Être attentif aux leçons du passé

Au début des années 1960, on projetait construire une autoroute surélevée dans l’emprise de la rue de la Commune. Le projet était dans l’air depuis quelques années et les ingénieurs responsables soutenaient que c’était la seule solution possible.

Au début des années 1960, on projetait construire une autoroute surélevée dans l’emprise de la rue de la Commune. Le projet était dans l’air depuis quelques années et les ingénieurs responsables soutenaient que c’était la seule solution possible. Le Vieux-Montréal en aurait été sérieusement affecté et les vestiges de la fondation de Montréal, aujourd’hui mis en valeur par le musée Pointe-à-Callières, auraient assurément été détruits. Quelques professionnels de la ville et du port de Montréal et deux architectes-urbanistes, Blanche Lemco van Ginkel et Sandy van Ginkel, n’entendaient pas se contenter d’être témoins du désastre. Les van Ginkel se sont lancés dans une critique sans compromis du projet et ont osé proposer une alternative. Mal leur en prit. Les ingénieurs les ont menacés de poursuite pour pratique illégale du génie, au motif que seuls les ingénieurs pouvaient décider du tracé d’une infrastructure. Heureusement, le bon sens a prévalu et l’autoroute a été construite en tranchée au nord du Vieux-Montréal.

Deux décennies plus tard, un important promoteur immobilier dévoile un projet d’un édifice commercial et d’une salle de concert devant être implanté rue McGill College. L’immeuble doit empiéter sur l’emprise de la rue, ce qui aurait irrémédiablement obstrué en partie le corridor visuel à l’extrémité duquel se profile le mont Royal. Contre toute attente, Héritage Montréal et la Chambre de commerce unissent leurs efforts pour contrer ce projet soutenu par un Jean Drapeau assuré d’être dans son bon droit et qui n’entend pas céder. Une consultation publique, menée en bonne et due forme et en dépit de l’opposition du maire de Montréal, oblige l’administration municipale et le promoteur à retraiter. Le gâchis est évité et la perspective exceptionnelle, vantée par les promoteurs de la place Ville-Marie dès la fin des années 1950, pourra finalement être mise en valeur.

Au même moment, le gouvernement canadien entend faire du vieux port une réplique de celui de Toronto, livré en pâture aux promoteurs immobiliers. Les Montréalais ont une autre vision des choses. Ils souhaitent un espace public – une fenêtre sur le fleuve – qui donne accès au Saint-Laurent et où le patrimoine portuaire est mis en valeur. Les critiques du projet défendu par le gouvernement fédéral s’amplifient, mais les responsables font la sourde oreille. Une mobilisation citoyenne, qui s’étendra sur quelques années, permettra de faire prévaloir le point de vue citoyen. Montréal peut aujourd’hui se targuer d’avoir un Vieux-Port dont on reconnaît internationalement les mérites.

Ces expériences montrent que prendre son temps, ce n’est pas perdre son temps, surtout quand les enjeux d’un projet sont de première importance et que l’ensemble de ses retombées, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, est appelé à être durable. Le dossier du transport collectif dans l’Est montréalais est assurément un de ceux-là. Or, comme c’est habituellement le cas, la précipitation avec laquelle on procède avec le REM de l’Est est, de toute évidence, bien mauvaise conseillère. C’est pourquoi un temps d’arrêt s’impose pour revoir la conception tronquée du transport collectif qu’on cherche à imposer.

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