise. Au fil des ans, ils ont développé un solide argumentaire en faveur de l’indépendance, en démontrant son potentiel sur les questions de langue, de culture, d’accueil et d’intégration des immigrants, d’environnement, de décentralisation et de développement régional, d’économie et de politiques sociales, sur nos rapports aux Premières Nations, à la mondialisation, ou aux relations internationales, pour ne nommer que quelques-uns des nombreux angles qu’ils ont abordés. Enfin, la spécificité de l’engagement des IPSO et la constance dont ils ont fait preuve dans leur implication ajoutent à la force et à la vitalité du mouvement citoyen dont ils se réclament à juste titre. Ils méritent toute notre considération.

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts

Le Québec d’aujourd’hui n’est pas celui de 1980, ni même encore celui qui, en 1995, tenait un deuxième référendum sur son indépendance. À plus d’un chapitre, des progrès spectaculaires se sont opérés depuis la Révolution tranquille. Au fil des ans, les Québécoises et les Québécois ont vu globalement leur statut et leurs conditions continuer de s’améliorer. Bref, elle est bien loin, l’époque où on pouvait parler des « nègres blancs d’Amérique » pour tenter d’illustrer la domination et la discrimination faites aux Canadiens français, dans l’embauche, dans les commerces, dans la vie sociale ou encore dans la fonction publique fédérale. Il faut se réjouir de ces changements. Il faut être fier des progrès accomplis. Surtout, il faut garder la flamme, conserver le goût d’entreprendre et le désir de bâtir la société québécoise de demain à partir d’une vision et de valeurs qui nous sont propres.

Ces changements militent certes pour un renouvellement du projet et du discours indépendantiste. Les IPSO doivent continuer à y travailler. Ils excellent à démontrer le poids du cadre national sur la capacité de développement d’un peuple. En aucun cas cependant, les améliorations arrachées de haute lutte lors des cinquante dernières années ne disposent de la question nationale, pas plus qu’elles n’entachent la légitimité du désir d’autonomie et de liberté du peuple québécois. En ce sens, nous faisons nôtre cette brillante affirmation de Gaston Miron qui rappelle que « tant que l’indépendance n’est pas faite, elle reste à faire ».

Plusieurs grands défis continuent d’interpeler les Québécoises et les Québécois tant au plan social qu’économique. De nouveaux enjeux et de nouvelles préoccupations sont apparus avec, par exemple, la question de la crise climatique, avec les pressions migratoires qui caractérisent le XXIe siècle, avec les effets incontrôlés du passage au numérique sur la culture et sur la pérennité des médias, en passant par l’inconfort grandissant devant nos rapports aux Premiers Peuples.

Bref, les raisons de nous donner un pays ne manquent pas. Tout cela ne peut cependant se résoudre en se contentant de produire un argumentaire ou même en organisant une nouvelle consultation populaire, quelles qu’en soient l’importance ou les modalités novatrices et mobilisatrices. Le moteur principal de l’action demeure la volonté du peuple québécois, nourri depuis des siècles de multiples apports ethnoculturels, de continuer à vouloir se faire respecter et à vivre sa différence en terre d’Amérique.

Des lendemains de référendum qui laissent des traces

La réplique d’Ottawa aux référendums de 1980 et de 1995 a été féroce et particulièrement pernicieuse. À défaut de pouvoir ou de vouloir accorder un traitement un tant soit peu équitable et égalitaire à ses nations historiques, l’État canadien s’est employé à dénationaliser le Canada. La constitution de 1982 présente les Premières Nations comme un magma indifférencié, tout en faisant l’impasse sur la personnalité et les droits de chacun et en niant toute autre trace de dualité nationale. Enterrement de grande classe pour la thèse des « deux peuples fondateurs ». Le Canada est désormais, et plus que jamais, un État postnational où une majorité côtoie une multitude de communautés culturelles laissées à elles-mêmes, sans le moindre souci d’intégration ou de cohésion sociale. Ce faisant, le Canada tente de tuer dans l’œuf tout repère et toute critique quant à l’intérêt national qu’il dessert au quotidien. Commode oui, mais combien grotesque et odieux !

Par-delà leurs différentes options à l’égard de la question nationale, dans une belle unanimité, les Québécois, tous partis politiques confondus, refusent toujours de signer la constitution de 1982. Néanmoins, les référendums passés ont laissé des traces et les incitent, chacun à leur façon, à souvent éradiquer la dimension nationale de nos problèmes de société. Ces postures, couplées à la propagande postnationale du Canada, sont source de confusion quant à la lecture que fait le peuple québécois de son avenir et de son intérêt national.

Qu’on le veuille ou non, les États nationaux demeurent les maîtres d’œuvre de plusieurs décisions sensibles, comme l’illustre parfaitement l’arrivée au pouvoir d’un Donald Trump, sur le retrait américain de l’Accord de Paris. Tout ne se résume pas aux orientations idéologiques des dirigeants. On ne voit définitivement pas du même œil l’avenir de la planète, selon que la question se pose à partir du Québec ou à partir du Canada, qui a décidé, parce qu’il s’agit d’une pétroéconomie, d’acheter le pipeline Trans-Mountain. C’est dire toute la pertinence du créneau qu’occupent les IPSO, en s’opposant à toute dénationalisation arbitraire des choix et des décisions étatiques. Cette contribution est majeure quand on sait que les Québécois ne feront pas l’indépendance simplement pour troquer la feuille d’érable contre la fleur de lys.

Le glissement vers une dénationalisation des enjeux est évident quand on constate que ces dernières semaines, deux propositions ont été faites par des Québécois pour élargir le débat sur la relance du Québec de « l’avec » et de « l’après-COVID-19 ». La première suggérait, avec une certaine pertinence, de faire les liens qui s’imposent avec les enjeux climatiques et avec un modèle de développement qui prend davantage en compte les besoins sociaux, sans aucune mention, toutefois, de la dimension nationale de ces enjeux. La seconde allait plus loin encore et suggérait la tenue d’un forum virtuel pancanadien. C’est tout dire. Voilà pourtant un espace que les groupes nationalistes comme les IPSO et comme les OUI Québec, par exemple, doivent aussi être invités à occuper.

Et si nous misions à nouveau sur le dialogue social

S’il y a un phénomène qui doit aussi nous alerter, c’est bien l’urgence de renouer avec un large dialogue social visant à faire le point sur l’état de la nation québécoise et à se projeter collectivement vers l’avenir. Où allons-nous ? Que sommes-nous en train de devenir ? Voilà des questions fondamentales qui ont rythmé à des moments charnière notre parcours comme peuple québécois, parfois dans des réflexes défensifs de repli, parfois dans des périodes plus porteuses d’espoir comme celle entourant la Révolution tranquille, où nous pouvions faire preuve d’audace et avoir des débats corsés, tout en réussissant à accoucher de consensus forts et de projets qui ont su rallier et qui ont fait avancer le Québec.

Il semble aujourd’hui que l’existence de positions constitutionnelles divergentes ait laissé chacun sur ses gardes et asséché ce puissant réservoir d’imaginaire collectif. Cette attitude est mortifère pour chacun et pour notre avenir comme nation québécoise. Il est grand temps de se ressaisir. Voilà un beau chantier pour les forces vives du Québec, pour les IPSO et pour tous les intellectuels de bonne volonté.

 

Présidente des OUI Québec

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