II- Politique étrangère
Penser la politique étrangère d’un Québec indépendant
Enfin ! C’est sans doute le terme qu’utilisera le premier ou la première ministre des Affaires étrangères d’un État québécois nouvellement indépendant au moment de présenter la politique étrangère du nouveau pays du Québec. Enfin… car jusqu’à ce jour, le Québec n’a pas pu adopter de véritable politique étrangère en raison de son statut au sein de la fédération canadienne et de l’autonomie internationale limitée qu’il a acquise de chaude lutte envers et contre le gouvernement du Canada et avec la complicité privilégiée de la France. Comme se sont plus à le rappeler plusieurs chercheurs, cette autonomie internationale s’est avérée – et s’avère encore aujourd’hui – précaire et son étendue dépend de la volonté de tolérer l’autonomie existante ou celle d’en permettre l’accroissement ou d’en réduire la portée1.
Depuis l’énoncé de la doctrine Gérin-Lajoie le 12 avril 1965, le Québec a déployé d’importants moyens pour prolonger, comme le veut la doctrine, ses compétences internes sur le plan international. Ce prolongement est à l’origine de la conclusion d’ententes internationales du Québec, de l’assentiment aux accords internationaux du Canada portant sur des matières qui ressortissent des compétences du Québec ainsi que de l’approbation des engagements internationaux importants par l’Assemblée nationale. Elle s’est traduite également par la création d’un réseau de représentations à l’étranger prenant la forme de délégations générales, de délégations, de bureaux et d’antennes2. Elle s’est poursuivie avec la création d’un ministère, des affaires internationales d’abord et des relations internationales ensuite3 et la création d’un Institut diplomatique du Québec4.
Il aura toutefois fallu plus de 20 ans après l’énoncé de la doctrine Gérin-Lajoie pour que le gouvernement du Québec se dote de politiques destinées à mettre en œuvre la doctrine et d’affirmer son autonomie internationale5. Présenté en 1985, le premier énoncé de politique des relations internationales portait le titre Le Québec dans le monde ou le défi de l’interdépendance6. Six ans plus tard en 1991, le gouvernement du Québec dévoilait des éléments d’une politique des « affaires internationales » sur le thème Le Québec et l’interdépendance, le monde pour horizon7. Deux nouvelles politiques internationales verront le jour en 2006 et en 2017 et seront présentées respectivement sous les titres La force de l’action concertée8 et Le Québec dans le monde – S’investir, agir et prospérer9. Même si elle n’est pas présentée en 2019 comme une politique internationale, la Vision internationale du Québec10 en épouse en partie la forme et demeure le plus récent exercice de définition de l’action internationale du Québec. Un processus de mise à jour de la politique internationale est par ailleurs en cours d’élaboration et « devrait voir le jour en 2025, 60e anniversaire de la doctrine Gérin-Lajoie11 ».
Il y a lieu de remarquer qu’aucune des politiques sur lesquelles le Québec a fondé son action internationale n’a été qualifiée de « politique étrangère ». Cela ne surprend guère si, comme le suggère Jean-François Payette, une politique étrangère doit être définie comme comprenant trois éléments : l’impératif de l’État, le principe d’intérêt national et l’importance de la souveraineté12. Le troisième fait évidemment défaut et c’est sans doute la raison qui explique qu’aucun gouvernement du Québec ayant adopté des politiques en la matière, issu du Parti québécois, du Parti libéral du Québec ou de la Coalition avenir Québec, n’a formulé à ce jour une « politique étrangère ».
L’accession du Québec à la souveraineté et l’indépendance lèvera un telle réserve – voire un tel interdit – et permettra au nouveau pays du Québec de se doter d’une politique étrangère. Pour donner suite à la demande de Denis Monière, l’initiateur du projet « Penser le Québec indépendant », j’ai été invité à penser la politique étrangère d’un Québec indépendant. L’exercice est d’autant plus justifié que trop peu de travaux ont été consacrés à la politique étrangère d’un Québec souverain. Dans le processus de détermination de l’avenir politique et constitutionnel qui s’est déroulé au début des années 1990, aucune étude d’importance n’a été consacrée à l’élaboration d’une telle politique13. Le Parti québecois s’est quant à lui intéressé à divers moments de son existence à ce que pourrait être la « politique étrangère » d’un Québec souverain14. Rares sont enfin les chercheurs qui se sont investis dans la définition d’une telle politique, à l’exception notable d’une étude de Jean-François Payette et Stéphane Roussel publiée en 201315.
Il s’agit d’un exercice aussi stimulant qu’exigeant qui m’amène à vouloir présenter, en abrégé, ce qui pourrait contenir une telle politique à la lumière de la définition que l’État du Québec donne lui-même d’une politique. Ainsi on peut lire que les « politiques et les stratégies traitent de sujets précis pour lesquels le gouvernement pose des actions ou invite des partenaires à agir » et « présentent de grands thèmes (orientations et axes) considérés de façon globale dans l’objectif d’améliorer ou de préciser l’intervention gouvernementale16 ». L’examen de la structure des politiques internationales adoptées à ce jour par le gouvernement du Québec sera également une source d’inspiration pour l’esquisse d’une première politique étrangère du Québec indépendant. Dans un exercice qui prendra parfois une allure prospective, je me propose dès lors de présenter les orientations et stratégies d’une telle politique (1), pour ensuite en décrire les instruments et partenaires (2).
1. Les orientations et stratégies d’une politique étrangère québécoise
En matière d’affaires étrangères, comme dans les autres domaines d’action de l’État, il importe d’aligner une politique sur les valeurs fondamentales sur lesquelles s’appuie l’État pour assurer sa bonne gouvernance. L’énoncé des valeurs retenues à cette fin par l’État sont généralement énoncées dans sa constitution et confère à l’État une identité constitutionnelle. Fonder la politique étrangère sur les mêmes valeurs est appelé à forger une identité internationale alignée sur l’identité constitutionnelle et à assurer la cohérence entre la politique intérieure et la politique étrangère d’un État québécois indépendant.
Prenant pour appui l’énoncé des valeurs fondamentales présenté dans un projet de Constitution de la République québécoise17, sept orientations générales sont présentées ci-après (1,1) et, aux fins de permettre au Québec de se déployer dans la communauté internationale dans son ensemble, visent à s’inscrire dans autant de stratégies territoriales (1,2).
1.1 Les orientations générales
1.1.1 Contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales
En sa nouvelle qualité d’État indépendant et du fait de son admission à l’Organisation des Nations Unies (ONU), le Québec s’identifie comme un État pacifique et accepte d’agir conformément aux buts et principes de la Charte des Nations Unies. Parmi ces buts, on retrouve celles du maintien de la paix et de la sécurité internationales. S’agissant des principes, on retrouve celui de régler ses différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger, de s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies et de donner à l’ONU pleine assistance dans toute action entreprise par elle conformément aux dispositions de la présente Charte et s’abstiennent de prêter assistance à un État contre lequel l’Organisation entreprend une action préventive ou coercitive.
Dans l’ensemble des forums internationaux auxquels il aura dorénavant accès en sa qualité d’État indépendant, le Québec se voudra un promoteur exemplaire de la paix et de la sécurité internationales. Et passant de la parole aux actes, il tiendra à participer aux opérations de maintien, de consolidation et d’imposition de la paix initiées par l’ONU, mais également par d’autres institutions internationales comme l’Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD). La nouvelle politique de défense d’un nouvel État québécois indépendant devra également tenir dûment compte de la présente orientation générale et prévoir que les nouvelles Forces de défense québécoises (FDQ) puissent compter sur des effectifs permettant de contribuer aux missions de paix.
1.1.2 Agir comme un État de droit au sein d’une communauté internationale
S’il s’identifie comme un État de droit dans sa Constitution, le Québec doit également agir comme un État de droit au sein de la Communauté internationale. La Charte des Nations Unies prescrit d’ailleurs un tel devoir en affirmant que le Membres de l’Organisation, afin d’assurer à tous la jouissance des droits et avantages résultant de leur qualité de Membre, doivent remplir de bonne foi les obligations qu’ils ont assumées aux termes de la présente Charte. La Convention de Vienne sur le droit des traités, à laquelle le Québec succédera, prévoit également que le Québec indépendant devra exécuter de bonne foi, en application du principe pacta sunt servanda, tout traité en vigueur le liant à d’autres États. Au moment de son accession à l’indépendance, le Québec sera d’ailleurs lié automatiquement à un nombre significatif de traités en raison des règles de la succession d’États et il sera appelé à devenir partie à de multiples autres traités auxquels il tiendra à succéder. Les règles coutumières et les principes généraux de droit lui seront également opposables en tant que nouvel État. Pour se comporter en État de droit au sein de la Communauté internationale, il devra aussi accepter de les appliquer.
Voulant assurer une réelle exemplarité en la matière, le Québec s’engage d’ailleurs à déposer auprès de la Cour internationale de Justice (CIJ) une déclaration d’acceptation de la compétence obligatoire de l’organe judiciaire principal de l’ONU qu’est la CIJ. Il collaborera également avec les autres importantes juridictions internationales, notamment la Cour pénale internationale, le Tribunal du droit de la mer et la Cour permanente d’arbitrage. Il s’intéressera aux travaux de la Commission du droit international ainsi qu’aux instance de l’ONU et de ses institutions spécialisées responsable de la codification et du développement du droit international. Il tiendra également à assurer la présence de juristes du Québec au sein de ces juridictions et instances et présentera des candidatures lorsque des élections seront tenues.
1.1.3 Garantir les droits fondamentaux individuels et collectifs
Le nouvel État québécois indépendant se voudra également le garant des droits fondamentaux, tant individuels que collectifs, au sein de la Communauté internationale. Respecter les droits garantis par la Déclaration universelle des droits de l’homme et enchâssés dans les multiples traités multilatéraux conclus sous l’égide des Nation Unies et de ses institutions spécialisées, et notamment l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), se voudra un marqueur pour le Québec au sein de la communauté internationale. De plus, le Québec cherchera à accroître la protection des droits fondamentaux pour les personnes qui ressortissent de sa compétence en devenant partie à la Convention américaine des droits de l’homme et à plusieurs autres traités relatifs aux droits fondamentaux conclus sous l’égide de l’Organisation des États américains (O.É.A), tout en reconnaissant la compétence obligatoire de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme. Le Québec cherchera aussi à respecter et faire respecter le droit international humanitaire, comme le prescrivent les Conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels. S’il est attaché aux droits individuels, le Québec s’intéressera aussi à l’application et à la garantie dans l’ordre juridique international du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ainsi que des droits des peuples autochtones et des droits des personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses, linguistiques et nationales.
1.1.4 Favoriser le développement durable et humain
Comme il s’y est engagé à le faire en adoptant la Loi sur le développement durable, le Québec favorisera un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs, s’appuyant sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, économique, sociale et culturelle des activités de développement. Dans les diverses enceintes internationales au sein desquelles il aura dorénavant un droit de parole, il rappellera l’importance d’appliquer les sept principes et les 17 objectifs du développement durable et de mettre en valeur du potentiel économique avec le souci d’assurer un développement harmonieux et respectueux des populations, favorisant l’acceptabilité sociale des projets, tout en déployant les efforts nécessaires pour préserver la biodiversité et réduire l’impact des changements climatiques.
Le Québec entend aussi plaider sur toutes les tribunes internationales en faveur d’un développement qui ne soit pas que durable, mais qui soit également humain. Comme le prévoit le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), le Québec est appelé à faire la promotion de l’élargissement de la gamme des choix offerts à la population, qui permettent de rendre le développement plus démocratique et plus participatif, [de tels choix devant] comprendre des possibilités d’accéder aux revenus et à l’emploi, à l’éducation et aux soins de santé et à un environnement propre ne présentant pas de danger et d’avoir la possibilité de participer pleinement aux décisions de la communauté et de jouir des libertés humaines, économiques et politiques. Dans ses relations avec les autres États de la communauté internationale et l’approfondissement de celles-ci, il tiendra dûment compte de leurs performances au titre l’indice de développement humain.
1.1.5 Mettre en valeur la langue française, la diversité culturelle et la Francophonie
L’accession à l’indépendance fera du Québec un acteur francophone majeur au sein de la communauté internationale et de ses institutions. Il voudra assumer la responsabilité mettre en valeur le français, qui est sa langue officielle, au sein des organisations et juridictions où elle détient également un tel statut. Il le fera dans un souci d’ouverture aux autres langues officielles et avec une volonté de promouvoir également le multilinguisme à l’échelle internationale. Comme il l’a fait avant son accession à l’indépendance, le Québec s’attachera à promouvoir et à protéger la diversité culturelle et de contribuer à la mise en œuvre de la Convention sur la promotion et la protection de la diversité des expressions culturelles adoptée par l’UNESCO en 2005. En cette ère du numérique, il s’intéressera en particulier à la découvrabilité des contenus culturels et à l’impact de l’intelligence artificielle sur de tels contenus.
Il voudra exercer un leadership sur cette question, mais aussi sur des nombreux autres enjeux, au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie. Son élévation au rang de membre à part entière de l’OIF lui donnera une voix plus forte encore parmi les 88 États et gouvernements qui composent l’OIF et qui comptent en leur sein plus de 300 millions de locuteurs et locutrices ayant le français en partage. Il cherchera à assumer des responsabilités accrues dans le cadre de la coopération politique, éducative, économique et culturelle. Ainsi qu’au au sein du dispositif institutionnel de l’OIF et des ses quatre opérateurs que sont Agence universitaire de la Francophonie, TV5MONDE, l’Association internationale des maires francophones et l’Université Senghor à Alexandrie.
1.1.6 Promouvoir la solidarité internationale
Comme État nouvellement indépendant, le Québec poursuivra sa tradition en matière de solidarité internationale, caractérisée par un esprit de partenariat avec les organismes de coopération nationale et internationale dont il reconnaît la contribution à l’exercice de la citoyenneté, au développement économique, social et culturel et à la construction de rapports plus justes et solidaires entre les peuples. Dès la première année d’existence comme pays souverain et comme il en a été convenu dès 1970, le Québec compte allouer 0,7 % de son produit national brut (PNB) à l’aide publique au développement et y consacrer dès lors un peu plus de 400 M$. Il rejoindrait un groupe trop restreint d’États qui, comme l’Allemagne, le Danemark, le Luxembourg, la Norvège et la Suède, ont atteint cet objectif en 2023. L’action internationale du Québec devrait contribuer concrètement aux efforts de développement des collectivités des pays de l’Afrique, de l’Amérique latine et des Antilles, le Québec s’engageant à prioriser l’aide à l’Afrique francophone et à Haïti.
1.1.7 Assurer le progrès économique de Québécois et Québécoises
Dans un monde interdépendant, le progrès économique dépend des relations économiques, commerciales et financières que le Québec entretient avec les différents acteurs de la communauté internationale. Pour assurer un tel progrès et assurer une croissance de l’économie québécoise dans le respect des objectifs et principes du développement durable, il importera aux entreprises québécoises d’accéder aux marchés internationaux, d’y affronter efficacement la concurrence et d’obtenir le soutien technique et financier requis. Des mesures visant à propulser l’innovation québécoise sur les marchés internationaux s’imposeront, tout comme il sera important de recruter de la main-d’œuvre et du talent à l’échelle internationale.
Le gouvernement s’assurera de la défense des intérêts du Québec dans les différentes négociations commerciales internationales menées en particulier sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), au sein de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) ainsi que dans celles visant la conclusion d’accords de libre-échange, tant bilatéraux que plurilatéraux. Dans le cadre de ces négociations, il rappellera en particulier que les produits culturels ne sont pas des biens et services comme les autres et continuera d’exiger l’inclusion de clauses d’exception ou d’exemption culturelle dans ces accords. Face aux distorsions du commerce international résultant de mesures adoptées par certains États, le Québec n’hésitera pas à soutenir ces entreprises et de les accompagner pour qu’ils puissent contribuer à l’essor et au progrès économique du Québec.
1.2 Les stratégies territoriales18
Une politique étrangère doit s’incarner dans la réalité géopolitique d’une communauté internationale dont les principaux sujets sont des États souverains et indépendants répartis sur la planète et qui ont des assises territoriales distinctes. Il est dès lors utile d’accompagner les orientations générales de stratégies territoriales distinctes pour certains pays qui sont appelés à demeurer les principaux partenaires du nouvel État québécois indépendant et pour des continents et régions dans lesquels le Québec devra mettre en œuvre sa nouvelle politique étrangère.
1.2.1 Stratégie territoriale pour le Canada
Visant à assurer la continuité et à développer une nouvelle relation d’égal et à égal avec le Canada, la nouvelle stratégie territoriale pour le Canada prendra racine dans le nouvel Accord de partenariat Canada-Québec (APCQ) qui est appelé à régir, à titre principal, les relations économiques et commerciales avec le Canada. Il importera de préserver la stabilité entre les deux pays et d’assurer la libre circulation des personnes, capitaux, biens et services, comme il a été convenu de le faire et comme cela devrait se refléter dans l’APCQ. Le pôle Québec-Ontario occupera une place privilégiée dans cette stratégie en raison du fait que les échanges commerciaux de biens et de services entre le Québec et l’Ontario se chiffrent maintenant à plus de 100 G$. Il sera aussi essentiel d’assurer de veiller à la continuité des échanges avec les provinces maritimes du Canada ainsi qu’avec ses provinces de l’Ouest qui demeureront des marchés extérieurs non négligeables pour le Québec. Parmi les autres piliers de cette stratégie, il faudra compter sur la promotion de la langue française et la culture québécoise auprès des communautés francophones et acadienne du Canada, mais également le soutien à ces dernières de façon à ce qu’elles puissent s’épanouir au sein du Canada avec l’aide du nouvel État indépendant québécois.
1.2.2 Stratégie territoriale pour les États-Unis d’Amérique et le Mexique
À l’égard du plus puissant acteur international sur la planète que sont les États-Unis d’Amérique et avec qui le Québec partage une frontière commune, le nouveau ministère des Affaires étrangères ainsi que les ambassades et consulats du Québec en sol américain poursuivront leurs activités diplomatiques en renforçant l’action du Québec dans le Nord-Est, le Mid-Atlantique et le Midwest et en intensifiant leur présence sur les territoires à fort potentiel, le Sud et l’Ouest des États-Unis d’Amérique. Le Québec est appelé à devenir partie à l’Accord Canada-États-Unis–Mexique (ACEUM) qui est un accord ambitieux et de haut niveau favorisant l’intégration des petites et moyennes entreprises (PME) canadiennes aux chaînes d’approvisionnement régionales et mondiales, tout en faisant progresser les droits de nos travailleuses et travailleurs.
En matière de diplomatie d’influence, l’accession à l’indépendance du Québec donnera une nouvelle impulsion à la promotion des secteurs d’excellence du Québec. Des efforts seront également déployés pour mieux défendre les intérêts du Québec sur les grands enjeux commerciaux et contrer les mesures protectionnistes.
S’agissant du Mexique, il importe de rappeler qu’il est aussi partie à l’ACÉUM et que ses relations commerciales avec le Québec seront aussi gouvernées par cet accord. Une programmation biennale d’activités de coopération autorisera à nouveau le soutien à des projets conjoints, mis sur pied par des partenaires québécois et mexicains.
1.2.3 Stratégie territoriale pour l’Amérique latine et les Antilles
À l’instar des nombreuses actions entreprises par le gouvernement du Québec avant son accession à l’indépendance, la stratégie territoriale pour l’Amérique latine et les Antilles vise à intensifier les actions de diversification des marchés du Québec afin de réduire sa dépendance envers ses principaux partenaires commerciaux et d’assurer son progrès économique.
Les équipes du ministère des Affaires étrangères et du réseau des représentations du Québec en Amérique latine et aux Antilles seront bien outillées pour aider les entreprises du Québec à renforcer leur intelligence d’affaires, à développer leurs réseaux de contacts auprès des grands donneurs d’ordres et à saisir les meilleures occasions en lien avec les accords commerciaux en vigueur.
1.2.4 Stratégie territoriale pour l’Europe
La stratégie territoriale pour l’Europe vise à positionner le Québec dans les chaînes de valeurs européennes, à multiplier les partenariats en recherche et propulser l’innovation québécoise en Europe, à présenter le Québec comme un partenaire de choix en matière d’environnement et de développement économique durable, à favoriser la mobilité internationale entre le Québec et l’Europe et à promouvoir la langue française et la culture québécoise sur les marchés européens.
Le nouvel État indépendant québécois devra délimiter une frontière maritime commune avec la France. Le Québec coopérera avec la France et l’Union européenne en matière d’exploitation et de préservation des zones maritimes communes et achèvera les délimitations du sol et du sous-sol encore en suspens entre la France et le Canada, traçant un modèle de résolution que pourront suivre ensuite France et Canada pour leur délimitation du sol et du sous-sol.
Le Québec voudra participer par ailleurs aux travaux de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies, aux côtés des États-Unis d’Amérique, du Canada, d’Israël et des 53 autres États européens, et adhérera aux conventions négociées sous son égide, renforçant notamment sa capacité souveraine de préservation des eaux québécoises à travers la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux et son Protocole sur l’eau et la santé, et ses capacités environnementales plus larges au sein du Comité des politiques environnementales.
1.2.5 Stratégie territoriale pour l’Asie et l’Océanie
L’Asie et l’Océanie se présentent désormais comme le nouveau centre géopolitique et économique de la planète. Premier marché de consommation au monde, ces deux continents sont devenus depuis 2020 le deuxième marché d’exportation international du Québec et constituent le marché qui a connu la plus forte croissance au cours des 10 dernières années.
La stratégie territoriale pour l’Asie et l’Océanie vise à soutenir les entreprises québécoises exportatrices et à stimuler l’attraction d’investissements directs étrangers de cette région du monde, qui est au cœur de l’ambition du Québec d’accroître et de diversifier ses liens commerciaux à l’échelle internationale. Il s’agira également de poursuivre et d’intensifier la tradition diplomatique québécoise d’échanges culturels et scientifiques ainsi que la promotion de la Francophonie avec les pays de la région qui sont membres de l’OIF.
Trois grands piliers géographiques sont visés par cette stratégie territoriale, soit les les marchés d’ancrage que sont la Chine, le Japon et la Corée du Sud, les marchés en émergence, soit l’Inde, Singapour et les États membres de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), dont le Vietnam; ainsi que les marchés à explorer en Océanie, soit l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
1.2.6 Stratégie territoriale pour l’Afrique et le Moyen-Orient
Destinée à renforcer et à renouveler l’action du Québec en Afrique, la stratégie territoriale pour l’Afrique s’adressera aux pays du continent qui ont connu une croissance soutenue au cours des dernières années et constituent des marchés très prometteurs pour le Québec, qui cherche à augmenter et à diversifier ses exportations.
L’Afrique est également un continent où la Francophonie est bien présente. Les estimations laissent entrevoir que 85 % des francophones du monde seront Africains en 2050. Selon l’Observatoire de la Francophonie économique, le partage d’une langue commune est susceptible d’augmenter le commerce bilatéral de 44 %. La stratégie territoriale pour l’Afrique repose sur cinq piliers, soit l’économie, l’éducation et l’enseignement supérieur, la culture, la solidarité internationale et le renforcement des capacités institutionnelles. Visant non seulement à soutenir les entreprises québécoises exportatrices, mais aussi à favoriser l’émergence de partenariats institutionnels, elle constitue une véritable passerelle multisectorielle entre le Québec et l’Afrique au bénéfice mutuel des populations québécoises et africaines.
S’agissant du Moyen-Orient, il continue d’être un espace politique et économique névralgique pour la communauté internationale. Les États du Moyen-Orient constituent pour le Québec un marché en pleine expansion pour les technologies de l’information et des sciences de la vie, mais également dans les secteurs de la coopération éducative et culturelle. Le gouvernement demeurera par ailleurs attentif à l’évolution politique de la région et aux conflits, en étant guidé par la volonté de respecter lui-même ses obligations en matière de droit international humanitaire et l’obligation qu’il a également de faire respecter le droit international humanitaire par les parties au conflits.
1.2.7 Stratégie territoriale pour l’Arctique
L’accession du Québec à l’indépendance fera de celui-ci un acteur géopolitique important en Arctique. Le territoire du Nunavik, dont la superficie est de plus de 500 000 km2 et dont la population est de 14 000 habitants dont 90 % s’identifiant comme Inuits, deviendra en outre la porte d’entrée du nouvel État québécois indépendant au sein du Conseil de l’Arctique. Celui-ci comprend huit États de la région circumpolaire, six participants permanents représentant les peuples autochtones ainsi que 36 observateurs issus de gouvernements et d’organisations internationales. La stratégie territoriale s’intéressera aux questions environnementales, et particulièrement à l’enjeu des changements climatiques, aux aspects économiques, sociaux et culturels de la vie dans l’Arctique québécois ainsi qu’aux enjeux de défense et de sécurité. La stratégie sera élaborée en étroite collaboration avec le Conseil circumpolaire inuit (CCI) auquel les Inuits habitant le Québec ont maintenant une représentation distincte.
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Pour mettre en oeuvre les orientations générales et les stratégies territoriales de la nouvelle politique étrangère du Québec, le nouvel État indépendant du Québec doit se donner les instruments et compter sur des partenaires qu’il appartient maintenant de décrire et présenter.
2. Les instruments et les partenaires d’une politique étrangère québécoise
L’un des plus importants changements qui résultera de l’accession du Québec à l’indépendance sera l’accroissement majeur des ressources humaines et financières qui seront nécessaires pour mettre en œuvre la première véritable « politique étrangère » du Québec. Bien qu’il a occupé un espace sur le plan international avant son accession à l’indépendance et qu’il a créé un dispositif institutionnel comprenant un ministère des Relations internationales et de la Francophonie, un réseau de représentations à l’étranger et des partenariats d’importance pour mettre en œuvre ses politiques internationales, il y a lieu de parfaire les instruments gouvernementaux (2.1) et d’identifier les partenaires nationaux (2.2).
2.1 Les instruments gouvernementaux
2.1.1 Le premier ministère des Affaires étrangères du Québec
Pour mettre en œuvre la présente – et première politique étrangère – du Québec indépendant, le nouveau ministre des Affaires étrangères succédera à l’actuel ministère des Relations internationales et de la Francophonie. Alors que l’effectif de ce dernier ministère était au moment de l’accession à l’indépendance d’environ 600 fonctionnaires et que ses dépenses étaient de l’ordre de 140 M $, le nouveau ministère des Affaires étrangères devra voir à l’intégration des fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada, y compris des membres québécois du corps diplomatique et consulaire canadiens et gérer des budgets additionnels d’importance pour s’acquitter des responsabilités accrues qui lui seront confiées. L’effectif anticipé du nouveau ministère sera de 1800 fonctionnaires et son personnel devrait donc tripler. L’augmentation du nombre de fonctionnaires pourra être étalée sur plusieurs années en fonction du calendrier d’ouverture des nouvelles missions diplomatiques et consulaires du Québec ainsi que de ses délégations permanentes auprès d’organisations internationales. S’agissant de son budget de dépenses, celui-ci a été évalué 1,5 G$ et serait ainsi décuplé. Comme pour son personnel, la majoration des dépenses pourrait également s’étendre sur plusieurs années.
Le ministère des Affaires étrangères devra également voir à l’accueil à Québec des missions diplomatiques et consulaires de nombreux pays qui voudront établir des représentations sur le territoire de la Capitale nationale et dans plusieurs autres villes du Québec, et en particulier dans la métropole québécoise qu’est Montréal. Il faudra revoir la législation relative aux privilèges et immunités qui devront être accordées à ces missions ainsi qu’à leur personnel.
Pour soutenir le ou la ministre des Affaires étrangères du Québec dans la mise en œuvre de la nouvelle politique étrangère, il pourrait être envisagé de nommer des ministres responsables de la Francophonie mondiale, de la Solidarité internationale et du Commerce extérieur.
2.1.2 Le nouveau réseau et corps diplomatique et consulaire québécois
L’accession du Québec à l’indépendance exigera un déploiement sans précédent de celui-ci dans la communauté internationale, Si ses 33 délégations générales, délégations, bureaux et antennes, pourront être transformés en ambassades (haut-commissariats pour le Royaume-Uni et les autres pays du Commonwealth), consulats généraux, consulats et bureaux, le Québec devra ouvrir un nombre important de représentations diplomatiques et consulaires dans les pays où il n’est pas actuellement présent. Si l’Organisation des Nations unies compte 193 États membres, auxquels doivent s’ajouter quelques autres États indépendants comme le Kosovo, la Palestine et le Vatican, le nombre de pays où le Québec est susceptible de vouloir être représentés avoisine les 200.
Du fait de son admission à plusieurs organisations internationales, le Québec devra aussi établir des missions permanentes auprès de ces organisations. De telles missions pourraient l’être à Addis-Abeba (Union africaine), Bruxelles (Union européenne), Genève (ONU), Montréal (OACI), New York (ONU), Paris (Francophonie, OCDE, UNESCO), Rome (OAA), Vienne (ONU) et Washington (Banque mondiale, FMI, OÉA).
Pour réduire les coûts de représentation à l’étranger, le Québec pourrait envisager de conclure des accords avec des pays, tels la France et d’autres pays de la Francophonie, pour avoir des missions diplomatiques et consulaires ainsi que des missions permanentes auprès d’organisations internationales… en partage.
2.1.3 L’Institut de la diplomatie du Québec
Mis sur pied en 2020, l’Institut de la diplomatie du Québec jouera un rôle déterminant dans le renforcement de l’expertise des membres du corps diplomatique et consulaire du nouvel État québécois indépendant. Sa mission d’appuyer la mise en place d’une diplomatie québécoise considérablement augmentée prendra tout son sens et l’offre de formation à la profession de diplomate aux futurs représentants du Québec à l’étranger ainsi qu’aux chefs de poste déjà en fonction devrait être fort bien accueillie. Le nouveau ministère des Affaires étrangères sollicitera à nouveau la collaboration des universités québécoises et d’experts dans plusieurs divers champs d’intervention du ministère, y compris des Québécois et des Québécoises qui ont été au service de l’Institut canadien du service extérieur.
Selon le principe du recouvrement des coûts, la mission de formation pourrait être élargie en ouvrant ses formations aux organisations non gouvernementales, au personnel de gouvernements étrangers et d’organisations internationales, aux établissements d’enseignement et aux entreprises.
2.2 Les partenaires nationaux
2.2.1 Les organismes de coopération internationale
Parmi les partenaires nationaux avec lesquels le ministère des Affaires étrangères compte collaborer pour mettre en œuvre sa nouvelle politique étrangère, on retrouve les organismes de coopération internationale (OCI), et en particulier l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) sur laquelle a reposé d’importantes interventions destinées à exprimer la solidarité du Québec avec les pays en développement. Le ministère des Affaires étrangères s’intéressera en particulier aux conclusions des États généraux québécois de la solidarité internationale convoquées par l’AQOCI qui ont débuté en 2024 et culmineront lors d’une grande rencontre les 4, 5 et 6 juin 2025.
D’autres organisations québécoises qui ont été associées aux actions internationales du Québec antérieures à son accession à l’indépendance, notamment Collaboration Santé internationale, Développement et paix, Oxfam-Québec, Humanité et inclusion et Médecins du monde sont appelées à jouer un rôle-clef dans la mise en œuvre de la politique étrangère sous l’angle de la solidarité internationale
Ces organisations pourront d’ailleurs continuer de bénéficier du programme Québec sans frontières (QSF) qui soutient l’action du Québec en matière de solidarité internationale et dont les moyens financiers seront considérablement augmentés avec l’avènement de l’indépendance. La reconduction de ce programme dans le cadre de la première politique étrangère vise à réaffirmer la volonté du gouvernement de poursuivre le soutien à la mission des OCI du Québec et la réalisation d’initiatives au bénéfice de la population du Québec et de communautés moins favorisées de l’Afrique francophone, de l’Amérique latine et des Antilles. Le programme QSF vise à consolider les ressources humaines et financières des OCI du Québec, à renforcer les capacités de communautés moins favorisées situées dans les pays ciblés par le programme, et à créer des occasions de volontariat et de partage pour les citoyennes et citoyens du Québec et des pays ciblés par le programme. Il veut également contribuer à mobiliser les Québécoises et Québécois en ce qui concerne des enjeux mondiaux et de solidarité internationale, à travers des actions d’éducation à la citoyenneté mondiale et d’initiatives s’inscrivant en faveur de la protection de l’environnement, des droits des femmes et de l’engagement jeunesse.
S’agissant de l’engagement jeunesse, les Offices jeunesse internationaux du Québec (LOJIQ) continueront de favoriser le développement professionnel et personnel des jeunes adultes du Québec de 18 à 35 ans, en leur permettant de réaliser des programmes de mobilité et d’échange aux effets durables au Québec et à l’international, notamment en Francophonie.
2.2.2 Les institutions municipales
Les municipalités locales et régionales de même que les communautés métropolitaines du Québec prennent de plus en plus conscience de l’intérêt que présentent les échanges internationaux avec les institutions municipales dans les autres États du monde. Les accords de jumelage entre villes québécoises et étrangères se sont multipliés. La présente politique étrangère vise à réitérer la volonté d’appuyer les démarches d’internationalisation des villes et de soutenir le renforcement des activités internationales du monde municipal québécois.
2.2.3 Les institutions d’enseignement et les associations scientifiques
Les institutions d’enseignement du Québec, en particulier ses collèges et universités, sont engagées dans des programmes de coopération internationale qui s’appuient pour certains d’entre eux sur des ententes conclues par le gouvernement du Québec avec plusieurs États étrangers. Le gouvernement du Québec tient à intensifier la participation des institutions d’enseignement au rayonnement international du Québec et à soutenir des projets s’inscrivant en appui à des établissements d’enseignement ou à des ministères de l’éducation de pays en développement.
Plusieurs institutions et centre de recherche liées aux institutions d’enseignement supérieur sont appelés à être mises à contribution dans la mise en œuvre de la présente politique étrangère et à collaborer en particulier avec l’Institut de la diplomatie du Québec. On pense notamment à l’École supérieure d’études internationales de l’Université Laval, à l’Institut d’études internationales de l’Université du Québec à Montréal ainsi que le Centre interuniversitaire de recherche sur les relations internationales du Canada et du Québec et de son Groupe d’études et de recherche sur l’international et le Québec dont le siège se trouve à l’École nationale d’administration publique.
Le soutien du gouvernement du Québec au Conseil franco-québécois de coopération universitaire (CFQCU) ainsi qu’à l’Organisation universitaire interaméricaine (OUI) s’avéra également une autre forme d’appui aux collèges et universités de Québec dont les professeurs et étudiants participeront aux rencontres scientifiques, conférences et missions universitaires internationales organisées par le CFQCU et le OUI.
Le ministère des Affaires étrangères du Québec veut également compter parmi ses partenaires nationaux les associations scientifiques qui s’intéressent à l’action internationale du Québec, dont l’Association internationale des études québécoises et la Société québécoise de droit international. Le gouvernement reconnaît qu’il est important que les chercheurs puissent compter sur son appui afin de pouvoir assister aux conférences et colloques se déroulant à l’étranger et qu’ils soient également soutenus dans l’organisation au Québec de congrès scientifiques internationaux d’envergure internationale.
Conclusion
En devenant un État souverain et indépendant, le Québec sera en mesure de se doter de sa première « politique étrangère ». Au sein de la fédération canadienne, se doter d’une telle politique et de faire émerger une diplomatie québécoise relève, pour reprendre une belle formule, de « l’art de l’impossible19 ».
Avec l’accession du Québec à l’indépendance, nous serons en cette matière dans « l’art du possible ». L’esquisse de la politique étrangère qui a été présentée ci-haut démontre que le potentiel d’un Québec indépendant est grand et que celui-ci est susceptible de devenir un acteur de premier plan au sein de la communauté internationale. Sur ce projet internationaliste qui est révélé par cette esquisse le chercheur Jean-François Payette affirme avec justesse :
Un dernier mot enfin sur l’importance de renouveler le projet internationaliste québécois, car le champ d’intervention des activités internationales du Québec a encore et plus que jamais à l’heure de la mondialisation, bien des défis à surmonter pour être la hauteur des espoirs que son peuple fonde en lui. L’émergence du Québec dans le monde au moment de la Révolution tranquille a contribué au bouleversement de l’ordre mondial établi. Mais, alors que cette province innovait, en 1965, avec sa thèse du prolongement externe des compétences internes, d’autres États (comme la Belgique) ont fini par clarifier la question internationale pour leurs entités fédérées, Certaines sociétés ont choisi différentes avenues… comme l’indépendance20.
L’avenue de l’indépendance est la voie à privilégier pour le Québec. C’est avec celle-ci que le Québec pourra se doter d’une politique étrangère digne de ce nom et qu’émergera une identité internationale qui fera la fierté des Québécois et Québécoises.
1 Voir en particulier l’essai Jean-François PAYETTE, Politique étrangère du Québec : entre mythe et réalité, Québec, PUL, 2020, p. 235-249.
2 Le Québec compte aujourd’hui 32 représentations à l’étranger, comprenant neuf délégations générales, neuf délégations, neuf bureaux et cinq antennes, auxquelles on peut ajouter les deux représentations en affaires multilatérales (Délégation du Québec aux affaires francophones et multilatérales et Représentation du Québec au sein de la Délégation permanente du Canada auprès de l’UNESCO : voir QUÉBEC, MRIF, Représentations du Québec à l’étranger [en ligne : https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/relations-internationales/representations-etranger].
3 Voir la Loi sur le ministère des Relations internationales, Recueil des lois et règlements du Québec (R.L.R.Q.), c. M -25.1.
4 Voir https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/linstitut-de-la-diplomatie-du-quebec-la-premiere-cohorte-complete-son-parcours-41182.
5 Pour une synthèse de l’action internationale du Québec pour la période antérieure à l’adoption de première politique internationale, voir Louise BEAUDOIN, « Le développement historique du rôle international du gouvernement du Québec », dans Paul PAINCHAUD (dir.), Le Canada et le Québec sur la scène internationale, Québec, Presses de l’Université du Québec, 1977, p. 441.
6 Le texte intégral de cet énoncé élaboré par le ministre des Relations internationales et du commerce extérieur Bernard Landry est accessible à l’adresse https://www.mrif.gouv.qc.ca/document/spdi/fonddoc/FDOC_rapp_2744_Quebec_dans_le_monde.pdf.
7 Le texte intégral de cette politique présenté par le ministre des Affaires internationales John Ciaccia est accessible à l’adresse http://www.mrif.gouv.qc.ca/document/spdi/fonddoc/FDOC_alloc_2746_monde_pour_horizon_final_resume.pdf.
8 Le texte intégral de cette politique préparée par la ministre des Relations internationales et la ministre responsable de la Francophonie Monique Gagnon-Tremblay est accessible à l’adresse https://www.mrif.gouv.qc.ca/document/spdi/fonddoc/FDOC_doc_1384_Politique%20internationale%20du%20Qu%C3%A9bec.pdf.
9 Le texte intégral de cette politique conçue par la ministre des Relations internationales et de la Francophonie Christine St-Pierre est accessible à l’adresse https://www.mrif.gouv.qc.ca/content/documents/fr/PIQ_DocumentLong_FR-NUM.pdf.
10 Le document contenant cette vision internationale est accessible à l’adresse https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/relations-internationales/publications-adm/politiques/PO-vision-internationale-Quebec-FR-MRIF.pdf
11 Voir QUÉBEC, Politique internationale du Québec [en ligne : https://www.quebec.ca/gouvernement/politiques-orientations/politique-internationale-quebec]é Au sujet de cette future politique, l’actuel gouvernement du Québec affirme qu’elle « intégrera pleinement une nouvelle réalité, soit le virage économique fait dans les relations internationales du Québec grâce à la Vision internationale du Québec, parue en 2019 ». Pour un commentaire des développements en cours, voir aussi l’éditorial de Guy TAILLEFER, « Gérin-Lajoie et le désordre du monde », Le Devoir, 24 août 2024
12 Voir Jean-François PAYETTE, supra note 1, p. 38 et ss.
13 Pour une présentation de l’inventaire des 148 études sur la souveraineté réalisée durant cete période , voir Daniel TURP, De l’impérieuse nécessité d’approfondir la recherche sur le projet d’indépendance nationale du Québec, Communication présenté le devant le Mouvement Démocratie et Citoyenneté, 22 février 2016 [en ligne : https://action-nationale.qc.ca/de-l-imperieuse-necessite-d-approfondir-la-recherche-sur-le-projet-d-independance-nationale-du-quebec]. Dans cette communication, je plaidais d’ailleurs que « les efforts de recherche devraient être axés autour l’analyse approfondie de l’exercice des compétences fédérales sur le territoire et à l’égard des citoyens du Québec aux fins de formuler de propositions sur le futur exercice de ces compétences par un Québec indépendant, en particulier dans le domaine […] des affaires étrangères. »
14 Il est toutefois intéressant de noter que dans son premier programme adopté par les membre en 1969, le Parti québécois avait formulé une orientation générale pour une future « politique étrangère » en ces termes : « La politique étrangère sera conçue dans une double perspective : – les intérêts du peuple québécois : paix et sécurité ; nécessité de l’interdépendance et des apports économiques et socio-culturels d’autres États ; mais aussi – Ia solidarité du peuple québécois avec les autres peu- pies en vue du développement de la société internationale. Le Québec tendra naturellement à promouvoir la liberté des peuples et le respect des caractères nationaux en même temps qu’une collaboration internationale fondée sur la justice, le progrès et la paix. Ne pouvant pas influencer seul l’orientation de la politique internationale, il jouera son rôle de deux façons : a) au sein de I’O.N.U. et d’autres associations collectives, et ; b) en tentant d’influencer ou de concilier les politiques d’États plus importants dont il aura la confiance. Ses relations internationales, remplaçant évidemment le lien avec Ie Commonwealth par des relations intimes avec les pays francophones, devront également tenir compte en priorité des liens étroits que Ie voisinage aussi bien que notre intérêt Ie plus quotidien nous dictent avec les États-Unis. De plus, le Québec établira des relations fraternelles avec les pays du Tiers-Monde; en particulier, pour des raisons évidentes, avec ceux de langue française et ceux d’Amérique latine » voir PARTI QUÉBÉCOIS, Programme 69, p. 78-79 [en ligne : https://www.poltext.org/sites/poltext.org/files/plateformesV2/Quebec/QC_PL_1969_PQ_fr.pdf]. Voir aussi PARTI QUÉBÉCOIS, Les avenues internationales d’un Québec souverain, janvier 1995. Dans ce document d’orientation signé par la présidente du Comité des relations internationales du Parti québécois Anne Legaré, on présente en outre les enjeux et orientations ainsi que les grands axes de la politique internationale d’un Québec souverain.
15 « Politique étrangère et de sécurité d’un Québec souverain », dans Gilbert PAQUETTE, André BINETTE et Ercilia PALACIO-QUINTIN (dir.), L’indépendance maintenant !, Montréal, Éditions Michel Brûlé, 2012, p. [en ligne : https://wikiquebec.org/wiki/Ouvrage:L’indépendance,_maintenant_!/Politique_étrangère_et_de_sécurité_d’un_Québec_souverain].
16 Voir QUÉBEC, Politiques et orientations [en ligne : https://www.quebec.ca/gouvernement/politiques-orientations]
17 L’article 2 de ce projet de Constitution de la République québécoise énonce sept valeurs fondamentales en ces termes : « 2. Le Québec est une société démocratique et pacifique; Le Québec est un État laïc; Le Québec est un État de droit; Le Québec est une terre où les êtres humains sont libres et égaux en dignité et en droits ; Le Québec fait de la langue française sa langue officielle ; Le Québec assure la promotion et la protection de la culture québécoise; Le Québec s’engage sur la voie du développement humain et du développement durable ». Voir Daniel TURP, « De la Constitution québécoise à la Constitution de la République québécoise », dans Gilbert PAQUETTE, André BINETTE et Ercilia PALACIO-QUINTIN (dir.), L’indépendance maintenant !, Montréal, Éditions Michel Brûlé, 2012, p. 241.
18 Sauf pour celles qui concernent le Canada et l’Arctique, la description des stratégies territoriales est largement empruntée au sommaire des stratégies internationales qui ont été formulées par l’actuel gouvernement du Québec et qui accompagnent la Vision internationale du Québec, supra note 10.
19 Voir Claude MORIN, L’Art de l’impossible : la diplomatie québécoise depuis 1960, Montréal, Les Éditions du Boréal Express, 1987.
20 Voir PAYETTE, supra note 1, p. 249.
* Professeur émérite de la Faculté de droit de l’Université de Montréal