J’avais dix-huit ans lorsque j’ai connu Andrée Ferretti. Je l’ai instantanément aimée, et pour toujours, lorsqu’elle est sortie seule de sa petite voiture, pour prononcer en 1965 une conférence que j’avais organisée au Séminaire Sainte-Thérèse, devenu par la suite le cégep Lionel-Groulx. J’avais d’abord téléphoné à Pierre Bourgault, qui avait refusé mon invitation avec véhémence, excédé de toutes ces invitations qu’il recevait sans compensation financière. Au téléphone, Andrée Ferretti m’avait exhortée de terminer la conférence à temps pour retrouver ses enfants, en fin d’après-midi. Cette conciliation militantisme et maternité, si rare à l’époque, m’avait impressionnée. Puis membre du RIN, j’avais suivi son parcours, sa candidature dans le comté de Laurier en 1966, son incarcération en 1970, suite à la Loi des mesures de guerre.
Dès 1970, j’avais fait le choix du Parti québécois, mais je partageais sa vision de l’indépendance du Québec comme projet d’émancipation politique et d’ouverture sur le monde, à l’opposé d’un projet de nationalisme ethnique.
Et puis, Andrée Ferretti s’est mise aux études de philosophie et à l’écriture. Des essais, des romans, qui sous toutes les formes possibles parlaient de liberté. J’ai été éblouie. Je lui ai écrit pour le lui dire, Renaissance en Paganie, Benedicte sous enquête et autres, à chaque fois j’étais comblée. Grâce à elle, je me suis mise à m’intéresser à Spinoza que je ne méconnaissais pas. J’ai lu, suivi des conférences sur ce philosophe de la joie qu’elle appréciait tant. Cela ne m’étonnait pas venant d’elle si lumineuse et indomptable.
Et puis, il y eut son installation à Farnham où je suis allée la visiter, son étroite collaboration avec Gaston Miron, parfois présent, et leur anthologie en ١٩٩٢, Les Grands textes indépendantistes, qu’elle poursuivra en 2004 pour un tome deux. Elle aimait profondément le Québec, assez pour secouer sa torpeur ! Je me considère privilégiée de l’avoir côtoyée. u
* Députée du Parti québécois (1981-2007), ministre (1984, 1994-2002) et présidente de l’Assemblée nationale (2002-2003).