La liberté dans les yeux du peuple

J’ai lu Andrée Ferretti bien avant d’en faire la connaissance. Pour les indépendantistes ses prises de position, ses textes étaient des incontournables. Ils ne faisaient évidemment pas l’unanimité, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais ils donnaient à penser, ce n’est pas peu dire. Et c’était essentiel pour un mouvement qui se déploie dans le […]

J’ai lu Andrée Ferretti bien avant d’en faire la connaissance. Pour les indépendantistes ses prises de position, ses textes étaient des incontournables. Ils ne faisaient évidemment pas l’unanimité, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais ils donnaient à penser, ce n’est pas peu dire. Et c’était essentiel pour un mouvement qui se déploie dans le temps long de l’Histoire.

À les relire aujourd’hui, force est d’admettre qu’elle a souvent eu raison Andrée Ferretti. Ses craintes à propos des dérives clientélistes, sa méfiance à l’endroit des opportunistes toujours prêts à troquer les principes pour des gains à court terme, sinon à courte vue, qui pourrait dire qu’elles n’étaient pas fondées même si elles avaient le don d’enrager les dirigeants et d’irriter les mous du caractère, les mollassons de la tactique ?

À notre première rencontre, j’ai été frappé non pas par les traits de la passionaria et sa formidable capacité d’emportement, mais bien plutôt par la joie qu’elle incarnait. Une joie plus souvent tranquille qu’exubérante et que j’ai commencé à partager avec elle dans la phase, disons, intellectuelle de son parcours. Je l’ai connu personnellement alors qu’elle préparait avec Gaston Miron le recueil Les grands textes indépendantistes. Nous avons alors eu des échanges toujours enrichissants, quoique trop épisodiques. Nous avons eu grand plaisir à travailler ensemble à la préparation du numéro spécial de la L’Action nationale consacré à Louky Bersianik.

Ses romans continuent de m’accompagner. Mais ce qui m’habite le plus quand je pense à elle, c’est la remarque qu’elle m’a faite à l’occasion d’un souper que nous partagions à sa maison de campagne. C’était en octobre, un mois propice aux bilans. Quand je lui ai demandé ce qu’elle retenait le plus de son parcours, elle m’a fait une réponse qui la résume tout entière. « J’ai eu le bonheur, dit-elle, de militer dans les premiers moments de l’histoire moderne de notre combat national. J’ai eu la joie de voir dans le regard des ouvriers et des ouvrières qui s’éveillaient à l’idée d’indépendance la lueur de la liberté. J’ai vu dans leurs yeux la fierté d’un peuple qui se redresse. C’était un moment fort où les Canadiens français se donnaient le goût du Québec. Le goût de la liberté. »

Elle n’aura pas vécu en vain.

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