Titre complet: Le fanatisme extravagant de la faction ultra-tory de Montréal exposé au grand jour. La loi controversée d’indemnisation de 1849**
Résumé
L’omission dans Montréal capitale (2021) de la référence aux abus présumés des brigades volontaires et de l’armée en 1837 et 1838 entraîne, dans l’examen de la loi d’indemnisation de 1849 et ses suites, une déficience majeure quant aux causes de la destruction par les émeutiers du Parlement canadien. Une mise en contexte adéquate requiert un retour critique sur les futurs possibles de la décennie 1830 au Bas-Canada (Québec). Le loyalisme à tout crin dont se réclamaient les officiers des brigades volontaires a longtemps jeté dans l’ombre leur programme politique et les intérêts privés bien compris qu’ils défendaient. L’examen croisé de leurs doléances dans le Montreal Herald, la dépêche du 9 août 1838 du Haut-Commissaire Durham et le Rapport de 1839 apporte des nuances importantes quant à leur « loyalisme exclusif » et la nature même de leur engagement aux côtés de l’armée dans la répression musclée des deux soulèvements de 1837 et 1838 dans le district de Montréal. Une réflexion plus approfondie s’impose sur le rôle occulté, mais décisif de la violence dans la fondation des institutions politiques de l’État libéral canadien.
the extravagance of the leaders of this fanatical movement […]
Charles Buller, Sketch of Lord Durham’mission in Canada in 1838
Une occasion manquée
Montréal capitale (MC) est un livre d’une facture impeccable destiné à un large public1. Il résulte, au départ, de la mise en valeur archéologique des décombres de l’édifice du défunt parlement canadien (1844-1849), enfouis sous la Place d’Youville au centre-ville de Montréal. Peu après que la sanction royale ait été apposée en avril 1849 au projet d’indemnisation des « victimes » des rébellions de 1837-1838 au Bas-Canada (Québec), des émeutiers y ont, en effet, mis le feu. L’expertise du Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal (UQAM) a été sollicitée en vue de présenter, dépeindre et faire comprendre les « innombrables facettes du lieu et du contexte social, politique et culturel de l’époque » (MC12).
Quant à la gageure d’en présenter un « récit inédit » permettant de voir d’un « œil neuf » cette histoire « exceptionnelle », le pari était de taille. Loin toutefois de « prendre la mesure » de l’événement et d’« en considérer tous les angles » (MC197), la mise en contexte tout en surface et lacunaire des enjeux fondamentaux que cet événement soulevait à cette époque suggère, au contraire, qu’il n’a été tenu qu’à moitié. L’« exceptionnel » se trouve rarement là où on l’attend. On s’est contenté, en fait, de rafistoler le bon vieux script sur l’accession au « gouvernement responsable » d’une classe politique sous l’Union encore largement à couteaux tirés (à Montréal autant qu’à Londres) en y indexant le mouvement patriote et réformiste des années 1830.
Séquence événementielle, causalité et problématique
Rappelons d’abord les faits : gonflé à bloc par la presse « tory » aux abois, des milliers de manifestants se sont rués sur le parlement, le soir du 25 avril 1849, quelques heures à peine après que le gouverneur Elgin ait sanctionné la loi d’indemnisation du cabinet LaFontaine-Baldwin visant à dédommager les « victimes » des rébellions au Bas-Canada survenues douze ans auparavant dans le district de Montréal2. L’incendie « criminel3 » non seulement rase cet édifice imposant (à la fois marché public comportant des salles de réunion et un parlement), mais inaugure une période de chaos et de désordre aux limites de la sédition qui culminera avec le manifeste annexionniste de septembre 1849 sous la houlette de deux meneurs de la communauté américaine-britannique de Montréal, John Molson jr. et Robert Mackay. Après de tortueuses procédures préliminaires, un seul prévenu sera finalement inculpé en octobre 1850 sous un chef d’accusation mineur – « vandalisme, plutôt qu’émeute criminelle ou même trahison, contournant ainsi en grande partie le problème des réticences des jurys à prononcer une condamnation entraînant une peine de mort4 ». Mais, dans son verdict, le jury acquittera le prévenu, si bien que, pour Fyson, « du point de vue de la poursuite, le procès en entier fut un échec » (2002, 183).
Quant aux causes – proches et lointaines – de cet épisode, l’explication qu’on en donne (MC204-209) ne va guère au-delà des symptômes. L’émoi autour de l’adoption de la loi d’indemnisation n’aurait été, en effet, qu’un « prétexte » pour canaliser le mécontentement des « Tories » suite à l’abolition des tarifs préférentiels au nom du credo libéral triomphant à Londres ; et encore, ce mécontentement a-t-il été exacerbé par le mode de prélèvement prévu : une taxe de bienvenue sur les permis d’exploitation des tavernes… au Haut-Canada ! Y a-t-il là, vraiment, matière à perpétrer, d’avril à septembre 1849, sous l’œil somnolent d’un Commissariat de police inerte, une succession ininterrompue d’actes criminels, de rassemblements séditieux, d’assauts armés et de vandalisme cautionnée par une partie de la bourgeoisie anglophone ? On aurait pu au moins en douter.
Les motifs ayant poussé des émeutiers gonflés à bloc à la destruction par les flammes du parlement canadien en 1849 sont plus complexes qu’on se l’imagine. Il faut creuser un peu plus. Une poignée d’éléments déclencheurs ne forment pas une causalité effective. Un retour sur les brigades volontaires de 1837-1838 et l’agenda politique des principaux officiers au sein de l’association constitutionnelle de Montréal expurgée est indispensable. Seul l’examen de la référence aux brigades volontaires et à l’armée britannique de 1837 et 1838 permet, à vrai dire, de comprendre pourquoi, en ouvrant ce panier de crabes, le « Losses Rebellion Act » de 1849 a réactivé de virulents affects en sommeil. L’examen du loyalisme et des objectifs politiques fondamentaux des Volontaires au sein du « British party » dans les articles et les éditoriaux du Montreal Herald des années 1835-1838 est, à cet égard, indispensable, puisque ce journal radical tory était leur organe exclusif de diffusion et, en particulier, celui du Doric Club5.
Dans ce qui suit, je vais donc procéder au croisement de quelques coupures du Herald avec les propos que Durham lui-même a tenus dans la « dépêche » du 9 août 18386, un passage du Rapport et un extrait de l’« Esquisse » de Charles Buller qui l’accompagne.
Ce que visait la loi d’indemnisation (Burrows, 1971)
Si quelques articles dans Montreal capitale évoquent en passant le concept d’Empire by Consent de Peter Burrows7, aucun, par contre, ne souligne comme l’a fait Burrows le but visé par la loi de 1849 (les italiques sont les miennes) :
[…] la question fut effectivement réglée en 1849 avec la confirmation par le gouvernement britannique du Rebellion Losses Act. Ce dernier proposait d’indemniser les résidents du Bas-Canada au moment des rébellions qui avaient subi des dommages matériels ou d’autres pertes à cause des activités des Volontaires loyalistes ou des troupes britanniques. Malgré les protestations et les manifestations des colons anglais au Canada qui s’opposaient au dédommagement de ceux qui avaient ouvertement ou tacitement soutenu la rébellion, les autorités impériales ont sanctionné l’acte comme une affaire purement locale et comme une mesure d’un ministère possédant l’appui d’une majorité à l’assemblée. La presse en Angleterre était fortement divisée sur la question […]8. (1971, 67-68).
On le voit bien : sous couvert du retour à l’ordre par leurs bons soins (doublé du sauvetage de l’empire menacé de démembrement par la faction patriote et réformiste antibritannique), il apparaissait, à douze ans de distance, que les milices volontaires et les régiments de l’armée s’étaient sans doute laissé entraîner à des abus et à des représailles sur lesquels il était temps maintenant d’ouvrir tout grand les yeux. Telle est la brèche cependant – à 172 ans de distance – que le comité scientifique de Montreal capitale n’a pas jugé à propos d’ouvrir. Par une sorte de tropisme invincible, on se rabat plutôt sur l’idée que, dans la mise à jour des rapports métropole/colonies de peuplement blanc, « un tel consentement [à l’autonomie locale et l’unité de l’empire], douze ans à peine après les rébellions, ne va pas de soi pour tous » (MC197).
Pour bien expliquer et comprendre le sursaut d’affects de 1849, il aurait fallu se demander si les objectifs indéniables à long terme à travers le « Losses Rebellion Act » (consolidation du « gouvernement responsable » et « consentement » au régime de l’Union au sein de l’empire) n’étaient pas déjà au cœur des dissensions ayant conduit aux rébellions. Le seul indice dont on dispose dans Montréal capitale est plutôt mince. S’il est question de l’embrasement des campagnes en 1837 « sous le feu des discours patriotes » (MC84), on ne tient aucun compte, en contrepartie, de l’impact que le discours de leurs adversaires a pu avoir sur le cours des événements et ce que Clausewitz appelle « la montée aux extrêmes ». Même sommaire, une mise en contexte sur le loyalisme tory qu’on accole d’emblée à ce discours aurait été bienvenue.
Il faut donc pousser l’enquête, notamment à propos du recyclage de membres avérés du Doric Club dans le Queen’s Light Dragoons, ainsi que l’affiliation des officiers des brigades au sein de l’Association constitutionnelle de Montréal (1835-1838). Ce dernier aspect est important, car il permet d’identifier l’objectif politique ultime que ces forces de l’ordre loyalistes (soutenus par l’état-major) ont cherché à promouvoir à travers la répression militaire et les abus présumés qu’elle a entraînés.
Tory et ultra-tory
L’usage généralisé et non critique du terme « Tory » dans Montréal capitale appelle un remarque liminaire. Le sens qu’on lui attribue se rapproche passablement de la définition qu’en donne Donald Fyson, une autorité en la matière. Dans une note ajoutée à l’édition française de son bouquin, Fyson en circonscrit l’aire sémantique pour la période allant jusqu’à 1837 :
J’utilise « tory » pour désigner de manière générale les individus au Bas-Canada dont l’identité politique est fondée sur l’appui à l’administration coloniale et, encore plus, sur le maintien d’un lien impérial fort et l’opposition à la fois au Parti canadien/Parti patriote et au républicanisme9.
Cet usage hyper-conventionnel ne tient plus la route aujourd’hui. Pour deux raisons : d’une part, le caractère conditionnel de leur appui à l’administration comme l’a établi Jarret Henderson10 et, de l’autre, le crypto-républicanisme de ces « Torys » qui s’autorise d’une filiation avec les insurgés américains-britanniques de 177611. Pour ce qui est du premier point, dès l’assemblée de fondation de l’Association constitutionnelle de Montréal en janvier 1835, la note caractéristique est celle d’un soutien conditionnel au gouvernement impérial. Une résolution adoptée fait état, en effet, du « système vacillant et défectueux de la politique coloniale » au Bas-Canada, de la « confiance ébranlée des sujets de Sa Majesté d’origine britannique et irlandaise » et se termine par l’appréhension de maux qui ne pourront mener, à terme, qu’« aux résultats les plus malheureux, à moins que nos rapports avec le gouvernement impérial soient désormais conduits suivant les principes d’un caractère ferme, cohérent et inébranlable » (HA, 29 janvier 1835)12.
Le sort des prisonniers politiques : une pomme de discorde entre Durham et les volontaires
La référence par ailleurs à une « adresse de soutien » le 13 juin 1838 des « hommes d’affaires et torys montréalais » (MC69) à l’endroit de Durham aurait mérité une mise en contexte plus élaborée. Car sous l’échange de politesses convenues – « we will heartily co-operate in the arduous, but not impracticable task, of establishing peace and harmony in this Province, by means of a consistent and impartial Administration of the Government » (HA, 16 juin 1838) – couvait un brasier d’attentes pressantes : outre la lenteur dans l’exécution du mandat d’arrêt pour trahison contre LaFontaine et les mises en accusation contre les meurtriers présumés du Lieutenant George Weir et du « délateur » Chartrand, les craintes d’une amnistie générale à l’endroit des prisonniers politiques – le jour même du premier anniversaire du couronnement de la reine Victoria –, laissaient planer de sombres présages. Se basant sur un passage de la Proclamation de Durham à son arrivée, le Herald s’attendait au châtiment exemplaire des « rebelles » sans trop de formalités. C’est précisément ce point sensible qui rebondit à retardement, douze ans plus tard, quand il est question de dédommager « ceux qui avaient ouvertement ou tacitement soutenu la rébellion ». Des « traîtres », affirment le Montreal Herald au nom des Volontaires en juin 1838 (les italiques sont les miennes) :
If any thing could possibly disgust an injured loyal people, and tend to the commission of acts, at the bare idea of which the mind recoils with pain, it will be this general amnesty to traitors (KMH, s.d.)13. […] We believe there is but one opinion among the volunteers, and that is of regret that they should have come forward in the manner they did, and have exerted themselves as they have done, and after all see their bitter and unrelenting enemies who were sworn to exterminate them, go unpunished. Verily, treason is a profitable trade […]14.
Épineux problème. La difficulté résidait, au départ, dans les profondes réticences des autorités coloniales à déférer le cas des prisonniers politiques au jugement expéditif et forcément partial d’une Cour martiale (comme ce sera le cas en 1839)15 ; puis dans le fait, selon le journal, « that no jury could be found to convict them, constituted as juries at present are » (HA, 30 juin 1838). Or, tout traitement de faveur de la part de Durham envers ces « prisonniers de guerre » (J. S. Mill) serait inévitablement interprété comme un acte « suicidaire » qui s’avérera fatal à la conduite de sa « mission » :
Les habitants britanniques s’attendent, et ont le droit de s’attendre, à ce que la loi soit appliquée contre ceux qui envisageaient de voler leurs biens et de les tuer – ils se sont battus et ont tout sacrifié pour le maintien de la connexion et de la suprématie britannique, et maintenant ils sont insultés en voyant blanchis de toute accusation des hommes qui se vantaient de tuer tous les loyalistes et qui considéraient leurs femmes, leurs sœurs et leurs filles comme faisant partie du butin qu’ils entendaient se partager. La conduite pusillanime de l’exécutif au cours de l’hiver dernier a dégoûté le public, et il ne manque plus grand-chose maintenant pour transformer ce dégoût en un sentiment très différent. Les constitutionnalistes [je souligne] ont été stigmatisés au Parlement impérial par les épithètes les plus infamantes de la part même des ministres de Sa Majesté, ils ont été insultés par notre regretté gouverneur imbécile [Gosford], et maintenant leurs efforts acharnés au cours de l’hiver dernier doivent être récompensés par l’acquittement aveugle des ennemis de leur pays (HA, 30 juin 1838).
Une conclusion s’impose : on ne devrait pas prendre pour argent comptant le soutien des « constitutionnalistes » à Durham. L’amnistie générale du 28 juin 1838 en signe, au contraire, sa fin abrupte. D’où le torpillage de sa mission dès ce moment-là. Les « constitutionnalistes » ont été les premiers d’ailleurs à souligner l’illégalité de la mise au ban par décret de huit leaders patriotes aux Bermudes. Le désaveu ultérieur en septembre à la Chambre des Lords n’est qu’un écran de fumée qui en dissimule la cause véritable : la résistance acharnée du parti britannique de Montréal et des volontaires à la politique impériale de conciliation.
En août, le fossé ira s’accentuant entre Durham et les six lieutenants-colonels à la tête des brigades volontaires : J. S. McCord, Norman Bethune, John Molson, John H. Maitland, Henry Dyer et Benjamin Holmes. Le refus du proconsul britannique de rémunérer les Volontaires mobilisés en novembre et décembre 1837 semble même ajouter l’injure à l’insulte, bien qu’il occasionne dans le Montreal Herald une autre de ces envolées patriotiques dont le public anglais était friand :
Les lieutenants-colonels commandant les différents régiments de Volontaires de cette ville ont adressé à Son Excellence une pétition en vue de rémunérer les hommes sous leur commandement pendant la dernière rébellion, mais parce qu’ils sont loyalistes, leur demande semble être ignorée par l’exécutif. Ils ne se sont pas battus pour l’argent – ils ne se sont pas battus pour leur glorification personnelle, mais se sont ralliés avec audace et chevalerie autour de l’étendard de la Croix-Rouge de leur patrie pour préserver inviolée l’intégrité de l’Empire britannique et pour écraser les mécréants insolents qui ont osé défier son pouvoir. Ils sont fiers de la terre dont ils sont issus et du sang saxon qui coule dans leurs veines, et ils ne se déshonoreront pas non plus en se soumettant à la tyrannie canadienne-française, même si ces derniers bénéficient de la faveur d’un exécutif vice-royal britannique. Ils sentent maintenant la pleine mesure de leur dégradation, le fer est entré dans leur âme, et ils sont convaincus qu’un changement important doit s’opérer dans leur position face aux Canadiens, soit par la vigueur et l’impartialité du gouvernement britannique, soit par leurs propres efforts. Ils connaissent maintenant leur force, et ils savent aussi comment l’utiliser. Chaque heure qui passe les voit se désespérer en voyant marcher dans nos rues des hommes qui méritaient amplement la potence, et ils blâment à juste titre Lord Durham pour l’amertume des sentiments qui prévaut maintenant, plus qu’à aucune autre période antérieure, entre les deux races (KMH, s.d.).
Durham (9 août 1838) : British party, Doric Club et loyalisme conditionnel
Longtemps objet de caviardage non officiel, il est question au départ, pour Durham, dans cette dépêche « secrète & confidentielle », « of explaining the present disposition of the British party16 ». Nulle part il n’y est question des « volontaires » en tant que tels. Mais en jaugeant les mots sous les mots, Durham toutefois s’y réfère toujours implicitement quand il parle des « leaders and their followers » ou du « parti britannique » de Montréal. Ce sont des termes équivalents. Quant au Doric Club, qu’il ne désigne jamais non plus par ce vocable, il confie à Glenelg, le secrétaire d’État aux Colonies et à la Guerre : « si le Gouvernement impérial les laissait tomber (j’emploie leurs propres mots), ils sauraient bien trouver les moyens de se protéger eux-mêmes » (Doughty, 1924, 324)17. Or, en rapportant leurs propres mots, Durham se réfère très précisément à la douzième résolution d’une assemblée publique du Doric Club tenue en mars 1836 (j’ai mis en caractères gras la référence) :
[…] car si abandonnés par le gouvernement britannique et le peuple britannique, plutôt que de nous soumettre à la dégradation de sujets d’une république canadienne-française, nous sommes déterminés, par nos propres armes, à œuvrer à notre délivrance de ce joug insupportable ; et pour le soutien de cette déclaration, avec une confiance inébranlable dans la protection de la Divine Providence, nous devons mutuellement engager nos vies, nos fortunes et notre honneur sacré (HA, 24 mars 1836)18.
Qui plus est, Durham, dans cette version intégrale non censurée, anticipe, douze ans à l’avance, le mouvement annexionniste proaméricain lancé dans la foulée de l’incendie criminel d’avril 1849 :
On m’a assuré, écrit-il, que les chefs et leurs partisans, du premier jusqu’au dernier, ont l’habitude de déclarer que plutôt que d’être encore soumis aux Français (voulant dire par là que plutôt que de voir une autre majorité canadienne à l’Assemblée), ils préféreraient de beaucoup une union avec les États-Unis ; et que si le Gouvernement impérial les laissait tomber (j’emploie leurs propres mots), ils sauraient bien trouver les moyens de se protéger eux-mêmes (Doughty, 1924, 324).
Est passée ainsi sous le radar académique une connexion intéressante entre les velléités annexionnistes de John Molson jr. et Robert Mackay en 1849 et celles de la police clandestine, mais tolérée du Doric Club des années 1836-1837. On voit bien que le « loyalisme » indéfectible à la Couronne imputé aux « membres du Doric Club » lors de l’émeute chorégraphiée du 6 novembre 1837 (MC84) suscite, pour le moins, un doute raisonnable. Sur les traces de Jarret Henderson, on devrait plutôt parler de « loyalisme conditionnel ». Loin d’être une apostasie, des recherches trans-nationales hors des sentiers battus amèneraient à se demander si ce type de discours ne prendrait pas sa source dans celui des patriotes américains des années 1760 et 1770. Eliga Gould a suivi ce filon :
Au Canada et aux Antilles, en particulier, les colons britanniques sont restés bien conscients – parfois vivement – du sort de la liberté aux États-Unis, et ils ont continué à insister sur bon nombre des droits que leurs anciens concitoyens avaient revendiqués avant 1776 […] Comme l’a mis en garde la Montreal Gazette pendant la crise provinciale qui a finalement produit le rapport Durham (1841), « Les Américains avant leur révolution […] s’adressèrent patiemment et calmement au Parlement impérial, et quand celui-ci fit la sourde oreille à leurs plaintes, ils firent appel aux armes19 ».
Propos convergent dans la correspondance privée du commissaire Grey (8 février 1836) : « la véritable menace politique, au Bas-Canada, était “the republican spirit and the tendency to a connexion with the United States of the colonizing, mercantile & monied classes” » (Curtis, 2004, 51)20.
En ce qui a trait à l’programme politique du Doric Club, Durham ne mentionne pas la résolution 9 de l’assemblée publique de mars 1836 sur la « nécessité absolue de l’union des provinces du Haut et du Bas-Canada » (HA, 24 mars 1836) afin de pallier le défaut rédhibitoire de représentation des citoyens d’origine britannique. Il encapsule néanmoins dans une formule lapidaire la condition sine qua non de tout réaménagement à venir : « the abstraction of all legislation on British interests from the control of a French majority ». Durham reste confiant de parvenir à satisfaire cette exigence « without violence to Canadian rights, and in strict accordance with the soundest principles of constitutional government » (Doughty, 1924, 325).
La difficulté ici consiste à bien se figurer le subterfuge permettant au discours radical du British party d’être à cheval sur deux propositions contradictoires : veine républicaine étatsunienne d’un côté, loyalisme à tout crin de l’autre. Pour ce qui est de ce dernier, un des domaines prometteurs de recherche pourrait porter sur l’imaginaire impérial et le réseau social ultra-tory de Montréal. Fin décembre 1838, par exemple, lors du premier souper du mess régimentaire de la Montreal Light Infantry et du Queen’s Light Dragoons, la salle de l’hôtel Orr est ainsi :
[…] appropriately decorated with transparencies21 of Her Majesty, the Duke of Wellington, Britannia, an Irish harp with a rose, thistle and shamrock joined, the steamer Caroline in flames descending the falls of Niagara, and a globe with the motto “The British empire on which the sun never sets.” (HA, 1er janvier 1839).
S’y trouvaient, entre autres, « dans leur nouvel uniforme, vestes écarlates à parements de velours noir […], le lieutenant-colonel Harcourt des Grenadiers Guards, le lieutenant-colonel Hughes du 24e Régiment, les lieutenants-colonels [N.] Bethune, [J.] Molson, [H.] Dyer, et [J. S.] McCord des Volontaires » (HA, 1er janvier 1839). Deux semaines plus tard, c’est au tour du lieutenant-colonel Molson de recevoir dans sa maison de Belmont (Westmount) les officiers sous ses ordres et d’autres officiers des bataillons volontaires (HA, 19 janvier 1839).
Le Rapport (février 1839) : loyaux services et prise d’armes dans la balance
L’extrait que je vais maintenant citer est intéressant22. Il est sans contredit de la main de Durham. Il se réfère explicitement en effet à sa dépêche du 9 août 1838. L’entrée en matière est révélatrice. Il est question des sentiments d’hostilité réciproque ayant prévalu en 1838 de part et d’autre dans la « population ». Pas plus que les francophones en général, les anglophones ne sont nullement enclins, note-t-il, à un éventuel règlement pacifique des différends avec la « race hostile » adverse basé sur le moindre partage de pouvoir.
Durham, d’autre part, ne s’explique pas par quel retournement « les Anglais » ont été jetés dans les rangs du gouvernement et se sont revêtus de l’autorité de la loi, eux qui se trouvaient depuis longtemps à couteaux tirés avec l’exécutif. Le constat s’impose toutefois : seul leur enrôlement a permis de maintenir la suprématie de la loi et la connexion avec la Grande Bretagne. Mais, ajoute-t-il du même souffle, les autorités impériales courraient à la catastrophe en s’imaginant prendre appui sur les sentiments qui prévalent actuellement parmi eux au cas où celles-ci décidaient de desserrer l’étau sur la colonie rebelle en vue de rétablir un régime constitutionnel. Toute mesure pondérée et impartiale en vue de calibrer les positions antagonistes des deux partis en lice leur apparaîtrait injurieuse et inique.
Ces « Anglais », à son avis, considèrent qu’ils ont droit aux faveurs exclusives du gouvernement, étant donné que c’est par leur entremise seulement que la Grande-Bretagne a pu et pourra y maintenir son emprise. Dans la lutte d’ascendance en cours entre les deux races ennemies, ils font entendre leurs plaintes avec force et amertume. En encourageant les « prétentions malicieuses de la nationalité française », Londres, selon eux, a fait preuve d’ignorance et de mépris total quant à l’enjeu réel du conflit. Inversement, croit-il, les incohérences et hésitations du Colonial Office ont eu pour effet de décourager les sentiments de loyauté en fomentant sous-main la rébellion23. Chaque mesure de clémence envers leurs adversaires [l’amnistie générale du 28 juin 1837], est perçue comme une blessure d’amour-propre et continue d’alimenter leur rancœur. Se considérant comme une minorité, ces Anglais appréhendent le retour au cours normal d’un gouvernement constitutionnel où ils se retrouveraient aux prises encore avec une indélogeable majorité française. Jamais, précise-t-il, ils ne s’y soumettront de manière pacifique. Ils disent ouvertement qu’ils ne toléreront plus d’être le jouet d’un marché de dupes entre les partis en Grande-Bretagne. Si la « mère-patrie » oublie la dette d’honneur qu’elle leur doit, ils trouveront bien le moyen d’assurer leur autodéfense – « they must protect themselves24 ». En conclusion, Durham cite en renfort un extrait d’un éditorial paru dans le Montreal Herald d’un de leurs plus brillants avocats, « Scotus » : « le Bas-Canada doit être anglais, au prix, s’il le faut, de ne plus être britannique25 ».
Conclusion. Loyauté, intérêts privés, menaces et ligne de conduite impériale
Dans cet extrait de Durham, la mise en sourdine de la violence armée et des intérêts économiques cède le pas, curieusement, à la langue des émotions et des sentiments. Discrètement inscrite, la charge comminatoire d’un tel langage codé est cependant indubitable. En juillet 1838, au retour de Durham du Haut-Canada (Ontario), elle allait déclencher une autre controverse à Montréal dans la pétition réclamant, par décret du Conseil spécial, la commutation du régime foncier seigneurial. Le Haut-Commissaire britannique ne se gênera pas alors d’épingler l’espèce de chantage contenu dans le libellé. Dans l’« Esquisse de la mission de lord Durham au Canada », Charles Buller s’en fait l’écho (Doughty, 1924, 341-369). Le ton des porte-parole du « parti britannique » à l’endroit de Durham est sans équivoque :
When Lord Durham visited Montreal on his return from Upper Canada a petition got up by these persons [“the more stirring and unreasonable of the British party”] was presented to him, remonstrating very warmly against the arrangement, and not very covertly insinuating, after a fashion too common in the private conversation of those who in both Canadas affected the greatest loyalty, that the continuance of that loyalty would in a great measure depend on a compliance with their demands (356).
Venant tout juste de rejoindre le personnel de son Excellence le comte de Durham, l’ex-éditorialiste Adam Thom plaidera en faveur des pétitionnaires. Huit ou neuf mois plus tôt, dit-il :
[…] la plupart d’entre eux avaient donné des « preuves manifestes de loyauté », non pas en signant des adresses, mais en épaulant le mousquet, non pas en se prosternant dans les salles vice-royales, mais en bravant de nuit et de jour les horreurs d’un hiver presque polaire, – à leurs frais principalement et à leur propre charge. Leur loyauté, sans doute, avait été cruellement travestie chez eux [Grande-Bretagne] par ceux qui auraient dû savoir mieux et agir autrement, alors qu’il ne s’est agi, pour eux, que d’amour fervent du souverain et de l’empire (HA, 7/8/1838).
La seconde rébellion de novembre 1838 devait apporter de l’eau au moulin à la cause « loyaliste » des Volontaires, occasionnant encore dans son sillage toutes sortes d’abus et de débordements sur lesquels le « Losses Rebellion Act » devait faire la lumière. Le retour virulent d’affects d’avril à septembre 1849 des fanatiques ultra-torys du British party exposera au grand jour leur désarroi. À douze ans d’intervalle, les doutes persistants sur leur tonitruante profession de foi loyaliste et le dévouement suspect des officiers volontaires envers la Couronne entacheront un moment la haute idée qu’ils se faisaient d’eux-mêmes avant que les cendres de l’oubli n’en effacent les traces compromettantes26.
On peut se demander par ailleurs si – contrairement à l’ordre hiérarchique habituel allant du haut vers le bas –, avec ses menaces à peines voilées de guerre civile et de séparation, le groupe sélect des officiers des brigades volontaires affilié au parti britannique n’est pas parvenu finalement – par l’entremise du comité exécutif de l’association constitutionnelle de Montréal et du Conseil spécial (1838-1841) qui votera l’Union –, à dicter au fond la ligne de conduite aux autorités impériales27. L’hypothèse rejoint les conclusions auxquelles John Darwin est parvenu28. Darwin en effet, un des spécialistes de l’impérialisme britannique à l’ère victorienne, se demande si la trajectoire plutôt erratique au XIXe siècle de l’expansion britannique aux quatre coins du globe « découle principalement de la logique des décideurs politiques ou était-elle vraiment le résultat d’un système politique décentralisé et pluraliste qui ne pouvait qu’occasionnellement imposer une discipline et une direction à son activité extérieure » (1997, 614). Les « tensions perpétuelles entre le “siège” de l’empire et les branches locales » (628-9) mettent bien en relief le rôle déterminant, à son avis, des agents locaux en périphérie. Darwin en déduit que « les intérêts privés britanniques devaient forcer le rythme vers le changement économique là où ils le pouvaient, là où ils osaient et commandaient le soutien du centre impérial » (619). D’où le concept de « tête de pont » (« bridgehead ») pour rendre compte de la « forme déroutante » de l’empire. Puis il conclut :
Le rôle du gouvernement était parfois de faciliter, de réguler cette dynamique expansive multiple. Le gouvernement avait ses propres objectifs : contenir ses engagements financiers et militaires ; éviter l’embarras diplomatique ou pire […]. Mais il pouvait rarement se permettre de faire obstacle à de puissants groupes expansionnistes ou de s’identifier trop étroitement ou trop longtemps à l’un d’entre eux. Étant donné que ces groupes d’intérêt se sont collectivement élargis et se sont fait entendre à la fin du XIXe siècle, il n’était pas surprenant que les gouvernements dans toutes les sphères politiques aient accédé promptement à leurs souhaits (641).
1 Louise Pothier et al. (dir.). Montréal capitale. L’exceptionnelle histoire du site archéologique du marché Saint-Anne et du parlement de la province du Canada, Ponte-à-Callière et Éditions de L’HOMME, Montréal, 2021.
2 Étant donné qu’aucun article de Montréal capitale ne reproduit des extraits des éditoriaux sulfureux de la Montreal Gazette ou du Herald, je me permets de renvoyer à Deschamps (2013) : « L’incendie du parlement et le manifeste annexionniste : la face cachée du torysme montréalais (١٨٣٢-١٨٤٩) », Bulletin d’histoire politique, 22, 1, 28-57.
3 Selon l’Oxford English Dictionary [OED], l’anglais arson a conservé le sens originel de l’anglo-normand et du vieux français arsun et cite en renfort W. Blackstone Comm. Laws Eng. IV. 220 [1769]: “the malicious and wilful burning of the house or outhouses of another man”.
4 Donald Fyson (2009, 182-183). “The Trials and Tribulations of Riot Prosecutions: Collective Violence, State Authority, and Criminal Justice in Quebec, 1841-92”, in Barry Wright and Susan Binnie (eds.), Canadian State Trials, vol. III, Toronto, Osgoode Society, 161-203.
5 Voir F. Deschamps, La « rébellion de 1837 » à travers le prisme du Montreal Herald. La refondation par les armes des institutions politiques canadiennes, Québec, PUL, 2015.
6 L’idée d’un « rapport préliminaire » accolée à la « dépêche secrète et confidentielle » du 9 août 1838 est une appellation contrôlée tendancieuse. Voir à ce sujet, Jarret Henderson (2010, 167), « “I Am Pleased with the Lambton Loot” : Arthur George Doughty and the Making of the Durham Papers », Archivaria, 70, 153-176. La dimension stéganographique du Rapport que Durham dépose en février 1839 échappe à la plupart des interprétations. Un des aspects méconnus de la « mission » impossible où Downing Street a engagé le plénipotentiaire britannique consistait, en effet, à « couvrir » de l’onction impériale les charges à fond de train xénophobes à l’endroit des Canadiens que Durham, dans la posture du « spectateur impartial », ne partageait pas.
7 Colonial Reformers and Canada, 1830-1849. Selections from Documents and Publications of the Times, Toronto, McClelland and Stewart, coll. « Carleton Library » n° ٤٢. On retrouve, tel quel, ce concept dans British Attitudes (1971) que j’ai consulté.
8 L’affaire ressortit donc à ce que Fyson, à propos du « Riot Act » (1715), nomme des « procès d’État d’une espèce différente », c’est-à-dire des « (occasional trials of officials and troops involved in violently suppressing riots » (٢٠٠٢, ١٧٥).
9 Magistrats, police et société : la justice criminelle ordinaire au Québec et au Bas-Canada, 1764-1837, Montréal, Hurtubise, 2010, 37.
10 Henderson, Jarret (2010). “Uncivil Subjects: Metropolitan Meddling, Conditional Loyalty, and Lord Durham’s 1838 Administration of Lower Canada”, York University, Toronto, Ontario.
11 J’ai souligné dans mon analyse des Anti-Gallic Letters d’Adam Thom cette dimension méconnue du discours radical tory. Voir infra n. 20, 21 et 24. Nancy Christie distingue à juste titre dans le républicanisme la « forme spécifique de gouvernement » de ce qu’elle appelle « an older form of oppositional political discourse » présent dans les journaux anglophones des années 1780 et 1790, notamment le Quebec Mercury et le Quebec Herald. Voir The Formal and Informal Politics of British Rule in Post-Conquest Quebec, 1760-1837: A Northern Bastille, Oxford University Press, 2020, 114.
12 Herald Abstract (ci-après MH) du 8 janvier 1835 (MIC, BAnQ, 1er janvier 1835 – 22 décembre 1840). J’ai consulté par ailleurs des copies originales d’articles et d’éditoriaux du Montreal Herald and Daily Commercial Gazette contenues dans les spicilèges de Charles Kadwell (ci-après KMH) et de Robert Mackay (ci-après MMH) à la Rare Books and Special Collection Division de l’Université McGill). Je reproduis tel quel l’original, mais à l’occasion des traductions sont proposées.
13 Difficile de ne pas voir dans ce sous-entendu menaçant une sorte de préfiguration de l’incendie criminel du 25 avril 1849.
14 John Stuart Mill avait écrit des Canadiens ayant pris les armes contre « an oppressive “foreign yoke” » : « They are styled rebels and traitors. The words are totally inapplicable to them. » (1838, Complete Works, 6:414).
15 Voir sur ce point, Jean-Marie Fecteau « ’This Ultimate Resource’: Martial Law and State Repression in Lower Canada, 1837-1838 », in Greenwood, F., Murray and Wright, Barry (ed.), Rebellion and Invasion in the Canadas, 1837-1839. Canadian States Trials, vol. II, 2002, 207-247.
16 Arthur G. Doughty, Report of the Public Archives for the year 1923, Ottawa, F. A. Acland, 1924, 316-325. La désignation « British party » qui devait s’imposer est le fruit de la polémique au sein de l’association constitutionnelle de Montréal en 1836 avec le Courier de Christopher Dunkin, le concurrent libéral du Herald : « We have positive evidence that the Constitutional cause has suffered, both here and at Home, from the false impression that has been propagated, that such illiberal and ultra-Tory principles as those which load the columns of the Herald are in unison with the sentiments of the British party in this Province » (HA, 26/9/1836).
17 Les italiques sont les miennes. « […] they shall find a way to take care of them ».
18 Selon Q. Skinner ce type d’engagement solennel consistant à mettre en jeu « nos vies », « notre fortune » ou « nos libertés » se trouve déjà dans la théorie « néo-Romaine » de la liberté en vogue chez les publicistes anglais à partir de la « Petition of Rights » de ١٦٢٨, « moment charnière du grand récit Whig » (Quentin Skinner, From Humanism to Hobbes. Studies in Rhetoric and Politics, Cambridge [UK], Cambridge University Press, 2018, 139). Voir aussi J. G. A. Pocock, The Machiavellian Moment (with a new afterword by the author) : Florentine Political Thought and the Atlantic Republican Tradition, Princeton, Oxford: Princeton University Press, (2003) [1975], 359.
19 E. Gould, 2009, 129, « Liberty and Modernity. The American Revolution and the Making of Parliament’s Imperial History”, in Jack P. Greene (ed.), Exclusionary Empire: English Liberty Overseas, 1600-1900, New York, Cambridge University Press, 2009, 112-131.
20 Brian Curtis, 2004, « Le redécoupage du Bas-Canada dans les années 1830 », Revue d’histoire de l’Amérique française, 58, 1, 27-66. Tout ceci se trouve déjà écrit en toutes lettres dans les Lettres anti-françaises d’Adam Thom (alias Camillus) publiées à l’automne 1835 dans le Herald. Voir l’édition Philpot-Deschamps (Baraka Books, 2016) de Thom, The Prophetic Anti-Gallic Letters, XXIV, ainsi que Les ennemis français de la race anglaise (Septentrion, 2019) où Adam Thom promet aux ministres du cabinet Melbourne qu’à Montréal la « voix transatlantique de tonnerre » saura se faire entendre à « la plus infidèle des mémoires » (2016, 103 ; 2019, 94).
21 Oxford English Dictionary : « A picture, print, inscription, or device on some translucent substance, made visible by means of a light behind ».
22 C. P. Lucas (ed.), 1912. Lord Durham’s Report on the Affairs if British North America (Three Volumes), Oxford, Clarendon Press, vol. 2, 59-61.
23 « They complain loudly and bitterly of the whole course pursued by the Imperial Government, with respect to the quarrel of the two races, as having being founded on an utter ignorance or disregard of the real question at issue, as having fostered the mischievous pretensions of French nationality, and as having by the vacillation and inconsistency which marked it, discouraged loyalty and fomented rebellion » (je souligne). La « rébellion » dont il est question ici n’est pas celle des patriotes : « Une insurrection anglaise, voilà ce qu’un Cabinet conciliant devrait redouter – insurrection dirigée contre non pas un roi britannique, mais un vice-roi français » (Camillus, Lettre anti-française XI).
24 Durham reprend une formule de la dépêche du 9 août : « […] they shall find a way to take care of them ». Concernant le lien entre l’« autodéfense » et « the anglo-american right to arms », voir Patrick J. Charles (2010). « The Right of Self-Preservation and Resistance: A True Legal and Historical Understanding of the Anglo-American Right to Arms », Cardozo Law Review De Novo, 18, 18-60.
25 Nul doute : il s’agit d’Adam Thom sous un autre pseudonyme signant une série d’articles adressés « To His Excellency, sir John Colborne » (HA, 27/1/1838). « Scotus » revient en fait sur la prophétie lancée dans une des Lettres anti-françaises (XLIII) où il anticipe, à la barbe des autorités impériales, le succès inévitable que couronnera la rébellion des « loyalistes » soutenue par l’état-major. L’enjeu ultime pour les loyalistes concerne la possession de l’île de Montréal et le contrôle de tout le réseau hydrographique qui l’encercle.
26 Le cas du Queen’s Light Dragoons (1837-1852) est particulièrement intéressant à cet égard. Créé sur simple paraphe par le commandant militaire Colborne en novembre 1837, la négligence dont ce corps de gendarmerie s’est rendu coupable en n’assurant pas adéquatement la protection du convoi du gouverneur Elgin le jour même de l’incendie entraînera sa disgrâce discrète.
27 Sur le Conseil spécial, voir l’étude approfondie de Steven Watt, 2002, « State Trial by Legislator: The Special Council of Lower Canada, 1838-41 », in F. Murray Greenwood and Barry Wright (eds.), Canadian State Trials volume II, Rebellion and Invasion in the Canadas, 1837-1839, Toronto, London, Buffalo, University of Toronto Press, 248-278 ; de même que Robert C. H. Sweeny, 2015, Why did we choose to industrialize Montreal, 1819-1849, Montreal & Kingston ; London; Ithaca, McGill-Queen’s University Press, 210-211.
28 John Darwin, 1997, “Imperialism and the Victorians: The Dynamics of Territorial Expansion”, The English Historical Review, 112, 447, 614-642. Je remercie Andrew Barros du département d’histoire à l’UQAM de m’avoir aiguillonné vers cet auteur.
* Historien.
** Je remercie Robert Comeau et Robert C. H. Sweeny. Leurs commentaires et suggestions m’ont permis de resserrer les mailles de cet article.