Une étude de cas : l’église de Saint-Anicet

Mise en contexte La suppression des paroisses et la fermeture de nombreuses églises entraînent avec elles de graves conséquences sur la dimension sociale, économique et politique des communautés municipales particulièrement en milieu rural. La municipalité de Saint-Anicet s’est trouvée face à cette situation il y a quelques années. Malgré les difficultés, elle a décidé de […]

Mise en contexte

La suppression des paroisses et la fermeture de nombreuses églises entraînent avec elles de graves conséquences sur la dimension sociale, économique et politique des communautés municipales particulièrement en milieu rural.

La municipalité de Saint-Anicet s’est trouvée face à cette situation il y a quelques années. Malgré les difficultés, elle a décidé de relever le défi et de conserver non seulement le bâtiment, mais également le lieu de culte pour le bénéfice de sa population.

Saint-Anicet est une municipalité de paroisse comprise dans la MRC du Haut-Saint-Laurent, localisée dans la région administrative de la Montérégie. Elle est située au sud-ouest du fleuve Saint-Laurent, sur la rive du lac Saint-François, à 110 km de Montréal et non loin de la frontière américaine. Avec une superficie de 136,25 km2, elle a principalement une vocation agricole. Sa population permanente est d’environ 2500 habitants, mais celle-ci double en période estivale avec l’arrivée des nombreux villégiateurs installés sur les rives du lac (figure 1).

Figure-1

La rumeur annonçant la suppression de la paroisse et la fermeture de l’église commence à circuler en 2005 et dès cette époque, le maire Monsieur Alain Castagner, amorce une réflexion quant à la préservation de l’église et organisent des rencontres avec les représentants de la fabrique Saint-Anicet ainsi qu’auprès de ses citoyens.

La suppression officielle de la paroisse de Saint-Anicet survient le 3 juillet 2007 suite à un décret[1] stipulant qu’elle sera désormais incluse dans une nouvelle paroisse, dénommée la paroisse Saint-Laurent, comprenant trois paroisses défuntes de la région soit Saint-Anicet, Sainte-Barbe et Saint-Stanistlas de Kotska[2]. Cependant, l’église elle-même n’est pas mise en vente et elle continue ses activités pastorales.

La municipalité entreprend dès lors des démarches intensives auprès du diocèse de Valleyfield et de la nouvelle fabrique propriétaire de l’église. Ce processus d’acquisition prend fin le 26 mars 2010 avec la signature du contrat transférant la propriété de l’église et du presbytère en faveur de la municipalité après cinq années de négociations.

Un peu d’histoire

L’église actuelle a été construite en 1887 en remplacement d’une première église érigée en 1841 et devenue trop petite suite à l’augmentation de la population. En 1880, la paroisse de Saint-Anicet est sous la juridiction du diocèse de Montréal et c’est Mgr Édouard-Charles Fabre (1876-1896) qui autorise la construction de cette nouvelle église[3].

Les travaux débutent en mai 1887 selon les plans réalisés par la firme d’architectes Perrault et Mesnard de Montréal. Ils sont confiés aux entrepreneurs Préfontaine et Cossette pour un coût total de 36 000 $, somme que chaque paroissien devra se partager durant de nombreuses années[4]. Pendant deux années, les paroissiens participeront activement à la construction de leur nouvelle église et c’est le 9 août 1888 qu’à lieu la bénédiction solennelle[5].

Cette église surprend tout d’abord par sa monumentalité et la beauté de son site. Son architecture d’influence orientale néo-byzantine se caractérise par la présence du dôme segmentaire qui surplombe l’église. Ce dôme est soutenu par un tambour percé de nombreuses fenêtres à carreaux et reposant sur une base octogonale. Il est situé à la croisée du transept et de la nef. Il est lui-même surmonté d’un bulbe proéminent que l’on voit de loin. On remarque également la présence de quatre tours s’accrochant à la structure principale de l’édifice. Deux tours circulaires, situées à l’avant du transept de chaque côté de la nef, constituent les deux clochers de l’église et sont surmontées de campanile avec colonnade. Deux tourelles avec créneaux sont situées de chaque côté de la façade principale. Le revêtement de cette façade est composé de pierres taillées à la main. Les autres parties du bâtiment sont revêtues de pierres des champs recueillies par les cultivateurs de la paroisse. La toiture est fabriquée de tôle posée à la canadienne. Sur le toit de l’église sont posés quatre éléments symboliques : une sphère, un temple, une croix et un coq[6] (figure 2).

Figure-2

L’intérieur de l’église affiche une grande sobriété. L’absence de relief et de garniture laisse la place aux formes rondes, aux arcs et aux colonnes afin de créer une illusion d’espace et d’amplifier la hauteur des lieux. Une voûte formée d’un arc en plein centre ainsi qu’une nef en vaisseau forment le choeur de l’église. On retrouve également huit colonnes centrales surmontées de chapiteaux sculptés et situées à la croisée des transepts. Les vitraux de grandes dimensions et l’ouverture de la coupole procurent une belle luminosité propice au recueillement[7] (figure 3).

Figure-3

La présence de cette somptueuse église peut sembler démesurée comparativement à la dimension de la municipalité et au nombre peu élevé de paroissiens. Mais il faut savoir que derrière la construction de celle-ci se cache le désir d’en faire la cathédrale du nouveau diocèse de Valleyfield. En effet, au moment de la construction de l’église, la paroisse relève du diocèse de Montréal, mais ce dernier, beaucoup trop grand, est en vue d’être divisé et, en 1892, le diocèse de Valleyfield est érigé. Cependant, la prestigieuse église Saint-Anicet ne jouera pas le grand rôle dont on rêvait pour elle puisque c’est l’église Sainte-Cécile de Salaberry-de-Valleyfield qui sera élevée au rang de cathédrale[8].

Malgré cela, grâce à sa magnifique architecture et son site remarquable, elle demeure depuis toutes ces années un attrait religieux patrimonial et touristique qui ne se dément pas.

Un changement de vocation et des travaux d’envergure

Depuis plusieurs années, la municipalité désirait obtenir une salle communautaire polyvalente destinée aux citoyens et aux organismes du milieu. C’est ainsi que l’annonce de la fermeture prochaine de l’église oriente la municipalité vers la fabrique quant aux possibilités d’acquérir l’église et de la transformer en salle communautaire. Également, la municipalité désire que le terrain de l’église et la rive du lac demeurent accessibles au public et aux citoyens. De plus, puisque les distances sont grandes entre les paroisses dans cette région, elle désire que le culte soit maintenu dans l’église au bénéfice de sa population vieillissante.

Pour la fabrique, l’important est de se départir rapidement du bâtiment et des coûts d’entretien qui y sont reliés. Le maintien du culte ne constitue pas un problème, et est même souhaité par la fabrique, à la condition qu’il soit à titre gratuit.

C’est autour de ces préoccupations que les négociations s’effectuent entre les parties et qu’un contrat est signé le 25 mars 2010. Cependant, pour mener à terme ce projet d’acquisition et de conversion du bâtiment, d’importants travaux de rénovation et de mise aux normes doivent être faits. La totalité du projet se chiffre à près 1 127 000 $. Le maillage financier exige une combinaison de sources de financement provenant de divers organismes publics. Infrastructure Canada et le ministère des Affaires municipales, des régions et de l’Occupation du territoire participent à la moitié de la facture dans le cadre de l’amélioration des infrastructures municipales. La municipalité a également reçu du financement de l’Agence de l’efficacité énergétique pour la mise en place d’un système innovateur de géothermie. L’autre moitié des coûts de rénovations a été assumée par la municipalité elle-même à partir d’un fonds accumulé depuis plusieurs années en vue de faire construire ladite salle communautaire.

Les travaux débutent dès l’été 2010 et l’église convertie en salle communautaire est inaugurée le 6 novembre 2011.

Ces importants travaux consistent, outre à installer un système complexe de géothermie, à diviser l’église en deux espaces distincts sans dénaturer le caractère architectural et patrimonial de l’édifice. Les principales modifications se résument ainsi : la transformation de la nef en salle communautaire, la conservation intacte du transept et du choeur pour l’exercice du culte, la construction d’un mur avec porte rétractable et fenestration pour lier le culte et la salle communautaire en certaines occasions, un nouveau revêtement de planche dans la salle communautaire, la construction et l’aménagement d’une cuisinette, d’un vestiaire et de salles d’eau et, la mise aux normes du bâtiment. Bien qu’il y ait une subdivision visible, l’aménagement établit des liens visuels entre les espaces qui favorisent l’interrelation des espaces.

La réalisation de ce projet est sans contredit un exemple intéressant de transformation d’une église en espace multifonctionnel. Ce dernier répond aux besoins communautaires du milieu tout en distinguant et maintenant un espace pour le culte. Il est également un modèle de maintien du caractère public du lieu, d’acceptabilité sociale et d’implication de la collectivité.

Figure-4

Figure-5

Bien que cette conversion soit une réussite tout autant pour la collectivité que pour les deux parties signataires, il a exigé des années de négociations durant lesquelles la municipalité, par le biais de ces représentants et particulièrement le maire Monsieur Alain Castagner, a dû faire preuve de beaucoup de souplesse et de compréhension envers certaines exigences de la fabrique et du diocèse.

Le contrat de vente témoigne bien de ces difficultés et des concessions faites afin d’effectuer ce transfert de propriété et de maintenir le lieu de culte. Dans le cas présent, une annexe de huit pages est incluse au contrat de vente et contient l’ensemble des clauses se rapportant à l’usage partagé de l’immeuble.

Droit de propriété et droit d’usage

La gestion et l’administration de l’Église catholique au Québec sont soumises à un cadre juridique complexe qui doit être pris en considération lorsque vient le moment de transférer la propriété de l’une d’elles. Le code de droit canonique, le Code civil du Québec, le Code de procédure civil du Québec, la Loi sur les fabriques ainsi que la nouvelle Loi sur le patrimoine culturel, dans certains cas, trouvent tour à tour leur application. À cela, il faut ajouter la multitude de dispositions fiscales des différents paliers gouvernementaux qui entrent en ligne de compte.

En matière d’interprétation et d’application de dispositions légales, tout ce qui n’est pas prévu ou strictement défendu est, par conséquent, permis. Actuellement, la jurisprudence du Québec est pauvre en matière de transfert de propriété d’églises catholiques. Le contexte actuel de ventes d’églises est relativement nouveau et conséquemment, laisse une large place à l’innovation et à la créativité dans la rédaction des documents légaux.

Cependant, alors que les parties à ces ententes pourraient faire preuve d’innovation, un bref survol des contrats signés durant les dernières années démontre qu’il n’en est rien.

En effet, la majorité, sinon la totalité, des ventes d’églises catholiques en faveur d’une municipalité, dans un but communautaire et dans laquelle on maintient l’exercice du culte, contient l’octroi d’un droit d’usage[9].

Lorsqu’on connaît les implications légales d’un tel droit sur la nature même du transfert de propriété, il y a lieu de se poser certaines questions quant aux intentions réelles des propriétaires des églises au moment de la vente de celles-ci. L’utilisation exagérée du droit d’usage, selon des modalités allant souvent à l’encontre de la loi, reflète l’état d’indécision dans laquelle se trouve actuellement l’Église catholique quant à la vente des églises.

Déchirée entre l’obligation de se départir rapidement, et dans les meilleures conditions, de ce vaste ensemble immobilier et la peur de perdre leur pouvoir et leur droit de regard sur l’utilisation future des églises, les autorités ecclésiales exigent et utilisent à outrance le droit d’usage. Cette attitude est particulièrement observable dans les cas où l’église vendue conserve l’exercice du culte.

C’est précisément ce qui ressort d’une lecture approfondie du contrat de vente de l’église de Saint-Anicet. Celui-ci comprend certaines particularités qui méritent qu’on s’y attarde afin de bien comprendre le contexte actuel dans lequel s’opère les transferts de propriété des églises catholiques au Québec.

Le coeur du contrat repose sur la disposition conférant un droit d’usage au vendeur (la fabrique) et qui précise ce qui suit :

L’acquéreur, cède et confère, avec garantie de droit, au vendeur, ci-après déterminé bénéficiaire, lequel est dispensé de faire inventaire et de fournir sûreté sous forme d’assurance ou autrement, un droit réel d’usage dans l’église ci-acquis par les présentes et décrit au chapitre DÉSIGNATION.

Le droit d’usage est accordé aux fins d’exercice du culte ou toutes autres activités paroissiales sous les conditions apparaissant à l’annexe A, laquelle est jointe aux présentes après avoir été reconnue véritable et signée pour identification par les représentants en présence du notaire.

Le bénéficiaire, aura la jouissance du droit consenti par les présentes et la possession de la partie de l’immeuble en faisant l’objet à compter de ce jour, lequel droit s’éteindra au même moment que prendra fin le droit d’usage[10].

De cette clause générale découlent plusieurs autres dispositions inscrites dans l’annexe A qui encadrent l’utilisation de la totalité de l’immeuble et qui peuvent se résumer comme suit : la municipalité s’engage à ne pas se départir de l’église tant que la fabrique en conserve l’usage ; l’espace visé par le droit d’usage est non modifiable et existera tant que l’immeuble existera ; le droit d’usage cesse de plein droit si aucun rassemblement dominical (de quelque envergure que ce soit) n’a lieu durant une période de neuf mois consécutifs ; seul l’Évêque peut mettre fin au droit d’usage à sa seule discrétion ; le partage commun des espaces (culte et communautaire) ne peut se faire uniquement que si l’événement ne vient pas à l’encontre des valeurs et des règles fondamentales de l’Église catholique.

Bien que ces clauses aient été signées à la satisfaction des deux parties, elles comportent certaines imprécisions et certaines irrégularités qui pourraient faire l’objet de contestations devant un tribunal compte tenu des dispositions légales s’appliquant en la matière.

En effet, le droit d’usage est un droit réel spécifiquement prévu par la loi qui restreint le droit de propriété et qui ne peut trouver application que conformément au Code civil du Québec[11].

Ainsi, l’article 947 C.C.Q. stipule :

La propriété est le droit d’user, de jouir et de disposer librement et complètement d’un bien, sous réserve des limites et des conditions d’exercice fixées par la loi. Elle est susceptible de modalités et de démembrements.

L’article 1119 C.C.Q. précise :

L’usufruit, la servitude et l’emphytéose sont des démembrements du droit de propriété et constituent des droits réels.

Quant à lui, le droit d’usage est défini aux articles 1172 et suivant du Code civil du Québec. Plus précisément, l’article 1172 C.C.Q. :

L’usage est le droit de se servir temporairement du bien d’autrui et d’en percevoir les fruits et les revenus jusqu’à concurrence des besoins de l’usager et des personnes qui habitent avec lui ou sont à sa charge.

L’article 1176 C.C.Q. :

Les dispositions relatives à l’usufruit sont, pour le reste, applicables au droit d’usage compte tenu des adaptations nécessaires.

Ces articles stipulent que le droit d’usage est un droit réel qui, une fois accordée, constitue une restriction à la jouissance pleine et entière du droit de propriété du nouvel acheteur. Par conséquent, ce droit est soumis à des règles précises et ne s’appliquent que dans des circonstances particulières.

Tel que prévu à l’article 1176 C.C.Q., il faut se référer à l’usufruit pour les modalités concernant le droit d’usage. Ainsi, les articles suivants s’appliquent dans le cas qui nous concerne :

Art. 1123 C.C.Q. :

La durée de l’usufruit ne peut excéder 100 ans, même si l’acte qui l’accorde prévoit une durée plus longue ou constitue un usufruit successif.

L’usufruit accordé sans terme est viager ou, si l’usufruitier est une personne morale, trentenaire ».

Art. 1162 C.C.Q. :

L’usufruit s’éteint :

1- Par l’arrivée du terme ;

2- Par le décès de l’usufruitier ou la dissolution de la personne morale ;

3- Par la réunion des qualités d’usufruitier et de nu-propriétaire dans la même personne ;

4- Par la déchéance du droit, son abandon ou sa conversion en rente ;

5- Par le non-usage pendant 10 ans.

À la lecture de ces dispositions, on constate que les modalités entourant le droit d’usage de la fabrique sur l’immeuble ne respectent pas en tout point la loi. Les clauses du contrat de vente sont donc susceptibles d’être annulées par un tribunal à la demande d’une des parties signataires ou de toute autre partie intéressée au contrat. En l’occurrence, cela pourrait être un citoyen de la municipalité.

L’autre difficulté soulevée par ce contrat et, qui découle directement du droit d’usage accordé par la municipalité à la fabrique, c’est la notion de « sacré » rattaché au lieu. En effet, en aucun moment l’église n’a été désacralisée même partiellement. Ce qui signifie que malgré le transfert de propriété, l’église est toujours consacrée dans sa totalité et que, par conséquent, l’Église catholique a toujours un certain droit de regard sur cette dernière, y compris sur la partie communautaire.

Pour mieux comprendre les problèmes engendrés par cet état de fait, il faut se référer au Code de droit canonique[12] dont une section régit les biens temporels de l’Église catholique. Ainsi, on peut y lire les dispositions suivantes :

Canon 1205 (CIC) :

Les lieux sacrés sont ceux qui sont destinés au culte divin ou à la sépulture des fidèles par la dédicace ou la bénédiction que prescrivent à cet effet les livres liturgiques.

Canon 1210 (CIC) :

Ne sera admis dans un lieu sacré que ce qui sert ou favorise le culte, la piété ou la religion, et y sera défendu tout ce qui ne convient pas à la sainteté du lieu. Cependant, l’Ordinaire peut permettre occasionnellement d’autres usages qui ne soient pas contraires à la sainteté du lieu.

Canon 1213 (CIC) :

L’autorité ecclésiastique exerce librement ses pouvoirs et ses fonctions dans les lieux sacrés.

Le pouvoir de l’Église est absolu sur les lieux sacrés. Alors qu’advient-il lorsque, comme dans le présent cas, l’église n’est plus propriétaire mais détient un droit d’usage sur un immeuble encore consacré ?

Interprétés et appliqués à la lettre, les divers articles mentionnés plus haut supposent que, malgré la vente de l’église à la municipalité, l’Église catholique peut intervenir unilatéralement quant aux activités qui peuvent ou non avoir lieu dans la partie communautaire du bâtiment, salle communautaire qui dans les faits, appartient désormais aux citoyens de la municipalité, quelle que soit leur religion.

On comprend alors que cette situation peut engendrer de graves complications au moment de l’utilisation dudit espace communautaire. Des cérémonies ou des fêtes traditionnelles organisées par d’autres communautés religieuses pourraient être refusées ou encore, certaines activités sociales jugées inconvenantes pourraient faire l’objet d’objections de la part de la fabrique et du diocèse.

Une chose est claire, le droit d’usage lié à la notion de « sacré » du lieu permet à l’Église catholique de contrôler les activités et l’utilisation que la municipalité et ses citoyens entendent faire de leur nouvelle propriété.

Cette situation, qui peut en tout temps faire l’objet d’une contestation et d’une annulation de contrat, porte à réfléchir sur la manière dont les transferts de propriété des églises catholiques vers l’espace civil devraient se faire afin d’éviter un tel imbroglio.

Conclusion

Bien que révisé en 1983, le Code de droit canonique a été rédigé à une époque où l’Église catholique jouissait d’un pouvoir spirituel et temporel immense, reconnu et admis de tous. Les canons régissant son pouvoir sur les lieux sacrés supposaient également qu’elle était propriétaire absolue desdits lieux.

Aujourd’hui le contexte est différent et jamais, dans son histoire, l’Église catholique n’a été confrontée à une telle situation. Dès lors, elle n’a pas encore établi de règles claires, précises et concertées quant à la gestion de cette crise. Actuellement, chaque diocèse agit et réagit selon ses propres principes et convictions tout en essayant de trouver des solutions pour conserver un équilibre budgétaire lui permettant de traverser cette période difficile. Encore plus problématique est la position que chaque diocèse adopte pour maintenir son droit de regard sur les églises et qui en fait, reflète, d’une certaine façon, son refus de laisser aller celles-ci.

Pourtant, le mouvement de fermeture des églises est irréversible et prendra de l’ampleur dans les prochaines années. Il faut donc revoir les différentes facettes du transfert de propriété des églises en général et plus particulièrement celles dans lesquelles on désire maintenir un lieu de culte. En ce sens, il y a lieu de reconsidérer la place du droit d’usage dans ces transferts et ne plus considérer cette disposition comme une solution passe-partout puisque rien n’empêche l’Église catholique de contracter toutes autres formes d’obligations légales.

Canon 22 (CIC) :

Les lois civiles auxquelles renvoie le droit de l’Église doivent être observées en droit canonique avec les mêmes effets, dans la mesure où elles ne sont pas contraires au droit divin et sauf disposition autre du droit canonique.

Il existe plusieurs autres possibilités de transférer la propriété d’une église dans laquelle on conserve l’exercice du culte sans affecter le droit de propriété du nouvel acheteur par un démembrement. Les solutions les plus simples vont de la création d’une fiducie à la location d’un espace réservé au culte en faveur de la fabrique par un bail commercial conféré à titre gratuit.

Dans cette perspective, l’église serait désacralisée au moment de la vente et le nouvel espace réservé au culte pourrait faire l’objet d’une nouvelle consécration. Cette situation toute simple, qui n’est défendue par aucun canon ou disposition légale, aurait l’avantage d’être claire quant à la propriété et l’utilisation de l’immeuble.

Bien que le cas de l’église Saint-Anicet demeure, pour le moment, une réussite quant à la conversion de l’église et au maintien du lieu de culte, certains aspects de cette transaction suscitent de nombreux questionnements quant à la pérennité du lieu. Il y a lieu de réfléchir dès à présent sur la manière dont il faudra procéder pour que les églises soient acquises par la société civile et laïque sans avoir à concéder des prérogatives qui n’ont plus leur place dans cette nouvelle réalité.


 

[1] Code de droit canonique (CIC) 1983. Canon 515 (2) : « Il revient au seul Évêque diocésain d’ériger, de supprimer ou de modifier les paroisses ; il ne les érigera, ne les supprimera ni ne les modifiera pas de façon notable sans avoir entendu le conseil presbytéral ».

[2]Patrice Laflamme. « Les paroisses de Saint-Anicet, Sainte-Barbe et Saint Stanistlas de Kotska ne forment qu’une seule et même entité ecclésiastique », 24 octobre 2007,hebdos régionaux Montérégie, site internet consulté le 3 juin 2013.

[3] Code de droit canonique (CIC) 1983. Canon 1215 (1) : « Aucune église ne sera construite sans le consentement formel de l’Évêque diocésain donné par écrit ». (2) : /L’Évêque diocésain ne donnera pas son consentement à moins qu’après avoir entendu le conseil presbytéral et les recteurs des églises voisines, il n’estime que la nouvelle église peut être utile au bien des âmes et que les moyens nécessaires à sa construction et pour l’exercice du culte divin ne manqueront pas ».

[4]Société historique de Saint-Anicet. Église de Saint Anicet :…son histoire…ses bâtisseurs…son architecture. Saint-Anicet, Société historique de Saint-Anicet, 1988, p. 43.

[5] Code de droit canonique (CIC) 1983. Canon 1217 (1) : « Une fois la construction dûment achevée, la nouvelle église sera dédicacée, dès que possible, ou au moins bénie, en observant les lois de la sainte liturgie ».

[6] Édith Prégent et al. Saint-Anicet d’hier à aujourd’hui. Montréal, Collection Société historique de Saint-Anicet, Les Éditions Histoire Québec, 2012, p. 145.

[7]Ibid., p. 147.

[8]Ibid., p. 153.

[9]Pour des exemples de contrat de vente d’églises comportant des clauses de droit d’usage voir : Lyne Bernier. Les nouveaux régimes de propriété d’églises converties au Québec, quelques exemples. mai 2013, non publié.

[10] Contrat de vente par la Fabrique de la paroisse de Saint-Laurent à la Municipalité de la paroisse de Saint-Anicet, signé le 26 mars 2010 devant le notaire Claude Patenaude, portant le no de minutes 20 772 et inscrit au registre des droits fonciers de Huntingdon sous le numéro 17 044 278, p. 4.

[11] Code civil du Québec. L.R.Q. chap. C.C.Q. 1991.

[12] Code de droit canonique (CIC), 1983.

 

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